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Les enjeux géopolitiques de la "percée" chinoise au Sénégal

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par Xavier Aurégan
Institut Français de Géopolitique - Master 2007
  

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2. Les deux Chines et la course à l'Afrique

Quelles circonstances ont amené Taiwan à s'investir en Afrique ? Je dois préciser en préambule, que les évènements intérieurs (en RPC) jouèrent un rôle prépondérant dans la politique extérieure chinoise.

La révolution culturelle chinoise de 1966 à 1969 va marquer un temps d'arrêt dans les relations RPC-Afrique, qui avaient pourtant été productives durant les quinze dernières années. Éprouvant de sérieuses difficultés sur son territoire, la Chine n'a plus la capacité d'intervenir largement en Afrique. Elle s'isole également en adressant des reproches pernicieux et virulents à l'égard des Russes. De fait, car elle s'éloigne aussi des pays trop intimes des Étasuniens, elle va s'isoler diplomatiquement et politiquement. Ceci entraîne une levée de boucliers chez ses amis Africains, la jugeant trop critique. Mais compte tenu de ses principes, la Chine apportera pendant ces trois années, sa solidarité avec les mouvements de lutte nationale en alimentant ces derniers en armes : Angola, Mozambique, Afrique du Sud. Elle s'éloigne donc progressivement des pays africains jugés trop proches d'un des deux blocs (Tunisie, Kenya, République Centrafricaine et royaume de Dahomey ou actuel Bénin) mais conserve d'excellentes relations avec le Congo Brazzaville, la Somalie, la Tanzanie, la Guinée, la Zambie et le Mali.

Cependant, le travail effectué par Zhou Enlai porte ses fruits et permet au ministère des Affaires étrangères de compter 19 États africains parmi ses relations diplomatiques. Ces États sont les suivants : Maroc, Algérie, Tunisie et Égypte pour l'Afrique du Nord, Guinée (Conakry), Mali Ghana et Bénin en Afrique de l'Ouest, République Centrafricaine et Congo Brazzaville en Afrique Centrale, Éthiopie, Somalie, Kenya et Tanzanie en Afrique de l'est et Angola, Zambie, Mozambique et Afrique du Sud pour l'Afrique Australe. Madagascar est donc le dernier pays ayant des relations diplomatiques officielles avec Pékin. Ces 19 partenaires pourraient être plus nombreux si l'on compte ceux ayant des relations appuyées avec Beijing, en particulier le Sénégal qui officialisera ses relations en décembre 1971.

Le bilan chinois en Afrique est donc plutôt positif sur le plan idéologique et politique, avec des revers toutefois en Algérie, Égypte et Guinée. Sur le plan économique, ce sont surtout les effets d'annonce de sommes peu élevées pour ne pas dire dérisoires qui constituent l'ensemble des flux financiers entre les deux parties. Pour l'Afrique, ce bilan économique est nettement moins positif car ceux-ci ont été dans l'obligation de baisser leurs taux de change voire leurs revenus réels du fait de la concurrence sur les marchés tiers et sur les marchés africains eux-mêmes (produits alimentaires dont le riz, produits industriels dont le textile). Baisse des prix et concurrence chinoise

entraînant une régression relative du volume des exportations sont donc les points négatifs qu'entraîne l'implantation chinoise dans l'économie africaine.

La Chine à par-dessus tout apporter une assistance militaire (conseils et ventes d'armes) et idéologique dans les conflits opposant les États africains aux occidentaux. Nonobstant, elle a construit des stades et bâtiments officiels. Si une diaspora est présente en Afrique du Sud et Madagascar elle n'est pas encore implantée dans les arrière-pays. L'évolution et la croissance des échanges commerciaux et humains va être faible jusqu'au soudain intérêt taiwanais pour ce continent au début des années 1990. La Chine va dès lors se positionner en Afrique dans l'intention de contrer son rival. Rival qui va s'atteler à déséquilibrer la Chine continentale en la concurrençant sur son terrain, l'aide au développement du continent africain.

Avant de développer ce paragraphe, il est indispensable de faire une parenthèse : je ne vais, dans cette étude, pas prendre position sur le statut de Taiwan146. En effet, ceci demanderait un long développement, inutile dans ce mémoire. Si l'on veut défendre telle ou telle position, on pourra dire que la RPC ne respecte pas idéologiquement ses engagements (autodétermination des peuples) et, inversement, que l'île de Taiwan est dirigée par un gouvernement nationaliste et provocateur, jouant sur la politique du chéquier pour convaincre de sa légitimité.

Cette rivalité commence en 1949. C'est l'année de la création de la RPC. Taiwan conserve néanmoins son siège à l'ONU, ayant ratifié la charte des Nations Unies de 1945. Seulement, au fil des années, la Chine continentale gagnant en popularité et influence, va convaincre au niveau international de sa pertinence à posséder ce siège, ce qu'elle parvint à faire le 25 octobre 1971, avec l'aide des Soviétiques. Cette résolution 2758 (XXVI) évince la République de Chine ou Taiwan, qui est donc remplacée par la RPC.

Le rôle des États africains fut d'une importance capitale, car leurs votes représentèrent 32,9%147. Dès cette admission, la Chine, nantie de son siège, aurait due prouver sa reconnaissance aux pays l'ayant aidé à obtenir ce dernier. Il n'en est rien. Les relations sino-africaines vont au contraire être dirigées unilatéralement, et surtout, dirigées dans les coulisses par les forces exogènes que sont l'URSS et les États-Unis. L'URSS, en premier lieu, car la Chine tente à se démarquer de son allié historique en raison de la politique russe jugée par trop impérialiste et non conforme au socialisme maoïste. En coopérant avec les États en conflit avec l'URSS ou indirectement, en

146 Devenue de facto indépendante à la suite de la prise de pouvoir par le Guomindang (en 1949 lorsque ce gouvernement se délocalise suite à la création du gouvernement communiste de Mao Zedong), elle ne l'est pas selon la République Populaire de Chine. Elle ne l'est pas au niveau international car elle perd son siège et sa reconnaissance par l'ONU en 1971 au profit de la Chine continentale qui considère l'île comme une province rebelle, aidée en ce sens par de nombreux États, dont ceux d'Afrique.

147 La Chine continentale obtint son siège par 76 voix pour, 35 voix contre et 17 abstentions. 25 états africains votèrent en faveur de la RPC.

accordant d'importantes aides aux États en conflits avec les pays soutenus par Moscou, Pékin joue pleinement son rôle de troisième force internationale, au profit bien sûr de Washington.

Les États-Unis d'ailleurs sont la priorité chinoise. La visite du président américain Richard Nixon en février 1972 va permettre aux deux parties d'engager des relations diplomatiques, officiellement établies en 1978, et, de lever l'embargo commercial qui affecte la Chine. De plus, ces relations seront une des conditions de l'ouverture économique chinoise des années 1980, favorisée par les réformes économiques opérées par Deng Xiaoping à la mort de Mao en 1976.

La concurrence sino-soviétique fait donc rage sur le continent africain, la Chine soutenant financièrement les pays proches de l'URSS tels que l'Égypte, le Congo Brazzaville, la Somalie, la Zambie, le Soudan et la Tanzanie où la construction du chemin de fer reliant la Tanzanie à la Zambie (Tanzam) accapare à elle seule la moitié des aides. Cette construction plus politique qu'économique (pour la Chine) lui donne une image positive et positionne le pays comme, dorénavant, indiscutablement décisif et incontournable.

En 1972 et 1973, la manne chinoise s'élargit au Bénin, à Madagascar, à Maurice, au Cameroun, au Burkina-Faso, au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo), à la Tunisie, au Togo, au Nigeria, au Rwanda et au Sénégal. Dans les années 1980, changeant de politique, Pékin va soutenir cette fois des pays proches de l'Union Soviétique, tels la Libye, l'Éthiopie et le Lesotho. Elle soutient également le combat Sud-africain, la lutte contre l'apartheid.

Au milieu des années 1980, un changement irréversible va s'opérer : la politique intérieure chinoise va réguler la politique extérieure. Le PCC qui avait entamé en 1978 une réforme économique voit les conséquences de son action : l'économie planifiée, importée d'URSS, fait place au socialisme de marché. La collectivisation de l'agriculture est remplacée par la responsabilité individuelle, l'industrie d'état voie l'arrivée du patronat, en fait, une libéralisation plus ou moins contrôlée s'opère. L'économie marchande prend le pas sur l'économie planifiée par le PCC. Ce glissement vers le capitalisme contrôlé à sauvé le régime mais entraîne d'innombrables problèmes économiques tels que l'endettement des banques publiques, de gérants d'industrie légère, de paysans... que le gouvernement doit rembourser. L'économie mixte est de rigueur (en 1992, le système économique devient économie de marché socialiste), c'est l'époque de l'enrichissement des provinces situées sur les façades maritimes, endettement des autres. Donc, en 1985, ces réformes accaparent l'ensemble des dépenses publiques, laissant peu de marge de manoeuvre au ministère des Affaires étrangères.

L'Afrique en général est directement touchée. Quatre ans plus tard, soit en 1989, intervient l'évènement de la place de Tian An Men, évènement qui provoque immédiatement des sanctions internationales (sans parler du séisme diplomatique). Cette période est par ailleurs marquée par l'effondrement de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques le 26 décembre 1991.

Ces données vont considérablement changer la donne géopolitique mondiale. La Chine va rechercher de nouveaux soutiens car la fin de la guerre froide et ses besoins énergétiques l'obligent à intervenir massivement en Afrique et au Moyen Orient. Ce dernier étant instable géopolitiquement et saturé économiquement (par les États-unis et les États européens), le choix africain est rapidement effectué. Parallèlement, ce continent à également des besoins primordiaux et directs : obtenir des capitaux et financements, du savoir-faire et des produits peu chers, bon marché, en résumé, chinois !

A l'aube des années 1990, l'ensemble des pays composant le continent africain ont des relations diplomatiques avec Pékin. Seulement, c'est sans compter sur l'île qui désire depuis son éviction des Nations Unies se repositionner et obtenir un statut officiel auprès de l'ONU et de la scène internationale. Pour ce faire, elle va en premier lieu faire les yeux doux aux États-Unis qui lui apporte en échange une reconnaissance partielle. Ensuite sa stratégie va s'appliquer à nouer avec les pays africains des relations diplomatiques, essentiellement basées sur les aides financières.

De fait, dès octobre 1989, le Libéria noue des relations avec Taiwan, suivit du Lesotho en avril 1990, de la Guinée-Bissau en mai, la République Centrafricaine en juillet 1991, le Niger en juin 1992, le Burkina Faso en février 1994, la Gambie en juillet 1995, le Sénégal en janvier 1996, Sao Tomé et Principe en mai 1997 et avec le Tchad en août 1997.

Isoler diplomatiquement Pékin est le principal souci du gouvernement taiwanais. Taiwan réussit donc un petit exploit en récupérant ainsi, grâce à sa manne, ces pays antérieurement alliés de Beijing. Toutefois, le succès est relatif car dès 1994, le Lesotho répond aux avances de la RPC, soit, environ quatre années après la volte-face taiwanaise. Le Niger quant à lui retourne sa veste en 1996, l'Afrique du Sud, la République Centrafricaine et la Guinée Bissau en 1998, le Libéria en 2003, le Sénégal le 25 octobre 2005 et dernièrement le Tchad en août 2006. Début 2007, il ne reste donc que cinq États africains (carte K, page 131) ayant encore des relations diplomatiques avec Taiwan, soit, le Burkina Faso, la Gambie, le Malawi et Sao Tomé et Principe. Mais, étant donné l'influence de Pékin, sa détermination à s'approvisionner énergiquement, son panel d'offres et aides, pour combien de temps encore ces cinq irréductibles continueront à affirmer envers et contre tous l'existence des deux Chines ?

La RPC est donc en 2007 en passe de réaliser un objectif principal : évincer Taiwan, la circonscrire sur la scène internationale. L'Afrique est pour elle autant qu'un enjeu économique est un enjeu géopolitique. Les récents sommets en sont la preuve.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo