Arbitrage et procédures collectives( Télécharger le fichier original )par Charlène RIET Université Toulouse1 Capitole - Master 2 Droit fondamental des affaires 2010 |
Section 2 : La concomitance des procédures collectives et des procédures arbitrales
1 D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures conduites en parallèle, thèse Aix, 2008, p. 389 et s. 2 << Drôles de parallèles puisqu'il advient en pratique que les deux procédures se rencontrent È, D.Vidal, Gaz. Pal., op. cit. 3 Ph. Fouchard, <<Arbitrage et faillite È, Rev. arb. 1998, p. 473. soit la procédure collective ouverte : procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires. 76. L'article L 632-1 du Code de Commerce1 énumère les actes qui sont nuls dès lors qu'ils sont intervenus à compter de la date de cessation de paiement. Cette liste est exhaustive et la convention d'arbitrage n'en fait pas partie. Par conséquent, la convention d'arbitrage valablement passée avant l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires doit être respectée. En outre, le Professeur Pascal Ancel souligne qu'elle doit être prise en compte par les différents organes de la procédure2. Car elle est opposable à l'administrateur judiciaire, au mandataire judiciaire ou au liquidateur, au débiteur lui-même ainsi qu'aux créanciers, voire à un repreneur (si la clause compromissoire est contenue dans un contrat nécessaire à l'activité et si le juge ordonne son maintien lors de la cession de l'entreprise). De plus, l'arbitre peut valablement rendre sa sentence quelque soit la procédure collective ouverte en cours d'instance, même en l'absence de cessation de paiement. Ainsi, la procédure arbitrale sera maintenue malgré l'ouverture d'une procédure de sauvegarde contre une partie. En effet, quelle que soit la procédure collective ouverte, le Professeur Phillipe Fouchard considère que << la clause compromissoire est un acte de gestion normale en matière commerciale et doit être respectée3 È. Par conséquent, l'ouverture d'une procédure collective, caractérisée ou non par une cessation de paiement du débiteur, n'anéantit pas la procédure arbitrale en cours. La jurisprudence étatique4 et nombre de
sentences arbitrales5 vont dans ce sens, puisqu'elles 1 L 632-1 C. Com : I. - Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : 1° Tousles actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ; 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; 3° Tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ; 4° Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires ; 5° Tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l'article 2075-1 du code civil (1), à défaut d'une décision de justice ayant acquis force de chose jugée ; 6° Toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l'hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ; 7° Toute mesure conservatoire, à moins que l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement ; 8° Toute autorisation, levée et revente d'options définies aux articles L. 225-177 et suivants du présent code; 9° Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire en application des articles 2011 et suivants du code civil. II. - Le tribunal peut, en outre, annuler les actes à titre gratuit visés au 1° du I faits dans les six mois précédent la date de cessation des paiements. 2 P. Ancel, <<Arbitrage et procédures collectives après la loi du 25 janvier 1985 È, Rev. arb. 1987, p. 130 et s. 3 Ph. Fouchard, <<Arbitrage et faillite È, Rev. arb. 1998, p. 486 et p. 487, n° 35. 4 Cass. com, 10 janvier 1984, n°83-10066, Rev. arb. 1984, p. 492. 5 CCI, n° 6057 de 1991 << le tribunal arbitral constate que quel qu'en soit le stade actuel, la liquidation de l'entreprise ne saurait le dispenser de rendre sa sentence È. collective et reste opposable à ses différents acteurs. Cette solution tient compte de la volonté des parties exprimée avant l'ouverture d'une procédure collective. Elle traduit en outre une reconnaissance de l'institution arbitrale par les pouvoirs publics, mais cette acceptation de la poursuite de l'instance arbitrale conna»t néanmoins des limites. 2° Limites
B - Le point de depart de l'instance arbitrale
Dans un arrêt en date du 30 mars 1999, la Cour de Paris considère que l'instance arbitrale est en 1 P. Ancel, <<Arbitrage et procédures collectives après la loi du 25 janvier 1985 È, Rev. arb. 1987, p. 131. 2 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, Sous-section 2, §2, A. 3 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, Sous-section 2, §2, A. 4 Art L 622-21 (I) C. Com. : << I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 et tendant : à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent È. 5 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section 1, §2. cours dès lors que la demande d'arbitrage a été faite par une des parties avant l'ouverture de la procédure collective. Par conséquent, le point de départ de l'instance arbitrale est fixé à la date d'introduction de la procédure arbitrale - qui est précisée être, en l'espèce, la date de << réception de la demande1 È et non la date à laquelle les arbitres acceptent leur mission. Le Professeur Eric Loquin approuve cette solution et souligne qu'elle permet de distinguer << le lien d'instance de l'existence de la juridiction arbitrale2 È. La constitution du tribunal arbitral est le résultat de la requête d'arbitrage. Mais cette demande d'arbitrage ouvre d'ores et déjà, avant même l'existence de la juridiction arbitrale, l'instance arbitrale. Et ce, par le seul fait que la demande d'arbitrage suffit à définir << l'objet du litige et sa cause3 È. Cette interprétation a pour effet de conférer aux parties le choix quant au point de départ de l'instance arbitrale et d'aucuns s'interrogent sur l'opportunité d'une telle solution4. 80. Mais cette solution n'est plus d'actualité. En effet, la Cour de cassation dans un arrêt du 30 mars 2004 a mis << fin aux incertitudes5 È subsistantes et considère désormais que << l'instance arbitrale est en cours à partir du jour oü le tribunal est définitivement constitué, c'est à dire à partir de l'acceptation par tous les arbitres de leur mission6 È. Il en résulte qu'il n'est plus fait référence à la date de saisine des arbitres mais seulement à la constitution du tribunal arbitral, qui n'est parfaite que si les arbitres ont accepté leur mission, conformément à l'article 1452 du nouveau Code de procédure civile7. Néanmoins, certains auteurs continuent de considérer que l'introduction de l'instance provoque la constitution du tribunal arbitral, faisant ainsi coincider le début de l'instance à la demande d'arbitrage par l'une des parties8. On peut cependant soutenir, comme nombre d'auteurs, qu'il résulte de cet arrêt que : << la saisine du tribunal arbitral, la constitution de ce dernier et l'acceptation de leur mission par les arbitres È sont trois événements << fusionnés dans un temps unique9 È. Il n'en reste pas moins que le critère déterminant du point de départ de l'instance arbitrale est l'acceptation de leur mission par les arbitres. Mais l'on considère que cette date correspond également à la saisine et à la constitution du 1 Cour d'appel de Paris, 30 mars 1999, Consorts de Coninck c/ M. Zanzi et société Torelli ès qual., Rev. arb. 2003, p. 207. 2 E. Loquin, RTD Com 1999, p. 650. 3 E. Loquin, op. cit. 4 En ce sens, Ph. Fouchard, Rev. arb. 2003, p. 207. 5 T. Clay, D. 2004, p. 3184. 6 Cass. 1re civ., 30 mars 2004 - Rambour ès qual. Eta. c/ Sté Frabaltex - n° 01-11.951, Bul. Civ. 2004, I, n° 98, p. 79. 7 Art 1452 NCPC : La constitution du tribunal arbitral n'est parfaite que si le ou les arbitres acceptent la mission qui leur est confiée. L'arbitre qui suppose en sa personne une cause de récusation doit en informer les parties. En ce cas, il ne peut accepter sa mission qu'avec l'accord de ces parties. 8 Conformément à la thèse de P. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, op. cit., n° 1211 et 1225. 9 T. Clay, D. 2004, p. 3183. En ce sens, J. Vallasan, Act. proc. coll. 2004, n° 112, << il doit y avoir assimilation entre la saisine de l'arbitre et sa mise en place È. tribunal arbitral. Ainsi, la saisine des arbitres n'est effective que lorsqu'ils acceptent leur mission et cette acceptation entra»ne simultanément l'ouverture du tribunal arbitral.
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