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Le conseil constitutionnel et la continuité des services publics au Maroc

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par Anass KIHLI
Université Med premier Oujda - Master en Droit public 2011
  

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Section 2 : Un nouveau cadre pour l'exercice du droit de grève en

perspectives

Après avoir fait le point sur l'application du droit de grève au Maroc, en dressant le cadre dans lequel il s'exerce, en l'évoquant en deux volet : le cadre juridique, et la position jurisprudentielle qui lui ait applicable. Dans cette section, l'exercice sera de faire une lecture du projet de loi organique relative à l'exercice du droit de grève (sous-section : 1), après il sera opportun de voir comment le juge constitutionnel français s'est intervenu pour accomplir la mission d'instaurer l'équilibre entre l'exercice du droit de grève et le principe de la continuité des services publics en tant que principe à valeur constitutionnelle.

Sous-section 1 : Lecture du projet de loi organique relative à l'exercice

du droit de grève

D'entrée de jeu, il est très important de préciser que cette loi organique129(*) n'est pas applicable uniquement aux fonctionnaires mais également aux salariés des secteurs privés. En effet, son article premier le dit en des termes très explicites ; selon cet article le droit de grève s'exerce : dans les entreprises, les établissements et les activités soumises à la loi n ° 65.99, dans la fonction publique et semi-publique, les collectivités locales, ainsi que dans les professions libérales. Dans le cadre de notre travail, nous allons prendre en considération uniquement les dispositions générales qui traitent de la grève sans distinction entre les catégories des personnels susmentionnées, nous allons également se focaliser d'avantage sur les dispositions traitant des fonctionnaires parce que c'est eux qui sont étroitement liés au service public.

L'article deuxième de la loi dresse une définition légale de la grève : «  la grève est un arrêt collectif et délibéré du travail pour des revendications syndicales ou professionnelles ». On remarque que cette définition ne diffère pas beaucoup de celles proposées par la doctrine. Dans le premier alinéa de son article trois le législateur fait bénéficier les grévistes d'un gage de protection en bonus en stipulant : « personne ne peut être sanctionné pour sa participation à une grève qui s'est effectuée conformément à cette loi ». En effet c'est un gage de plus pour les fonctionnaires grévistes, cet alinéa à pour objectif de barrer la route à toute interprétation de la loi allant dans le sens de porter des restrictions à l'exercice du droit de grève.

Puis la loi passe à la codification de la procédure d'exercice du droit de grève. Il est très important de codifier cette procédure car le volet processuel porte plus de garanties pour la jouissance de ce droit, et ce en rendant les démarches uniformes et de ce fait identiques pour tous ; ce qui profite au principe de l'égalité.

Concernant la décision de faire grève, un alinéa est réservé pour les fonctionnaires des secteurs publics et semi-publics, qui stipule que la décision de faire grève doit être prise par les syndicats les mieux représentatifs ou le bureau syndical, ou par les séances plénières des salariés dans les cas où les syndicats les mieux représentatifs n'existeraient pas, la décision doit être prises hors les locaux du travail (Art.9).

Pour les fonctionnaires de l'Etat et des établissements semi-publics et les collectivités locales, un préavis de 10 jours révolus doit être adressé aux chefs des administrations (Art. 10). De sa part l'article 12, relatif à la procédure de notification de la décision de la grève ; consacre un alinéa aux fonctionnaires publics qui doivent adresser une lettre de notification recommandée avec accusé de réception au ministère concerné, ou à la collectivité locale, ou au service public concerné, ou bien au délégué provincial, ou à toute autre administration directement concernée. La décision de grève doit contenir obligatoirement le nom du bureau du syndicat faisant appel à la grève, les causes de la grève et les revendications, le lieu sur lequel portera la grève, la date de la grève, la période de la grève et les noms de la commission organisatrice dans les cas où la décision de la grève est prise par l'assemblée générale du syndicat (Art.13).

Le titre quatre de la présente loi, traite spécialement et exclusivement de la grève des fonctionnaires des services publics, il est précisé dans son article 25 que les dispositions de ce titre sont réservées aux fonctionnaires des administrations publiques, et les employés des collectivités locales, et les établissements semi-publiques. L'article 26 exclu l'application de la présente loi pour une certaines catégories de fonctionnaires : les militaires des forces armées royales, les fonctionnaires de la sûreté nationale et les forces auxiliaires, les agents d'autorité, les magistrats, les douaniers, les fonctionnaires des services extérieur de l'administration carcérale, les sapeurs pompiers, les agents des eaux et forêts. Le délai de préavis pour les grèves des fonctionnaires est de dix jours (Art.27).

Aux yeux du présent mémoire, c'est l'article 28 de ladite loi qui est le plus important, car il procède à un arbitrage entre l'exercice du droit de grève, et les exigences de la continuité des services publics ; en rendant effective la notion dite de service minimum. Il stipule : « les employés des services vitaux dont la rupture de fonctionnement provoquerait des dangers sur la vie, la sécurité ou la santé des usagers ou une partie d'entre eux, ou les personnes ayant droit de bénéficier des prestations fournies par ces services, doivent en période de grève garantir une marche minimum de ces services, et ce, pour protéger la vie, la santé, et la sécurité des personnes concernées ». L'article 29 précise que l'autorité gouvernementale est compétente pour l'établissement d'une liste contenant les services qui doivent garantir un service minimum pendant les périodes de grève. Les articles qui suivent stipulent des sanctions.

L'adoption d'une telle loi apporterait sans doute une valeur ajoutée à l'exercice du droit de grève. Pour en déduire, il suffit de citer que la codification de la procédure, et l'exigence de service minimum qui tend à garantir la continuité des services publics dans certains domaines vitaux.

Sous-section 2 : Le Conseil constitutionnel français et la conciliation entre

l'exercice du droit de grève, et la continuité des services

Le Conseil constitutionnel français a eu l'occasion de concilier l'exercice du droit de grève, et l'exigence de la continuité des services publics. Comme au Maroc, en France aussi le droit de grève est un droit qui est protégé constitutionnellement, avec la nuance qu'en France il a été cité dans le préambule de 1946 da constitution, qui a requis la valeur constitutionnelle en étant incorporé dans le bloc de constitutionnalité par la décision du Conseil constitutionnel portant numéro 71-45 D.C130(*) , il est également cité dans celui de 1958 ; alors qu'au Maroc le droit de grève est protégé par l'article 14 de la constitution. Seulement répondre à la question de savoir si c'est un droit absolu ou non, c'est-à-dire qu'il comporte des limites, n'est pas du tout un exercice facile malgré l'apparence simpliste de la question ; ainsi qu'elle qu'en soit la réponse, elle ne peut avoir un caractère notoire et imposable que s'elle est donnée par le Conseil constitutionnel, l'instance mandatée d'interpréter la constitution.

Le Conseil constitutionnel de France a été appelé à le faire, en rendant la décision 79-105 D.C131(*) se rapportant au contrôle de la proposition aspirant à modifier la loi du 7 août 1974 relative au droit de grève au sein du service public de la radiodiffusion. Cette décision est également importante pour le présent travail car elle consacre la valeur constitutionnelle du principe de la continuité des services publics. En somme, le Conseil constitutionnel considère le droit de grève, et la continuité des services publics comme principes à valeur constitutionnelle, qui disposent de la même force juridique, le Conseil l'exprime clairement et son équivoques dans le premier considérant de la décision : «  Considérant qu'aux termes du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la constitution du 4 octobre 1958 ; « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ; qu'en édictant cette disposition les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu'il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnelles, dont la grève est un moyen , et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; que notamment en ce qui concerne le service public, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité des services publics, qui tout comme le droit de grève, à le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ».

De ce considérant, on remarque que le juge constitutionnel français s'appuie sur une expression contenue dans le préambule de 1946 et confirmée dans celui de 1958 en sa vertu les constituants reconnaissent au législateur le pouvoir de réglementer l'exercice du doit de grève, pour affirmer que le droit de grève n'est pas absolu. Il en déduit, de ce fait, qu'il est habilité (le législateur) de part le préambule de la constitution qui fait partie du bloc de la constitutionnalité d'apporter des limitations à l'exercice du droit de grève, bien sûr pour un but légitime et sans vider le droit de grève de sa substance.

Nous remarquons également, que pour le juge constitutionnel français, le principe de la continuité ; et le droit de grève sont dans la même classe de la hiérarchie des normes, ils disposent d'une force juridique égale, tous les deux ont la valeur constitutionnelle. Pour conclure à la valeur constitutionnelle du droit de grève, le Conseil se réfère au préambule de la constitution, donc un texte écrit même en sachant que la valeur constitutionnelle du préambule n'a été reconnue qu'en 1971, mais au moins il a la vocation d'être indélébile. Par contre, lorsqu'il affirme que la continuité des services publics est un principe à valeur constitutionnelle il ne fait référence à aucun texte écrit.

Le débat sur cette question à fait l'objet du premier chapitre de ce mémoire, néanmoins il n'est pas fastidieux de rappeler une citation du commissaire du gouvernement Gazier132(*) : « Admettre sans restrictions la grève des fonctionnaires, ce serait ouvrir des parenthèses dans la vie constitutionnelle, et, comme on l'a dit consacrer officiellement la notion d'un Etat à éclipses. Une telle conception est radicalement contraire aux principes les plus fondamentaux de notre droit public », les auteurs de l'ouvrage répliquent : «  et le principe de continuité est incontestablement l'un de ces principes fondamentaux ».

En opérant cette conciliation, le juge constitutionnel de l'hexagone instaure un équilibre très subtil entre le principe de la continuité et le droit de grève, jusqu'au point où il devient impossible pour le néophyte de saisir son sens. A juste titre, en sa qualité de gardien de la constitution, le juge constitutionnel réfute le concept de la marche normale des services prôné par la loi objet de contrôle. En effet, il exige que l'obligation de la continuité des services publics, ne doit en aucun cas vider le droit de grève de son contenu réel, il a affirmé à cet égard : «  Mais, considérant qu'en prévoyant dans la première phrase du paragraphe II de la loi que : « lorsque les personnels des sociétés nationales de programmes de télévision sont en nombre insuffisant pour assurer le service normal, le président de chaque société peut, si la situation l'exige, requérir les catégories de personnels ou les agents qui doivent demeurer en fonction pour assurer la continuité ... » le législateur permet aux présidents des sociétés, lorsqu'une cessation concerté du travail empêche l'exécution du service normal et afin de garantir que soit cependant assurée la généralité des missions dans les cas où son interdiction n'apparaît pas justifiée au regard des principes à valeur constitutionnelle ci- dessus rappelés... ».

En faisant ladite conciliation, le Conseil constitutionnel procède également à attirer l'attention du législateur sur la détermination de ces concepts et les frontières qu'il a tracé. En effet, de son tour (le législateur), il est tenu d'en prendre compte dans les lois qu'il émit133(*). La conciliation de l'exercice du droit de grève comme étant un principe à valeur constitutionnelle, n'est pas fait seulement eu égard du principe de la continuité. Le Conseil constitutionnel l'a fait également à l'égard d'autres principes à valeur constitutionnelle, tels que les principes de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens.

Et ce, comme il ressort de sa décision portant numéro 80-117 D.C 134(*) relative à la loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, il est affirmé : « Considérant qu'aux termes du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la constitution du 4 octobre 1958 : "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent" ; qu'en édictant cette disposition, les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu'il a des limites, et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; que, notamment, s'agissant de la détention et de l'utilisation de matières nucléaires, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens, protection qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ». Dans le même sens, voir notamment la décision 86-217 D.C135(*) relative à la liberté de communication.

En rendant ces décisions, le Conseil constitutionnel français a fait la parade des arguments juridiques justifiant son attitude, il a fait preuve d'une grande habilité et de compétence. Au Maroc, un projet d'une loi organique relative à l'exercice du droit de grève est en cours de gestation, donc en cas d'adoption elle passera systématiquement par le contrôle du Conseil constitutionnel. Notre convoitise de juriste est avide de voir quel regard portera le Conseil constitutionnel sur elle !

* 129 Projet de loi organique relative à l'exercice du droit de grève préparé en 2008.

* 130 C.C fr, 71-45 D.C, datant du 16 juillet 1971. J.O du 18/07/1971, p 7114.

* 131 C.C fr, 79-105 D.C datant du 25 juillet 1979. J.O du 27/07/1979, p13780.

* 132 Cité in : FAVOREAU (L) & LOIC (P), Les grandes décisions du conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 1995, .p 375.

* 133 FAVOREAU (L) & LOIC (P), Les grandes décisions du conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 1995, .p 375.

* 134 C.C fr, 80-117 D.C, datant du 22 juillet 1980. J.O du 24/07/1980, p. 1867.

* 135 C.C fr, 86-217 D.C, datant du 18 septembre 1986.J.O du 19/09/1986, p.11294.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius