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Le conseil constitutionnel et la continuité des services publics au Maroc

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par Anass KIHLI
Université Med premier Oujda - Master en Droit public 2011
  

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CHAPITRE I

Le Conseil constitutionnel et la marche de l'institution parlementaire

Le présent chapitre à pour objet d'étudier le rapport du principe de la continuité des services publics aux cas de figure relatifs à l'institution législative, le parlement. Une chose qui nous met devant l'obligation de démontrer que le parlement est un service public pour rendre légitime leur traitement dans ce cadre. Sans tarder, et parce qu'il y'a pas un avis qui prévaut sur celui du Conseil constitutionnel nous dressons le considérant suivant : « considérant que la chambre des représentants, et celles des conseillers, et vu leur indépendance, elles jouissent de l'attribution de gérer leurs budgets. Par contre elles ne détiennent pas la compétence d'établir les dites indemnités (indemnités de leurs fonctionnaires) en dépit du fait qu'elles sont des services de l'Etat, car l'établissement de ces indemnités est soumis à l'opération d'évaluation et d'intégration dans le cadre de la loi des finances »83(*).

Le considérant ci-dessus est inclus dans une décision du Conseil constitutionnel qui vise à trancher sur la question de savoir si la chambre des représentants et celle des conseillers ont la capacité juridique d'établir leur budget, mais ce que nous jugeons important est l'attestation du Conseil constitutionnel considérant le parlement en tant que service de l'Etat (ãÑÞ ãä ãÑÇÞ ÇáÏæáÉ). Il est vrai que la terminologie de la haute instance utilise l'expression service de l'Etat et non celle du service public, mais nous croyons avec une forte conviction que l'expression du Conseil constitutionnel ne désigne pas autre chose que la notion de service public. Sinon, ça serait quoi un service de l'Etat ?!

Même dans le cas où cette expression (service de l'Etat) signifierait autre chose que le service public, l'étude de ces cas de figure (la démission et la vacance de siège...) dans l'institution parlementaire reste légitime et justifiée, car comme nous l'avons démontré plus haut, l'expression service public est un concept générique qui recouvre un ensemble de notions : continuité des services publics, continuité de l'Etat, continuité des institutions... cela est décelable par la simple lecture des décisions du Conseil constitutionnel en la matière au Maroc, comme en France.

Le présent chapitre traitera la démission des parlementaires, cela en étudiant le régime des démissions en général, et la démission des parlementaires en particulier en s'interrogeant sur la légitimité d'une telle pratique (section : 1). Nous traitons également la vacance de siège au sein du parlement et d'autres pratiques voisines suscitant la vacance, ainsi leurs impacts sur le principe de la continuité des services publics (section : 2), tous cela via les décisions du Conseil constitutionnel.

Section 1 : La démission des députés et la continuité des services publics

Sous-section 1 : Le régime général de la démission

Le régime de la démission dans les fonctions publiques est organisé par le Dahir portant statut de la fonction publique datant du 24 février 1958, et précisément ses articles : 77, 78 et 79. En vertu de ses dispositions la demande de la démission doit être adressée par lettre à l'autorité de nomination, dans laquelle le fonctionnaire exprime sans équivoque sa volonté de démissionner de ses fonctions et non la mise en retraite, la démission ne prend effet qu'à la date de l'acceptation de l'autorité compétente qui doit statuer dans un délai d'un mois. Après l'acceptation de l'autorité compétente la démission devient irréversible, lorsque l'administration refuse la démission pour motif que le fonctionnaire en question fait l'objet d'une poursuite disciplinaire ce dernier peut saisir la commission paritaire qui donnera un avis motivé adressé à l'administration. Le fonctionnaire ayant adressé une demande de démission à l'administration qui quitte ses fonctions avant l'acceptation de l'administration s'expose à des mesures disciplinaires84(*) .

En ce qui concerne les élus de l'institution parlementaire, les modalités de présentation de la démission diffèrent, elles ont une procédure à part. Pour les représentants la procédure se résume comme suit : le député présente sa démission au bureau de la chambre, ce dernier saisit le Conseil constitutionnel pour en faire constater, par la suite la procédure change d'orientation. En effet, après un itinéraire ascendant elle va dans un sens descendant ; le Conseil constitutionnel en informe le président de la chambre des représentants, qui en informe de sa part la chambre dans la première séance qui se présente. Cela conformément à l'article 7 du règlement intérieur de la chambre des représentants, le président de la chambre des représentants est tenu également d'informer le premier ministre de chaque vacance de siège85(*)

Deux remarques à faire à ce propos, premièrement il y'a une pauvreté des dispositions juridiques traitant de la question en dépit de l'importance de l'impact sur la marche des institutions politiques du pays. Deuxièmement, l'article 7 dudit règlement il ne traite pas uniquement du cas de la démission, il traite également de la vacance de siège en cas de décès et annulation des résultats des votes. Un mot à ajouté de surplus : la loi organique relative à la chambre des représentants ne contient pas de dispositions spécifiques à la procédure ou les modalités des demandes, et des constatation des démissions des députés de la chambre des représentants, son article 84 stipule de la vacance de siège de manière générale y compris bien sûr le cas de la démission86(*) .

S'agissant de la chambre des conseillers, la procédure de la démission ne diffère pas de celle de la chambre des représentants, c'est la même en fait, avec un petit artifice juridique de plus ; la disposition traitant des demandes de démissions dans l'intervalle des sessions, dans ce cas le Conseil constitutionnel informe le président de la chambre, qui donne l'ordre de publier la décision au bulletin officiel et en fait part à la chambre dans la premier séance de la session qui suit. La même procédure est applicable aux cas de : décès, et annulation des résultats des votes par le Conseil constitutionnel 87(*) .

Notons eu égard de la comparaison entre le régime de la démission en matière de la fonction publique et celui des mandats des députés de l'institution parlementaire que les fonctionnaires sont assujettis à une procédure plus contraignante par rapport aux parlementaires. En effet, pour être déclarés démissionnaires les fonctionnaires sont tenus d'attendre une réponse favorable de l'administration, qui est généralement assortie d'une date à respecter, car conformément aux dispositions juridiques régissant la matière, la démission ne prend effet qu'à partir de la date fixée par l'administration sous peine que le fonctionnaire quittant son poste avant cette date serait exposé à des peines disciplinaires. Par contre les députés qui restent fort de leur légitimité procurée par les urnes, la démission représente un droit, ils l'exercent en suivant une procédure que nous qualifions d'informative. Le député désirant démissionner informe le bureau de la chambre dont il fait partie, ce dernier saisit le conseil constitutionnel pour faire la constatation de la vacance de siège.

Cela s'explique forcément par la sensibilité que représentent les fonctionnaires pour la marche des services publics, et notamment pour le principe de la continuité. Les services publics sont dans la majorité des cas gérés et mis en marche par des fonctionnaires, d'où la justification des dispositions imposant à ces derniers l'attente de l'expiration du délai fixé par l'administration compétente avant de quitter le poste. Ce sont des mesures légales allant dans le sens de garantir l'application du principe de la continuité des services publics.

La constatation du Conseil constitutionnel est d'un aspect formel, sa compétence en la matière est liée, pour constater la vacance de siège résultant d'une démission le Conseil vérifie juste le volet processuel, et ce en vertu des dispositions de la loi organique relative à la chambre des représentants, et la loi organique relative à la chambre des conseillers. Par sarcasme du sort, réitéré par les textes, notre Conseil constitutionnel a déclaré la vacance de siège suite à des démissions dans un certains nombre de cas à contre coeur, que nous étudions dans le prochain titre.

En effet, le Conseil constitutionnel ne contrôle que la procédure et les modalités de la présentation des démissions, pour l'illustration nous évoquons à titre d'exemple la décision 426-0088(*), connue sous le nom d'AZMANI dans laquelle notre Conseil constitutionnel expose de matière très claire de ce qui entend par la constatation de la vacance de siège : «  Considérant que rien ne démontre dans la lettre de saisine que la demande de démission de Monsieur AZMANI a été enregistrée par le bureau de la chambre des représentants dans ses séances par un procès verbal, et que le président de la chambre des représentants n'a présenté aucun document extrait du procès verbal de la réunion de la chambre des représentants avec sa lettre de saisine qui prouve l'enregistrement de la démission » le Conseil exige des pièces justificatives probantes pour qu'il constate la démission, il se fie pas uniquement à la demande présenté dans la lettre de saisine.

Ce cas d'espèce (la démission de Mr. AZMANI) a bizarrement fait l'objet d'une autre décision, et d'ailleurs ce n'est pas la première fois que notre Conseil statue en bis in idem, mais tout d'abord procédant à l'éclaircissement factuel du cas AZMANI. Comme il a été exposé par le considérant du Conseil constitutionnel la lettre de saisine qui a déclenché la procédure de constatation de la vacance de siège par le Conseil n'a été appuyée par aucune pièce justificative, de ce fait la haute instance a refusé d'en affirmer. C'est que dans une deuxième décision (451-01) 89(*)que le Conseil constitutionnel constate la vacance de siège en motivant par un considérant qui relève les mêmes critères que ceux annoncés dans la première mais avec la forme affirmative, en l'occurrence le contrôle des modalités ( pièces justificatives) et la procédure : « Considérant qu'il ressort du procès verbal de la réunion , du 25 juin 2001, du bureau de la chambre des représentants que la démission datant du premier janvier 2000, de Mr Abdellah AZMANI adressée au président de la chambre des représentants a été examinée dans une réunion par les membres du bureau et qu'elle a été constatée et enregistrée dans un procès verbal, et que par cette procédure du bureau de la chambre dont il a pris toutes les mesures nécessaires pour que le Conseil constitutionnel, déclare le siège, occupé par un élu démissionnaire, vacant » ce considérant traite du procès verbal du bureau de la chambre portant justification de la demande de démission, après il enchaîne avec un autre traitant de la procédure : «  Et considérant que la réunion précitée présidée par le président du bureau n'a connu qu'une seule absence de l'un de ses membres parmi douze la composant, et que la démission de Mr AZMANI , membre de la chambre des représentants élu dans la circonscription d'Aît Baha, a été examinée par tous les membres présents et que la réunion et l'examen se sont déroulés selon une procédure qui est conforme à la constitution »90(*).

Comme nous l'avons évoqué plus haut ce n'est pas la première fois que le Conseil constitutionnel se prononce deux fois sur le même cas d'espèce, mais cette fois-ci dans d'autres circonstances. En effet, il s'agit d'un cas où une députée demande au Conseil constitutionnel un avis consultatif pour savoir est ce que la fonction de directrice générale de la société d'assurance des exportations qu'elle exerce est compatible ou non avec son mandat élective dans la chambre des représentants. Dans sa décision n° 678-08 91(*)avec laquelle il répond à cette demande, le Conseil constitutionnel affirme l'incompatibilité en considérant qu' : «  il ressort des pièces jointes au dossier que la société marocaine d'assurance des exportations que madame Nezha ELHARICHI assume sa présidence générale, l'Etat possède plus de 30% de son capital ce qui rend l'appartenance à la chambre des représentants objet de la consultation incompatible avec ladite fonction dans la société susmentionnée... » Ainsi le Conseil a rendu sa consultation, s'été à Madame ELHARICHI de régulariser sa situation, c'est-à-dire de démissionner de l'une des fonctions qu'elle exerce ; la présidence de la société ou l'appartenance à la chambre des représentants, elle a préféré démissionner de son mandat élective en présentant sa démission, comme l'édictent les dispositions juridiques régissant cette pratique, le président de la chambre des représentants a saisi le Conseil constitutionnel pour qu'il constate la vacance de siège, et il la fait par sa décision n°689-0892(*) : «  Considérant qu'il est à constater la vacance de siège suite à la demande de démission présentée par Madame Nezha ELHARICHI qu'elle occupait un siège à la chambre des représentants... ».

Dans le premier cas d'espèce relatif à Monsieur AZMANI, le Conseil constitutionnel s'est prononcé deux fois sur la même affaire, dans la première décision il refuse de prononcer la vacance de siège pour la raison que les pièces justificatives faisaient défaut, alors que dans sa deuxième décision, il l'a fait car l'autorité de saisine avait rectifiée les insuffisances du dossier. Tandis que dans le deuxième cas concernant Madame ELHARICHI, la première saisine été une consultation, alors que la seconde été une demande adressée par le président de la chambre des représentants pour que le Conseil constate la vacance de siège. Pour le premier nous soutenons l'idée que le Conseil a statué en bis in idem, prohibé en matière judiciaire dans les tribunaux nationaux qu'internationaux par le principe général du droit formulé en latin sous la forme de l'adage no bis in idem. Mais il reste probable qu'en matière constitutionnelle cela n'a pas d'effets néfastes, mais il reste que conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 81 de la constitution que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont passibles d'aucun recours.

Pour le moment il n'est pas fastidieux d'étudier la contexture des décisions du juge constitutionnel déclarant vacant un siège au parlement suite à une démission. Tout d'abord l'entête de la décision dresse la date et le numéro de la décision, avec trois expressions standards à toutes des décisions du Conseil, respectivement : louange à Dieu seul, au nom du Roi et le Conseil constitutionnel après le Conseil se met à mentionner l'autorité, ou les personnes ayant déclenché la saisine, généralement dans la formule suivante : « Après examen de la lettre adressée au secrétariat général du Conseil constitutionnel par ... », l'étape suivante est la mention des visas, c'est-à-dire les textes juridiques et les précédentes décisions du Conseil faisant office de base à la décision, sont dressés de la manière suivante : « Vu la constitution..., Vu la loi organique n° 29.93...Et vu les décisions du Conseil constitutionnel, Et après l'examen du rapport du membre rapporteur et les délibération conformément au droit applicable... ». Par la suite le juge de la haute instance se penche à motiver sa décision, pour l'illustration nous dressons une des formule utilisées : « Considérant que les dispositions du règlement intérieur de la chambre des représentants (ou des conseillers)...Considérant que l'article stipule...Attendu... ». Juste après il y'a le dispositif de la décision qui est toujours précédé par l'expression : par ces motifs dispose, avant de passer au vif de l'objet de la décision : « premièrement, le Conseil déclare la vacance de siège.... Deuxièmement ordonne que la présente décision soit publiée au bulletin officiel ». La dernière étape c'est la mention de la date de la décision et les noms des membres ayant assistés aux délibératoires.

La constatation de la démission des députés sans prendre en considération ses motifs, est considérée par le droit marocain comme un acquis légitime des parlementaires. Comme il a été dit précédemment de manière brève, la procédure des demandes de démissions des parlementaires poursuit l'atteinte d'un objectif purement informatif, puisque l'aboutissement de la procédure est quasi-automatique. Il est à dire également que les dispositions juridiques applicables à la procédure de demandes de démissions traitent au même temps des autres cas pouvant susciter des vacances de siège au sein du parlement à savoir le décès et l'annulation des résultats de vote par le Conseil constitutionnel.

La section suivante aura comme objet d'étudier la notion de la vacance de siège au sein du parlement hormis le cas de la démission bien sûre. Pour le titre suivant il nous semble très important d'examiner la question de la légitimité des démissions parlementaires et d'avantage lorsqu'elles sont présentées pour un objectif de gain « politiste », ou politique pour des raisons de neutralité.

Sous-section 2 : Un parlementaire peut démissionner ?

Avant d'entamer le travail consistant à s'interroger sur la légitimité des démissions parlementaires, il convient de présenter même de façon concise l'essence de la fonction des députés. Tout d'abord nous notons que l'existence de l'institution parlementaire se justifie par un souci majeur, notamment la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Sans aborder les grands paradigmes des ouvrages de science politique et du Droit constitutionnel en la matière nous résumons par dire que les parlementaires tirent leur légitimité des résultats des suffrages, ils représentent l'électeur dans l'exercice de la souveraineté qui au moins en théorie appartient à la nation, ils édictent des lois de leur tour censé exprimées la volonté générale. Concluons sur ce point par l'insertion de l'article 2 de la constitution marocaine : « la souveraineté appartient à la nation qui l'exerce directement par voie de référendum et indirectement par l'intermédiaire des institutions constitutionnelles », ainsi que son article 36 : « le parlement est composé de deux chambres, la chambre des représentants et la chambre des conseillers, leurs membres tiennent leur mandat de la nation... ».

Pourquoi une telle introduction ? La réponse est tout à fait simple, l'exercice ici est d'étudier la légitimité des démissions parlementaires, donc les juger ; seulement toute tentative d'évaluation, d'examen ou de jugement suppose la comparaison à un cadre référentiel, qui par convention est crédibilisé et admis par tous, ou les membres d'un domaine donné. Autrement dit, nous examinons est ce que la démission d'un parlementaire est en conformité avec ce cadre de référence.

Avant août 2006, jamais au Maroc la démission des parlementaires n'a suscité un tel intérêt par les commentateurs, la presse, et l'opinion publique. Comme nous avons mentionné plus haut les demandes de démissions des parlementaires sont présentées au bureau de la chambre dont ils font partie, après la vacance de siège doit être déclarée par le Conseil constitutionnel. Dans les cas qui retiennent notre attention93(*), et contrairement aux précédents jurisprudentiels du Conseil constitutionnel en la matière, la haute instance qui a les mains liées constate les démissions en exprimant son état d'âme, en l'occurrence une grande amertume !

Un article de doctrine intervenu pour commenter les décisions du Conseil constitutionnel qui tout en déclarant la vacance de siège suite à une série de démissions, exprime le regret de l'avoir fait, n'à pas économiser d'efforts pour blâmer cet acte du juge constitutionnel, en faisant la parade des arguments, et en usant du sarcasme le plus aigu94(*). En effet, l'auteur contredit le juge constitutionnel en deux points, tout d'abord il pense que les parlementaires démissionnaires sont en plein légitimité de l'exercice de leur droit en demandant la démission de la chambre des représentants pour pouvoir se présenter aux élections du renouvellement du tiers des membres de la chambre des conseillers dont l'appartenance offre plus d'opportunités et de perspectives politiques. Deuxièmement, il considère l'expression du juge constitutionnel de sont état d'âme et son regret d'avoir déclaré la vacance de siège suite à une série de démissions comme insensée, car l'attente du Conseil passerait pour « un voeu pieux et inapplicable ».

Pour discuter la véracité et la pertinence de tels propos, nous proposons de les traiter un par un. Dans un premier temps nous abordons la question des « voeux pieux ».

Toutes les décisions susmentionnées contiennent un attendu, d'ailleurs il semble être l'objet du commentaire du professeur de Rabat, il convient de le dresser in texto :

« Considérant que le Conseil constitutionnel est tenu de déclarer la vacance de siège suite à la démission en faisant abstraction de son motif, et ce conformément à l'alinéa premier de l'article84 de la loi organique n° 31.97 susmentionné. Considérant que le Conseil constitutionnel, dont parmi les fonctions est la participation à la régulation de la marche normale des institutions en agissant en conformité à la constitution, ne peut que rappeler que les démissions, qui, par leur nature sont parmi les actes exceptionnels, doivent s'exercer dans certaines limites afin qu'elles ne perturbent pas la marche des institutions constitutionnelles et leur rendement et que la représentation qui est tirée de la nation en vertu de l'article 36 de la constitution est considérée comme fonction et une responsabilité exigeant la confiance, son objet est la participation à l'expression de la volonté générale en vertu de la constitution ».

On reproche donc au Conseil constitutionnel, d'insérer dans ses décisions ce considérant qui reste, qu'on le veuille ou non chargé de souhaits, et des voeux moralisateurs aspirant la rationalisation, voire l'idéalisation du jeu politique. Seulement, une décision de justice quelle soit constitutionnelle, administrative ou autre comme il note le commentateur doit avoir un caractère normative, c'est-à-dire produire des droits et des obligations de manière impérative, deuxièmement elle doit être imposable, en langage juridique elle doit renfermer l'autorité de la chose jugée.

Animé par la volonté de moraliser la vie politique au Maroc, le juge de la haute juridiction constitutionnelle a fait abstraction de toutes ses conditions, qu'il a d'ailleurs l'habitude de suivre à la lettre. En fait le juge constitutionnel marocain est très connu pour son formalisme excessif, qu'à-il arrivé pour qu'il change de d'orientation ? Est ce la crainte de la présentation massive des demandes de démissions ?!

Si on revient aux dites décisions on peut facilement constater que l'expression de l'état d'âme du juge constitutionnel été certes dans le corps des décisions, mais dans les motifs de celles-là et non pas dans le dispositif qui énonce les effets de la décision, donc il n'est pas si aberrant que le juge de notre juridiction constitutionnelle exprime son point de vue parmi les motifs de ses décisions.

Il est vrai que les décisions du Conseil sont imposables à tous, et de ce fait elles doivent être exprimées dans le respect et les limites juridiques pour qu'elles seraient pas inapplicables, chose qui mettrait en cause l'autorité du Conseil stipulée par la constitution, le document dont le rang est le plus élevé dans la hiérarchie des normes. Mais les décisions objet du commentaire respectent tous ces critères dans leurs dispositif, et le considérant en question été un motif parmi d'autres ; et ce n'est pas la première fois que le juge constitutionnel en énumère plusieurs pour enfin prendre compte d'un , ou seulement de certains d'entre eux.

D'un point de vue pragmatique le considérant en question est vecteur de bienfaits, hormis le fait qu'il soit normatif ; il reste utile à deux niveaux, il se pourrait qu'il a joué le rôle des freins, barrant la route à d'autres demandes de démissions dont il est envisageable que leur nombre aurait été exagéré ! Dans un deuxième niveau c'est un clin d'oeil pour le législateur pour attirer son attention afin qu'il adopte des mesures juridiques qui traitent de la question.

S'agissant maintenant de la légitimité de la démission des parlementaires, ou au moins sa convenance aux règles d'éthique, l'article soutient que les parlementaires son dans une situation conforme aux règles juridiques en vigueur, en l'occurrence la loi organique dont la procédure d'adoption requiert l'approbation du Conseil constitutionnel ; ce qui est tout à fait vrai ! Il voit également que leurs démissions mêmes en ayant pour objet de se défaire du siège qu'ils occupent à la chambre des représentants pour se porter candidats aux élections du renouvellement du tiers de la chambre des conseillers. Cette pratique ne constitue pas une trahison des électeurs ? L'auteur de l'article ne le pense pas, il considère que les démissions des parlementaires si discutables soient-elles sont un phénomène moins néfaste pour le rendement des institutions constitutionnelles que la pratique consistant à changer de groupe parlementaire, communément appelée «  nomadisme parlementaire » accepté par le Conseil dans sa décision 213-9895(*).

En tout état de cause, de part le monde il existe un certain nombre d'Etats où la démission des parlementaires est considérée comme un acte interdit, à cet égard nous citons le cas du Royaume Uni, dans lequel le mandat des parlementaires est impératif, ces derniers ne peuvent pas s'en défaire. Mais même dans un Etat appelé le père du parlementarisme l'ingéniosité des protagonistes politiques ne manque pas pour faire diversion et détourné les dispositions juridiques en la matière. En effet, pour démissionner les députés de la chambre des communes intègrent un emploi ou adhère à une fonction incompatible à l'appartenance à la chambre pour qu'ils se fassent déclarés démissionnaires96(*) .

Pour clore ce point, il n'est pas sans utilité d'examiner les propos des députés qui ont fait l'objet des décisions commentées. Monsieur TAHIRI qui a fait l'objet de la décision n° 618-2006 il affirme : « Je ne considère pas ma démission comme une infidélité car le mode de scrutin de liste utilisé lors des élections 2002 engage la responsabilité des programmes des partis et non pas les personnes». De sa part Monsieur KIOUH qui siège à la chambre des représentant depuis 1977, faisant l'objet de la décision n° 622-2006 rétorque : « Il est contradictoire que des jeunes siègent à la Chambre des conseillers alors que les personnes âgées ayant une certaine expérience de la vie et de la politique continuent à la Chambre des représentants», à jouté : le second dans la liste qui lui a succédé à la chambre des représentants après constatation de la vacance de siège par le Conseil constitutionnel est son fils !97(*)

Un député jouissant d'un charisme notoire, ou faisant partie des notables, qui forment la quasi-totalité de la diaspora parlementaire, pourrait présenter sa démission à la chambre des représentants en cédant la place au deuxième sur la liste électorale, comme le cas de Monsieur KIOUH qui cède la place à son fils, et en se faisant élire à la chambre des conseillers par la suite après échéance de son mandat, il peut être une nouvelle fois à la chambre des représentants pour déclencher un nouveau va et vient entre les chambres du parlement !

De nouveau nous reviendrons au fameux considérant mais cette fois pour l'examiner sous l'angle de l'application du principe à valeur constitutionnel objet du présent mémoire, le principe de la continuité des services publics en l'occurrence. Lorsque le juge constitutionnel affirme : « (Les) démissions, qui, par leur nature sont parmi les actes exceptionnels, doivent s'exercer dans certaines limites afin qu'elles ne perturbent pas la marche des institutions constitutionnelles et leur rendement » En considérant les démissions comme des actes exceptionnels de la vie représentative qui doivent s'exercer dans certaines limites, il exprime son souci de garantir la continuité des services. En effet, le juge de la haute instance le dit clairement et met en garde contre les conséquences de la large utilisation de ce droit par les parlementaires (la démission). Ces conséquences sont comme il l'exprime la perturbation de la marche des institutions constitutionnelles et leur rendement.

En usant de ces termes le juge constitutionnel ne voulait que mettre sa crainte en évidence, une crainte du dysfonctionnement de l'organe législatif qui pourrait être causée pas des démissions massives, d'où son intérêt pour l'application du principe de la continuité des services publics, corollaire du principe de la continuité de l'Etat.

Il est vrai que les députés démissionnaires n'ont fait qu'exercer leur droit qui leur ait octroyé par les dispositions juridiques, il s'agit du droit de présenter la démission. Néanmoins la démission devrait rester une faculté pour les députés ayant vraiment un motif justifiant leur acte ; en reprenant les termes de notre juge constitutionnel elle est parmi les actes exceptionnels dans la vie parlementaire, c'est un propos au quel nous adhérons sans réserves dans les cas qui ont fait l'objet de notre commentaire il s'agissait de démissions entrant dans un cadre de stratégies et de tactiques politiques, ce qui est pas à notre sens conforme à l'éthique de la mission et du travail parlementaire. En effet, la mission d'un député exige un engagement complet, et un dévouement pour la chose publique, et davantage une loyauté envers son électorat ; ce qui n'été guère le cas de nos députés démissionnaires.

De ce fait le juge n'a fait que pallier aux carences du système normatif régissant la vie parlementaire. En effet, le système en place manque de rigueur envers certaines pratiques néfastes de la part des parlementaires adeptes de mesquinerie et cupidité politique, à titre d'exemple nous citons le nomadisme politique des parlementaires instaurant une fluctuation des formations des groupes parlementaires. Pis, il nous ait encore plus étonnant la consécration juridique d'une posture maladroite, c'est le cas notamment du désistement en matière de contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel, il suffit que l'élu objet de saisine désiste pour que le Conseil barre l'affaire du rôle, normalement l'aboutissement à un jugement sur le fond devrait être d'ordre public : à titre indicatif nous citons une décision du Conseil constitutionnel constatant un tel cas, notamment la décision 787-1098(*) dont le dispositif : « Pour ces motifs...il est attesté que Monsieur Ahmed ELKADIRI, en désistant de sa demande aspirant l'annulation des résultats de vote du 2 octobre 2009 dans le cadre des de l'électorat composée des représentants des communes urbaines du grand Casablanca, dont les résultats ont sécrété les gagnants : Messieurs Hassan BERKAN,Ahmed BOUZIDI et Toufik KAMIL et Madame Farida NIÏMI... »

En pensant que le juge de la haute instance a voulu remédier au vide normatif en la matière en incitant à la moralisation de la vie politique, et la prévention d'un péril incarné par le trouble et la discontinuité de l'institution parlementaire ; notre propos risque lui aussi d'être taxé d'idéalisme qui serait loin de toute réalité. Seulement, loin d'être que des souhaits ou des

« Voeux pieux » il est tout à fait ce qu'implique l'application du droit, notamment la constitution, et son esprit.

* 83 CC ma, 480-2002, datant du 15/08/2002, (B.O n°5037 du 09/09/2002, p.p.35-36).

* 84 Dahir n° 1.58.008 datant du 24 février 1958 relatif au statut général de la fonction publique, (B.O n° 2372 du 11/04/1958).

* 85 Règlement intérieur de la chambre des représentants, tel qu'adopté le 29/01/2004.

* 86 Loi organique n° 31.97 relative à la chambre des représentants tel quel a été modifié et complété par la loi organique n° 06.02 et la loi organique n° 29.02.

* 87 Article 100 du règlement intérieur de la chambre des conseillers adopté par la chambre des conseillers le 14/04/1998.

* 88 C.C ma, 426-00 datant du 19/02/2000, (B.O n° 4866, du 18/01/2001, p.p. 24-25).

* 89 C.C ma, 451-01 datant du 10/07/2001, (B.O n° 4922, du 02/08/2001, p. 29).

* 90 Traduction du service des relations extérieures du conseil constitutionnel, cité in : Hassan HALOUI, Le contentieux électoral, cas des inéligibilités et des incompatibilités parlementaires, Mémoire du Master Fsjes Oujda, 2008.

* 91 C.C ma, 678-08 datant du 04/03/2008, (B.O n° 5617, du 31/03/2008, p.p. 10-11).

* 92 C.C ma, 689-08 datant du 06/05/2008, (B.O n° 5636, du 05/06/2008, p.21).

* 93 C.C ma, 618-2006. C.C ma, 619-2006. C.C ma, 620-2006. C.C ma, 621-2006. C.C ma, 622-2006. C.C ma, 623-2006. C.C ma, 624-2006. C.C ma, 625-2006. Datant du 02/08/2006, (B.O n°5451 du 28/08/2006, p.p.8-13).

* 94 BENABDELLAH (M.A), « Le conseil constitutionnel, moralisateur ? », REMALD, n°75, 2007, p.p 133-142.

* 95 C.C ma, 213-98 datant du 28/05/1998, (B.O n° 4598 du 25/06/1998, p.p. 14-18).

* 96 Marc Van Der Hulst, Le mandat parlementaire, étude mondiale comparative, (étude sous l'égide de l'union parlementaire de Genève, 2000).

* 97 Propos recueillis du journal le Matin du 30/08/2006.

* 98C.C ma, 787-01 datant du 17/03/2010, (B.O n° 5828 du 08/04/2010, p.16).

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe