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Les relations entre les règles des accords multilatéraux sur l'environnement et celles de l'OMC

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par Sandrine DAVANTURE
Université Paris 2 Panthéon Assas - DEA 2003
  

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4. Affaire CE - Amiante43(*) : une consécration du principe ?

Depuis quelques années, la France a mis en place un programme de désamiantage des bâtiments, l'amiante étant connue pour avoir des conséquences néfastes et pour tout dire mortelles sur la santé humaine. Les édifices construits avec de l'amiante doivent donc être remplacés par des produits similaires qui n'en contiennent pas. Or le Canada est le plus gros fournisseur de la France et de la Communauté Européenne en matière d'amiante. Le Canada a donc déposé une plainte devant l'ORD sur le fondement de l'obligation du traitement national et a affirmé que la fibre d'amiante qu'il produisait ne présentait pas de risque identifiable pour la santé humaine.

Dans la mesure où la prohibition des importations était permanente et que le risque sanitaire était certain, la Communauté européenne ne fonda pas son raisonnement sur l'articles 5.7 de l'Accord SPS mais utilisa les dispositions susmentionnées à savoir l'Article XX du GATT et l'Accord sur les Obstacles Techniques au Commerce.

C'est en réalité l'Organe d'appel qui va utiliser le principe de précaution comme un standard pour son raisonnement juridique. Selon lui, et suivant la même logique que celle utilisée dans l'affaire du boeuf aux hormones, « les gouvernements responsables doivent agir de concert et avec précaution et prudence en ce qui concerne les risques de dommages irréversibles, voire mortels pour la santé des personnes ». Dans cette affaire et en matière d'amiante, il est évident que les risques mortels étaient bien présents et que les Etats devaient agir vite. La mesure immédiate de restriction aux importations prise par la France ne nécessitait selon l'Organe d'appel aucun délai et il était de fait inutile pour la France de perdre du temps à envisager d'autres possibilités de mesures alternatives. Pour reprendre les termes de l'Organe d'appel dans son rapport : « le principe sous-jacent est celui de précaution : le dommage est irréversible et l'analyse scientifique conduit à penser qu'il existe un risque substantiel ; attendre pour agir est de fait inapproprié ».

L'exigence requise par les décisions de l'OMC n'est donc pas la preuve d'un lien avéré entre le produit réglementé et le dommage redouté, mais simplement l'exigence d'un lien raisonnable, d'une relation logique entre les résultats de l'évaluation et la mesure adoptée. Il n'est donc pas nécessaire, pour adopter une mesure sanitaire, de démontrer par une preuve scientifique qu'un produit présente un risque sanitaire certain. Il suffit d'avoir vérifié qu'un risque est possible et s'il est nécessaire de vérifier ce risque par la méthode scientifique, il suffit qu'un courant scientifique même minoritaire formule l'hypothèse d'un risque. C'est ce qui a été affirmé dans l'affaire des Hormones. On se retrouve alors ici dans les mêmes exigences que celles prescrites pas le droit interne ou le droit communautaire à savoir que la plausibilité d'un risque est l'unique condition à la mise en oeuvre des mesures de précaution44(*).

Evidemment, ce raisonnement est un peu rapide et la situation au sein de l'OMC est nettement plus complexe. L'affaire de l'amiante a montré que le principe de précaution au sein de l'OMC n'était en aucun cas limité aux dispositions de l'accord SPS relatives à une éventuelle incertitude scientifique. Il s'agit peut-être de la part de l'Organe d'appel d'une reconnaissance du fait que très souvent les informations ne sont pas toujours disponibles et que les décisions sont prises selon les connaissances utilisables. Il semble dans tous les cas que la jurisprudence de l'Organe d'appel n'ait pas souhaité, et cela toujours eu égard à la multiplicité des définitions du principe, intégrer tel quel un principe dont on ignore encore la portée exacte.

Néanmoins, ce principe pourrait trouver sa place en tant qu'instrument d'interprétation et d'analyse pour l'Organe d'appel lorsqu'il doit trancher des litiges. En d'autres termes, il pourrait et est déjà considéré par certains auteurs45(*) comme un standard de « raison » en cas de risques graves et d'incertitude46(*).

Conclusion de la section 1 :

Même si le principe de précaution est sur toutes les lèvres, il est évident qu'il n'est pas encore complètement intégré dans les systèmes de droit. Ses contours sont encore flous, sa pratique maladroite, et sa compréhension parfois difficile. Certains auteurs dénoncent même son utilisation irrationnelle par les politiques risquant de perturber son évolution et sa marche vers la consécration d'un principe de droit international à part entière47(*). Le principe de précaution doit donc encore faire ses preuves et faire l'objet d'un plus grand consensus au risque de servir de prétexte à la naissance de plusieurs litiges, qui n'aboutirait pas forcément à l'unification d'une conception de ce principe. Cependant, il n'est pas impossible que l'OMC reconnaisse ce principe au cours de la conférence de Cancun comme le souhaiteraient certains politiques48(*).

* 43 Canada contre Communautés européennes, rapport de l'Organe d'appel, WT/DS135/AB/R.

* 44 MARCEAU (G.), « Le principe de précaution et les règles de l'OMC », op. cit, p. 144.

* 45 DOUSSIN (J.P), « Le principe de précaution en matière de sécurité des aliments, démarche rationnelle ou irrationnelle ? », Option Qualité, Avril 2001, n°193, p.16.

* 46 KOSCIUSKO-MORIZET (N.), « Environnement et commerce international », Les Notes Bleues de Bercy, n°171 du 16 au 30 novembre 1999, p. 2.

* 47 DOUSSIN (J.P), « Le principe de précaution en matière de sécurité des aliments, démarche rationnelle ou irrationnelle ? », op. cit, p.14.

* 48 Voir notamment KOSCIUSKO-MORIZET (N.), député de l'Essonne, interview du 18 août 2003, Les 4 vérités, France 2.

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