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Les relations entre les règles des accords multilatéraux sur l'environnement et celles de l'OMC

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par Sandrine DAVANTURE
Université Paris 2 Panthéon Assas - DEA 2003
  

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II. L'EXISTENCE DE DISPOSITIONS CONVENTIONNELLES EXPRESSES.

Les solutions conventionnelles consistent à déclarer l'un des engagements applicable aux dépens de l'autre, la clause en ce sens figurant soit dans le traité prioritaire soit dans celui qui lui cède le pas130(*). Il n'est pas rare en effet, de trouver un traité qui se subordonne à un autre, en affirmant dans le corps de son texte sa compatibilité avec les engagements antérieurs ou postérieurs liant les mêmes parties. Ainsi des formules telles que « aucune disposition du présent traité ne sera considérée comme contraire à... » ou « ne s'opposera à... » peuvent se retrouver dans certains traités. Ces dispositions sont dites « déclaration de compatibilité » lorsqu'elles indiquent expressément que le traité en question est « compatible » avec tel autre traité131(*). Un traité qui comporterait une telle disposition doit donc être interprété de façon à en rendre l'application compatible avec celle de l'autre, ou même écarté si la conciliation ne parait pas possible. Pour illustrer notre propos, nous pouvons donner comme exemple celui de l'ALENA. Signé en 1992 entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique, l'accord de libre échange Nord-américain est suivi d'un accord subséquent en matière d'environnement. Celui-ci reconnaît expressément les objectifs et les problèmes écologiques. Bien plus, il détermine ses relations avec les conventions internationales relatives à la protection de l'environnement. L'article 104 et l'Annexe 104.1 « Rapport avec les accords de protection de l'environnement » indiquent clairement qu'en cas d'incompatibilité entre l'ALENA et les dispositions commerciales spécifiques découlant de la CITES, de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux, du Protocole de Montréal sur les substances qui détruisent la couche d'ozone etc., ces accords prévaudront sur les dispositions de l'ALENA. Cette disposition montre sans ambiguïté que les signataires de l'ALENA reconnaissent la primauté de la protection de l'environnement sur les règles commerciales communes.

Conclusion du chapitre 2 :

On s'aperçoit, en fait, que la préséance dépend de la volonté des Parties aux accords postérieurs, de l'effet relatif des traités, du principe de Lex posterior..., de la compatibilité ou incompatibilité des traités en cause... Mais quels principes auront véritablement préséance entre ceux du libre-échangisme et ceux contenus dans les AME lorsqu'un conflit naîtra entre les deux corps de règles ? Que décidera l'ORD ? Les dispositions de l'article 30 de la convention de Vienne répondent à ces questions. Toutefois à la lecture des accords du GATT, nous nous apercevons que l'OMC dispose d'un arsenal juridique bien plus important pour régler ce genre de conflit que ne lui en fournit la Convention de Vienne. En effet, les exceptions générales prévues par l'article XX du GATT de 1994, les Accords SPS, OTC, les accords de Marrakech...sont autant d'outils qui permettent à l'ORD de valider des politiques de protection de l'environnement. Grâce à la présence de tous ces instruments dans le corpus de l'OMC, l'articulation entre le commerce et l'environnement n'est peut être pas si difficile, tout dépendra au fond de l'utilisation que l'ORD entendra de faire de l'arsenal juridique mis à sa disposition.

CONCLUSION GENERALE

Les bonnes relations entre l'OMC et les AME semblent en fin de compte soumises au bon vouloir de cette dernière et surtout de son organe de règlement des différends. En effet, les conflits potentiels entre ces deux corps de règles ne seront a priori soumis qu'à l'ORD et seul cet organe décidera de la compatibilité entre l'environnement et le libre échange. Toutefois, on aurait pu penser que la protection de l'environnement serait reléguée au second plan par cet organe, or la jurisprudence de l'ORD montre que l`OMC entend prendre en compte les problèmes environnementaux dans toute leur dimension, et notamment économique. L'OMC ne peut pas en effet rester sourde aux revendications qui se font ça et là, des manifestations et des heurts que chacune de ses réunions peut provoquer, car on se trouve devant deux impératifs vitaux dont il faut rechercher des pistes pour une meilleure harmonisation. Selon certains, « we should not be forced to choose between environmental protection and free international trade. Both values are essential to our future survival and well-being... »132(*). Or pour une majorité de personnes, l'OMC incarne cette mondialisation qui produit des effets affectant bon nombre de domaines parmi lesquels figure l'environnement. Il est donc difficile de penser que ces deux intérêts antagonistes que sont le libre échange et la protection de l'environnement sont conciliables. Pour cela, il est nécessaire d'une part que l'OMC s'adapte à la nouvelle donne environnementale et qu'il y ait, d'autre part, une meilleure collaboration entre l'OMC et les organisations internationales édictant des AME.

S'agissant de la nécessaire adaptation de l'OMC à la nouvelle donne environnementale, T. Schoenbaum concluait en ces termes :

« ...those who are concerned with the GATT system should acknowledge the necessity, and immediacy of environmental goals that did not exist at the time GATT principles were formulated. In addition, they must recognize that the relationship between GATT law and environmental protection needs to be clarified and extended. The GATT should authorize the working group on the environment to prepare for a full-fledged negotiation among the contracting parties. Among the actions that might be considered by the working group are the following:

- (1) conclusion of a side agreement on GATT Article XX to define currently ambiguous criteria and resolve conflicts of interpretation;

- (2) utilization of the GATT Standards Code to provide a forum for harmonization of environmental standards and regulations;

- (3) amendment of the GATT Subsidies Code to define the scope of countervailing duties for natural resources and pollution subsidies;

- (4) conclusion of a new GATT environmental code to address the issues of multinational environmental agreements and minimum levels of pollution control for import-sensitive industries;

- (5) promotion of the new GATT code on the export of domestically prohibited goods and other hazardous substances;

- (6) agreement on the criteria for considering differing environmental standards as a basis for tariff differentiation; and

- (7) agreement on standards and criteria for «eco-labeling» commercial advertising and packaging relating to the ecologic characteristics of products133(*).

Selon V.T Bouangui, l'ensemble de ces mesures est très important car si aucune harmonisation n'est faite dans ce sens, « ce sera le chaos »134(*). Ainsi selon lui, il faut faire avancer le droit de l'OMC qui devrait prendre en compte « les droits de certains secteurs d'activités qu'il affecte au fur et à mesure que s'étend son champ d'action »135(*), c'est le cas notamment de l'environnement. Pour cela il propose trois approches : celle ex ante, celle ex post et enfin la combinaison des deux. Quant à la première, elle consiste pour l'OMC à inscrire, par le biais d'une interprétation collective de l'article XX, les mesures commerciales prises au titre d'AME, afin de prévenir tout conflit entre l'Organisation mondiale du commerce et un accord multilatéral sur l'environnement. Cependant certains membres de l'OMC considèrent que cette approche aboutirait à une définition élargie des exemptions prévues à l'article XX avec le risque d'augmenter les abus protectionnistes136(*). Ce qui a ouvert la voie à une autre approche, celle ex post. Cette approche consiste à associer l'interprétation actuelle de l'article XX à la possibilité de recourir ex post aux dérogations prévues dans le cadre de l'OMC et qui seront prises au cas par cas. Toutefois selon la Communauté européenne, cette approche donne l'impression que la protection de l'environnement reste extérieure aux préoccupations de l'OMC tout en le plaçant en position d'arbitre sur les questions d'environnement. Une troisième approche fut donc explorée, il s'agit de la combinaison des deux précédentes, combinaison pouvant donner lieu à trois formules différentes. La première consisterait à ajouter à l'article XX un alinéa qui mentionnerait expressément les AME et renverrait à un Mémorandum d'accord sur les rapports entre les mesures commerciales fondées sur les AME et les règles de l'OMC. Ainsi cette formule prendrait à la fois en compte les préoccupations de la communauté commerciale et celles des défenseurs de l'environnement en offrant un cadre juridique et procédural permettant d'assurer une compatibilité de jure entre l'OMC et les mesures commerciales fondées sur les AME. La deuxième consisterait à élaborer un Mémorandum d'accord stipulant par exemple que sous réserve de certains critères, les mesures admises par l'article XX engloberaient les mesures prises en application d'un AME. Enfin, la troisième formule consisterait à modifier l'article XX b) du GATT afin d'y inclure de façon la plus claire possible les mesures nécessaires à la protection de l'environnement et les mesures prises en application d'un AME.

Toutefois en plus de s'adapter aux nouvelles normes environnementales, l'OMC doit s'ouvrir à certaines autres disciplines et notamment accepter l'entrée de quelques défenseurs de l'environnement en son sein. En effet, même si l'OMC n'est pas une organisation à vocation pluridisciplinaire, pour l'équité et afin que ses décisions soient appliquées efficacement et sans soulever de vagues, ces modifications s'avèrent nécessaires. A ce propos, la déclaration de Doha adoptée le 14 novembre 2001 semble « porteuse d'un nouveau paradigme : celui de l'interrelation, de l'interconnexion, et de l'interdépendance entre les disciplines multilatérales, et particulièrement entre le commerce et l'environnement »137(*). Cette déclaration contient en effet un paragraphe selon lequel : « Nous réaffirmons avec force notre engagement en faveur de l'objectif du développement durable, tel qu'il est énoncé dans le Préambule de l'Accord de Marrakech. Nous sommes convaincus que les objectifs consistant à maintenir et à préserver un système commercial multilatéral ouvert et non discriminatoire, et à oeuvrer en faveur de la protection de l'environnement et de la promotion du développement durable peuvent et doivent se renforcer mutuellement. Nous prenons note des efforts faits par les Membres pour effectuer des évaluations environnementales nationales des politiques commerciales à titre volontaire. Nous reconnaissons qu'en vertu des règles de l'OMC aucun pays ne devrait être empêché de prendre des mesures pour assurer la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, la préservation des végétaux, ou la protection de l'environnement, aux niveaux qu'il considère appropriés, sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre des pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, et qu'elles soient par ailleurs conformes aux dispositions des Accords de l'OMC »138(*). Par ce paragraphe, la Déclaration rappelle de manière subtile que l'OMC est une organisation spécialisée dans le commerce international et non pas orientée sur les aspects de politique environnementale. Ceux-ci relèvent de la compétence nationale de chaque Etat membre. Selon L. Boisson de Chazournes et M.M Mbengue, la déclaration crée cependant une certaine confusion, car ces deux auteurs se demandent si elle ne légitime pas l'adoption de mesures unilatérales dans le domaine de la protection de l'environnement, puisque la déclaration n'incite pas, contrairement aux décisions rendues dans l'affaire des crevettes, les Etats membres de l'OMC à négocier des accords multilatéraux en matière de protection de l'environnement.

De plus, le soutien mutuel qui est évoqué dans le paragraphe 6 de la déclaration n'indiquerait pas un éventuel effacement des règles de l'OMC devant celles des AME mais la nécessité pour les règles de ces derniers de prendre en compte les règles de l'OMC et inversement la nécessité des règles de l'OMC d'être appliquées et interprétées conformément ou de manière compatible avec les règles des AME. Finalement le paragraphe 6 laisse croire qu'au sein de l'OMC ce sont les règles des Accords de l'OMC qui priment et qui s'imposent.

Quant au paragraphe 31 de cette même déclaration, il traite de la clarification de la relation entre obligations commerciales spécifiques contenues dans les AME et Accords de l`OMC. Cette clarification permettrait d'assurer une plus grande sécurité juridique aussi bien pour les AME que pour l'OMC, rendant les deux systèmes plus efficaces et garantissant que la formulation de politiques générales dans l'un et l'autre domaine soit améliorée par le simple fait qu'aucun des deux systèmes ne fonctionnerait isolement l'un et l'autre. Il faudrait négocier des critères de compatibilité entre les AME et l'OMC, ce qui contribuerait à créer un environnement décisionnel plus prévisible à la fois pour les responsables de la politique commerciale et pour les négociateurs des AME139(*). Cela pourrait également prévenir les conflits.

Ces auteurs proposent également, notamment V.T Bouangui, d'apporter quelques modifications à l'article XX afin que les mesures commerciales prises en vertu d'un AME soient moins susceptibles d'entrer en conflit avec les règles de l'OMC.

Quoiqu'il en soit, comme le considère l'ancien directeur du GATT, M. Sutherland, « on ne peut demander aux seules politiques commerciales de résoudre tous les problèmes environnementaux. Ces politiques, et en particulier l'élimination des restrictions et distorsions commerciales qui sont préjudiciables à l'environnement, ont un rôle important à jouer, mais le commerce n'est que l'un des aspects de la politique économique à prendre en compte pour la protection de l'environnement et le développement. Les financements et les transferts de technologie constituent des pièces du puzzle tout aussi importantes »140(*). Il est donc indéniable que le libre-échange constitue un élément perturbateur dans la protection de l'environnement, toutefois celui-ci n'est pas le seul. La déforestation ou l'effet de serre sont par exemple des questions environnementales vitales pour l'homme et les animaux et pourtant la solution ne se trouve pas forcément dans la mise en place de restrictions commerciales, mais peut être dans l'évolution des mentalités de chacun. La cinquième Conférence ministérielle de l'OMC qui aura lieu à Cancún, au Mexique, du 10 au 14 septembre 2003 aura peut-être le mérite de faire avancer les choses puisqu'elle visera essentiellement à faire le bilan de l'avancement des négociations et des autres travaux requis par le Programme de Doha pour le développement. Ainsi, au sortir de cette conférence, les relations entre les AME et l'OMC seront peut être clarifiées et permettront enfin une véritable collaboration entre le libre-échange et la protection de l'environnement.

* 130 J. Combacau, Le droit des Traités, Que sais-je ? PUF 1991, p. 97

* 131 DAILLER (P) et PELLET (A), Droit international public, op. cit, p. 268.

* 132 SCHOENBAUM (T.J.), Agora: Trade and Environment. « Free International Trade and Protection of the Environment: Irreconcilable Conflict? », op. cit, p. 702.

* 133 SCHOENBAUM (T.J.), Agora: Trade and Environment. « Free International Trade and Protection of the Environment : Irreconcilable Conflict? », op. cit, p. 726.

* 134 BOUANGUI (V.T), La protection de l'environnement et l'OMC (...), op.cit, p. 375.

* 135 Ibidem.

* 136 L'OMC Comité Commerce et Environnement, PRESS/TE 006, 8 décembre 1995, p. 5.

* 137 BOISSON DE CHAZOURNES (L.) et MBENGUE (M.M.), « La déclaration de Doha de la Conférence ministérielle de l'OMC et sa portée dans les relations commerce/environnement », RGDIP, 2002-4, 855.

* 138 Paragraphe 6 de la Déclaration.

* 139 BOISSON DE CHAZOURNES (L.) et MBENGUE (M.M.), « La déclaration de Doha de la Conférence ministérielle de l'OMC et sa portée dans les relations commerce/environnement », op. cit, p. 880.

* 140 GATT press communiqué, GATT 1636 du 10 juin 1994, p. 2-3.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius