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Arbitrage et procédures collectives

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par Charlène RIET
Université Toulouse1 Capitole - Master 2 Droit fondamental des affaires 2010
  

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A - Origine et objectifs de l'anti-suit injunction

258. L'anti-suit injunction est une pratique anglo-saxonne qui n'a pas véritablement d'équivalent en français. Pourtant, certains praticiens du droit utilisent la dénomination française << d'injonctions contre les poursuites1 >>. Il existe deux sortes d'anti-suit injunctions, qui ont chacune un objectif différent. Soit l'anti-suit injunction est utilisée pour contester la légalité de l'ouverture d'une institution arbitrale, lorsqu'une partie considère que le litige n'est pas couvert par la convention d'arbitrage ; soit, au contraire, elle permet de contester la méconnaissance par une juridiction étatique étrangère d'un arbitrage contractuellement prévu.

259. Un grand nombre de systèmes juridiques connaissent des anti-suit injunctions, cette technique est utilisée couramment aux Etats-Unis, en Australie, au Canada. Mais elle trouve son origine dans l'Angleterre médiévale. L' <<injunction>> alors prononcée par le chancelier avait pour but d'empêcher un plaideur de saisir les tribunaux de la Common law dès lors qu'il estimait qu'une telle action était contraire à la bonne conscience2.

Ce pouvoir d'injonction, qui interdit à une partie d'exercer une action en justice devant un tribunal arbitral ou devant la juridiction étatique d'un pays étranger, est un pouvoir que les juridictions anglaises se sont elles-mêmes reconnues en 1834 sous le dénomination d'anti-suit injunction3.

1 Maître P. Desbiens, Journal du Barreau, vol. 42, n°8, aoüt 2010.

Séminaire de l'Association du Barreau canadien intitulé << Les injonctions contre les poursuites >>.

2 En ce sens, S. Cordonnier, << L'anti-suit injunction au sein de l'espace judiciaire européen >>, Mémoire, Aix Marseille III, 2005.

3 En ce sens, B. Mercadal, http://www.institut-idef.org/Anti-suit-injunction.html

260. L'objectif de celui qui prononce l'anti-suit injunction est de Ç faire prévaloir sa propre conception de la juridiction compétente sur celle de toute autre juridiction, étatique ou arbitrale, qui pourrait être saisie ou a été effectivement saisie de la question1 È. Mais cela peut avoir pour effet de brouiller davantage les pistes quant à la répartition de compétences déjà délicate entre institution arbitrale et juridiction étatique. Car si les anti-suit injunctions constituent dans certains cas un instrument de promotion de l'arbitrage, dans d'autres elles remettent en question la légitimité même de l'arbitrage.

B - Mesure de soutien ou obstacle au déroulement de l'arbitrage ?

261. Certains praticiens2 y voient une mesure de soutient à l'arbitrage. Alors que d'autres, y voyant davantage d'effets pervers, revendiquent haut et fort l'abandon du prononcé d'anti-suit injunctions en matière d'arbitrage. Il convient donc d'examiner les effets positifs (1°) et négatifs (2°) du prononcé d'une anti-suit injunction.

1° Une mesure de soutien à l'arbitrage

262. Lorsqu'une convention d'arbitrage est valide, le plus souvent la technique de l'anti-suit injunction permet le déroulement de l'arbitrage, en enjoignant a une partie de cesser son action devant la procédure judiciaire étrangère. C'est donc un instrument efficace pour rendre exécutoire une convention d'arbitrage et il contribue de ce fait à encourager le recours à l'arbitrage. Cette hypothèse constitue l'apogée de la résistance de la compétence arbitrale et manifeste plus qu'une reconnaissance, une véritable collaboration entre justice étatique et arbitrale. En effet, dans ce cas, c'est le juge qui confère sa force suprême à l'arbitrage3 et il est impossible de la méconna»tre. Mais le prononcé d'une anti-suit injunction n'a pas toujours cet objectif.

2° Un obstacle à l'arbitrage

263. Inversement, l'anti-suit injunction peut empêcher le déroulement d'un arbitrage et faire respecter, le cas échéant, une clause attributive de juridiction4. On peut alors concevoir qu'une anti-suit injunction puisse être prononcée pour soustraire un litige de la compétence arbitrale. On parle alors d'anti-suit injunctions offensives qui tentent de faire obstacle à l'arbitrage même lorsque sa compétence est valable.

1 S. Cordonnier, op. cit.

2 R. Carrier, D. 2005, p.2712.

3 En ce sens, S. Cordonnier, op. cit., p.44 et s.

4 En ce sens, R. Carrier, D. 2005, p.2712.

Cette hypothèse pose problème car elle contredit << l'effet négatif1 È du principe de compétencecompétence reconnu par le droit français, et en vertu duquel les juridictions étatiques sont incompétentes tant que l'arbitre ne s'est pas prononcé lui-même sur sa compétence. De même, ce type d'injonction semble contraire au droit anglais, du moins si les parties ne sont pas d'accord. Car l'effet négatif semble être reconnu partiellement en Angleterre. En effet, les juridictions étatiques ne peuvent << statuer sur la compétence d'un tribunal arbitral qu'avec l'accord des parties ou à défaut du tribunal lui même2 È.

264. Par conséquent, en France, les anti-suit injunctions prononcées par un juge pour interdire l'arbitrage devraient être interdites puisque l'arbitre est seul compétent pour statuer sur sa compétence.

Il en est de même en Angleterre, le juge ne devrait pas pouvoir prononcer une telle anti-suit injunction avant que l'arbitre connaisse le litige et se déclare ou non compétent, sauf dans le cas oü les parties ou le tribunal arbitral lui-même accordent au juge étatique ce pouvoir.

On peut conclure que l'interférence entre l'anti-suit injunction et le pouvoir reconnu aux arbitres devrait justifier l'interdiction de telles pratiques. En ce sens, Monsieur Olivier Cachard3 considère que le principe de compétence-compétence est le remède le plus approprié pour combattre les anti-suit injunctions.

265. En outre, certains praticiens réclament sur le fondement de l'article 24 du nouveau Code de procédure civile4 le prononcé par le juge français << d'anti-anti suit injunction5 È. Cette disposition permet au juge de prononcer des injonctions en cas de manquement par les parties au respect dü à la justice. De sorte que le juge français pourrait interdire à une partie de demander une anti-suit injunction dans un autre pays dès lors qu'il estime que cela porterait atteinte au respect dü à la justice française. Il s'agit en fait d'une contre-mesure qui << enjoint à une personne de s'abstenir d'un acte dans un autre ordre juridictionnel6 È. Mais cette solution reviendrait à accentuer le bras de fer entre justice privée et justice étatique. Or, les règles d'ordre public international tendent justement à coordonner l'interférence entre justices étatique et arbitrale dans différents pays.

1 cf supra, Titre 2 Chapitre 1,

2 R. Carrier, D. 2005, p.2712, cf article 32 de l'Arbitration Act 1996

3 Le principe de compétence-compétence << constitue le remède le plus approprié en ce qu'il protège la compétence de l'arbitre contre toute interférence positive (affirmation d'une compétence concurrente) ou négative (anti-suit injunction) È ; O. Cachard, DMF 675, novembre 2006, p. 876.

4 Art 24 NCPC << Les parties sont tenues de garder en tout le respect dü à la justice. Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements È.

5 S. Cordonnier, op. cit., p.44 et s.

6. En ce sens, F. Rigaux, Académie de droit international de La Haye, Recueil des cours, Cour général de droit international privé, 1989, p. 310.

Toutes solutions qui iraient à contre-courant de cette volonté de se reconna»tre mutuellement ne paraissent donc pas souhaitables. Or l'anti anti-suit injunction en interdisant de conduire une procédure devant une autre juridiction manifesterait de ce fait la non reconnaissance de la légitimité des autres juridictions. En outre, la jurisprudence française ne semble pas vouloir valider un tel procédé, ainsi le Tribunal de Commerce de Marseille1 a rejeté une demande d'anti anti-suit injunction.

§ 2 Validité des anti-suit injunctions limitée

266. Dans le silence du législateur français, il convient d'examiner la jurisprudence pour savoir quelle est la validité des anti-suit injunctions. La pratique prononçant une anti-suit injunction a été jugée valide lorsqu'elle permet de faire respecter une obligation contractuelle communément voulue par les parties (A). Si le recours à l'arbitrage résulte d'une convention entre les parties, l'admission d'une anti-suit injunction pour les contraindre à recourir à l'arbitrage pose difficulté (B).

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