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La théorie des droits permanents dans la jurisprudence du Tribunal administratif tunisien

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par Faycel Bouguerra
Université Sciences Sociales Toulouse I - Master 2 Recherche Droit Public Comparé des Pays Francophones 2006
  

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SECTION II : LA BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

Parler de la bonne administration de la justice revient à parler de ses conditions. Or, « les conditions d'une bonne administration de la justice tiendront toujours à la fois aux mérites de l'institution et aux qualités des hommes »106(*). Il s'ensuit que, pour avoir une bonne administration de la justice, il faut avoir d'abord, une bonne administration (Paragraphe I) ensuite, une bonne justice (Paragraphe II), et enfin avoir un bon juge (Paragraphe III). Cela fait, on peut avoir ainsi dessiné en pointillé la notion de la bonne administration de la justice dans le contexte des droits permanents (Paragraphe IV).

Paragraphe I : La bonne administration

Ce principe de la bonne administration a été dégagé par la CJCE dès les années 1950 dans le cadre de la Communauté Européenne du Charbon et d'Acier. Depuis, il est régulièrement invoqué dans de nombreuses affaires, notamment en matière de la fonction publique dès la décision du recrutement jusqu'à la décision de la pension de retraite107(*).

On s'aperçoit qu'il compte trois composantes : D'abord, l'idée que l'administration doit agir dans un délai raisonnable pour remédier à la lenteur administrative. Ensuite, le droit de chaque administré à l'information et à l'accès à son dossier personnel de manière à pouvoir répondre aux faits et actes qu'ils lui sont imputés. Enfin, l'idée que le juge appelle "le devoir d'équilibrer les intérêts en présence et afférents à une affaire" ou, selon le terme usité et forgé par le Conseil d'État français, il faut appliquer "la théorie du bilan" pour avoir une évaluation "scientifique", ou du moins, correcte des facteurs pertinents et des intérêts en présence.

Ce principe de la bonne administration est potentiellement porteur d'autres exigences comme la politique de la bonne gouvernance qui concerne la gestion publique des États de leurs fonds financiers.

Il est à noter que ce principe n'était pas inventé par le juge communautaire, mais plutôt il a été découvert dans des ordres juridiques communautaires, notamment en droit hollandais où la jurisprudence est la plus abondante depuis la fin du 19e siècle. Cette jurisprudence consacre d'autres composantes, à côté de celles reconnues par la CJCE. Il en est ainsi de l'obligation de l'administration de se livrer à une préparation minutieuse de ses actes et de les motiver, ainsi que l'obligation de l'administration de respecter le principe du fair play. En effet, cette jurisprudence a été codifiée et légiférée en droit positif néerlandais en vertu d'une loi datant de 1994 portant Code général du droit administratif.

Ce travail de codification a atteint son summum et son comble dans le droit positif italien qui a donné valeur constitutionnelle à ce principe de la bonne administration. Ainsi, l'article 97 de la Constitution italienne prévoit que « les offices publiques sont organisées selon les dispositions législatives de manière à assurer le bon fonctionnement et l'impartialité de l'administration ».

En France ainsi qu'en Tunisie, ce principe n'est consacré ni comme un principe général de droit ni comme un droit individuel. En effet, il n'y a pas d'entourage constitutionnel de cette notion ni d'assise au de fondement jurisprudentiel ni de code de procédure administrative destiné à l'administration comme il est le cas en Hollande.

Selon la doctrine française, cette notion a vu le jour avec l'institution en 1993 du médiateur de la République. Sauf que, cette notion a été consacrée de manière négative. Ainsi, on a parlé de "la mauvaise administration", "la malaise de l'administration", voir même du "mal administration" !

La doctrine parle plutôt, pour ce qui est de cette notion de bonne administration, "d'un principe directeur de l'action administrative". Plus encore, la Charte européenne des droits fondamentaux intégrée au projet de la Constitution pour l'Europe, dans son article 41, parle du "droit à une bonne administration". Son article 42 parle du "droit d'accès aux documents", c'est-à-dire le droit à la communication des documents.

Ces deux articles vont, donc, plus loin en élargissant le champ d'application du principe et on passant de l'idée d'un principe à l'idée d'un "droit - individuel - à".

De plus, cette Charte va plus loin que la jurisprudence de la CJCE. Deux éléments le justifient :

D'abord, la Charte consacre une acception plus large de la notion, et ce en ajoutant la notion de l'équité en parlant dans l'alinéa 1er de son article 41 en ces termes : « Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement dans un délai raisonnable par les institutions de l'Union ».

Ensuite, la Charte utilise des termes qui laissent présager la possibilité d'élargissement du champ d'application de la notion. Ainsi, dans l'alinéa 11 de son article 41, la Charte prévoit que « ce droit de bonne administration comporte notamment ... ».

Ce qui nous importe dans ce principe ou ce droit à la bonne administration, c'est la motivation des décisions par l'administration, et donc le fait pour l'administration de réduire le nombre des décisions implicites forcément non motivées. Ce malaise révélateur de la bureaucratie qui frappe l'administration, « lieu géométrique où se rencontrent des revendications contradictoires »108(*), a poussé le législateur français a crée par la loi de 1978 le CNIL pour garantir la liberté ou le droit à l'information. De plus, avec la loi du 11 juillet 1979, le législateur français a prévu l'obligation de motivation des décisions administratives défavorables. Toutefois, le principe général reste celui de la non motivation des décisions administratives « sauf dans les cas prévus dans la loi ».

Sauf que, si cette loi prévoit l'obligation de motiver des décisions qui sont en général des actes ou des mesures individuelles en application du principe qui dicte que les décisions non individuelles n'ont pas à être motivées, la loi de février 2002 sur la proximité a prévu que les déclarations d'utilité publique, qui relèvent de la catégorie des décisions administratives d'espèce, doivent dorénavant être motivées.

Il est à noter que le juge communautaire associe ce principe de la bonne administration avec d'autres notions ou exigences. Ainsi, il parle de "principe de la bonne administration et du devoir de sollicitude", du "principe de diligence et de bonne administration", ou encore "principe de la bonne justice et de la bonne administration"109(*).

Cela montre qu'il semble, aux yeux du juge, que ce principe de la bonne administration tout seul ne suffit pas à lui-même.

* 106 Robert (Jacques), « La bonne administration de la justice », AJDA, Droit administratif, n° spécial, 20 juin 1995, p. 118.

* 107 Daghari (Kamel), « La jurisprudence du Tribunal administratif en matière de fonction publique », In L'oeuvre jurisprudentielle du Tribunal administratif, p.p 365-416.

* 108 Debbasch (Charles), « Le droit administratif face à l'évolution de l'administration française », In Mélanges offerts à Marcel Waline, Le juge et le droit public, L.G.D.J., 1974, Tome I, p.p 351 ; Voir aussi : Rivero (Jean), « L'administré face au droit administratif », AJDA, 20 juin 1995, N° spécial, p.p. 147-149 ; Timsit (Gérard), Théorie de l'administration, Paris, Économica, 1986.

* 109

Voir : Lichère (François), Laurence (Potvin-Solis) et Arnaud (Raynouard) (dir), « Dialogue entre les juges européens et nationaux : incantation ou réalité ? », Actes du colloque de Metz, 2003, Bruylant, 2004 ; Oberdorff (Henri) et Lukaszewicz (Boleslaw) (dir), Le juge administratif et l'Europe : le dialogue des juges, Actes du colloque du 50e anniversaire des tribunaux administratifs, Presses Universitaires de Grenoble, P.U.G., Europa, 2004.

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