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Une administration publique performante: un défi pour l'état haà¯tien à  la croisée d'une exigence des citoyens et d'une incitation des acteurs internationaux ? Le cas de la modernisation de la fonction publique

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par Destin JEAN
Université Pierre Mendès-France - Master 2 en Droit public 2011
  

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SECTION II

Les obstacles de l'instabilité politique et la faiblesse du système judiciaire haïtien face au phénomène de la corruption

Primo, nous présentons la dynamique de l'instabilité politique comme une pierre d'achoppement à la bonne marche du processus de modernisation de la Fonction publique (§ 1). Secundo, nous essayons de démontrer que la culture de la corruption dans la Fonction publique constitue un frein à la réforme, mais aussi protégée par la culture de l'impunité (§ 2).

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§ 1. L'instabilité politique comme entrave au processus de modernisation de la Fonction publique

Depuis la chute de la dictature des DUVALIER le 07 février 1986, Haïti s'enlise dans une instabilité politique dont il a du mal à s'en sortir. Le nouveau système politicoadministratif institué par la Constitution de 1987 est fortement marqué par la discontinuité institutionnelle.

A contrario, la continuité institutionnelle voudrait dire mettre effectivement en place les institutions créées par la Constitution, leur donner les moyens de leur fonctionnement, les renouveler à temps en vue de leur permettre de fonctionner sans être saccadées par les soubresauts politiques.

L'actualité politique en Haïti ces derniers mois regorge bien d'exemples relatant ce phénomène récurrent de la vie politique en Haïti. En effet, selon la Constitution en vigueur en Haïti78, des élections présidentielles devraient avoir lieu le dernier dimanche du mois de novembre 2010 en vue du remplacement du Président de la République René Préval le 07 février 2011. Lesdites élections ont été effectivement tenues à cette date, mais elles ont abouti dans le chaos. Avant la mi-journée, les bulletins de vote des citoyens jonchaient le pavé et pouvaient être ramassés à la pelle. Cela a introduit une nouvelle crise politique qui dure jusqu'à aujourd'hui, car après quatre (4) mois de prestation de serment, le nouveau Président de la République, Michel Joseph MARTELLY, n'arrive toujours pas à faire accepter un Premier Ministre par le Parlement en vue de doter le pays d'un Gouvernement.

Ces genres de situations sont loin d'être des exceptions dans la pratique politique haïtienne. L'instabilité politique manifestée par des cas de coup d'Etat, d'insurrection populaire, l'incapacité ou le manque de volonté de renouveler les assemblées du Parlement ou de réaliser toutes autres élections selon le cycle électoral fixé par la Constitution, l'incapacité

78 Cf : Constitution haïtienne du 29 mars 1986, articles 134-1 : « La durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans. Cette période commence et se termine le 07 février suivant la date des élections » et 134-2 : « Les élections présidentielles ont lieu le dernier dimanche de novembre de la cinquième année du mandat présidentiel ».

de doter le pays d'un Gouvernement débouchant sur des crises et vides institutionnels paraît devenir la règle dans le cadre de la pratique du régime institué par la Constitution de 1987.79

Selon Marie Josée CLAVET, dans un article publié dans « Perspective Monde » de l'université Sherbrooke : « Le 07 février 2006, les Haïtiens se présentaient massivement aux urnes, tôt le matin, pour élire un nouveau président ainsi qu'un nouveau Parlement (1). Mais la date du 7 février marquait aussi une autre journée importante dans l'histoire de l'île d'Haïti; celle de l'exil de l'ex- Président Jean-Claude Duvalier, le 7 février 1986. Ce départ mettait fin à 28 ans de dictature imposée par la famille Duvalier et laissait place à vingt années d'instabilité politique. »80

A la chute du Président à vie de la République d'Haïti, Jean-Claude DUVALIER, le 07 février 1986 suite à une insurrection populaire, le Conseil National de Gouvernement (CNG) a pris le relai du pouvoir et s'est vu attribué, entre autres, la mission essentielle de mettre tout en oeuvre de manière à s'assurer qu'une nouvelle Constitution soit adoptée par voie de référendum en vue d'une nouvelle réglementation de la vie politique et organiser rapidement des élections en vue du renouvellement du personnel politique.

Finalement, la nouvelle Constitution n'a été soumise à référendum pour être adoptée que le 29 mars 198781 et elle a été tardivement publiée le mardi 28 avril 1987 par le CNG,82 soit un peu plus d'un an après la chute du régime antérieur. Toutefois, l'instabilité politique empêche au pays de fonctionner dans le normalité institutionnelle. Le nouveau système politico-administratif qui devrait s'implanter par la mise en oeuvre de la nouvelle Constitution n'a pas pu atteindre son stade de maturité et les réformes administratives préconisées à l'article 295 des dispositions transitoires de la Constitution de 1987 n'ont pas pu aboutir :

« Dans les six mois à partir de l'entrée en fonction du Premier Président élu sous l'empire de la Constitution de 1987, le pouvoir Exécutif est autorisé à procéder à toutes

79 En témoignent le livre de Claude Moïse intitulé : « Une Constitution dans la tourmente » et celui de Pierre Raymond Dumas intitulé : « La transition qui n'en finit pas ».

80 « Vingt ans d'instabilité politique : Haïti et la fin du régime DUVALIER », publié le 12 février 2006 sur le site web de Perspective Monde de l'Université Sherbrooke. La page est consultée le 29 aoüt 2011.

Cf : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=127

81 Le Nouvelliste du lundi 30 mars 1987, no 32 965, page 1. Plus de 99% de OUI au référendum sur la Constitution.

82. L'article 298 de la Constitution dispose que la nouvelle Constitution devrait être publiée dans la quinzaine de sa ratification par voie référendaire.

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réformes jugées nécessaires dans l'Administration publique en général et dans la Magistrature ».

Sous l'égide de la Constitution de 1987, la premiere tentative d'organisation d'élections générales a eu lieu le 29 novembre 1987. Ces élections n'ont pas abouti.83 De nouvelles élections ont été organisées le 17 janvier 1988 et ont permis l'accession au pouvoir du professeur Leslie François Saint Roc MANIGAT. Ces élections ont accusé un faible taux de participation de la population et ont été, pour le moins, largement contestées par une bonne partie de la classe politique.84

En dépit des contestations enregistrées portant sur l'organisation et l'issue desdites élections, ces dernières ont eu le mérite de donner au pays le Premier Président élu sous l'empire de la nouvelle Constitution. Donc, c'est ce Pouvoir Exécutif ayant à sa tête le Président de la République Leslie Manigat qui devrait procéder, selon les dispositions constitutionnelles transitoires, aux premières réformes jugées nécessaires dans l'Administration publique dont la modernisation de la Fonction publique. Néanmoins, l'instabilité politique allait tout gacher. Le Président de la République, Leslie F. MANIGAT, et la 44ème Législature n'ont pas tenu six mois, car emportés par un coup d'Etat du Général Henri NAMPHY en juin 1988.85

En septembre de la même année, le pays a connu un nouveau coup d'Etat. Il s'agit en réalité d'un coup d'Etat dans le coup d'Etat, dirigé cette fois-ci par le Général Prosper AVRIL.86 Parallèlement, de juin 1988 à janvier 1991, le pays a fonctionné sans le Parlement. Comment alors amorcer, voire réussir un processus de modernisation de la Fonction publique dans le contexte de crises et vides institutionnels et de coups d'Etat en cascade ?

83 Cf : Le Nouvelliste du lundi 30 novembre 1987, no 33 142 (29 novembre : dimanche d'horreur et de terreur). Ce, en dépit du fait que le Général REGALA a promis que l'armée aura garanti l'ordre au cours des opérations électorales (Le Nouvelliste du vendredi 27 novembre 1987, no 33 141). Le CNG dissoud le Conseil Electoral Provisoire (CEP). Cf : Le Moniteur du dimanche 29 novembre 1987, no 97.

84 Cf : Le Nouvelliste du lundi 18 janvier 1988, no 33 175 (faible taux de participation aux élections du 17 janvier.

85 Cf : Le Nouvelliste du mardi 21 juin 1988, no 33 289 : « Dans la nuit de dimanche, l'Armée renverse le Président Leslie Manigat et constitue un Gouvernement militaire ». Le Moniteur du lundi 20 juin 1988, no 54 : « Proclamation du Lieutenant-Général Henri NAMPHY, Président du Gouvernement militaire et décret portant dissolution du Sénat et de la Chambre ».

86 Cf : Le Nouvelliste du mardi 20 septembre 1988, no 33 352 : « Proclamation du Gouvernement militaire, Lieutenant-Général Prosper AVRIL, Président ».

Dans le cadre du processus de réforme de l'Administration et de la Fonction publique, un Ministère de l'Administration et de la Fonction publique (MAFP) a été créé en 1989.87 Un décret du 10 mai de la même année portait organisation dudit Ministère situé au coeur des structures de gestion de la Fonction publique pour l'époque considérée.

Ledit ministère « formule la politique du Gouvernement en matière d'administration générale et de développement des ressources humaines de la Fonction publique. Il veille à la stricte observance des lois et à l'application de toutes les décisions du Gouvernement relatives à l'Administration et à la Fonction publique. Il conçoit et exécute en accord avec les services publics des programmes de perfectionnement des personnels. Il est également chargé de veiller à l'application du Statut général de la Fonction publique ».88

Plus loin, le professeur Enex JEAN-CHARLES a aussi fait remarquer : « Cependant, sans abrogation formelle du décret du 10 février 1989, la quasi-totalité des services du MAFP ne fonctionne pas en réalité. Depuis plusieurs années, aucun ministre ou autre responsable chargé de la gestion de l'ensemble de la Fonction publique n'a été nommé. »89

En réalité, il existe aujourd'hui une structure de gestion de l'ensemble de la Fonction publique en Haïti, c'est l'OMRH. C'est que la toute dernière édition du livre du professeur E. JEAN-CHARLES remonte à 2002, or il a fallu attendre l'année 2007 pour la création de l'OMRH, une structure non gérée par un quelconque Ministère de l'Administration et de la Fonction publique, mais plutôt casée à la Primature et placée sous l'autorité immédiate du Premier Ministre.

Donc, il va sans dire que le Ministère de l'Administration et de la Fonction publique est une structure, entre autres, de gestion de la Fonction publique créée en pleine crise politique dans le cadre du processus de réforme de l'Administration et de la Fonction publique. Aussi, cette structure n'a-t-elle pas eu le temps de produire ses effets en raison de crises politiques postérieures. C'est le cas de dire que l'instabilité politique vient presque toujours, par intermittence, entrecouper les tentatives de mise en oeuvre du processus de modernisation de la Fonction publique.

87 Décret du 10 février 1989 portant création du Ministère de l'Administration et de la Fonction publique.

88 E. JEAN-CHARLES, Manuel de droit administratif haïtien, op. cit., page 288.

89 Idem, page 289.

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En outre, le 16 décembre 1990, de nouvelles élections générales ont été organisées dans le pays. Elles ont permis l'accession au pouvoir du Président de la République Jean-Bertrand ARISTIDE et l'avènement de la 45ème Législature.90 Le nouveau Président élu a entré en fonction le 07 février 1991, soit la date de sa prestation de serment. En application de l'article 295 sus-évoqué de la Constitution du 29 mars 1987, le Parlement, sous l'initiative du Pouvoir Exécutif, a voté la loi du 07 mars 1991 autorisant le Pouvoir Exécutif à procéder à toutes réformes jugées nécessaires dans l'Administration publique en général et dans la Magistrature.

En revanche, les mesures adoptées sous l'empire de ladite loi n'ont pas eu le temps de produire leurs effets et ne peuvent donc pas être évaluées, car le 30 septembre 1991, soit une période de sept (7) mois après l'investiture du Président ARISTIDE, un coup d'Etat militaire l'a contraint de prendre le chemin de l'exil. La 45ème Législature est restée en place, mais on l'aura compris, cette dernière est restée pendant longtemps inopérante. Selon le professeur E. JEAN-CHARLES : « Les nouveaux dirigeants issus du coup d'Etat ont remis en question toutes les mesures prises dans le cadre de la loi du 07 mars 1991 ».91

En 1997, la question de la réforme administrative refait surface dans l'agenda politique avec la création de la Commission nationale à Réforme administrative (CNRA). L'une de ses attributions fut de réaliser un diagnostic complet de l'Administration et de la Fonction publique et d'en faire des propositions de réforme. La loi du 09 avril 1997 portant sur le départ volontaire et la mise en retraite anticipée a chargé la CNRA d'une mission de coordination de la mise en oeuvre du processus de réforme de la Fonction publique.

En 2001, les travaux de la CNRA ont été discontinués. Son mandat a pris fin définitivement le 31 mars 2002. En effet, le 07 février 2001, il y a eu passation de pouvoir entre le Président de la République René PREVAL et le nouveau Président réélu Jean Bertrand ARISITDE. Est-ce encore le déficit du sens de la continuité de l'Etat qui se pose ?

En dépit de la cessation du fonctionnement de la CNRA, les propositions de cette dernière ont été à nouveau revues et soumises au Gouvernement en 2003, sous la pression du PNUD dans le cadre du projet Modernisation de l'Etat et Décentralisation.

90 Cf : Le Nouvelliste du vendredi 14 au dimanche 16 décembre 1990, no 33 959.

91 Ibidem, page 292.

En revanche, le 29 février 2004, une crise politique née des élections contestées du 21 mai et du 26 novembre 2000 a finalement emporté la 47ème Législature et le Président Jean Bertrand ARISITDE et ce dernier a pris le chemin de l'exil.

De mars 2004 à avril 2006, le pays a de nouveau fonctionné sans le Parlement. Le Président de la Cour de Cassation, Me Boniface ALEXANDRE, a passé plus de 90 jours à occuper provisoirement la fonction présidentielle.92 De son côté, le Premier Ministre Gérard LATORTUE a fonctionné sans le Parlement pour contrôler l'action de son Gouvernement.93

Toutefois, s'appuyant sur les travaux déjà réalisés par la CNRA, le gouvernement de transition a adopté un ensemble de décrets dont celui du 17 mai 2005 portant révision du Statut général de la Fonction publique donnant ainsi un nouveau cadre légal à la réforme.

Paradoxalement, les acteurs internationaux de la réforme de l'Administration et de la Fonction publique en Haïti, se montraient aussi timides pour appuyer la mise en oeuvre effective des multiples décrets adoptés par le gouvernement de transition, sachant que ce dernier ne jouissait pas de la légitimité démocratique, car n'étant pas issu des élections. Donc, il a fallu le retour au pouvoir, par la voie des urnes, du Président de la République René PREVAL en 2006 pour une appréciation des mesures adoptées.

En 2007, dans le cadre de l'aménagement du nouveau cadre institutionnel de la réforme le gouvernement PREVAL - ALEXIS a créé et mis en place d'un côté, le Conseil Supérieur de l'Administration et de la Fonction publique (CSAFP), responsable du pilotage stratégique de la modernisation du service public et de la Fonction publique ; d'un autre côté, l'Office de Management et des Ressources Humaines (OMRH), chargé du pilotage opérationnel des activités de la réforme.

92 Selon la Constitution de 1987, article 149 : « En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, le Président de la Cour de Cassation de la République ou, à son défaut, le viceprésident de cette Cour ou à défaut de celui-ci, le Juge le plus ancien et ainsi de suite par ordre d'ancienneté, est investi provisoirement de la fonction de Président de la République par l'Assemblée Nationale dûment convoquée par le Premier Ministre. Le scrutin pour l'élection du nouveau Président pour un mandat de cinq ans a lieu 45 jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus après l'ouverture de la vacance, conformément à la Constitution et à la loi électorale.

Me ALEXANDRE a passé un peu plus de deux ans au pouvoir, suite à un accord politique, celui du 04 avril 2004, entre les acteurs de la société civile, des partis politiques de la classe politique haïtienne et des partenaires de la Communauté internationale, particulièrement la France, le Canada et les Etats-Unis.

93 Article 156 de la Constitution du 29 mars 1987 : «Le Gouvernement conduit la politique de la Nation. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions prévues par la Constitution. »

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En somme, c'est le cas dire que l'instabilité politique, phénomène récurrent de la vie politique en Haïti, constitue une contrainte de taille de l'optimisation effective de la Fonction publique à laquelle l'Etat haïtien fait face, car elle constitue une entrave au processus de modernisation de la Fonction publique. Néanmoins, le phénomène de la corruption dans la Fonction publique n'en est pas moins compromettant.

§ 2. La culture de la corruption dans la Fonction publique : un obstacle au processus de modernisation et un phénom~ne entretenu par la culture de l'impunité

Selon une définition du Lexique de Science politique, l'impunité c'est le «fait d'échapper à toute punition, pour des raisons de circonstances ou de droit. Les raisons de circonstances peuvent tenir aussi bien au défaut de preuves qu'à l'absence de volonté de poursuivre ou de sanctionner. Les raisons de droit sont liées à l'existence d'une immunité... »94

Par ailleurs, la notion de corruption est ainsi définie dans le Lexique des termes juridiques : « Comportement pénalement incriminé par lequel sont sollicités, agréées ou reçus des offres, promesses, dons ou présents, à des fins d'accomplissement ou d'obtention de faveurs ou d'avantages particuliers. La corruption est dite passive lorsqu'elle est le fait du corrompu, elle est dite active lorsqu'elle est le fait du corrupteur ».95

Dans un article soumis à Alter Presse le 23 avril 2004 et publié le lundi 25 avril 2005, intitulé : « Impunité et corruption en Haïti : une affaire d'Etat », la journaliste Haïtienne Nancy ROC, a avancé : « Depuis 1911, la corruption est devenue une institution indispensable au fonctionnement de l'Etat marron. Entre les individus et la société, un ensemble de normes se sont établies au fil des ans, tissant les réseaux de clientélisme et de patronage, de faveurs et de redevances. La corruption financière qui se traduit par une absence de gestion efficiente des finances publiques a tissé une toile d'araignée dans

94 Opere citato, page 252.

95 Opere citato, pages 230 et 231.

l'Administration publique dans laquelle l'absence de règles claires et précises est la norme ».96

En Haïti, il est courant d'entendre, de la part des autorités de la Police ou de la Justice, la formule « l'enquête se poursuit ». Cela devient comme une litanie tant il y a de crimes contre le trésor public ou de toute autre nature et tant les personnes à qui ces crimes sont imputables restent impunies. En effet, les enquêtes sur les cas de corruption dans la Fonction publique se poursuivent quasiment toujours sans la garantie de leur aboutissement. Finalement, la formule est devenue un mot de passe desdites autorités quand les travailleurs de la Presse, dans le cadre des conférences de presse, interview, émissions ou autres, posent des questions sur le traitement de cas spécifiques de corruption.

Selon l'article 2 du décret du 23 novembre 2005 portant révision de l'organisation et le fonctionnement de la Cour Supérieur des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) : « La CSC/CA est une institution indépendante qui a pour mission de juger les actes de l'Administration publique, les comptes des ordonnateurs et comptables de deniers public et d'assister le Parlement et l'Exécutif dans le contrôle de l'exécution des lois et dispositions réglementaires concernant le budget et la comptabilité publique ».

Selon les dispositions de l'article 18 du décret en question : « Lorsqu'une décision dégage la responsabilité financière d'un Comptable Public de droit ou de fait, l'acte juridique prend le titre d'Arrêt de Quitus ou de Décharge. Cet acte emporte de plein droit radiation des inscriptions hypothécaires prises sur leurs biens et libération des montants déposés en garantie de leurs gestions. »

En revanche, aux termes de l'article 19 dudit décret, il est mentionné : « La décision qui engage la responsabilité financière du Comptable de droit ou de fait soit en constatant des malversations, des détournements, des vols ou des concussions soit en relevant des actes préjudiciables au Trésor Public ou aux intérêts financiers des Collectivités Territoriales ou des Organismes autonomes prend le titre d'Arrêt de Débet. »

96 Cf : Site web de Alter Presse, URL complet : http://www.alterpresse.org/spip.php?article2452 la page est consultée le 20 août 2011.

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Or, force est de constater le bilan surprenant, pour ce qui est de l'objet traité ici, de la CSC/CA pendant plusieurs décennies d'existence déjà. En effet, ladite Cour a rendu trois (3) arrêts de débet en cinquante (50) ans, comme le témoigne cet article de Sherline Chanlatte DUPLAN et Samuel BAUCICAUT, intitulé : « Haïti : trois arrêt de débet en 50 ans », publié dans les colonnes du journal Le Nouvelliste en date du 21 septembre 2007.97 Qui punit les Fonctionnaires corrompus ?

En réalité, les pratiques, entre autres, des pots-de-vin, de copinage, de trafic d'influence, de népotisme, de favoritisme, d'harcèlement sexuel, de la contrebande, d'encouragement du phénomène de raquetteurs devant les services publics, restent un secret de polichinelle en Haïti. Ces pratiques rythment la réalité quotidienne des Administrations publiques haïtiennes. A qui de telles pratiques incriminées par la législation haïtienne sontelles imputables et où ses responsables sont-ils punis ?

C'est le cas de dire que la corruption dans la Fonction publique en Haïti devient une culture tant elle est intériorisée, bien ancrée dans les moeurs et entretenue par la culture de l'impunité. Cette dernière est à son tour expliquée par la faiblesse du système judiciaire haïtien. En fait, un système judiciaire indépendant du pouvoir politique, doté des moyens de garantie de cette indépendance et immunisé contre les convoitises des corrupteurs est un gage de l'administration d'une justice saine et équitable. Or, Haïti n'en est pas encore là ; le pays reste encore du chemin à parcourir.

Certes, constitutionnellement, le Pouvoir Judiciaire est placé dans une logique d'horizontalité par rapport aux deux Pouvoirs politiques, en l'occurrence Le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif constituant ainsi les trois grands Pouvoirs de l'Etat ; d'ailleurs le principe de la Séparation des Pouvoirs est consacré à l'article ... de la Constitution. Cependant, entre la norme et la réalité, la panne n'est pas franchie. La question de l'indépendance des Juges reste encore problématique, en ce sens qu'ils sont au carrefour des convoitises des corrupteurs, des pressions du personnel politique et leurs désillusions découlant de leur traitement en parent pauvre par les différents régimes successifs. Comment alors sortir de cette ornière en vue de la modernisation effective de la fonction

97 CI : Site web du journal Le Nouvelliste. URL de la page : http://www.lenouvelliste.com/articleforprint.php?PubID=1&ArticleID=48831 Elle est consultée le 30 août 2011.

publique ? Si les Fonctionnaires sont rassurés de pouvoir s'échapper d'une hypothétique sentence de la Justice, pourquoi seraient-ils obligés d'éviter de se tremper dans la corruption ? Comment l'Etat pourrait-il donc moderniser la fonction publique sans garantir l'indépendance effective du Pouvoir Judiciaire et le traitement adéquat des Juges ?

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King