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La CEDEAO et les crises socio-politiques dans les pays membres: cas du Liberia et de la Côte d'Ivoire

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par Winnie TSHILOBO MATANDA
Université officielle de Bukavu - Licence en relations internationales 2011
  

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§2. DU CONFLIT IVOIRIEN

La Côte d'Ivoire est considérée comme la seconde puissance économique de la sous-région ouest-africaine. Elle a aussi connu une période des conflits plus meurtriers qui ont perturbé toute la sous-région. Ils se sont étendus sur une période assez longue avec des moments de rebondissements très remarquables dont les effets marquent encore les mémoires à ce jour. Le premier président ivoirien, Félix Houphouët Boigny, prônait une politique d'ouverture qui favorisa l'immigration. Cette dernière était plus facile pour les ressortissants de la sous-région ouest-africaine. A sa mort, le 7 décembre 1993, le pays entra dans une crise multiforme. Une lutte de succession se déclenche entre le Premier Ministre Alassane Ouattara et le président de l'Assemblée nationale M. Henri Konan Bédié. Celle-ci sera finalement remportée par le second en vertu de la disposition constitutionnelle qui prévoyait que ne peut accéder à un poste politique qu'un ivoirien d'origine.81(*)

En  décembre  1994, sous un climat déjà tendu, le Code électoral est révisé. Dans la révision, il est imposé aux candidats à la présidence de prouver leur ascendance ivoirienne, garante de leur citoyenneté. D'où, l'introduction d'un nouveau concept : « l'ivoirité » élaboré et théorisé par l'entourage de Bédié.82(*) Cette notion a été interprétée par nombre de politiques et d'analystes comme poursuivant avant tout un but politique, celui de justifier l'exclusion de certains opposants de la course électorale, La preuve de la négation de cette nationalité ivoirienne était pourtant difficile à établir parce que sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny, pour des fins électoralistes, les cartes d'identité avaient été largement distribuées à un grand nombre d'immigrants vivant sur le territoire ivoirien.83(*) Le scrutin présidentiel du 22 octobre 1995 est organisé sous de fortes tensions et soulèvements populaires. Boycotté par l'opposition, il consacra la victoire de Bédié avec 95,25 % des voix. Le chef d'Etat-major de l'armée, le général Robert Guéï, est limogé suite à son refus d'étouffer de manière énergique les manifestations de protestation qui entourent l'échéance électorale. 84(*)

Sur fond de préparation de la nouvelle échéance électorale et de tensions sociales croissantes, accentuées par la suspension de l'aide internationale en 1998 à la suite d'un scandale financier, la question de l'ivoirité s'amplifie, menant à des dérives xénophobes. Les accrochages entre les différentes communautés présentes sur le territoire national se multiplient et prennent des tournures parfois violentes.85(*) Des opposants au régime en place, le plus visé étant ici l'ancien premier ministre et concurrent à la succession de Félix Houphouët Boigny, Alassane Dramane Ouattara. Il était question d'émettre des doutes quant à sa réelle nationalité ivoirienne étant entendu qu'il avait poursuivi ses études au Burkina Faso, a été envoyé occuper de hautes fonctions sous la houlette Burkinabé.

L'histoire de la Côte-d'Ivoire bascule le 24 décembre 1999. Le pays plonge dans une spirale de violence à la suite d'une mutinerie au sein de l'armée86(*). Un coup d'Etat porte au pouvoir le général Robert Guéï et contraint le président Bédié à l'exil en France. Le général Robert Guéï reste au pouvoir jusqu'à la tenue de nouvelles élections. Malgré le coup d'Etat, la question de l'ivoirité ne faiblit pas. Elle reste utilisée dans la politique du pays pour limiter la vie sociale des Ivoiriens qualifiés « d'origine douteuse ».

Une nouvelle Constitution est adoptée par référendum le 23 juillet 2000. Elle stipule que seul les Ivoiriens nés de parents ivoiriens peuvent se présenter à une élection présidentielle. Le débat se focalise notamment sur la mention « et » de l'article 35 qui dispose : « Le candidat à l'élection présidentielle [...] doit être ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine ». Une fois de plus, Alassane Ouattara se sent visé. Il se déclare toutefois candidat à la présidentielle nonobstant la conjonction « et » ou « ou » retenue dans la nouvelle loi fondamentale.

L'élection présidentielle du 22 octobre 2000 se déroule dans des conditions particulièrement tendues.87(*) Elle est remportée par Laurent Gbagbo. Quant aux élections législatives de décembre 2000, elles sont boycottées par le RDR à la suite à l'écartement de Ouattara. Une tentative de coup d'Etat est déjouée dans la nuit du 8 au 9 janvier 2001 et l'implication de ressortissants étrangers et de certains pays voisins est dénoncée par le gouvernement. Une nouvelle vague d'affrontements éclate entre civils dont certains bénéficient de la complicité des forces de l'ordre. La campagne xénophobe menée dans le camp des différents hommes politiques à renfort médiatique et le besoin accru des populations musulmanes du nord de se sentir ivoiriennes à part entière par l'obtention de papier d'identité ont préparé le terrain à la mutinerie du 19 septembre 2002.88(*) Un véritable conflit éclate alors en Côte d'Ivoire. Le pays est coupé en deux : le nord sous le contrôle de la rébellion et le sud entre les mains du gouvernement.

Considérée comme la résultante d'une certaine injustice accumulée depuis des années, la guerre civile trouve ses racines dans le déséquilibre socio-politique et surtout économique qui a toujours caractérisé la Côte d'Ivoire. Profitant d'une visite officielle à Rome du président Laurent Gbagbo, un soulèvement d'une partie de l'armée a eu lieu dans la nuit entre le 18 et le 19 septembre 2002. Les mutins ont lancé l'offensive dans les villes de Korhogo (chef-lieu du nord du pays, à une centaine de kilomètres de la frontière ivoiro-burkinabé), de Bouaké (principal carrefour au centre du pays) et d'Abidjan (capitale économique du pays, située sur la côte).89(*) La mutinerie se solde par l'élimination, dans la nuit du 19 au 20 septembre, du général Robert Guéï et du ministre de l'intérieur, Emile Boga Doudou. Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié, Mathias Doué, chef d'Etat major des armées ivoiriennes et Moise Lida Kouassi ministre de la défense s'en sont sortis malgré la visite des tueurs.90(*) Les affrontements continuèrent essentiellement dans le nord et l'ouest du territoire menant, dans les jours suivants, à des combats d'envergure, notamment dans les régions de Bouaké et de Daloa, ville d'importance stratégique pour le contrôle de l'activité de production du cacao.91(*)

Dans les semaines qui ont suivi la tentative de coup de force du 19 septembre, plusieurs villes ont été le théâtre d'affrontements armés entre les Forces armées nationales de Côte-d'Ivoire (FANCI) et les forces rebelles du Mouvement patriotique de Côte-d'Ivoire (MPCI), appellation apparue officiellement en début du mois d'octobre. Alors que les efforts de médiation entre le gouvernement et les rebelles du MPCI avaient déjà obtenu les premiers résultats, deux nouveaux groupes armés ont fait leur apparition. Ils déclenchent des combats contre l'armée loyaliste à Man, dans l'ouest du pays, le 28 novembre. Ces deux mouvements rebelles, le Mouvement populaire ivoirien du Grand Nord (MPIGO) dirigé par le sergent N'Dri N'Guessan (alias Félix Doh) et le Mouvement pour la justice et la paix (MPJ) guidé par le commandant Gaspard Déli, étaient constitués principalement de troupes libériennes commandées par des éléments de la rébellion du MPCI (Kass, Adam's) et des militaires partisans de Gueï. Ils se sont affrontés aux FANCI à plusieurs reprises et ont pris le contrôle d'une partie du territoire occidental ivoirien, notamment les villes de Man, Grabo, Dadané et Touba92(*). Bien que les rebelles des trois mouvements aient toujours revendiqué une autonomie totale des uns par rapport aux autres, leurs délégations politiques ont systématiquement parlé d'une seule voix lors des négociations menées au cours des différentes étapes de la crise. Ayant pris l'appellation de « Forces nouvelles », elles ont consacré la scission du pays en deux zones administratives.93(*)

À partir de septembre 2002, la Côte d'Ivoire se trouve coupée en deux de part et d'autre d'un axe nord/sud. De 2002 à 2007, plusieurs accords de paix sont signés entre les belligérants, mais sans parvenir à véritablement régler le conflit ivoirien. L'accord dit « accord politique de Ouagadougou » signé en 2007 par Laurent Gbagbo et les Forces nouvelles fait renaitre l'espoir d'une sortie de crise heureuse dans le pays n'a pas empêché que le pays, marqué par des crises de légitimité, de sombré dans un autre grand conflit à savoir, celui de 2010. [

La communauté internationale, notamment la représentante de la diplomatie de l' UE et le secrétaire général de l' ONU, au vu de la certification des résultats de vote par le représentant spécial de l'ONU en Côte d'Ivoire, confirment que le vainqueur de l'élection présidentielle est Alassane Ouattara.94(*) Une telle prise de position de la communauté internationale incite le Premier ministre et ancien chef des Forces nouvelles, Guillaume à soutenir la victoire de Ouattara. Il démissionne ainsi de son poste et est reconduit à ces fonctions par le président considéré élu démocratiquement, peu de temps après sa prestation de serment. Le 4 décembre, Gbagbo est tout de même[... ]investi par la Cour constitutionnelle malgré les contestations du camp Ouatara. Le pays a désormais deux présidents et deux gouvernements. Dans l'entre-temps, l'on annonce des tirs et des violences en différentes parties du pays. Les élections de novembre 2010, au lieu de prouver la pacification du pays, ont ravivé les divisions intercommunautaires entre le nord et le sud de l'époque transitionnelle.95(*)

Au chapitre des conséquences, l'embrasement de la Côte d'Ivoire a constitué une véritable catastrophe non seulement pour le pays tout entier, mais aussi et surtout pour toute la partie occidentale de l'Afrique. En effet, depuis l'éclatement de la guerre, le tissu politique, économique et social est détruit sur fond d'insécurité et de méfiance ambiantes. Sur le plan social, l'ampleur de la crise s'est mesurée par le nombre de personnes déplacées - près de 1.300.000 selon les chiffres des organismes spécialisés.96(*) Les communautés les plus touchées ont été celles d'origine étrangère, bien qu'un grand nombre d'Ivoiriens a également dû abandonner les régions d'intenses affrontements.97(*) Parmi ces populations figurent aussi plusieurs centaines d'habitants d'Abidjan dépossédés de leurs logements sur ordre du gouvernement de détruire certains quartiers précaires.98(*) Quant au point de vue politique, la classe politique s'est retrouvée complètement divisée. Une crise de confiance s'est installée entre, d'un côté, les Houphouétistes incarnés par Alassane Ouattara du RDR (Rassemblement Des Républicains), Henri Konan Bédié du PDCI (Parti Démocratique de Côte d'Ivoire) etc. et, de l'autre côté, le camp de la patrie représenté par Laurent Gbagbo du FPI (Front Populaire Ivoirien). Les premiers sont accusés d'être à la solde des étrangers tandis que les seconds sont accusés d'être à l'origine des discours xénophobes et de haine. Ces divergences de vue persistantes ont expliqué les violences et autres tueries aveugles qui ont accompagné la mutinerie du 19 septembre 2002. On a assisté à l'apparition des escadrons de la mort qui ont semé la terreur dans les principales villes, notamment à Abidjan.99(*) En outre, les événements ont pris une dimension régionale : flux de populations vers les pays voisins, rivalités de puissances au sein de la CEDEAO, remise en cause de l'avenir du franc CFA, débâcle économique et financière de la sous-région, circulation intense des armes, interactions multiples entre la Côte d'Ivoire et les autres conflits ouverts ou mal éteints de la région.100(*)

Au regard de ce qui précède, la CEDEAO a, en tant qu'organe de maintien de la paix dans la sous-région, tenté de résoudre tant soit peu ce conflit.

* 81 GRAMIZZI, C. et DAMIAN, M., La crise ivoirienne : De la tentative de coup d'état au gouvernement de réconciliation nationale, Bruxelles, GRIP, 2003, p.8.

* 82Jean-Noël Loukou, historien et directeur du cabinet de Bédié, fonda une cellule universitaire chargée de codifier le concept identitaire de l'ivoirité.

* 83 BRAECKMAN, C., Aux sources de la crise ivoirienne, Manière de voir, n° 79, février-mars 2005, ISSN 1241 6290, p. 81.

* 84 GRAMIZZI, C. et DAMIAN, M., op. cit., p.8

* 85 L'épisode le plus grave eut lieu en décembre 1999 dans la sous-préfecture de Tabou, lorsque suite à des conflits à propos de la propriété des terres, quelque 5.000 Burkinabé furent expulsés par la force. CF RAPPORT DU GRIP 2003/2 8

* 86 Le 23 décembre, des soldats ayant participé à une mission d'intervention et de surveillance des Accords de Bangui descendirent dans les rues pour réclamer leurs primes de mission. CF RAPPORT DU GRIP 2003/28

* 87 Un faux coup d'Etat est orchestré dans la nuit du 17 au 18 septembre 2000 et servira de prétexte pour épurer l'armée d'une grande partie de ses membres originaires du Nord et susceptibles de soutenir le RDR. De plus, quatorze candidatures sur un total de dix-neuf (dont celles des représentants du RDR et du PDCI) sont rejetées.

* 88 GRAMIZZI, C. et DAMIAN, M., op. cit., p.9.

* 89 ONUCI, Côte d'Ivoire : La chronologie des événements depuis le 19 septembre 2002, www.onuci.org

* 90 MAHOUNON, M., op. cit., p.25.

* 91 GRAMIZZI, C. et DAMIAN, M., op. cit., p. 10.

* 92 Ibidem

* 93 « Ces chiffres qui parlent », Jeune Afrique l'Intelligent n°2195, du 2 au 8 février 2003.

* 94 Jeune Afrique, « Ouattara vainqueur de l'élection présidentielle selon l'ONU, l'UE et Guillaume Soro », 3 décembre 2010, www.Jeuneafrique.com consulté le 20 Avril 2012

* 95CATHELIN, M., la Côte d'Ivoire entre divisions internes et stratégies internationales, institut d'études de sécurité de l'Union Européenne, Mars 2011, p.1 ; VIDAL C, « La brutalisation du champ politique ivoirien, 1990-2003 », Revue africaine de sociologie, n°7, vol. 2, 2003.

* 96GRAMIZZI, C. et DAMIAN, M., op.cit., p. 13

* 97 Selon les Nations unies, environ 500.000 personnes ont quitté le pays depuis le début de la crise. Parmi ceux-ci, on compte environ 150.000 Burkinabé, 60.000 Guinéens, quelque 40.000 Maliens, plusieurs centaines de Nigérians et environ 45.000 Libériens. 40.000 Ivoiriens auraient également traversé la frontière pour chercher refuge à l'étranger, surtout au Libéria et en Guinée.

* 98 GRAMIZZI, C et DAMIAN, M., op. cit., p.13.

* 99 MAHOUNON, M., op. cit., p..27.

* 100 SOUDAN, F., « Côte d'Ivoire, onde de choc sur l'Afrique de l'ouest » Jeune Afrique l'Intelligent N°2187 du 8 au 14 décembre 2002 p 23. ; Lire aussi « L'Eléphant d'Afrique va mal ! » In Jeune Afrique l'Intelligent hors-série N°6 l'Etat de l'Afrique 2004, pp. 167-168.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld