Section 1 : La consécration de la
compétence de l'arbitre
169. L'évolution de la compétence de l'arbitre
s'explique par la volonté de ne pas trop entraver l'arbitrage sans quoi
il perdrait de son intérêt. Après avoir
précisé les contours du pouvoir des arbitres (Sous-section 1),
l'examen de la jurisprudence récente permettra d'établir
l'élargissement de leurs compétences (Sous-section 2).
Sous-section 1 : Compétence traditionnelle de
l'arbitre
170. L'étendue des pouvoirs de l'arbitre dépend
en grande partie de la nature hybride de l'arbitrage, à la fois
procédure contractuelle résultant de la volonté des
parties, et procédure juridictionnelle reconnue de façon unanime
et incontestable (1). Il en résulte le principe de
compétencecompétence (2), en vertu duquel les arbitres sont seuls
compétents pour statuer sur leur compétence.
§ 1 Les effets de la double nature contractuelle et
juridictionnelle de l'arbitrage
171. Le maintien de la compétence arbitrale
malgré l'ouverture d'une procédure collective résulte du
caractère contractuel de l'arbitrage et de la volonté de donner
force obligatoire à la convention des parties (A). Mais la force de
l'arbitrage ne s'arrête pas là, et du fait de sa mission
juridictionnelle, les sentences de l'arbitre ont une portée telle
qu'elles se posent, dans une certaine mesure, en véritable concurrentes
des jugements étatiques (B).
A - La force obligatoire de la convention d'arbitrage
172. La caractéristique de l'arbitrage est de
soustraire aux juridictions étatiques un litige dont elles devraient
normalement conna»tre. Cette compétence arbitrale se justifie
d'abord par la force obligatoire de la convention d'arbitrage1. En
effet, l'article 1134 alinéa 1 dispose : << Les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites È. Ce principe connu sous la locution latine pacta sunt
servanda signifie que les conventions, parmi lesquelles celles
prévoyant le recours aux arbitres, doivent être respectées.
Par conséquent, dès lors que les parties ont convenu de recourir
à l'arbitrage, les arbitres sont compétents même en
présence d'une procédure collective.
173. Pourtant, on ne peut méconna»tre le principe
selon lequel, dès lors qu'une procédure collective est ouverte,
les litiges l'intéressant relèvent de la compétence
exclusive des juges étatiques afin d'éviter une dispersion du
contentieux et d'assurer l'efficacité des procédures collectives.
Cependant, comme nous l'avons vu précédemment2,
l'arbitrage n'est pas exclu du seul fait de l'ouverture d'une procédure
collective. C'est pourquoi Madame Giorgini souligne que, la vis attractiva
concursus, définie comme la force d'attraction qu'exercent les
procédures collectives sur toutes les questions l'intéressant,
<< n'a pas reçu une véritable
consécration3 È.
174. Il en résulte que l'arbitre, saisi valablement,
est compétent pour conna»tre des créances litigieuses
même en présence d'une procédure collective . Et dès
lors que l'arbitre est compétent, la juridiction étatique ne peut
conna»tre du litige.
Cette solution est conforme à l'article 1458
alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile4 en vertu
duquel dès lors qu'une action d'arbitrage existe, la juridiction
étatique doit se déclarer incompétente. Et il n'y a pas
lieu de distinguer selon que l'instance arbitrale est en cours ou non au jour
du jugement d'ouverture de la procédure collective.
Cependant, il convient de rappeler que la liberté
contractuelle des parties est limitée par l'ordre public. Or les
procédures collectives sont largement régies par des
règles d'ordre public, destinées à protéger
l'intérêt général sur l'intérêt
particulier. Elles peuvent donc, de ce fait, évincer la volonté
des parties de recourir à l'arbitrage.
1 En ce sens, X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la
médiation, Que sais-je ?, 2003, p. 3.
2 cf infra Titre 1, Chapitre 1, Section 1, Sous section
2, §1, A.
3 G. C. Giorgini, << Méthode conflictuelles et
règles matérielles dans la faillite internationale È,
Nouvelle Bibliothèque de Thèses, Dalloz, thèse Nice 2004,
p. 546 et s.
4 Art 1458 al 1 NCPC : << Lorsqu'un litige dont un tribunal
arbitral est saisi en vertu d'une convention d'arbitrage est porté
devant une juridiction de l'Etat, celle-ci doit se déclarer
incompétente È.
175. Mais si les règles d'ordre public peuvent limiter
l'ouverture d'une instance arbitrale, dès lors que le tribunal arbitral
est valablement saisi, sa force contractuelle prime et exclut la
compétence d'une juridiction étatique.
En outre, la sentence arbitrale alors rendue par l'arbitre n'est
pas dépourvue d'efficacité, car sa nature juridictionnelle la
pose en véritable concurrente de la justice étatique.
|