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L'avenir du régime de non prolifération : La position iranienne dans la crise

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par Adrien Lopez
Université Toulouse 1 - Master Relations Internationales et Politiques de Sécurité 2008
  

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II : Analyse de la stratégie de communication iranienne : révision du régime de non-prolifération ou lutte anti-impérialiste ?

Nous allons dans une deuxième partie nous intéresser à la stratégie de communication iranienne et tenter d'en comprendre les racines. Dans ce but nous présenterons dans un premier temps l'Iran, le pays et ses relations internationales. Dans un deuxième temps, à la lumière de ces informations nous nous intéresserons au discours iranien afin de pouvoir identifier la stratégie de communication mise en place.

A : Présentation des données géopolitiques de l'Iran :

Tout d'abord, il faut présenter formellement le pays et tenter de comprendre son organisation politique. Nous commenterons la constitution et son application pour ensuite nous intéresser à ses dirigeants. Ensuite, nous présenterons le pays dans son contexte mondial, en premier lieu l'historique des relations internationales de ce pays avec les autres pays de sa région et du le monde et en deuxième lieu une présentation géopolitique des atouts et des points faibles de l'Iran.

a. Présentation interne : jeux politiques :

Tout d'abord la présentation de la constitution et de l'organisation du pouvoir nous permettra de comprendre le système politique. Ensuite nous envisagerons une série de points reprenant les différentes problématiques et enjeux liés à l'organisation du pouvoir. Puis nous nous intéresserons en dernier à la situation actuelle et aux acteurs en présence.

1. Le système politique légal :

· Rappel sur l'histoire politique de l'Iran :

Nous commençons avec la signature de la convention anglo-russe de 1907 qui marque le début de la sphère d'influence britannique officielle sur la Perse136(*).

v 1907 : La Russie et la Grande Bretagne se partagent la Perse.

v 1909 : Création de l'Anglo-Persian Oil Company (Futur British Petroleum)

v 1914-1918 : L'Angleterre occupe la Perse

v 1921- 1925 : Mise en place d'un gouvernement militaire suite au coup d'état du colonel Réza Khan qui, soutenu par les britanniques se fait couronner Reza Shah Palhavi.

v 1932 1941 : Le Shah annonce le retrait de toutes les concessions de l'Anglo Persian Oil Company, rebaptise la Perse en Iran, interdit le port du voile aux femmes et impose l'obligation de s'habiller à l'occidentale. Les Anglais occupent le pays et le destituent en faveur de son fils Mohamed Rezza Shah Palhavi.

v 1951 : Le parlement iranien vote la nationalisation du pétrole, un opposant à la domination britannique est nommé premier ministre, Mohamed Mossadegh.

v 1953 : Un coup d'état militaire contre le gouvernement mais soutenu par le Shah et la CIA renverse M. Mossadegh.

v 1955-1964 : Entrée de l'Iran dans le pacte de Bagdad antisoviétique, création de l'OPEP, lancement de la « révolution blanche » pour moderniser l'économie, loi accordant l'immunité aux soldats américains sur le territoire national.

v 1964-1965 : Le leader de l'opposition religieuse l'ayatollah Ruhollah Khomeiny est emprisonné et exilé en Turquie puis en Irak. Assassinat du Premier ministre Ali Mansour.

v 1967 - 1975 : Le Shah se couronne roi des rois, organise des cérémonies fastueuses et signe un accord avec l'Irak sur le Chatt al Arab.

v 1977 : Incident entre force de l'ordre et étudiants, demande de libéralisation politique, une opposition se réveille dans tous les milieux, étudiants, nationalistes, religieux. Révolte brutale contre les étudiants à l'université de Téhéran.

v 1978 : Demande forte pour le retour de Khomeiny. Soulèvements populaires qui font des victimes civiles, loi martiale, Khomeiny appelle à la résistance. « Vendredi Noir », l'armée tire sur la foule faisant plusieurs dizaines de morts. Les américains soutiennent le Shah. Instauration d'un gouvernement militaire.

v 1979 : Le Shah s'exile en Egypte. Retour triomphal de Khomeiny en Iran. Référendum qui approuve à 98 % l'institution de la République islamique. Adoption de la constitution de la République islamique d'Iran.

Cette histoire est marquée d'ingérence étrangère, de dictature (avec des décisions incroyables comme l'immunité aux soldats américains), d'assassinats politiques, de coup d'État et d'une révolution pour mettre un terme à tout cela. Suite à la révolution une constitution est adoptée, nous allons en faire l'examen.

· La constitution iranienne : Une démocratie de droit divin :

La première décision de la nouvelle République islamique137(*) a été d'abolir le régime monarchique et la constitution de 1906 puis de faire adopter la nouvelle constitution par référendum. Comme dans toutes les révolutions, les éléments laïques et républicains se sont fait écarter. Après avoir refusé une première constitution rédigée par les républicains138(*) qui ne reconnaissait pas le rôle du clergé, Khomeiny a convoqué une deuxième assemblée constituante qui rédige un document institutionnalisant le contrôle du clergé sur la vie politique. Une constitution dans un état musulman islamique peut paraître étrange, en effet le Coran a été écrit directement par dieu et c'est la seule règle à respecter car elle émane du divin.

Cependant le rôle du clergé ne va pas être de gouverner mais d'encadrer, de conseiller pour ne pas dévier des valeurs religieuses et d'encadrer l'application du droit islamique et l'interprétation de sa jurisprudence. Le système iranien semble faire cohabiter deux légitimités à la manière des régimes dualistes européens139(*) post révolutionnaires, une légitimité de droit divin et une légitimité démocratique. Dans la réalité constitutionnelle cependant la seule légitimité est uniquement divine : « 1 - Un Dieu unique (« Il n'y a de dieu que Dieu »), l'exclusivité de sa souveraineté, son pouvoir exclusif de légiférer et la nécessité de se soumettre à ses commandements140(*). »

Dans un monde qui change et surtout face aux dérapages du Shah qui oublie complètement l'intérêt national, la religion comme nous en avons parlé dans l'introduction devient une valeur-refuge. Le système Chiite, basé sur la discussion, l'argumentation et le plébiscite populaire semblent une base permettant des contres pouvoir, le fait qu'il n'y a pas d'autorité centralisée et que tous les religieux aient le même rang semble aussi propice à l'opposition politique. C'est bien ce qui se passe, les religieux n'hésitent pas à se contredire et à se critiquer vivement, il n'y a pas de culture du silence, le clergé se permet une critique ouverte du pouvoir et même les instances démocratiques ont ce luxe. C'est la « couleur » politique du Guide qui a le dernier mot.

Cependant quelques aspects peuvent limiter la toute puissance du Guide et rappelle fortement une démocratie :  

« Dans la République Islamique d'Iran, (...), la direction des Commandements de Dieu (Velayat-e-Amr) et l'Imamat des Croyants est à la charge d'un jurisconsulte religieux (Faghih) juste, vertueux, au fait de l'époque, (...) »

« Dans la République Islamique d'Iran, les affaires du pays doivent être conduites avec l'appui de l'opinion publique, par la voie d'élections - l'élection du Président de la République, des représentants de l'Assemblée du Conseil Islamique, des membres des conseils etc. - ou par la voie de référendum dans les cas visés dans les autres principes de cette Loi » 

« Dans la République Islamique d'Iran, la liberté, l'indépendance, l'unité et l'intégrité territoriale du pays sont inséparables les uns des autres et leur maintien est du devoir du gouvernement et de toute la nation. Aucun individu ou groupe ou autorité n'a le droit, au nom de la liberté, de porter la moindre atteinte à l'indépendance politique, culturelle, économique, militaire et à l'intégrité territoriale de l'Iran, et aucune autorité n'a le droit, au nom du maintien de l'indépendance et de l'intégrité territoriale, d'abolir les libertés légitimes, même en promulguant des Lois et des règlements. » 

Le gouvernement est décentralisé : « Conformément au Commandement du Coran : "Ils se consultent à propos des affaires" et "Consulte-les dans les affaires", les conseils - l'Assemblée du Conseil Islamique, le Conseil régional, municipal, local, d'arrondissement, rural etc. à ceux-ci font partie des instances de décision et d'administration des affaires du pays. »

A partir du moment où les principes religieux sont inscrits dans la loi fondamentale, le Guide sert de conseil constitutionnel. Ces principes sont importants, même si les dispositions d'une constitution ne sont pas appliquées à la lettre en raison du charisme d'un leader ou de sa faiblesse, le fait que ces dispositions soient inscrites permet la contestation et un éventuel changement en fonction des alliances ou des intérêts politiques.

Deux dispositions de cette constitution peuvent nous intéresser face à notre sujet :

« b) de l'utilisation des sciences et des techniques et des expériences développées de l'humanité, et des efforts en vue dus faire progresser,

c) du rejet de toute forme d'oppression et de soumission à l'oppression, de domination et de sujétion » .

La recherche nucléaire et la lutte anti américaine pourraient être considérées comme un principe constitutionnel.

· Les multiples centres de pouvoir : Les contre-pouvoirs iraniens :

Revenons-en à l'organisation141(*) de la république islamique et à la distribution des pouvoirs.

Il y a trois pouvoirs reconnus et indépendants les uns des autres, exécutif, législatif et judiciaire. Nous allons étudier la branche démocratique et élue puis ensuite la branche religieuse.

v Le pouvoir exécutif est exercé par un président de la république laïc ou religieux mais obligatoirement chiite. Les sunnites ou autres religions sont exclues.

Il est élu au suffrage universel direct pour quatre ans et peut réaliser deux mandats consécutifs puis doivent attendre quatre ans avant de se représenter. Il nomme les ministres, désigne des vice-présidents. Le président et les ministres sont responsables individuellement devant le parlement qui peut déclarer l'incapacité du président et c'est au Guide de le révoquer. Le poste de Premier ministre a été supprimé lors de la révision de 1989, le président à l'intégralité du pouvoir exécutif. Les candidatures à l'élection sont soumises au contrôle du conseil des gardiens.

v Le pouvoir législatif appartient à une assemblée monocamérale, l'assemblée consultative islamique (le Majles142(*)). Elle est élue au suffrage universel pour quatre ans, elle ne peut-être dissoute et chacune des lois ou des traités internationaux votés par les députés doivent êtres vérifiés par un conseil des gardiens. Les candidatures a l'élection sont soumises au contrôle du conseil des gardiens.

v Le Guide est élu ou révoqué par une assemblée de religieux appelée assemblée des experts. Cet organe est dans la tradition d'égalité entre les membres religieux et de la nécessité de cooptation du peuple et des religieux afin de désigner un guide.

L'assemblée est composée de 86 religieux élus pour 8 ans au suffrage universel direct. Cependant les candidatures à l'élection sont soumises au contrôle du conseil des gardiens.

La branche religieuse comprend plusieurs organismes non élus qui sont accessibles par nomination ou élections internes au clergé.

v Le Guide de la révolution  est le chef de l'état, il est l'interprète de dieu et doit être reconnu par le peuple et par ses pairs comme digne de ses fonctions. Depuis la révision de 1989 le Guide peut être un religieux de rang moyen et non plus forcément un Ayatollah (plus haut rang honorifique). Il définit la politique générale du pays, il coordonne l'action des pouvoirs. Il est chef de l'armée et peut suspendre le fonctionnement des institutions. Lui seul peut prendre l'initiative d'une révision de la constitution. Il peut suspendre l'application d'une loi civile ou religieuse et ne peut être révoqué que par l'assemblée des experts.

Le pouvoir est concentré dans ses mains, mais il ne peut gouverner efficacement sans l'appui de tout le pays d'où l'intérêt d'une mythification du Guide et d'un retrait de celui-ci de la vie politique et médiatique, le Guide ne rentre pas dans les querelles politiciennes.

v Le pouvoir judiciaire est confié à un religieux désigné par le guide. Son mandat est de cinq ans renouvelables. Il nomme les juges, les procureurs et les membres de la cour suprême. Les décisions sont fondées soit sur la constitution soit sur la loi religieuse. Les tribunaux peuvent refuser d'appliquer une loi votée par le parlement, ils peuvent créer du droit à la manière des « comon law » britannique ou américaines. Cependant les deux principes cohabitent et peuvent rentrer en opposition.

v L'armée iranienne143(*) se divise en deux :

L'armée régulière composée de 3 armes (Terre, marine, aviation). Dans le détail, l'armée iranienne est composée de trois branches :

· Effectif de l'armée de terre : 350 000 hommes et 220 000 conscrits, 1 600 véhicules blindés.

· Effectif des forces aériennes : 52 000 hommes, environ 300 avions de combat.

· Effectif de la marine : 23 000 hommes (dont 3 000 pour l'infanterie de marine), 3 sous-marins.

A coté de cette armée on trouve le corps des Pasdarans144(*), les gardiens de la révolution islamique. Cette force armée est divisée en trois armes comme l'armée « conventionnelle », elle est très bien équipée. Elle est responsable des capacités balistiques iraniennes. Cette organisation rappelle l'organisation allemande nazie entre la Wehrmacht et la Waffen SS. Une armée héritée et une armée créée pour les besoins du régime ou pour les missions spéciales, sur équipée et sur entraînée.

Le corps des Pasdaran se compose d'environ de145(*) :

§ Effectif terrestre : 100 000 hommes

§ Effectif des forces aériennes : 5 000 hommes

§ Effectif de la marine : 20 000 hommes

§ Effectif des forces spéciales « Sepah Al Qods » : 2000 à 5000 hommes

§ Effectif des réservistes « Bassij »: 2 millions à 7 millions ?

Les forces spéciales sont sur entraînés et aident partout des mouvements dits « amis », Afghanistan, Liban, Palestine. Les réservistes ont l'avantage du nombre et servent en interne comme en externe, ils sont peu entraînés mais très croyants.

Ces deux branches sont gérées par deux organismes :

§ Le Conseil Suprême de la Défense (CSD) organisé selon l'article 110 de la constitution est directement placé sous l'autorité du Guide suprême de la révolution. Il a la possibilité de proposer toute déclaration de guerre, de mobiliser les forces armées, de désigner les chefs des différentes armées et des Pasdarans. Les plans stratégiques et la politique de défense sont de son ressort. Il a également un rôle de contrôle de la défense à tous les niveaux et peut imposer à tout moment un droit de veto. Le Guide de la révolution délègue la direction du CSD au président de la république Iranienne, mais se réserve le rôle de décideur final. Les autres membres siégeant au CSD sont le Premier ministre, le ministre de la Défense, le chef d'état-major général et le commandant en chef des Pasdarans.

§ Le conseil supérieur de la sécurité nationale a été fondé en 1989. Il regroupe la direction de l'état (président de la république, du parlement, chef de la justice, haut commandant de l'armée et des gardiens de la révolution, deux représentants du Guide de la révolution, le chargé de mission pour le Budget et la Planification, le ministre des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de l'Information). C'est dans ce conseil que sont prises toutes les décisions importantes en politique intérieure et extérieure. Il a le dernier mot pour les questions relatives au nucléaire. Sa composition est donc fondamentale.

v Le conseil des gardiens de la constitution est l'équivalent du conseil constitutionnel. Il est composé de douze membres, six religieux nommés par le Guide et six juristes proposés par le chef du pouvoir judiciaire au vote du parlement. Les juristes vont s'occuper de la compatibilité à la constitution et les religieux de la compatibilité à l'Islam. Ce conseil va disposer d'un droit de veto sur les lois votées par le parlement. De plus si le conseil des gardiens n'est pas constitué le parlement ne peut délibérer, cela peut pousser le parlement à voter pour des candidats qui ne lui conviennent pas. Cependant, l'alternative à l'accord est le blocage constitutionnel, ce qui serait inacceptable. Ce conseil va contrôler les candidatures aux élections présidentielles, législatives et au conseil des experts dans une optique de stabilité et d'homogénéité du corps politique.

v L'opposition entre l'assemblée et le conseil des gardiens peut être fréquente si les directions choisies ne sont pas les mêmes. Pour contrer les blocages, la révision de 1989 à créer un nouvel organe, le Conseil de discernement de l'intérêt du régime. Il comprend les six membres du religieux du conseil des gardiens, les chefs du pouvoir législatif, judiciaire et le président de la république, du ministre concerné par le problème à l'ordre du jour et une dizaine d'autres personnalités. Ce conseil s'est octroyé le droit d'amendement au fil du temps sur les textes controversés lors des « difficultés insurmontables du régime », cela donne un pouvoir spécial à cette assemblée mixte, et reflète l'importance du religieux sur le politique.

Le schéma suivant montre bien les relations entre les différents organes élus et non élus.

Figure 16 : L'exercice du pouvoir en circuit fermé :146(*)

Pour faire une synthèse, on peut dire que ce mode de gouvernement en donnant le dernier mot aux religieux fait de l'état iranien un gouvernement théocratique. Cependant comme dans le reste du monde, lorsque 89 % de la population adhère à une même religion et que les représentants religieux sont nommés et gagnent en prestige en fonction du plébiscite populaire, on peut penser que dans l'absolu ceux-ci deviennent une sorte de député, faisant remonter les préoccupations de leurs paroisses propres (les religieux ont une zone d'influence qui grandit avec leur popularité). L'ouverture progressive de l'Iran et les prises de position de certains Ayatollahs pour le droit des femmes par exemple vient du fait qu'un religieux réformateur peut devenir Ayatollah et ouvertement critiquer telle ou telle interprétation du Coran ou de la jurisprudence par un autre religieux. Malgré le fait que la religion ait été étatisée et « réformée » par Khomeiny, les principes de la discussion et de la contestation subsistent. Cependant, il est difficile de gouverner sans une large base et impossible de gouverner contre tous. Toutefois le fait que l'élection d'une majorité parlementaire réformatrice et d'un président réformateur n'ait pas amené aux réformes montre bien la supériorité du pouvoir religieux sur le pouvoir démocratique et c'est dans ces oppositions que l'on voit que l'appareil gouvernemental n'est pas encore prêt pour se réformer sans s'entre déchirer complètement. Une imposition de la démocratie dans ces conditions poussera à coup sûr à la guerre civile. Il existe en Iran malgré l'abolition des partis différents centres de « pouvoirs camouflés147(*) », ils représentent l'équivalent des partis politiques ayant des prérogatives élargies au commerce, à la gestion de biens exonérés d'impôts. Ces associations contribuent à la stabilité du pays.

v Le clergé combattant : Religieux conservateurs attachés à la tradition. Ils ont été évincés peu à peu par les fondamentalistes radicaux, mais quelques-uns des membres sont encore influents.

v Mouvement pour la liberté : Derniers des groupes non islamiques, cette organisation subsiste dans la limite de la légalité et prône le libéralisme. Elle est dirigée par l'ancien ministre des affaires étrangères Barzargan. C'est un des modérés écartés après la révolution. Le conseil des gardiens a toujours exclu les candidats présentés par ce mouvement.

v L'assemblée des religieux combattants : Scission de gauche du clergé combattant. C'est la partie réformatrice et prônant une libéralisation du régime. L'ancien président iranien Khatami et l'ancien président du parlement font partie de cette organisation.

v Face à la victoire des réformateurs, un nouveau groupe s'est formé, les « Abadgaran » (les constructeurs). Sous groupe d'une association nommée « ceux qui sont prêts au sacrifice ». C'est le groupe majoritaire en Iran actuellement et le président actuel en est issu. Il a comme membres les gardiens de la révolution, les membres des services secrets, les milices bassidji et de plus en plus d'universitaires. La particularité de ce groupe est qu'il croit au retour de l'imam caché Mahdi et qu'avant son retour, il faut purifier l'état islamique de tout ce qui ne l'est pas. C'est un intégrisme religieux utilisant le retour d'un messie intemporel comme justification pour orienter une politique temporelle. Il semblerait que ce groupe actuellement au pouvoir récuse le pouvoir des religieux en les excluant des fonctions attachées à l'état.

On trouve ensuite des fondations qui en raison des revenus financiers qu'elles gèrent, sont devenues très influentes :

v « Fondation pour les pauvres et les nécessiteux » : Elle ne rend de compte qu'au seul chef de l'État. Elle possède un empire économique et industriel provenant des biens saisis du Shah et de sa famille.

v « Compagnons de route de saint Reza » : Elle administre les dons apportés au nom de l'iman Reza. Elle possède aussi un empire économique pour environ 20 milliards de dollars.

v « Parti de la coalition islamique » : A la différence des deux précédentes cette fondation a un passé de terrorisme pendant la dictature du Shah. Elle dispose d'un contrôle sur le marché, le marché noir, contrôle des installations portuaires, importe et exporte sans payer de taxe, participe au commerce du pétrole, des armes et de la drogue.

Ces fondations ont un rôle important et disposent de leurs propres services para militaires (uniquement la dernière semblerait-il). Le dernier groupe très actif est le « secrétariat central pour la prédication du vendredi ». Il est placé sous les ordres directs du Guide de la révolution et sert à annoncer les grandes lignes directrices de la politique intérieure. La prière du vendredi est un lieu de rencontre très important.

Nous allons voir comment tout cela fonctionne et quelles sont les principales évolutions politiques internes.

2. La situation actuelle :

· Le système politique iranien :

La présidence précédente du réformateur Khatami148(*) s'est soldée par un échec. Les lois votées par le parlement ont été systématiquement bloquées par les autres organes non élus. Réduit à l'impuissance il souhaite démissionner mais en est empêché149(*) pour ne pas déstabiliser le pouvoir. Son incapacité à gouverner et la dégradation de l'environnement international vont pousser les conservateurs et notamment le parti du président Ahmadinejad à reprendre les rennes emporter une large majorité avec un discours nationaliste.

A l'heure actuelle chaque poste stratégique est détenu par un personnage important et cela influe beaucoup sur la limitation des pouvoirs de chaque organisme. Il est important de dire que tous sont fidèles au Guide ou l'étaient lors de leur intronisation. Seules quelques nuances les séparent, aucun ne prône un changement du système. Même Khatami faisait partie initialement du même mouvement que les autres.

v Le Guide suprême est Ali Khamenei150(*) :

Il est Guide depuis la mort du précédent Guide Khomeiny. Il fut président de 1981 à 1989 et devient Guide à cette date. Le fait qu'un président puisse devenir Guide montre que ce régime n'est pas forcément fermé, le passage entre l'élu et le non élu peut très bien se faire à partir du moment où le candidat est religieux. Avec les pratiques actuelles du président Ahmadinejad et la fin de la génération précédente la relève est surtout composée d'anciens militaires comme le président actuel. Les religieux gardent ainsi le contrôle même si les candidats changent, le système est très orienté, mais le Guide garde les manettes pour démettre un président qui irait beaucoup trop loin ou contre les intérêts iraniens. Il est Guide à vie et ce n'est qu'à sa mort ou à la constatation de son incapacité à assumer sa charge qu'il sera démis et remplacé. C'est un « dur » du régime islamique et n'hésite pas à censurer les lois proposées par ses présidents, tant de la part des réformateurs que de celles des conservateurs (il a bloqué une série de lois proposées par le président Ahmadinejad). Il a pris en main le problème nucléaire en communiquant de plus en plus sur le sujet. Sa position n'est pas très différente de celle du président Ahmadinejad151(*).

v Le président est Mahmoud Ahmadinejad152(*) :

Le président Ahmadinejad a commencé sa carrière dans les groupes d'étudiants islamistes. Ensuite il rentre dans les Basij, devient instructeur, puis devient membre des pasdarans et plus particulièrement officier supérieur des forces spéciales Qods. Il commence sa carrière politique en étant gouverneur de deux villes iraniennes. En 2003, surfant sur la vague de mécontentement face aux réformateurs il se fait élire maire de Téhéran. Il développe son réseau dans les plus conservateurs et se présente comme un nouveau révolutionnaire, incarnant le second souffle de la révolution. Durant l'élection, il se place devant son opposant Mohamad Ghalibaf pourtant soutenu par les mouvements conservateurs locaux et derrière l'ancien président Rafsandjani. Ghalibaf va dénoncer des fraudes massives. Au deuxième tour le président Ahmadinejad écrase Rafsandjani et devient président de l'Iran. Il peut s'appuyer sur les Basijs, les pasdarans, les membres du clergé les plus radicaux, les anciens combattants entre autres. L'Ayatollah Khamenei l'a soutenu pendant sa campagne.

v Le ministre des affaires étrangères est Manouchehr Mottaki 153(*)

Il est ministre dans le gouvernement du président Ahmadinejad depuis le 24 août 2005. Il est cultivé, ancien directeur de campagne d'Ali Larijani pendant l'élection de 2005.

Ce n'est pas un religieux. Il a été ambassadeur d'Iran au Japon et en Turquie. Il a surtout un point de vue assez inflexible quant aux négociations avec la communauté internationale à propos de la crise du nucléaire.

v Le négociateur en charge du nucléaire et secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale de l'Iran est Said Jalili154(*). Il remplace Ali Larijani qui a démissionné le 20 octobre 2007. Il était vice-ministre des affaires étrangères et réputé proche du président Ahmadinejad. Il n'est pas membre du clergé.

v Le président du parlement est Larijani155(*):

C'est Ali Larijani qui après avoir démissionné du poste de secrétaire du conseil suprême de sécurité a été élu président du parlement iranien. Il obtient un poste important et devient un contre-pouvoir fort au président Ahmadinejad156(*) car il est en désaccord avec lui et a toute la légitimité nécessaire pour s'exprimer compte tenu de ses liens familiaux et de sa carrière politique. Il n'est pas membre du clergé non plus. Larijani a de plus la capacité de déclarer avec l'appui du parlement l'incapacité du président Ahmadinejad et de demander au Guide de le destituer.

v Le nouveau maire de Téhéran est Mohamad Ghalibaf157(*) :

C'est un ancien chef de la police, habile il a réussi à gérer les protestations étudiantes en 2003 sans provoquer de bain de sang. Il a démissionné de ses fonctions pour préparer l'élection présidentielle et a perdu face au président Ahmadinejad. Il accuse celui-ci de tricherie et quelques mois plus tard est élu maire de Téhéran, poste que le président Ahmadinejad occupait quelques mois plus tôt.

Il n'est pas favorable à celui-ci et l'on peut penser qu'il prépare les élections de 2009 afin de se présenter pour le poste de président. C'est un opposant à la politique du président Ahmadinejad. Il n'est pas membre du clergé.

v Le chef du système judiciaire est Hashemi Shahroudi158(*) :

C'est un homme politique iranien et un membre du clergé. Il semble modéré, il a demandé un moratoire pour l'interdiction de la peine de mort par lapidation. Il remplace l'Imam Yazdi.

v Conseil des gardiens de la constitution :

Il est présidé par l'Iman Ahmad Jannati. L'iman Yazdi, ultra conservateur, islamiste radical et père spirituel du président Ahmadinejad, en fait partie.

v Conseil de discernement de l'intérêt du régime :

Le président de ce conseil et l'ayatollah Hashemi Rafsanjani159(*) depuis février 2007. Il a été battu par le président Ahmadinejad aux dernières élections et représente un contre-pouvoir potentiel. C'est un homme du clergé. En examinant la composition du conseil, on voit qu'il regroupe le président Ahmadinejad en personne et les imams Jannati et Yazdi, pro Ahmadinejad et qui ont surtout une influence sur lui. En face, se tiennent Ali Larijani et peut-être Hashemi Shahroudi (les informations sur les allégeances des différents membres sont très dures à obtenir de manière fiable).

Quelque soient leur poste, tous se réunissent sous la bannière du Guide et les dissensions parfois violentes qui les animent ne relèvent que du jeu politique et non d'une profonde opposition. Il semble que le Guide ait réussi, en donnant une marge de manoeuvre à tous les acteurs en les réunissant dans un même lieu et de surcroît à tous les soumettre à sa volonté. Tous les grands acteurs ont une marge de manoeuvre (même petite), ils peuvent postuler et se battre pour des fonctions à l'intérieur du régime. Un vrai « turn over » est possible, permettant d'intéresser et de garder l'allégeance de tous les participants au jeu politique tant qu'ils restent dans le cadre établi constitutionnellement par le Guide suprême. Cependant l'arrivée et la montée en puissance des « abadgaran » et surtout l'arrivée au pouvoir du président Ahmadinejad vont venir fausser le jeu politique tel qu'il était joué auparavant. Nous allons voir cela dans une prochaine section.

· Les évolutions politiques actuelles :

Il y a deux évolutions principales au niveau politique en Iran, un changement dans le personnel politique dû à l'arrivée des « jeunes » et un mouvement dénonçant la mainmise actuelle du groupe ultraconservateur du président Ahmadinejad qui est sorti de terre en évinçant les acteurs traditionnels du jeu politique iranien. On parle même de coup d'état.

v L'évolution du personnel politique et la nouvelle garde :

Tous les spécialistes160(*) s'accordent sur le fait que le président Ahmadinejad ne ressemble pas à ses prédécesseurs. Il y a une différence entre les anciens acteurs politiques et les nouveaux. Aujourd'hui la nouvelle vague ne fait plus partie du clergé, les islamistes radicaux ne sont pas des religieux eux-mêmes. On peut aisément comprendre cela, un religieux ne va pas se radicaliser spontanément, tant qu'il exerce ses fonctions religieuses, il enseigne la compassion et l'amour dans toutes les religions. A partir du moment où il obtient un pouvoir politique ou s'il a des problèmes d'interprétation des textes sacrés il prônera la violence. Cette nouvelle vague est issue de la guerre Iran Irak plutôt que de la révolution. Tous ces hommes sont d'anciens militaires qui n'ont connu que petit le régime du Shah. De plus quasiment tous les membres du réseau du président Ahmadinejad font partie des Pasdaran et souvent des Basij, la branche la plus idéologiquement forte. Ce constat dépasse l'opposition conservateur versus réformateur. Les anciens acteurs de la révolution se sont assagis avec le temps et voilà une deuxième vague de révolution qui s'est engrangée avec le président Ahmadinejad. Cela ressemble fort aux révolutions chinoises. Cependant en Iran les « cadres » ont une place importante dans la société et ils permettent un certain pluralisme du jeu politique. Ce nouveau personnel politique peut à tout moment selon la constitution être court-circuité par le Guide qui peut démettre le président de ses fonctions. Cependant il semble que ces acteurs politiques avec une volonté de confrontation plutôt que de coopération soit la meilleure réponse au moment américain dans le Moyen Orient. Leur volontarisme et leur envie de lutter quasi « pure » permettent de continuer un combat que les acteurs historiques de la révolution ont arrêté en finissant par devenir pragmatiques. Il y a une forte demande de la population de faire primer le côté constitutionnel sur le côté religieux, sans trahir les principes religieux mais en laissant plus de place aux dirigeants élus. C'est pour contrer cette volonté et revenir à des idéologies plus radicales qu'un réseau regroupant les islamistes, les militaires, les anciens combattants, tous ceux qui se sont battus pour des idéaux et qui ne veulent pas voir leur combat rendu inutile, se sont regroupés. Ils ont mis en place un véritable mouvement qui diffère des groupes conservateurs précédents. C'est le deuxième point, cette victoire surprise laisse planer le doute sur la régularité dès l'accession au pouvoir de ce mouvement et pousse les analystes iraniens et internationaux à parler de coup d'état.

v La thèse du coup d'état des « abadgaran » :

Nombreux sont ceux qui disent que l'arrivée au pouvoir du président Ahmadinejad est le fruit d'une énorme fraude électorale. On trouve en Iran le maire de Téhéran Ghallibaf, au niveau international des opposants comme Bahman Nirumand161(*) et même des spécialistes internationaux comme par exemple Alexandre Adler qui exposait son hypothèse à la télévision.

Tout d'abord avant de parler de fraude il faut présenter le réseau162(*) qui a permis de faire élire le président Ahmadinejad :

§ Le président s'appuie tout d'abord sur une alliance avec le clergé, il s'est allié avec la branche la plus conservatrice (et de surcroît la plus islamiste). Dans le débat, qui organise les partisans entre conservateur et réformateurs les choix peuvent être schématisés ainsi. Aux deux extrêmes on trouve d'un côté les laïques qui refusent l'intrusion des religieux et de l'autre les religieux islamistes qui refusent l'intrusion d'une loi temporelle dans la loi divine. Rappelons que le Coran a été écrit par Dieu et il est donc considéré comme parfait par les plus durs des islamistes. Ensuite au centre on trouve les vrais débats entre partisans d'un plus démocratique et les partisans d'un plus religieux163(*). Le président Ahmadinejad s'appuie sur un réseau clérical défendant la théorie dite « régence du docteur de la loi ». Si on schématise et qu'on met à l'extrême droite ce courant de pensée et à gauche les laïques, ce courant se trouve encore un peu plus à droite. Ce réseau est composé notamment de l'imam Yazdi et de l'iman Jannati. Ces deux membres sont très influents. Le retour du douzième imam mis dans la politique générale sonne comme un tribut à payer à leur soutien.

§ Le président s'appuie ensuite sur ses réseaux dans les Pasdarans et plus en particulier aux Bassij actuels. Par leur nombre et leur endoctrinement ils forment une main d'oeuvre très pratique en cas de besoin. Ensuite les anciens combattants de la guerre Iran Irak ont tous quasiment aujourd'hui des postes clés. La relève des révolutionnaires est aujourd'hui laïque et ce réseau va aider le président Ahmadinejad. Cependant il existe des opposants mêmes chez les anciens combattants, le maire de Téhéran Ghalibaf est aussi un ancien Pasdaran mais plus modéré. La rénovation du personnel nous l'avons dit, dépasse les clivages conservateur vs modéré.

§ Enfin le président peut s'appuyer pour gagner un peu de crédibilité sur ses relations internationales en tentant de réunir la plus grande coalition anti impérialiste, il a réussi quelques rapprochements qui ont pu contribuer à lui apporter un peu de soutien.

§ Le dernier point reste que malgré ses adversaires, il semble que le président Ahmadinejad soit encore soutenu par le Guide. Celui-ci est sorti de sa réserve pour appuyer les dires de son président. L'hypothèse selon laquelle le Guide utilise la fougue et la volonté d'en découdre de ces nouveaux venus pour tenter de résoudre un problème qui n'a pas pu se résoudre par l'action des modérés est tout à fait possible. Que fera alors le Guide si la crise se termine ? Il peut tout à fait garder son rang, son statut et son pouvoir en laissant un peu plus de manoeuvre aux réformateurs. Une réforme sociale ou économique ne toucherait pas à l'organisation du pouvoir. De plus il semble que les iraniens n'aient aucune envie de toucher au mythe du Guide suprême.

L'hypothèse de coup d'état vient du constat de la prise d'assaut de toutes les fonctions importantes par les conservateurs islamistes. C'est d'abord les conditions qui ont permis cette prise du pouvoir. Avec l'échec aux élections municipales de 2003 et la perte de tous les sièges par les réformateurs dus au très faible taux de participation. Avec les menaces américaines d'attaques et l'élimination des modérés pour mettre en place une politique de défiance vis-à-vis des américains, la population c'est retrouvée désorientée et plongée dans l'incertitude. Aux élections législatives de 2004, les conservateurs voulant mettre toutes les chances de leur coté ont exclu par l'intermédiaire du conseil des gardiens plus de deux mille candidats sans aucune raison autre que leur appartenance politique. Face à cela il y eut un mini raz-de-marée politique, des députés se mirent en grève et le frère du président qui avait été récusé annonça publiquement que ces élections allaient être truquées. Le résultat fut sans appel, plus de 200 sièges pour les conservateurs. La présidentielle de 2005 a selon l'avis de plusieurs spécialistes étée truquée, elle aussi. Tout d'abord sur plus de mille candidats enregistrés seuls 6 furent admis. Après l'annonce de cette censure, le Guide a envoyé une lettre au conseil qui a autorisé deux autres candidats à participer. Cela a renforcé l'idée d'une « partie truquée ». Les élections donnèrent le choix aux iraniens entre des conservateurs et des islamistes radicaux. On reprochait aux « éléphants » la corruption et l'opportunisme qu'ils avaient mis en place tout au long de leur carrière. En face on trouvait la relève des conservateurs (Ghalibaf) et les islamistes (Le président Ahmadinejad). Ghalibaf était le candidat soutenu par les conservateurs, mais c'est le président Ahmadinejad qui arriva au second tour. La surprise fut totale et les participants appelèrent tout de suite à la fraude électorale. Face aux demandes de plus en plus fortes, le conseil des gardiens demanda même au ministère de l'intérieur de recompter les bulletins de vote dans les villes suspectées (notamment Téhéran). Cependant le résultat fut le même. Le 21 juin 2005, un porte-parole du ministère de l'intérieur reconnu même qu'il y avait eu des tentatives de fraude au premier tour et que le deuxième tour allait être contrôlé. A l'issue du deuxième tour le président Ahmadinejad a été déclaré vainqueur. Grâce à un discours populiste, orienté sur les couches les plus défavorisées et emprunt de grandeurs et de contestation internationaliste, le parti des « abadgaran » a réussi à remporter les élections municipales, législatives et présidentielles. Ce groupe se retrouve donc avec une complète capacité d'action et va nommer ses membres au pouvoir et petit à petit prendre possession de tous les postes clés164(*). Etant composés d'anciens militaires ce gouvernement va être qualifié « militaire en civil ». Il y a eu une épuration des anciens responsables et un remplacement par des plus jeunes. C'est une deuxième révolution islamique165(*) comme le disent certains. L'accès au pouvoir du président Ahmadinejad a été facilité par la querelle entre conservateur et réformateurs, avant de scinder le camp conservateur en deux groupes, le camp du président Ahmadinejad a pu pleinement profiter du jeu politique qui se déroule depuis un certain temps en Iran. Les conservateurs ont tellement été choqués par la marrée réformatrice précédente, qu'ils ont soutenu tous les opposants aux réformateurs, même le mouvement radical du président.

· La situation aujourd'hui :

Les législatives de 2008 vont être un moment très important pour l'avenir du pays166(*). Il existe deux gros enjeux, le pouvoir des conservateurs sur le parlement167(*) et le taux d'abstention pour voir le soutien de la population au régime. Le conseil des gardiens a invalidé une grande quantité de candidatures, 4500 sur 7600. Les invalidations ont poussé à la victoire sure des conservateurs. Les conservateurs contrôlent 70 % du parlement, mais les réformateurs ont réussis à obtenir 50 députes, ces élections ont marqué le retour de Khatami. Les conservateurs vont se diviser en deux camps, la coalition du président Ahmadinejad qui a réussi à remporter une grande part des sièges en mettant en oeuvre un rassemblement des conservateurs pro-Ahmadinejad168(*) et les adversaires menés par Ghalibaf et Larijani qui ont remporté l'autre partie.

Figure 17 : Résultats des élections législatives iraniennes des 14 mars et 25 avril 2008 :

Partis

Sièges (1er tour)

Sièges (2nd tour)

Sièges (total)

Front des principales listes unifiées

90

27

117

Conservateurs pragmatiques

42

11

53

Réformistes

31

15

46

Indépendants

40

29

69

Minorités religieuses reconnues
Arméniens (2), Chrétiens Chaldéens et Assyriens (1), Juifs (1), Zoroastriens (1)

5

0

5

Total (Participation autour de 60 %)

208

82

290

Cela montre à quel point l'ère du « tout Ahmadinejad » est passée. Il y a désormais une contestation menée au sein de la majorité et les mauvais résultats économiques et sociaux169(*) pourront ou pas être masqué par la politique de puissance menée notamment sur le dossier nucléaire. Le taux de participation a été important, ceci peut s'expliquer par la montée du nationalisme en Iran notamment accentué par les politiques étrangères hostiles vis-à-vis de l'Iran. Mais le fait que les iraniens s'intéressent à la politique de leur pays finira inexorablement par renvoyer les radicaux islamistes s'ils ne représentent pas le souhait de la majorité des iraniens. Le point de vue extérieur (ou des dissidents) voudrait faire penser ou croire que les iraniens vivent oppressés dans un régime qui leur ment. Si dans la réalité du terrain la population vote réellement pour le président Ahmadinejadn dans ce cas-là il est inutile de se nourrir d'illusions. Chaque pays connaît des moments de radicalisation, même les plus grandes démocraties et c'est les jeux de la politique que d'alterner les dirigeants en fonction du temps et du contexte international. Un président faible ou passif desservirait l'intérêt général de l'Iran. Il est fort possible que la force du président Ahmadinejad soit contestable mais il est ce que le système a pu offrir et, de plus, il a réussi à créer un réseau, une coalition et à tenir tête aux occidentaux, il a des qualités de communication indéniable et semble l'outil parfait pour répondre à M. Bush tout en pactisant avec M. Chavez, M. Hu Jintao ou même M. Medvedev.

Conclusion :

Cette présentation de l'organisation politique et du contexte actuel a mis en lumière plusieurs choses importantes. Tout d'abord l'Iran est un pays qui est organisé de manière a favoriser le débat et les contre pouvoir à l'exception du pouvoir du guide. Même si celui-ci est encadré et qu'il peut être démis, une telle action plongerait le pays dans une crise grave et la période actuelle n'est pas propice à un quelconque signe de faiblesse. Ensuite, la classe politique iranienne est en train de changer et a déjà changé très rapidement. Le Guide risque de se retrouver prisonnier de sa tour de verre, seul membre du clergé face à des anciens militaires. Les imams révolutionnaires se font rare et par la force des choses le conseil des gardiens devra ouvrir ses portes aux imams modérés. Ce système porte donc déjà en lui les graines de son changement, mais une chose est sûre, tout changement par la force poussera à une radicalisation et sûrement à une guerre civile. La nouvelle vague radicale islamique, différente de la nouvelle vague conservatrice ou réformatrice a profité de la petite guerre que se mènent ces deux camps pour passer en force et apporter un renouveau sur la scène politique. Le président Ahmadinejad a profité de l'effet de surprise, il a remporté l'ensemble des élections « à la suite » et a placé ses partisans en rénovant la classe politique. Il est fort possible que le Guide en tant que religieux lui-même craigne moins les islamistes intégristes qu'il peut contrôler et récuser en permanence que les réformateurs qui peuvent à terme en vouloir à son statut. Les dernières élections ont montré qu'une opposition s'est formée. Le Guide s'il constate qu'une coalition assez puissante se met en place contre les islamistes radicaux aura rapidement intérêt à limiter leur pouvoir et à redonner leur place aux conservateurs pragmatiques. Deux acteurs de choix sont « tête de liste » de ce mouvement, Ali Larijani, le président de l'assemblée et Mohamad Ghalibaf le maire de Téhéran. Ghalibaf dispose du réseau des Pasdaran ou du moins de leur sympathie car il a été lui-même un membre de ce corps tout comme Larijani qui dispose en plus d'un réseau familial développé170(*). Cependant ces deux hommes politiques ne différeront guère de la ligne actuelle. Ils seront, il est certain moins influencé par les radicaux islamistes, mais en conservateur ils ne pousseront pas à la réforme complète du système. Sur le nucléaire il y avait un consensus chez les conservateurs. Cependant Larijani qui a connu la négociation sur le nucléaire et est parfaitement au fait des problèmes actuels a démissionné. C'est en raison du fait que toute avancée ou tentative de voie différente dans la négociation était contestée par le président Ahmadinejad qui communiquait dans les médias l'impossibilité de telle ou telle option avancée par Larijani. Tous les iraniens selon les spécialistes soutiennent le projet du nucléaire civil et ne comprennent pas la forme d'injustice que la communauté internationale fait vivre à leur pays. Le président Ahmadinejad a centré son action sur ce problème et ce qui est sûr c'est qu'il n'a pas intérêt à ce qu'il se termine. Il y a donc ces autres candidats potentiels tout aussi disposés qui veulent sa place. Larijani dispose de l'expérience du nucléaire au plus prêt et c'est un argument de campagne en plus de son réseau et de son expérience et de son passé de pasdaran. Ghalibaf est aussi un pasdaran, maire de Téhéran, il représente l'alternative soft au président Ahmadinejad. Les prochaines élections pousseront la population et le Guide à choisir entre notamment ces deux candidats potentiels. Plus largement, les élections détermineront s'il va y avoir un retour des conservateurs traditionnels suite à la politique menée par les nouveaux arrivés. Le retour de Kathami est de plus annoncé chez les réformateurs. Le choix va être de conserver l'intégrisme et le « tout provocation » du président Ahmadinejad et de ses soutiens ou revenir à des candidats plus traditionnels, plus modérés par rapport au président qui représente la relève des conservateurs en Iran. On peut penser qu'avec eux l'arbitrage se ferait plus en faveur de la négociation ou en tout cas la stratégie de communication changerait sûrement.

Ce régime n'est pas prêt à une ouverture totale ni à la démocratie à l'occidentale et c'est un choix clair répété dans la constitution. La construction de cet état, dans les années 1980, tentant de faire un mariage entre la démocratie et la théocratie, montre une modernisation de la pensée politique musulmane, même si elle ne concerne que la branche chiite. L'auteur de ce mémoire pense qu'on ne peut interdire à cet état d'exister sous prétexte d'une prise du pouvoir démocratique (avec fraude ou non) des extrêmes ou d'une primauté du religieux sur le politique. Au niveau juridique, un tel état a sa place sur la scène internationale. La démocratie171(*) n'est pas le seul des gouvernements possibles. Dans certaines situations même, nos démocraties savent laisser la place au pouvoir d'un seul. L'Iran a connu ces situations, une guerre longue et extrêmement meurtrière, un embargo de la part des américains, des menaces militaires grandissantes. Cela peut expliquer son organisation politique.

Le discours messianique et religieux, voire radical du président des États Unis d'Amérique rappelle étrangement celui de son ennemi « maléfique ». L'auteur de ce mémoire pense que le président Ahmadinejad perdra toute assise lorsqu'il n'aura plus d'utilité, c'est-à-dire lorsque que ses « ennemis » auront changé de stratégie de communication. La guerre contre le mal, les croisades contre les terroristes intégristes ont fait passer l'anti impérialisme de l'idéologie à la religion.

Le régime de non-prolifération a des effets sur la politique interne de l'Iran, il structure la vie politique au moins dans certains domaines. C'est la question nucléaire qui a poussé la démission de Larijani. Ce sont les « rounds » de négociation avec les représentants internationaux qui semble-t-il l'ont rendu pragmatique. Le régime de non-prolifération touche toute une partie de la classe politique qui est en opposition au président Ahmadinejad et sert de référence dans le combat politique. Il semble que le régime produise deux effets contradictoires dans la mesure où la question du nucléaire est devenu un enjeu politique interne. D'un côté il produit des volontés de convergence172(*) et de l'autre de divergence. Il semble que ce régime ne soit cependant pas assez fort ou crédible pour influencer la majorité de la classe politique iranienne. Il n'y a pas de consensus dans le choix de la politique à mener par rapport au régime de non-prolifération. Il y a de plus actuellement un « feedback », l'Iran et d'autres acteurs par l'intermédiaire de leurs représentants sont en train d'influencer le régime. C'est le rôle de la politique révisionniste.

Maintenant que nous avons vu l'organisation politique interne de l'Iran, nous allons nous intéresser à la position du pays au niveau international. Tout cela toujours dans une optique de présenter le maximum de faits pour étayer et comprendre la recherche qui va suivre.

* 136 « Tempêtes sur l'Iran », Manières de voir, Le monde diplomatique, n°93, Juin Juillet 2007

* 137 Réflexions sur le système constitutionnel iranien, http://droit-evolue.com/article_potocki.htm, (consulté le 29 juillet 2008)

* 138 L'ayatollah Seyyed Kazem Shariatmadari et son parti républicain du peuple musulman par exemple.

* 139 Monisme et dualisme dans le régime parlementaire, http://fr.wikipedia.org/wiki/Monisme_et_dualisme_dans_le_r%C3%A9gime_parlementaire, (consulté le 30 juillet)

* 140 Constitution iranienne, Chapitre 1, deuxième principe, http://www.jurispolis.com/dt/mat/dr_ir_constit1979/dt_ir_constit1979_chap01.htm#_Toc96573724, (consulté le 30 juillet)

* 141 Réflexions sur le système constitutionnel iranien, http://droit-evolue.com/article_potocki.htm, (consulté le 30 juillet 2008)

* 142 L'assemblée consultative islamique, http://www.majlis.ir/, (consulté le 30 juillet 2008)

* 143 Armée iranienne, http://fr.wikipedia.org/wiki/Arm%C3%A9e_iranienne, (consulté le 30 juillet)

* 144 Gardiens de la révolution islamique, http://fr.wikipedia.org/wiki/Gardiens_de_la_r%C3%A9volution_islamique, (consulté le 30 juillet)

* 145 Rodier, Alain, Iran : la prochaine guerre ?,Paris, Ellipses, 2004

* 146 Politique de l'Iran, http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_de_l%27Iran#Le_Pr.C3.A9sident_de_la_R.C3.A9publique, (consulté le 30 juillet 2009)

* 147 Nirumand, Bahman, Iran vers le désastre ?, Actes Sud, 2007, p 209

* 148 Mohamad Khatami, http://fr.wikipedia.org/wiki/Mohammad_Khatami, (consulté le 30 juillet 2008)

* 149 Réflexion sur le système constitutionnel iranien, http://droit-evolue.com/article_potocki.htm, (consulté le 30 juillet).

* 150 Ali khamenei, http://fr.wikipedia.org/wiki/Ali_Khamenei, (consulté le 30 juillet 2003)

* 151 Khamenei ne recule pas devant les puissances arrogantes, http://www.france24.com/fr/20080730-khamenei-iran-nucleaire-etats-unis-guide-supreme-ayatollah-discours, (consulté le 30 juillet 2008)

* 152 Mahmoud Le président Ahmadinejad : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mahmoud_Le président Ahmadinejad (consulté le 30 juillet 2008)

* 153 Le chef de la diplomatie iranienne prône des consultations régulières entre les Etats membres du MNA, http://www2.irna.ir/fr/news/view/menu-375/0807292507020226.htm, (consulté le 29 juillet 2008)

* 154 Said Jalili, Les deux parties doivent aboutir à un plan d'action commun, http://www2.irna.ir/fr/news/view/line-41/0807205649173923.htm (consulté le 29 juillet 2008)

* 155 Ali Larijani, http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/proche_moyenorient/20080601.OBS6496/ali_larijani_elu_a_la_presidence_du_parlement_iranien.html?idfx=RSS_international, (consulté le 30 juillet 2009)

* 156 Larijani a la tête de l'assemblée nationale iranienne, http://www.france24.com/fr/20080601-ali-larijani-elu-president--majlis-assemblee-nationale-iranienne-iran-politique, (consulté le 30 juillet 2009)

* 157 Mohammad Ghalibaf, http://fr.wikipedia.org/wiki/Mohammad_Ghalibaf, (consulté le 30 juillet 2008)

* 158 Hashemi Shahroudi http://fr.wikipedia.org/wiki/Hashemi_Shahroudi, (consulté le 30 juillet 2008)

* 159 Hashemi Rafsanjani, http://fr.wikipedia.org/wiki/Hashemi_Rafsanjani, (consulté le 30 juillet 2008)

* 160 Roy, Olivier, « Faut il avoir peur d'Le président Ahmadinejad ? », Politique Internationale, n°111, printemps 2006

* 161 Nirumand, Bahman, Iran vers le désastre ?, Actes Sud, 2007

* 162 Roy, Olivier, « Faut il avoir peur d'Le président Ahmadinejad ? », Politique Internationale, n°111, printemps 2006

* 163 Mohammed Ali Abtahi, « Un chef messianique et contre-révolutionnaire », Courrier International, n°916, mai 2008, p 31

* 164 Mahammad Reza Pevian, « Le président Ahmadinejad ne tolère aucun rival », Courrier International, n°912, avril 2008, p 26

* 165Iran Vah Jahan, http://www.iranvajahan.net/cgi-bin/news.pl?l=fr&y=2005&m=07&d=01&a=1#_ednref8, (consulté le 30 juillet 2008)

* 166 Colville Thierry, http://www.dailymotion.com/video/x4r6se_iran-le-bilan-des-legislatives_politics, (consulté le 30 juillet 2008)

* 167 Les conservateurs remportent les législatives, http://www.lefigaro.fr/international/2008/03/17/01003-20080317ARTFIG00052-les-conservateurs-remportent-les-legislatives-en-iran.php (consulté le 30 juillet 2008)

* 168 Front des principales listes unifiées

* 169 Ignatius, David, « Mésentente croissante au sein du pouvoir », Courrier International, n°924, juillet 2008, p 24

* 170 Ali Larijani est le fils de l'Ayatollah Hashem Amoli et le frère de Sadegh Larijani (un clerc membre du conseil des Gardiens), de Mohammad Javad Larijani et Fazel Larijani (attaché culturel iranien à Ottawa). Il est aussi le beau-fils de l'Ayatollah Morteza Motahhari puisqu'il s'est marié avec la fille de celui-ci et un cousin de Ahmad Tavakkoli.

* 171 Représentative avec une souveraineté émanant du peuple, une instabilité politique, des jeux politiciens, et une perte de contrôle sur la direction

* globale.

172 Katzentstein,Peter, Kehoane,Robert,Krasner,Stephen, Exploration and contestation in the study of wolrd politics, Mit press, 1999

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