A - Arbitrage international et procedure collective
ouverte en France
153. Lorsqu'une procédure collective est ouverte et
que l'arbitre doit trancher un litige, le choix de la règle applicable
peut poser difficulté. Et l'arbitre peut hésiter entre la
règle applicable conformément au choix des parties ou à ce
qu'il estime approprié, et la loi de la procédure collective
d'une partie à l'arbitrage. << Un peu comme si la
compétence exclusive de la juridiction saisie de la procédure
collective pouvait entra»ner par une sorte de mimétisme, une
compétence au fond de la loi de la procédure
collective1 È.
154. Dans le cas oü l'arbitrage est international mais
que la procédure collective a été ouverte en France,
l'existence et l'efficacité de la sentence sont subordonnées au
respect du droit français. Ainsi, la loi française s'impose en
tant que loi de police du tribunal arbitral2. Le Professeur Phocion
Franceskakis définit les lois de police comme celles << dont
l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation
politique, sociale ou économique du pays3 È. Elles
permettent aux Etats de faire prévaloir leurs intérêts
fondamentaux, au besoin sur la volonté des parties.
155. Ainsi, l'organisation française des
procédures collectives doit être respectée dès lors
que le débiteur fait l'objet d'une procédure collective en
France. Peu importe que le créancier réside en France ou à
l'étranger et que la sentence soit rendue ou non en France4.
En outre, la jurisprudence affirme que les règles d'ordre public
internes et internationales s'appliquent, même si la créance
litigieuse n'est pas soumise à la loi française.
156. Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt Almira
Film contre Pierrel du 5 février 19915 rappelle l'obligation
pour les arbitres d'appliquer les principes qui dominent le droit de faillite
même si l'arbitrage n'est pas soumis à la loi française,
dès lors qu'il se déroule en France6. En
l'espèce, dans
1 D. Vidal, Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la
CCI, Vol.20/1, 2009, p. 64.
2 En ce sens, E. Loquin, RTD Com. 2009, p. 546.
3 Répertoire Dalloz de droit international, v°
Conflit de lois, n° 137.
4 En ce sens, P. Mayer, << La sentence contraire à
l'ordre public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 641.
5 Cass. Civ. 1re, 5 février 1991 - Sté Almira Films
c/ Pierrel, ès qualités - n° 89-14.382, Bull. Civ. 1991, I,
n° 44, p. 28.
6 En ce sens, B. Hanotiau, << La loi applicable par
l'arbitre en cas de faillite d'une des parties à la procédure
È, Rev. droit. aff.
le cadre d'un arbitrage international, les parties choisissent
de se référer au règlement d'arbitrage pour
résoudre leur litige. Il en résulte que la loi française
ne s'appliquait pas. Pourtant, la Haute juridiction considère que les
arbitres doivent appliquer les règles françaises de la
procédure collective dès lors qu'il y a une interférence
entre un arbitrage international et une procédure collective ouverte en
France.
De même, l'arbitrage soumis à une loi
étrangère mais qui met en cause un débiteur dont la
procédure collective est ouverte en France, devra respecter les
règles d'ordre public internationales d'arrêt des poursuites, de
dessaisissement du débiteur, d'interruption de l'instance qui sont
applicables.
157. Par conséquent, dès lors qu'une
procédure collective est ouverte en France, l'arbitre doit examiner son
influence sur l'instance arbitrale et se soumettre aux règles d'ordre
public internationales consacrées par le droit français.
|