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Arbitrage et procédures collectives

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par Charlène RIET
Université Toulouse1 Capitole - Master 2 Droit fondamental des affaires 2010
  

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B - Le droit des procedures collectives, un droit d'ordre public international

121. Il ne fait pas de doute que le principe de l'arrêt des poursuites individuelles, tout comme celui de dessaisissement du débiteur ou d'interruption de l'instance soient d'ordre public. Mais on peut penser qu'il ne s'agit pas d'une liste exhaustive et qu'en réalité, la totalité des règles des procédures collectives sont à la fois d'ordre public interne et d'ordre public international. C'est la position défendue par le Professeur Pascal Ancel qui se fonde sur un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27 février 19923 qui déclare, à propos d'une procédure de redressement judiciaire, que << ...les textes relatifs à cette procédure sont d'ordre public interne et international È. Il en déduit que c'est la totalité des règles des procédures collectives qui sont d'ordre public interne et international4. Cette position n'est pas surprenante dans la mesure oü l'ensemble des règles des procédures collectives est nécessaire à la protection de l'intérêt collectif. Il semble donc logique qu'elles bénéficient toutes de la qualification de règles d'ordre public interne et international afin qu'elles prédominent. Permettant ainsi de ne pas contrarier l'ensemble des mesures prises par le juge étatique pour tenter de sauvegarder l'entreprise en difficulté.

122. Mais cette position, outre le fait qu'elle n'ait pas été reprise par la juridiction suprême, fait l'objet de controverses. Le Professeur Jean-Baptiste Racine affirme quant à lui que << seules les règles fondamentales du droit des procédures collectives sont d'ordre public international5 È, sans pour autant les énumérer. Son argumentation tient dans le fait que la solution prononcée par la Cour d'appel dans l'arrêt dit Sohm ne concerne en réalité pas toutes les règles attachées à la procédure de redressement judiciaire mais seulement celles liées << à l'administration ou au rejet des créances È6.

1 P. Ancel, Rev. arb. 1992, p. 596.

2 << Le principe de suspension des poursuites individuelles en matière de faillite est à la fois d' ordre public interne et international È, Cass. Civ. 1re, 6 mai 2009 - Mandataires judiciaires associés c/ Sté International Company for Commercial Exchanges Income - n°08-10.281.

3 CA Paris, 27 février 1992, Me Sohm ès qual. c/ sté Simex

4 P. Ancel, Rev. arb. 1992, p. 590 et s.

5 J.-B. Racine, op. cit, p. 502, n°900.

123. Pour autant, il semble difficile de distinguer entre les règles des procédures collectives << fondamentales È, qui peuvent à ce titre être qualifiées de règles d'ordre public international ; et celles qui ne le sont pas.

En outre, on peut considérer que ce sont l'ensemble des règles des procédures collectives qui concourent à la réussite de la procédure collective. Car si, comme l'avance le Professeur Dominique Vidal1, la procédure collective est semblable à un jeu de Mikado®2, on peut penser que toutes les règles des procédures collectives sont essentielles et qu'elles méritent toutes la qualification de règle d'ordre public international afin d'optimiser les chances de réussite de la procédure collective.

Sous-section 2 : Obligation de déclaration et de vérification des créances

124. L'obligation de déclarer ses créances est une règle d'ordre public des procédures collectives, aussi il n'est pas possible d'y déroger. Il conviendra dans un premier temps d'examiner la portée de cette obligation (§1), puis d'examiner le rTMle et l'impact du juge commissaire, à qui il incombe de vérifier la déclaration des créances (§2).

§ 1 Portée de l'obligation de déclarer ses créances

125. A partir de la publication d'un jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, tous les créanciers, à l'exception des salariés doivent déclarer leurs créances nées avant le jugement d'ouverture.

La Cour de cassation a affirmé à de nombreuses reprises3 le caractère impératif de la déclaration des créances auprès du juge commissaire. Ainsi, la chambre commerciale dans un arrêt du 8 janvier 20024 affirme : <<tout créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, doit se soumettre à la procédure de vérification des créances È.

Il ne fait donc pas de doute que la déclaration de créance auprès du juge commissaire ait un
caractère impératif. Mais elle doit en outre s'effectuer dans les conditions légalement prévues et
c'est le juge commissaire qui appréciera la régularité de la déclaration. Et s'il s'avère que la

6 La Cour d'appel déclare << Considérant que l'article 101 de la loi de 1985 donne compétence au juge commissaire pour décider de l'administration ou du rejet des créances et que les textes relatifs à cette procédures sont d'ordre public interne et international È;

1 D.Vidal, Procédures collectives et procédures d'arbitrage : quelle rencontre ?, Gaz. Pal. 31 octobre 2009, n° 304, p. 3.

2 cf supra Titre 1, Chapitre 1,Section 1, Sous-section 1, §2, B.

3 Cass. com, 14 mars 1995, n°93-12489, << seule une instance en cours devant un juge du fond au jour du jugement d'ouverture enlève au juge-commissaire le pouvoir de décider de l'admission ou du rejet È.

4 Cass. com., 8 janvier 2002, Bull. Civ. 2002, IV,p. 3.

déclaration de la créance a été faite hors délai ou que les formes requises n'ont pas été respectées, il devra constater l'extinction de la créance1, de sorte que la procédure engagée devant le tribunal arbitral sera sans objet.

126. On peut légitimement penser que c'est le principe d'égalité des créanciers qui sous-tend cette obligation afin de leur permettre d'être admis au passif de la procédure2. En outre, cette discipline collective est un moyen de juger du passif de l'entreprise afin de mieux cerner ses difficultés et de pouvoir ainsi élaborer des solutions adaptées au sauvetage de l'entreprise. L'article L 622-26 du Code de commerce3 introduit par l'ordonnance du 18 décembre 2008, précise que les créances non déclarées sont inopposables au débiteur. Cette règle << permet de déjouer la stratégie consistant à ne pas déclarer afin de pouvoir poursuivre le débiteur4 È. Par conséquent, le créancier qui désire saisir le tribunal arbitral ou reprendre l'instance arbitrale interrompue par l'ouverture de la procédure collective, a l'obligation de déclarer sa créance. Cette solution récente sera exéminée plus en détail ultérieurement5.

127. En effet, un tribunal arbitral, même s'il est compétent pour statuer sur le litige opposant les parties, ne peut pas être directement saisi d'une demande en paiement dirigée contre le débiteur. Au préalable, la loi impose au créancier de déclarer sa créance et ce n'est qu'une fois la procédure de vérification de la créance accomplie que le tribunal arbitral pourra conna»tre du litige6, à condition que ce dernier n'entre pas dans le champ de compétence exclusive de la juridiction étatique. Par conséquent, lorsque la saisine du tribunal arbitral est postérieure à l'ouverture de la procédure collective, cette saisine n'est possible qu'après la vérification des créances devant le juge commissaire.

128. Dans le cas oü la procédure arbitrale est antérieure à l'ouverture de la procédure collective, cette obligation s'impose également puisque l'absence de déclaration empêche la reprise de l'instance arbitrale. Ainsi, une sentence7 considère << que l'arbitre ne peut conna»tre d'une contestation formulée contre un défendeur en procédure d'insolvabilité tant que n'a pas été effectuée la déclaration de la créance8 È. La domination des procédures collectives ne fait pas de doute puisque

1 En ce sens, E. Loquin, RTD Com. 2009, p. 546.

2 P. Delmotte, L'égalité des créanciers dans les procédures collectives, Rapport de la Cour de cassation, 2003, www.courdecassation.fr

3 Art L 622-26 al 2 : << Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une süreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie È.

4 C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, Montchrestien, 6e éd., p. 408, n° 646-5.

5 cf infra, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, Sous section 2.

6 En ce sens, Cass. Civ. 1re, 8 mars 1988 - Thinet - n° 86-12.015, Bull. 1988, I, n° 65 p. 42.

7 Sentence CCI n° 10687.

8 Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI, Vol.20/1, 2009. p. 70.

en l'espèce, elle neutralise le déroulement de l'instance arbitrale.

En outre, le tribunal arbitral devra se déclarer incompétent aussi longtemps que se déroule la procédure de vérification des créances1. De sorte que si la décision du juge commissaire est frappée d'appel, le tribunal arbitral n'est pas compétent pour conna»tre du litige pendant toute la durée de l'appel2.

Dans le cas oü le créancier ne peut pas saisir le tribunal arbitral, il doit tout de même déclarer sa créance et se soumettre à la procédure de vérification des créances3.

§ 2 Suprématie du rTMle du juge commissaire et domination des procédures collectives

129. En principe4, seul le juge commissaire a le pouvoir de décider de l'admission ou du rejet d'une créance. Il a un rTMle central dans le déroulement de la procédure collective, il prend d'importantes décisions, assure le bon déroulement de la procédure en surveillant notamment certains acteurs comme les mandataires de justice. Aussi est-il souvent désigné comme Ç l'homme-orchestre5 È de la procédure. En outre, sa décision a un caractère juridictionnel et en tant que telle, elle est subordonnée aux règles légales encadrant tout jugement6, et s'imposent ainsi les exigences du droit à un procès équitable. Cela démontre, une fois de plus le caractère incontournable du juge commissaire, qui s'il peut autoriser le recours à l'arbitrage, exclut en principe la compétence de l'arbitre pour conna»tre de l'admission d'une créance. L'interdiction faite à l'arbitre de condamner le débiteur se comprend aisément car elle est indispensable au maintien de l'égalité des créanciers. Il en résulte une prédominance des règles des procédures collectives.

130. La caractéristique du juge commissaire est qu'il arrête seul l'état des créances. Mais nous avons vu précédemment que lorsqu'une procédure collective est ouverte, il peut autoriser les organes de la procédure collective à compromettre7. Reste la question de savoir sur quels types de créances peut porter cette habilitation judiciaire. En effet, l'article L 622-7 alinéa (II) du Code de commerce prévoit que Ç le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement ou à compromettre ou transiger È. Mais il soulève des difficultés d'interprétation car le texte ne distingue pas selon que le compromis intéresse des créanciers antérieurs ou postérieurs. Le Professeur Corinne Saint-Alary-Houin souligne que Ç s'il est sans aucun doute possible de

1 Sentence n °13845.

2 En ce sens, D. Vidal, Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI, Vol.20/1, 2009, p 68, n° 45.

3 CA Paris, 3 mars 1998, sté toulousaine d'exploitation cinématographique c/ sté Polygram Film Distribution CA Paris, 30 mars 1999,Consorts de Coninck c/ M. Zanzi et société Torelli ès qual.

4 cf infra, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, Sous-section 2, §2.

5 D. Vidal, Droit des procédures collectives, Gualino, 2e éd., 2009, p. 112.

6 Art 450 et s. CPC.

7 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section 2, §1, B.

compromettre [...] à propos de créances postérieures, admettre le compromis [...] pour des créances antérieures conduit à déposséder le juge commissaire de ses prérogatives puisqu'il arrête normalement seul l'état des créances1 È. Mais les auteurs sont divisés sur la réponse à apporter.

131. Ainsi, le Professeur Pierre-Michel Le Corre considère quant à lui qu'il est possible de compromettre sur des créances antérieures car si le juge commissaire voit ses prérogatives diminuer ce n'est que << parce qu'il l'a décidé en autorisant (...) le compromis2 È. Par conséquent, l'autorisation donnée par le juge commissaire de compromettre, même sur des créances antérieures, n'entache en rien son rTMle prépondérant dans la procédure collective. Néanmoins, l'obligation de déclaration et de vérification des créances est d'ordre public. Aussi, << certains auteurs estiment qu'il n'est pas possible même au juge commissaire d'y déroger3 È.

132. Il ne convient pas ici de prendre position pour l'un ou l'autre des courants doctrinaux, les deux pensées étant justifiées par une argumentation solide. Il convient néanmoins de noter, que si l'on admet la possibilité de compromettre sur des créances antérieures, cela ne remet pas en cause la jurisprudence constante qui limite le rTMle de l'arbitre lorsque celui si est compétent pour statuer sur l'admission des créances4. Il ne peut pas ordonner le paiement de la créance mais se borne à en fixer le montant5.

En effet, le fait de compromettre sur une créance antérieure à l'ouverture d'une procédure collective n'anéantit pas les objectifs de ces dernières, à savoir : préserver l'égalité des créanciers, protéger le débiteur et tenter de sauver l'entreprise. Donc, même en admettant que le juge commissaire autorise à compromettre sur des créances antérieures, il n'est pas concevable que l'arbitre puisse prononcer une condamnation à paiement, car cela risquerait de compromettre les équilibres que tentent de mettre en place les procédures collectives. Par conséquent, quelque soit la solution retenue, cela ne remet pas en cause la domination des procédures collectives sur l'arbitrage.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand