WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les révisions constitutionnelles au Sénégal

( Télécharger le fichier original )
par Ibrahima DIALLO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar -  Maitrise en droit public 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2°) Le renforcement et la stabilisation des pouvoirs du Président :

Née au lendemain de la crise institutionnelle de décembre 1962, la constitution du 07 mars 1963 a entendu tirer les leçons d'un régime parlementaire dualiste dans le contexte sénégalais. C'est ainsi qu'elle mit en place un régime présidentiel ou tout l'exécutif était dévolu au Président de la République.

Cette dynamique de renforcement des pouvoirs du Président de la République est poursuivie avec la révision constitutionnelle de 1967 qui donne au chef de l'Etat le pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale lequel est au demeurant soumis à des restrictions9(*). C'est ainsi qu'il faut l'écoulement d'un délai de trois ans depuis le début de la législature pour procéder à la dissolution à moins que le Président n'ait été élu pour terminer le mandat de son prédécesseur .Dans ce dernier cas, un an suffit au Président pour prononcer la dissolution .En outre l'exercice du droit de dissolution entraîne un renouvellement simultané des mandats des députés et du Président de la République en raison de leur synchronisation. Cette dernière restriction cantonne le droit de dissolution au strict formalisme car on imagine mal que le chef de l'Etat mette en pratique une règle qui abrègerait son mandat.

Quoi qu'il en soit cette réforme dénature le régime présidentiel mis en place par la constitution de 1963 car fondamentalement un régime présidentiel est un régime de séparation rigide des pouvoirs où il y a une absence de contraintes juridiques entre l'exécutif et le législatif entravant leur indépendance. Cette dénaturation du régime sera accentuée en 1970.

Mais avant d'en arriver là, il faut signaler qu'en 1968, un malaise du monde paysan accentué par une vive tension politique avait affecté le Sénégal. Dans ce contexte, mieux que la fermeture de l'Université ou des établissements d'enseignement public, il fallait des initiatives politiques majeures dans le but de sauvegarder et d'assurer la stabilité des pouvoirs du chef de l'Etat10(*). C'est ainsi que fut opérée une révision constitutionnelle en 1970 pour déconcentrer les pouvoirs du Président en introduisant le poste de premier ministre. Ce dernier est nommé et révoqué par le Président de la République tout comme les autres ministres sauf que pour eux, la nomination est précédée d'une proposition du premier ministre. Cette réforme instaure également la motion de censure permettant au parlement de provoquer la démission du gouvernement .Au demeurant celle -ci est assujettie à un régime juridique assez rigide dans le but d'assurer la stabilité du gouvernement11(*). En outre les actes du Président de la République sont en principe contresignés par le premier ministre et le cas échéant par les ministres et secrétaires d'Etat concernés.

Cela n'entame en rien cependant les pouvoirs du Président de la République qui nomme à tous les emplois, qui est le gardien de la constitution de même qu'il continue à déterminer la politique de la nation qui du reste est appliquée par le premier ministre et ses collègues. Il s'agissait simplement comme le soulignait Monsieur Paul Ngom de « dégrossir les responsabilités politiques du Président de la République » (cours d'histoire des institutions politiques et administratives)12(*).

Ce poste de premier ministre sera confié à Abdou Diouf qui au lendemain de la démission du Président Senghor assurera la suppléance jusqu'a l'élection présidentielle de 1983 qu'il remporta, ce qui lui donna une légitimité populaire.

Après son élection, le Président entrepris une rupture avec l'ordre institutionnel existant en renouant avec le schéma initial de 1963. Ainsi, invoquant la nécessité pour le gouvernement de « plus d'efficacité de rapidité et de simplicité », il annonça le retour du régime présidentiel pur avec un renforcement des pouvoirs du Président13(*). Cette annonce fut faite lors du « message à la nation » prononcé le 3 Avril 1983 à l'occasion de la faite nationale, ce qui va mener à la réforme constitutionnelle de 1983 supprimant le poste de premier ministre. Cette révision entraînera également la suppression du droit de dissolution, de la motion de censure, la restauration de l'incompatibilité entre la fonction ministérielle et la fonction parlementaire. Désormais, le Président est l'exécutif, ce qui n'est pas sans renforcer sa suprématie.

Ce retour au schéma initial de 1963 relatif à la séparation rigide des pouvoirs n'est pas définitif car une nouvelle structuration des rapports entre l'exécutif et le législatif sera définie par la loi constitutionnelle n°91-25 du 5 avril 1991 restaurant le poste de premier ministre.

Selon l'exposé des motifs de celle-ci « l'approfondissement de la démocratie étant toujours allé de pair avec la mise en oeuvre d'une gestion rigoureuse des affaires publiques. » cette révision « tend simultanément au resserrement du dialogue démocratique entre le pouvoir exécutif et l'Assemblée Nationale, dans toutes les composantes de celles-ci, et au renforcement de la cohérence de l'action gouvernementale ». A cet effet, la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement devant le parlement est réintroduite.

Au demeurant l'exercice de celle-ci est assoupli puisqu'il suffira dorénavant d'un dixième des députés au lieu d'un quart pour déposer une motion de censure. Le droit de dissolution sera également reconnu au Président de la République pour parer à un exercice abusif de la motion de censure.

En outre il faut souligner que l'action gouvernementale ainsi que l'administration seront dirigées par le premier ministre sous le double contrôle du chef de l'Etat et du Parlement. En outre les délégations de pouvoirs du Président de la République sont abrogées. Cette abrogation révèle la présence d'un souci d'exercice sans partage du pouvoir et la crainte d'un chef du gouvernement qui pourrait se placer en redoutable rival comme ce fut le cas en 1962 entre le Président de la République et le Président du Conseil. Cette crainte est perceptible à la lecture de l'exposé des motifs qui « précise  essentiellement que le Président nomme le premier ministre et met fin à ses fonctions ».

En conclusion le poste de premier ministre sera caractérisé par une réelle instabilité entre 1970 et 1991, créé et supprimé en fonction du souci de renforcer ou de stabiliser les pouvoirs du Président.

Par ailleurs il faut remarquer qu'à coté de ces réformes tournant autour de l'institution présidentielle d'autres réformes plus favorables à la démocratie ont été opérées.

* 9 Loi constitutionnelle n°67-32 du juin 1967 portant révision de la constitution, JORS n°3906 du 10 juillet 1967

* 10 Paul Ngom cours d'histoire des institutions politiques et administratives du Sénégal

* 11 Loi constitutionnelle n°70-15 du 26 février 1970 (JORS n°4089 du 28 février 1970) : selon celle-ci, la motion de censure doit à peine d'irrecevabilité être revêtue de la signature du quart des membres composant l'Assemblée. La censure est votée à la majorité absolue mais également lorsqu'elle est effective le président de la république peut dissoudre l'Assemblée

* 12 Voir dans ce sens G Conac, les institutions constitutionnelles et politiques des Etats d'Afrique francophone de la République malgache, Paris, Economica, 1979, p 67

* 13 Gerti Hesseling, Histoire politique du Sénégal : Institutions, droit et société, p.298 et s

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand