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Féminisme, genre et développement en Amérique latine: le cas de Novib (ONG néerlandaise )

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par Zoé Maus
Université libre de Bruxelles - DEA pluridisciplinaire 2002
  

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CONCLUSIONS

Pour une autonomie du développement

Vouloir traiter, en une petite centaine de pages, la vaste question Genre et Développement, qui plus est en la mettant en lien avec le Féminisme, était un défi, presque une utopie. Même si nous avions d'emblée posé nos limites, notamment en nous concentrant sur l'Amérique latine et sur l'analyse du travail de NOVIB, la tâche s'est avérée malgré tout gigantesque. Nous avons toutefois réussi, et c'est heureux, à tirer quelques conclusions que nous devons remettre en perspective.

Notre ambition était double et découlait, comme nous l'avions souligné, d'une expérience et d'une vision personnelle de la question du développement en général, de la question du genre en particulier. Nous ne partions donc pas "vierge" de toute prénotions, ni non plus, d'une position de neutralité. On pourrait même dire qu'au contraire, nous avions la certitude que pour envisager la question du genre dans le développement, il fallait soulever la question de la constitution du savoir d'une part, la question du pouvoir d'autre part. Cette certitude est étayée par le fait que le genre, en soi, est une remise en question des préjugés (savoir) et des relations sociales basées sur une domination (pouvoir).

C'est donc à partir de cette double question que nous avons abordé notre recherche. En nous appuyant dans notre analyse sur les notions de dispositif et de gouvernementalité, nous avons montré le caractère profondément aliénant que peut revêtir le développement dès lors qu'il est concu en termes de gestion des populations. On pourrait même dire que le concept est, à la base, aliénant, puisqu'il pose pour vraie l'existence même d'un "développement" possible. La question qui était posée ici était donc celle de l'utilisation d'un certain langage pour décrire une certaine réalité qui, en étant décrite était transformée pour répondre à certains besoins de gestion. Nous avons souligné le danger qui existe lorsque "le diagramme du pouvoir devient bio-politique des populations prenant en charge

et gérant la vie." 262 En décrivant les populations du Sud, et en voulant contribuer à leur bien-être, c'est une réalité nouvelle qui est décrite, réalité suscitant des réactions semblant "appropriées".

Dans le cas précis du genre, cette instrumentalisation est doublée. De par son caractère transformateur, le genre implique en effet de déconstruction et reconstruire une autre facon d'appréhender les réalités. Pour cela, on ne peut se baser sur les notions habituelles, ni sur les critères et catégories du réel puisque ce sont celles-là même qu'il faut déconstruire. Or on a vu que c'était justement en se basant sur ces notions que les approches "Femmes et Développement" et "Genre et Développement" étaient basées. Les différents cadres d'analyse et approches pratiques ne font pas l'essentiel travail d'analyse à partir d'une autre perspective. En tenant certaines choses pour acquises, telles la division des rTMles, la nécessité de s'intégrer à la sphère économique ou aux structures de pouvoir existantes, on construit donc une approche qui n'est qu'une facon de réduire les inégalités mais qui ne contribue pas à détruire les structures qui provoquent (et perpétuent) ces inégalités.

Même dans les approches plus novatrices, comme celle de l'empouvoirement, la remise en
question d'un système global profondément inégalitaire n'est pas faite et les notions utilisées

262 FOUCAULT Michel, Histoire de la sexualité, la volonté de savoir, Gallimard, Coll. Tel, Paris, 1976.

comme le pouvoir ou le leadership, sont des notions clairement "patriarcales" et ne contribuent pas non plus à cette remise en question. Toutefois, une brèche est ouverte et il nous a été possible de voir qu'un alternative pouvait être envisagée, notamment en développant la recherche d'autonomie.

En posant l'autonomie comme étant indispensable si l'on voulait mettre en place une alternative à la conception du développement actuel, nous l'envisagions à plusieurs niveaux. Tout d'abord, l'autonomie au niveau individuel, devant permettre à chaque individu de se positionner par rapport à lui-même et par rapport au monde. Ensuite l'autonomie vue au niveau collectif et organisationnel, comme principe devant mener à la mise en place d'un système de relations sociales qui serait basé sur le développement des capacités à "pouvoir faire", à développer la puissance, plutôt que sur des relations de pouvoir. Dans ce sens, nous pensons également que "la révolution mènera à l'égalité automatique entre les sexes". Seulement la "révolution" telle que nous la concevons ici ne vise pas la conquête du pouvoir mais à la conquête de l'autonomie et de la réappropriation de la puissance d'action et de réflexion.

Afin d'illustrer cette analyse, nous avions choisi de nous attarder plus particulièrement sur la situation en Amérique latine et, en particulier, sur l'action de NOVIB. Nous avons pu observer que les femmes ont, en Amérique latine, joué un grand rôle de cette recherche de changement sociétal et qu'elles ont développé des pratiques novatrices. En s'intégrant dans la lutte pour la démocratie et les droits sociaux, elles ont affirmé la nécessité de repenser les structures. Si pour certaines cette nécessité se limitait au changement démocratique, d'autres ont par contre élaborer une critique plus globale, montrant les liens qu'il pouvait y avoir entre les système politique, économiques et culturels et la structure patriarcale de la société. Quelles que soient les modalités qui ont été adoptées dans leur divers engagements, elle ont montré la nécessité d'avoir une vue globale pour pouvoir changer quelque chose. Les mouvements de femmes latino-américains en mettant en avant les processus d'individuations et de s ocialisations ont mis en avant que la nécessaire adéquation entre fins, moyens et relations avec l'environnement qui doit prévaloir dans tout mouvement social. Les tendances récentes de ces mouvements, qui d'une dynamique nationale sont passés à une dynamique régionale voire mondiale, ont également mis en exergue les risques de cette dynamique, notamment lorsqu'elle crée des partenariats avec l'extérieur, comme dans le cadre de la coopération avec le Nord. Les critiques de cette coopération sont nombreuses et la volonté, de la part des mouvements du Sud et des organisations et associations du Nord, de collaborer dans la recherche du changement n'est pas sans poser question. La relation qui est créée entre les mouvements sociaux locaux d'une part, les organisations de développement d'autre part a tendance à reproduire, malgré les bonnes intentions, la relation inégalitaire générale qu'il existe entre le Nord et le Sud et donc a accro»tre la situation de dépendance du Sud et de ses organisations.

Notre intérêt, en étudiant NOVIB, était donc de montrer comment une ONG s'intègre dans le système de la coopération au développement et particulièrement comment elle gère cette situation ambigu`, entre autonomie et institutionnalisation, dans laquelle se trouvent toutes les ONG. Nous voulions voir s'il était possible, dans la pratique, de mettre en Ïuvre cette alternative au développement structuré et institutionnel. Et si oui, comment?

D'après l'angle de départ qui était le nôtre, à savoir la promotion de l'autonomie comme
alternative au dispositif de développement, NOVIB, dans son mode de fonctionnement,
interne et externe s'inscrit dans une stratégie de recherche-action permanente contribuant à

ce que la relation de plus en plus institutionnalisée et organisée qui se noue entre le Sud et le Nord ne reproduise pas la domination. Les différents principes d'action de NOVIB (linking and learning, contribution à l'échange des pratiques et des savoirs) favorisent en effet un partenariat équitable. Cependant, NOVIB reste, de par son statut de bailleur de fonds, reconnu et légitimé par le système, inscrite dans un dispositif de développement qui a quelque chose de contraignant.

La question se pose ici de savoir quelle peut être la valeur d'une relation qui, malgré toute la bonne volonté et les bonnes intentions, reste basée sur l'argent et le financement. La répartition inégale des ressources financières empêche de sortir de cette relation mercantilisée et de mettre en place un réseau des mouvements sociaux qui ne serait basée que sur la communauté d'intérêt et pas sur les conditions matérielles de cette mise en réseau.

Cette recherche a donc soulevé un grand nombre de questions. C'est, à notre avis, la question du sens qui est principale. Nous pensons en effet qu'il est indispensable de réfléchir au sens des actions de développement et de solidarité entre les mouvements sociaux. Cette réflexion doit dépasser l'analyse à court terme et se placer dans la perspective de la "durabilité dans le changement". Elle pose également la question du savoir comme produit d'une culture mais également comme produit d'une situation particulière. Nous pensons qu'il serait intéressant notamment, de se pencher sur la question du rapport à l'objet dans la création du savoir et en particulier sur l'élaboration d'une pensée globale.

La question serait donc pour nous d'analyser comment nous avons, en tant que femme, jeune, universitaire, blanche, de gauche, écologiste, avec toutes ces caractéristiques qui faconnent notre individualité, abordé cette recherche. Comment notre vécu à orienté notre recherche, en quoi notre situation nous a menée à tirer certaines conclusions, et en particulier, comment en tant que femme, on peut aborder la question du genre. Cette introspection du chercheur et cette réflexion par rapport à son objet de recherche est particulièrement difficile, mais la perspective de réfléchir à la question est particulièrement exaltante.

ANNEXES

 

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery