B - Predominance de l'ordre public assouplie en
matière internationale
204. Dans un arrêt dit SNCF contre Cytec du 4 juin
20082, la Cour de Cassation considère que la
compatibilité de la sentence à l'ordre public se limite à
un contrôle du << caractère flagrant, effectif et concret de
la violation alléguée È. Par conséquent, lorsque le
juge de l'annulation contrôle la conformité de la sentence
arbitrale à l'ordre public, il doit se contenter d'un <<simple
contrôle de l'apparence3 È, sans pouvoir
vérifier le fond de la sentence. Cette solution s'explique par la
volonté de ne pas conférer au juge un pouvoir de révision
au fond de la sentence arbitrale4.
205. Il en résulte que la sentence de l'arbitre
n'encourt pas l'annulation en cas de << violation purement formelle, sans
réelles conséquences5 È De sorte que si
l'arbitre a violé une règle d'ordre public mais que cela n'a pas
d'impact préjudiciable aux tiers, l'intérêt
général est sauvegardé et rien ne justifie alors
l'annulation de la sentence. En outre, si le juge pouvait réviser sur le
fond la sentence arbitrale cela reviendrait à nier la volonté des
parties de soumettre leur litige à l'arbitrage plutôt qu'au juge.
Nombre d'auteurs se revendiquant du courant minimaliste légitiment ainsi
l'examen minimal par le juge de l'ordre public appliqué par l'arbitre.
Monsieur Malan affirme ainsi qu'il ne faut pas <<réviser au fond
le raisonnement suivi par les arbitres È, il faut simplement rechercher
<< si l'insertion dans la sentence dans l'ordre juridique du for aboutit
à un résultat contraire à l'ordre public È.
206. Cependant cette solution est critiquable en ce sens
qu'elle peut être inefficace6, pour ne pas dire symbolique. Or
un réexamen par le juge du fond peut être nécessaire pour
vérifier que l'ordre public du for n'est pas atteint. Cette solution de
la Cour de Cassation présente donc le désavantage
d' << affaiblir potentiellement l'effectivité de
l'ordre public7 È. Or l'autonomie de la volonté des
parties de recourir à l'arbitrage ne peut se concrétiser par une
violation, aussi subtile soit-elle de l'ordre public. En conséquence, on
peut se demander si cette solution n'est pas avant tout justifiée par
une volonté politique de renforcer le poids des arbitres dans un
contexte sociétal oü le recours
1 Ch. Jarrosson, Rev. arb. 1993, p. 658. : << la solution
doit être étendue à l'ordre public en général
È.
2 Cass. Civ. 1re, 4 juin 2008 Ð SNCF c/ Cytec Ð n°
06-15.320, Bull. civ., 2008, I, n° 162.
3 E. Loquin, RTD Com 2008, p. 518.
4 En ce sens, X. Delpech, D. 2008, AJ, p. 1684.
5 A. Malan, LPA, 26 mars 2009, n°61, p. 8.
6 En ce sens, courant minimaliste, Ch. Sereglani, CA Paris, 14
juin 2001, Rev. arb. 2001, p. 773.
7 A. Malan, LPA, 26 mars 2009, n°61, p. 8.
à l'arbitrage ne cesse de s'accro»tre1,
soulageant ainsi des juridictions souvent encombrées.
Il n'en reste pas moins que ce contrôle minimaliste du
juge de l'annulation sur la sentence rendue par l'arbitre, présente le
risque d'une impunité des pratiques arbitrales violant l'ordre public,
des lors qu'elles ne sont pas manifestes. Néanmoins, d'autres gardes
fous sont mis en place afin de coordonner les procédures et d'assurer
une loyauté de la sentence arbitrale eu égard aux regles
impératives des procédures collectives.
1 En ce sens, C. Vasseur-Thévenot, Culture Droit,
Spécial arbitrage, mars 2009, n° 19, p. 32.
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