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Le contrat cadre en droit international


par Mohammed Lamhamedi Cherradi
Université de Bourgogne - Master Recherche Droit des marchés, des affaires et de l'économie 2006
  

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Chapitre II: Aspects du droit international privé.

Dès lors qu'un critère d'extranéité est introduit dans le groupe de contrats que forment le contrat de base et les contrats d'exécution, on considérera l'accord cadre par rapport au droit international privé. Selon la distinction classique en la matière, on étudiera successivement les conflits de juridiction (section I) et les conflits de lois (section II) en se limitant aux spécificités du contrat cadre international.

Section I: conflits de juridiction88(*)

En matière de compétence juridictionnelle, les enjeux ne sont pas simplement juridiques, ils sont également stratégiques. Il ne faut pas oublier qu'une procédure contentieuse représente des coûts en temps et en argent qui varient avec la proximité entre la partie et le tribunal. De plus, il faut garder à l'esprit que le contrat cadre est une figure juridique complexe née de la pratique, si bien que sa réception par l'ordre juridique saisi peut varier car tous les systèmes juridiques ne lui reconnaissent pas une existence, c'est notamment le cas en common law.

Parler de conflit de juridiction en matière de contrat cadre recouvre des réalités différentes selon que les parties ont ou n'ont pas émis une volonté sur ce point, et si oui, selon que cette volonté figure dans le contrat de base, dans les conditions générales ou encore dans le contrat d'exécution. Les solutions apportées doivent s'accorder avec l'idée qu'il existe au sein de ce groupe de contrats une hiérarchie alors même que ces contrats sont indépendants les uns des autres. Si ces contrats sont liés, ils ne sont pas pour autant -au sens juridique du terme- indivisibles. Le juge doit cependant toujours avoir une vue d'ensemble de l'opération.

On distinguera donc tour à tour, les différentes hypothèses selon qu'il existe ou non une clause attributive de juridiction. Dans un premier temps nous étudierons l'hypothèse où il existe une clause attributive de juridiction, notamment au regard de l'article 23 du règlement communautaire 44/200189(*) (§1), puis le cas lorsque les parties n'ont rien prévu et qu'il revient aux juges de statuer sur sa compétence (§2).

§1: En présence d'une clause attributive de juridiction90(*)

La clause attributive de juridiction a pour objectif de permettre aux parties d'exprimer leur volonté commune de voir les litiges éventuels les opposant à l'occasion de leurs rapports contractuels soumis à une juridiction déterminée. Dans leur choix, les parties peuvent refléter différentes motivations comme la proximité entre la juridiction compétente et l'ordre juridique ou économique touchés par leurs rapports contractuels, ou bien encore dans un esprit de neutralité. Quel que soit ce choix, il doit répondre à des conditions de fond comme à des conditions de forme. Quant au fond ce choix doit résulter d'un réel accord entre les parties, c'est-à-dire qu'elles en aient eu connaissance et qu'elles l'aient approuvée. Quant à la forme, il faut que les dispositions prévues dans le règlement 44/2001 soient remplies.

Pour étudier la prorogation de compétence due à une clause attributive de juridiction, il est important d'isoler deux séries d'hypothèses selon que la clause figure dans le contrat de base (A), ou que celle-ci figure dans un contrat d'application (B). Le fait que l'on raisonne en termes de contrats indépendants ne doit pas faire oublier qu'il s'agit d'un ensemble contractuel, la tentation d'étendre l'effet de la clause attributive est alors grande. Cependant si la tentation existe, elle n'est justifiable que dans le respect de la volonté des parties et dans le respect de la hiérarchie contractuelle. Les solutions dégagées au fil de la jurisprudence montrent que si l'on accepte de donner effet à la clause attributive de juridiction du contrat cadre aux contrats d'application l'inverse n'est pas admis

A) l'extension de la clause attributive de juridiction figurant dans le contrat de base

Lorsque les parties ont prévu une prorogation de compétence au niveau du contrat de base, il est admis que celle ci déploie également ses effets à l'occasion de litiges nés des contrats d'application. Je met ici en avant le caractère normatif du contrat cadre.

Cela dit, il n'est pas justifiable d'étendre l'effet d'une clause attributive de juridiction figurant dans le contrat de base du seul fait que celui-ci se situe en haut de la hiérarchie contractuelle. Cette extension doit résulter de l'intention des parties afin de répondre aux impératifs de sécurité et de prévisibilité juridiques. Le juge saisi devra donc rechercher la volonté des parties au regard de l'ensemble de leurs relations d'affaires pour se prononcer sur sa compétence.

On pourra mentionner le raisonnement suivi par la chambre de commerce de Tchécoslovaquie le 30 avril 197491(*), bien qu'il s'agisse d'une clause compromissoire la solution est aisément transposable à l'hypothèse d'une clause attributive de juridiction.

En l'espèce, il s'agissait d'un conflit né de la contradiction entre deux clauses d'arbitrage, l'une contenue dans le contrat cadre de concession exclusive liant une entreprise tchécoslovaque à une entreprise étrangère, et l'autre insérée dans un contrat de vente subséquent. Le contrat de concession disposait que tous les différends qui pourraient naître des contrats d'application seraient tranchés par la Cour d'arbitrage près la chambre de commerce internationale à Paris (CCI). À l'inverse, les confirmations de commande, qui contenaient les conditions générales de vente du fournisseur, mentionnaient pour les livraisons individuelles la compétence de la Cour d'arbitrage près la chambre de commerce de Tchécoslovaquie à Prague. L'acheteur, quoique invité à signer ces confirmations de commandes sur la copie qui lui avait été notifiée, n'avait en fait ni signé ni renvoyé celle-ci. La partie tchécoslovaque introduisit auprès de la Cour d'arbitrage près la chambre de commerce de Tchécoslovaquie une demande en paiement de plusieurs factures. La défenderesse souleva l'incompétence de la cour, du fait que, dans leur contrat de concession exclusive, les parties étaient explicitement convenues de s'en remettre à la Cour d'arbitrage de la CCI. La demanderesse s'y opposa en prétendant que la clause compromissoire contenue dans le contrat de base ne trouvait à s'appliquer qu'à celui-ci, tandis que les livraisons individuelles qu'elle avait effectuées étaient régies par ses propres conditions de vente contenues dans les confirmations de commande. Ces dernières n'avaient certes pas été signées, l'entreprise tchécoslovaque prétendait que le distributeur les avait acceptées sans restriction, de même qu'il avait accepté les marchandises et les factures, le concédant se fondait sur l'article 4 de la loi tchécoslovaque 98/1963 qui dispose qu'en principe, toute convention d'arbitrage doit être conclue par écrit mais qui admet aussi l'acte écrit unilatéral si la promesse écrite de contrat contenant la clause compromissoire a été acceptée par l'autre partie d'une autre manière, c'est-à-dire tacitement. La Cour donna cependant satisfaction au concessionnaire étranger et fit ainsi prévaloir la clause d'arbitrage introduite dans le contrat cadre, estimant que l'article 4 de la loi tchécoslovaque précitée devait être interprété restrictivement.

A cela on peut ajouter qu'il est important de dissocier au coeur des relations d'affaires qu'entretiennent les parties ce qui relève de la figure du contrat cadre de ce qui en est étranger. La seule identité des parties ne saurait justifier que les dispositions contenues dans le contrat de base puissent régir l'ensemble de leurs rapports contractuels. Afin d'illustrer cela, on peut citer l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 13 janvier 199992(*) relativement à une franchise internationale. En l'espèce, des fournisseurs espagnols avaient signer deux contrats avec deux sociétés ayant les mêmes associés gérants pour distribuer des produits en France, avec la première société il conclut un accord de franchise lequel contenait une clause attributive de juridiction, et avec le deuxième une promesse de contrat de franchise. Lorsque la promesse de franchise fut rompue les représentants sociaux assignèrent le franchiseur espagnol sur la base de la clause attributive de juridiction. Le franchiseur soulevait lui une exception d'incompétence. La Cour d'appel de Paris refusa fermement cette extension par respect de la volonté des parties et par respect de l'effet relatif des conventions. La solution retenue par la Cour fait valoir que les conditions édictées par l'article 17 de la convention de Bruxelles sont d'interprétation stricte et exigent que la prorogation de compétence ait été convenue à propos d'un rapport de droit déterminé. En conséquence, la clause attributive de juridiction stipulée dans un premier contrat conclu avec une première société n'est pas applicable à un deuxième engagement contractuel pris à l'égard d'une autre société, même si les deux sociétés appartiennent et sont représentées par les mêmes associés gérants.

B) L'extension de la clause attributive de juridiction figurant dans les contrats d'application

Pour justifier le refus d'une telle extension, la jurisprudence a toujours souligné cette indépendance du contrat cadre vis-à-vis des contrats d'exécution. Il se dégage clairement de la jurisprudence qu'à défaut de prorogation de compétence dans le contrat cadre international, une telle clause figurant dans les contrats d'application ne permettrait pas de régler les conflits relatifs à l'exécution du contrat cadre lui-même. Les juridictions françaises saisies ont toujours respecté la distinction entre le contrat premier et les contrats d'application.

On pourra mentionner par exemple la solution énoncée, est toujours confirmée depuis93(*), par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 29 septembre 1978 à l'occasion de d'un litige survenu dans le cadre d'un contrat de concession exclusive : « la société allemande invoque vainement la clause attributive de juridiction figurant dans ces conditions générales de vente, dès lors que la convention liant les parties ne constituait pas un ensemble de contrats de vente successifs mais une concession exclusive, les livraisons effectuées n'étant que la conséquence et non point l'objet de l'accord initial et le concessionnaire n'ayant pu consentir à des conditions générales de vente qui ne régissaient nullement dans leur ensemble les relations commerciales entre les parties. »

Ce raisonnement s'appuie sur l'indépendance que le contrat cadre présente par rapport au contrat d'exécution mais également sur la place que ces derniers occupent dans la hiérarchie contractuelle. En effet, si l'extension d'une clause attributive de juridiction est possible c'est parce que le contrat de base à une force contraignante vis-à-vis des contrats d'exécution, l'inverse n'étant pas vrai. En effet, comme en droit commun, une norme de rang inférieur ne saurait avoir d'effet par rapport à une norme supérieure.

* 88 V. B. Audit, Droit international privé, 4eme éd., 2006 , Paris, Economica, p. 273.

* 89 Anciennement article 17 de la convention de Bruxelles de 1968, L'article 23 du règlement 44/2001 stipule dans son 1er alinéa : «Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties »

* 90 V. B. Audit, Droit international privé, Op. cit., p.447.

* 91 CCT. 30 Avril 1974, JDI 1979, p. 640

* 92 CA Paris, 1ère ch, 13 janvier 1999 D. AFF. 1999, p 633

* 93 Cass. 1ère Civ. 15 Mars 1988, Bull. Civ. I n° 83, p. 54.

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