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Internet : quelle régulation juridique ?

( Télécharger le fichier original )
par Jean-Philippe CASANOVA
Université Paris 13 - DEA Droit des Affaires 1997
  

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DEUXIEME PARTIE :

UNE REGULATION SPECIFIQUE

Première Section : L'autorégulation.

Si le réseau Internet n'est pas une zone de non-droit, l'application de dispositions légales préexistantes et non expressément adaptées à ce média, se heurte à de multiples difficultés.

En raison de la multiplicité des acteurs et du caractère international du réseau, un autocontrôle semble préférable au système classique de réglementation législative contraignante.

Un contrôle administratif a priori n'étant pas sérieusement envisageable, la perspective de réguler les comportements cybernétiques au cas par cas par le biais des textes répressifs en vigueur ne nous paraît pas d'avantage satisfaisante.

Ainsi, apres avoir examiné la vocation du droit positif à s'appliquer au Web, il est primordial de s'interroger sur la faculté dont disposent les acteurs du réseau de s'autocontrôler.

Parmi ces modes de régulation intrinsèques, nous étudierons particulièrement le rôle de la déontologie et l'importance du contrat, puis le filtrage des informations par l'utilisateur lui même.

A). La déontologie et l'importance du contrat.

Comme tout espace d'interaction sociale, Internet est capable de produire lui même un systeme normatif efficace. Si techniquement le réseau fonctionne grace à l'existence de protocoles communs d'interconnexion, d'un point de vue civique et humain il ne vit qu'au travers d'usages collectivement reconnus.

A cet égard, Pierre Trudel déclare qu' « un réseau n'existe que moyennant la volonté des parties d'y adhérer ».135 La volonté de communiquer qui anime chaque internaute reflete donc l'existence d'une certaine civilité, et la recherche de normes acceptables par tous.

Les anglosaxons parlent des « Acceptable Use Policies ».

L'émergence naturelle de regles éthiques ou contractuelles apparaît des lors préférable à l'instauration d'un contrôle administratif dérivé d'autres médias. En fait, la régulation d'Internet ne saurait être uniquement l'apanage d'une autorité étatique. Car si tel était le cas, les usagers se connecteraient alors sur d'autres points d'acces au réseau, afin de bénéficier d'une réglementation plus accueillante.

1- La déontologie.

Si l'internaute a des droits, il a aussi des devoirs. Le développement harmonieux des activités et des échanges sur le réseau nécessite l'avenement de codes de bonne conduite, reconnus par la majorité des intervenants.

La déontologie du réseau apparaît comme un moyen de formuler des regles dans l'intérêt de l'ensemble des personnes connectées, comportant des avantages réciproques et une finalité commune,

afin que chaque protagoniste soit amené à respecter ces usages.

Concrètement, la capacité de la « Netiquette » à encadrer efficacement les relations entre les acteurs d'Internet, dépendra de son pouvoir fédérateur.

135 P. Trudel, Introduction au droit du commerce électronique sur l'Internet, Revue du Barreau 1995 vol 55.

Si les usages établis sont assez représentatifs des intérêts collectifs, ainsi que des différentes catégories de professionnels et d'usagers impliquées sur le réseau, la grande majorité des acteurs y adhéreront.

A l'origine, la gestion des abus constatés sur le réseau était déjà assurée de manière communautaire. En effet, à l'époque où Internet ne concernait que les universitaires et les scientifiques, l'individu qui ne respectait pas la Netiquette subissait la réprobation générale, et se voyait rapidement exclu du groupe.136

Mais à l'heure où Internet tend à devenir un réseau de communication planétaire ouvert au grand public, la simple reconnaissance de règles de bienséance ne saurait suffire.

Comme le précise le professeur Trudel, les normes de conduite doivent être diversifiées en trois catégories :

- Les règles substantives, qui détermineront les conditions des échanges.

- Les règles processuelles, qui encadreront les relations entre internautes et le déroulement des transactions.

- Les règles sanctionnatrices, qui prévoiront la répression ou la réparation du non respect des règles substantives.

Dans la pratique, cette subdivision des règles déontologiques se retrouve dans la plupart des codes de conduite apparus récemment.

En particulier, on s'intéressera au code établi par l'Association Canadienne des Fournisseurs d'Internet ( A.C.F.I ),137 à celui instauré par l'association des providers britanniques ( I.S.P.A ),138 mais avant tout à la récente proposition française de charte de l'Internet.

a) LA PORTEE D'UNE CHARTE DE L'INTERNET :

Le 5 mars 1997, le sénateur Beaussant a remis à monsieur Fillon, ministre délégué chargé de la Poste et des Télécommunications, une proposition de charte de l'Internet.139

Le ministre avait en effet, confié le 28 octobre 1996 au président du Groupement des Editeurs de Service en ligne ( GESTE ) la mission de dégager par la concertation un code de bonne conduite. Pour atteindre cet objectif, une commission composée de différents professionnels et utilisateurs du réseau a travaillé pour élaborer les dispositions insérées dans ce document.

Certes, quelques voix s'élèvent déjà pour critiquer la manière avec laquelle la commission Beaussant a préparé ce texte :

Rafi Haladjian, gérant de FranceNet et président de l'A.F.P.I,140 estime que ce code ne résout rien. Sébastien Canevet, vice président de Citadel ( association représentative des usagers d'Internet ) regrette la présence minoritaire (10%)des instances représentatives des internautes non professionnels.

En effet, l'A.U.I 141 avait quitté ce groupe de travail dès le mois de janvier 1997, refusant de cautionner plus longtemps ce projet.

Il est cependant intéressant d'étudier les dispositions contenues dans cette charte, même si des modifications sont susceptibles d'intervenir ultérieurement.

136 H. Le Crosnier, La déontologie du réseau : garde-fou des citoyens du cyberespace ;

L'Internet professionnel, C.N.R.S 1995.

137 Site http :// caip.ca/caipcodf.html ; ou en annexe 3 d'une étude canadienne : La responsabilité relative au contenu circulant sur Internet : http :// strategis.ic.gc.ca/nmd

138 N. Gautraud, Internet, le législateur et le juge ; G.P 25 & 26 octobre 1996 p 60.

139 H. Morin, Des acteurs d'Internet proposent une charte d'autorégulation, Le Monde 6 mars 1997. Le texte de la charte est consultable sur le site www.planete.net/code-internet

140 Association Française des Professionnels d'Internet : www.afpi.net

141 Association des Utilisateurs d'Internet : www.aui.fr


· Le champ d'application de la charte :

La proposition de charte entend clarifier les usages des " acteurs de l'Internet en France ». Le champ d'application de ce texte n'est donc pas universel :

La définition des acteurs de l'Internet indique que cette charte ne concerne que les internautes " personnes physiques ou morales » ... " utilisant l'Internet à des fins autres que la simple consultation ».

En conséquence, seuls les usagers ( particuliers ou professionnels ) impliqués dans une fonction technique ou éditoriale sur le réseau sont susceptibles d'adhérer à la charte.

Le simple utilisateur " accédant à l'Internet aux seules fins de consultation ou de correspondance privée >> n'est aucunement soumis à ces regles déontologiques.

D'autre part, seuls les acteurs agissant à partir du territoire français ou proposant des services aux résidents français, ont vocation à se rallier aux principes édictés par la charte.

Concrètement, ce sont essentiellement les prestataires de services ou les internautes dont le nom de domaine comporte la mention " fr » qui répondent à ces critères.


· Les dispositions formulées par la charte :

Globalement, les principes d'autorégulation exprimés dans un code de conduite répondent toujours aux mêmes objectifs :

Les règles fondamentales incorporées dans le code de l'I.S.P.A portent sur le respect de la légalité, l'honnêteté et la loyauté des services, la protection des données, et le maintien de la décence sur le réseau.

Pour l'A.C.F.I, les sept principes du code de conduite canadien ont pour but le respect des lois applicables, la protection de la vie privée des utilisateurs, et la lutte contre l'hébergement de contenus illégaux.

Quant à la charte française, elle entend protéger la dignité humaine et faire respecter l'ordre public, tout en rappelant l'importance de certains droits fondamentaux ( liberté d'expression, secret des correspondances, liberté de réunion même virtuelle ... ).

En particulier, la charte veut préserver la vie privée des utilisateurs et l'anonymat de leurs correspondances. Cependant, les fournisseurs d'accès au réseau peuvent sauvegarder les codes, dates et heures d'accès à Internet, « afin de permettre la protection des utilisateurs contre les intrusions ».

Concernant les droits de propriété intellectuelle, la charte précise que l'exploitation en ligne des créations suppose l'obtention des autorisations prévues par la loi.

Le texte prévoit également que les serveurs d'hébergement stipulent, à l'intérieur des contrats passés avec leurs clients, une clause rappelant la nécessité d'obtenir les autorisations des auteurs avant de mettre en ligne leurs oeuvres.

Rappelant les principes visant la protection des consommateurs, la charte énonce notamment que " l'acceptation d'une offre suppose une confirmation émanant du commerçant ».

D'autre part, les prestataires techniques doivent loyalement rendre accessible certaines informations, concernant leur identification légale, ou le détail des services offerts ainsi que la tarification complète.

Chaque acteur s'impose également une obligation de transparence : " Tout acteur mettant un contenu à la disposition du public fournira une adresse électronique permettant d'entrer en contact avec lui ».

La charte estime par ailleurs que les prestataires techniques du réseau doivent privilégier l'usage de la langue française.

Au sujet de la régulation des informations circulant sur le réseau, la charte comprend un paragraphe portant sur les " contenus sensibles » :

L'esprit du texte vise à promouvoir la classification des contenus et le filtrage des informations.

Il s'agit de permettre aux utilisateurs « de sélectionner les informations qu'ils reçoivent en fonction de leur propre sensibilité ».

A cet effet, la charte encourage la diffusion de logiciels de filtrage et l'identification des sites selon un standard commun, par la majorité des fournisseurs de contenu en ligne.

Le texte précise également que les acteurs du réseau qui adhèrent à la charte « s'efforceront de régler leurs différends à l'amiable ». Aux procédures judiciaires classiques, on préférera donc la mise en garde préalable, ou la conciliation par l'intermédiaire du Conseil de l'Internet.

? La charte prévoit la création d'un Conseil de l'Internet :

Reprenant à leur compte le concept du « Comité des services en ligne » issu du rapport Falque - Pierrotin, les rédacteurs du projet de charte appellent de leurs voeux l'instauration d'un Conseil de l'Internet.

La mission de cet organisme, au sein duquel chaque acteur du réseau pourrait adhérer librement, consisterait en l'information, la prévention et la régulation d'Internet.

Notamment, la charte dispose que l'action du Conseil visait à émettre des recommandations sur l'évolution du code déontologique, conseiller et informer les différents intervenants, délivrer des avis en cas de litige et enfin servir de conciliateur entre les internautes.

Du point de vue de sa composition, cet organisme serait constitué de trois collèges représentatifs des acteurs d'Internet : des fournisseurs de contenu dans un cadre non marchand ( universitaires ; associations d'utilisateurs particuliers ), des fournisseurs de contenu dans un cadre marchand

( presse ; banques ; commerçants ), et les prestataires techniques ( fournisseurs d'accès ; serveurs d'hébergement ; cablo-opérateurs ).

La présidence serait assurée par une personnalité indépendante élue par le Conseil lui même. Un comité constitué de représentants de la société civile serait adjoint au Conseil.

b) COMMENT SANCTIONNER LE NON RESPECT DE LA NETIQUETTE ?

Lorsqu'un internaute ne respecte pas les regles de bonne conduite, son comportement peut provoquer une réaction de protestation de la part des autres protagonistes du réseau.

Ce phénomène social s'est déjà produit dans le passé :

Un cabinet juridique américain ( Canter et Siegel ) avait propagé dans la plupart des groupes de discussion un message vantant les mérites de ses avocats. Cette opération publicitaire fut perçue par la collectivité comme un abus, et une campagne de dénigrement vit le jour.

Concrètement, des messages de protestation furent massivement envoyés à ce cabinet, à tel point que son provider fut amené à lui supprimer l'accès au réseau.142

Ainsi, la transgression des règles fondamentales de politesse peut créer sur Internet comme ailleurs, une réprobation collective relativement pesante. L'internaute contrevenant aux regles élémentaires de l'éthique risque de devenir l'opprobre de sa communauté, ou même se voir écarter des échanges.143 L'admonestation par E-mail et le boycott du site par le serveur, apparaissent comme de nouveaux moyens de pression, capables de circonscrire certains comportements illégitimes.

A l'avenir, on imagine que tous les éditeurs de contenu dont la conception des échanges sur Internet se rapproche des principes édictés par une charte, accepteront d'y adhérer et marqueront leur site Web d'un label, pour que chaque consultant reconnaisse l'empreinte du code d'autodiscipline.

142 O. Andrieu & D. Lafont, Internet et l'entreprise, éditions Eyrolles 1995.

143 I. de Lamberterie, Ethique et régulation sur Internet, Bulletin de l'Association des anciens et amis du C.N.R.S ; juin 1996 n°12 p 6.

On peut même prétendre que si les fondateurs de la charte sont suffisamment représentatifs, et à condition que les valeurs transcrites dans ce texte soient largement partagées par les internautes, l'adhésion à la Netiquette sera ostensiblement affichée par la majorité des acteurs.

En somme, le signe de cette nouvelle civilité pourrait devenir une norme indispensable, pour celui qui souhaite garantir à ses interlocuteurs le respect d'une éthique, et le gage d'un service sérieux et honnête. Libre à ceux qui ne partagent pas ces valeurs de ne pas adhérer à la charte, mais ils en subiront les conséquences, notamment dans le domaine commercial.

En effet, il est certain que l'immense majorité des usagers du réseau choisiront de fréquenter exclusivement les sites ou les services présentant des garanties de probité et de sécurité.

Le professeur Trudel précise d'ailleurs que « l'enjeu, pour chacun des sites désireux de se maintenir en affaires, est d'offrir le quantum de sécurité et de garanties requis par les consommateurs ».144

Enfin, les adhérents qui ne respecteront pas leur engagement moral se verront rapidement exclus, car comme chacun sait, l'information circule vite sur Internet.

Des utilisateurs insatisfaits auront la faculté de sanctionner des internautes incorrects, en propageant des opinions défavorables, stimulant ainsi l'esprit critique plutôt que l'anarchie.

A cet effet, le recours à un organisme de médiation indépendant sera préférable à une réaction judiciaire, ou à des censures intempestives de la part des fournisseurs d'accès.

C'est dans cet esprit que le projet de charte de la commission Beaussant propose la conciliation du Conseil de l'Internet, en cas de réclamation :

Il est prévu que, constatant la réalité d'un acte manifestement illicite au sens de la charte, le Conseil puisse aviser l'acteur concerné, en lui recommandant de modifier le contenu litigieux ou d'interrompre l'action en question. Et si d'aventure l'intéressé ( membre d'un groupe de discussion, ou responsable d'un site Web ) refuse d'obtempérer au terme d'un délai raisonnable, le Conseil sollicitera sa déconnexion auprès du prestataire technique compétent.

On rencontre un mécanisme similaire dans le code de bonne conduite de l'I.S.P.A, qui prévoit que les particuliers peuvent déposer une plainte au secrétariat de l'association.

Concernant le code canadien de l'A.C.F.I, ce sont les membres de l'association qui « feront un effort raisonnable pour étudier les plaintes légitimes >>. Le code envisage la consultation d'un avocat conseil avant que le provider ne prenne des mesures définitives, mais aucun organisme intermédiaire n'a vocation à être saisi.

Une autre illustration se retrouve dans le système mis en place par les britanniques, dans le cadre de la régulation des services téléphoniques audiotex :

Ces services sont placés sous la surveillance de l'I.C.S.T.I.S 145 dont la mission consiste à effectuer des contrôles aléatoires. Cet organisme est habilité à instruire les plaintes du public en relation avec le contenu et la promotion de ces services. D'autre part, cette institution publie un rapport sur les différentes catégories de plaintes reçues, et les actions effectuées pour y remédier. 146

Si l'avènement d'un Conseil de l'Internet apparaît des lors comme une initiative intéressante, permettant de limiter les interventions judiciaires, certains observateurs redoutent cependant qu'un tel organisme favorise une censure arbitraire :

« Soutenir ce projet revient à donner un blanc-seing au futur Conseil de l'Internet, dont on ne connaît encore, et pour cause, ni la composition ni les intentions ». 147

144 P. Trudel, Introduction au droit du commerce électronique sur Internet, Revue du Barreau 1995 vol 55.

145 Independant Commutter for the Supervision of the Standards of Telephon Information Service.

146 Rapport Falque - Pierrotin p 50.

147 S. Canevet vice président de Citadel ( canevet@interpc.fr ), Rapport sur la charte de l'Internet ; www.planete.net/code-internet

2- Le contrat : vecteur privilégié de la régulation d'Internet.

Les rapports contractuels qui interviennent entre les acteurs du réseau sont susceptibles de jouer un rôle considérable dans la régulation des comportements.

Les interactions que l'on rencontre au sein de l'environnement cybernétique, se nouent rarement en dehors d'un rapport consensuel :

Choisir un fournisseur d'accès, consulter un site déterminé, ou acheter un produit sur Internet, sont autant d'actes volontaires, fondés sur des rapports bilatéraux. Ces échanges sont toujours basés sur la recherche d'une situation de confiance, présentant plus d'avantages pour chacun que d'inconvénients.

Ainsi, le contrat qui cimente les relations entre connecté / fournisseur d'accès, ou hébergé / serveur d'hébergement, apparaît comme l'instrument fondamental de l'autorégulation du réseau.

Dans le passé, la solution adoptée par France Télécom pour le réseau Télétel, consistant à contractualiser certains engagements et recommandations déontologiques, a largement fait ses preuves.

On étudiera donc l'utilité d'un contrat pour imposer le respect de dispositions légales ou déontologiques, ainsi que son rôle dans la prévention des litiges.

a) IMPOSER LE RESPECT DE DISPOSITIONS LEGALES ET DEONTOLOGIQUES :

Au travers de quelques exemples contractuels, il sera loisible d'apprécier l'utilité des conventions passées entre les différents acteurs de l'Internet, pour généraliser le respect des dispositions légales et déontologiques.

Le développement de ce type de contrat favorise l'émergence autour des professionnels du réseau, d'une communauté partageant les mêmes sensibilités et les mêmes valeurs morales.

? Le contrat Kiosque Micro entre France Télécom et les fournisseurs d'accès à Internet :

L'article 4 du chapitre portant sur les conditions générales du contrat Kiosque,148 proposé par l'opérateur France Télécom aux fournisseurs d'accès, s'intitule : « Prestations et engagements du fournisseur d'accès à Internet ».

Parmi les stipulations prévues, ce contrat précise que « les fournisseurs d'accès à Internet s'engagent à respecter les lois et règlements en vigueur ».

Il leur est également imposé de « fournir un service respectant le code de déontologie » figurant à l'annexe 1 du présent contrat.

A cet égard, l'avis rendu le 4 mars 1997 par le Conseil National de la Consommation a plébiscité la remise de codes déontologiques aux usagers par les professionnels du réseau.149

De manière générale, le contrat Kiosque fait peser sur le fournisseur d'accès la charge de faire tout ce qui est en son pouvoir, pour éviter de donner accès à un service illégal ou contraire à la déontologie :

Il « s'engage à mettre en oeuvre tous les moyens existants conformément aux regles de l'art pour que son service ne donne pas accès à d'autres services non conformes au code de déontologie figurant en annexe, ou contraires aux lois et règlements en vigueur ».

148 Lamy droit de l'informatique, Internet, fascicule III - 156, octobre 1996.

149 C.N.C, La société de l'information : Nouvelles techniques de communication et protection du consommateur, Avis du 4 mars 1997.

Si on observe les recommandations déontologiques contenues dans l'annexe 1 du contrat, on constate qu'elles portent sur plusieurs considérations :

- Une information claire et non équivoque des utilisateurs sur les prix et prestations proposées. - Porter son identité à la connaissance du public.

- Etre particulièrement attentif à la protection des mineurs.

- Offrir un service loyal.

Par ailleurs, France Télécom stipule dans l'article 6-1 que sa responsabilité ne peut être engagée « en cas de faits indépendants de sa volonté », notamment en raison de la nature du contenu des services du fournisseur d'accès.

A ce propos, l'annexe 2 du contrat Kiosque rappelle les principales recommandations déontologiques applicables aux professionnels de la télématique.

Il est clairement stipulé que le fournisseur de service ne doit pas mettre à disposition du public des messages à caractère violent ou pornographique, ni des messages incitant à la discrimination et à la haine raciale.

Corrélativement, le fournisseur d'accès s'engage à décharger France Télécom de toute responsabilité en ce qui concerne les services ou informations « ou toutes autres données multimédias >> qu'il met à disposition des utilisateurs de son service.

On constate donc que le contrat Kiosque fait peser sur les providers la responsabilité des contenus diffusés sur Internet, dans la mesure où ils doivent employer tous les moyens dont ils disposent pour éviter les dérives. En particulier, il apparaît qu'un fournisseur d'accès sera l'unique responsable du contenu des messages et informations qu'il aura lui même édité sur le réseau.

· Les conditions générales du service Wanadoo :

Le contrat Wanadoo correspond au service de connexion à Internet que propose directement France Télécom Interactive aux usagers, en tant que fournisseur d'accès.

Au sein des conditions générales d'utilisation du service Wanadoo,150 l'article 6 porte exclusivement sur les regles d'usage d'Internet.

En particulier, ce paragraphe informe l'abonné de l'existence d'un code de conduite développé par la communauté des utilisateurs d'Internet. Il est stipulé que l'exclusion de l'abonné de l'accès au réseau en raison d'une violation du code de conduite, ne saurait rendre France Télécom responsable de ce fait.

France Télécom précise ne disposer d'aucun moyen de contrôle sur le contenu des services accessibles sur Internet, et met en garde les personnes titulaires de l'autorité parentale sur la diversité des informations disponibles sur le réseau, lesquelles sont parfois susceptibles de porter préjudice aux mineurs.

· Le contrat d'hébergement de sites Web par le serveur FranceNet :

L'article XX du contrat passé entre le fournisseur d'hébergement FranceNet 151 et son client

( détenteur d'un site Web installé sur le serveur parisien ) traite de la responsabilité de l'hébergé :

Le contrat stipule que le client « est responsable des informations diffusées sur son site ».

Par ailleurs, le titulaire du site assure disposer de toutes les autorisations nécessaires à la diffusion internationale des images, textes et vidéos présents sur ses pages Web.

Et le client prend acte « que tout élément diffusé sur le WWW peut être copié par les utilisateurs ».

150 Version septembre 1996 ; Lamy droit de l'informatique, Internet, fascicule III - 158, octobre 1996.

151 Lamy droit de l'informatique, Internet, fascicule III - 161, octobre 1996.

b) LA PREVENTION DES LITIGES :

De manière générale, une convention passée entre deux protagonistes du réseau Internet permet de prévoir à l'avance le mode de résolution des litiges éventuels, ainsi que la loi applicable et le juge compétent. Il s'agit du principe de la loi d'autonomie.

L'article 8 du contrat Kiosque de France Télécom prévoit que la résiliation de celui-ci pourra avoir lieu, en cas de manquement à l'exécution de ses obligations par l'une des parties.

Dans les faits, le cocontractant insatisfait pourra mettre l'autre partie en demeure de remédier aux manquements constatés. En l'absence de réponse dans un délai d'un mois ce dernier pourra alors résilier le contrat par lettre recommandée.

France Télécom se reconnaît également le pouvoir de suspendre le présent contrat après avis du Comité de la Télématique Anonyme, dans l'hypothèse où le fournisseur d'accès ne respecterait pas le code de déontologie.

Dans un même ordre d'idée, l'article 14 du contrat de service Wanadoo stipule que France Télécom Interactive se réserve le droit de résilier sans préavis le contrat, en cas de notification par un utilisateur que l'abonné ne respecte pas le code de conduite, ou a fait usage du réseau au mépris de l'ordre public et des bonnes moeurs.

Par ailleurs, le contrat Kiosque stipule dans son article 11 sa soumission au droit français.

L'article suivant précise que le reglement des litiges pouvant naître à l'occasion de l'exécution ou de l'interprétation du contrat, en l'absence de résolution amiable, sera de la compétence exclusive des tribunaux parisiens.

Il en va de même pour le contrat de service Wanadoo :

L'article 19 précise que le présent contrat est régi par la loi française, et qu'à défaut d'accord entre les parties, les tribunaux de Paris seront seuls compétents pour connaître du litige.

A l'inverse, le contrat d'accès à Internet proposé par la société américaine Compuserve précise qu'il est régi par la législation de l'Etat de l'Ohio. C'est en effet dans cette région que se situe le siege social de ce provider.

Mais que se passe-t-il lorsqu'un contrat est passé entre deux acteurs de nationalité différente, et que ceux-ci n'ont pas prévu quelle serait la loi applicable à leur relation ?

En l'absence de choix explicite de la part des cocontractants, le juge saisi d'un litige va rechercher « d'après l'économie de la convention et les circonstances de la cause » quelle est la loi devant régir les rapports entre les parties.152 Autrement dit, le contrat sera susceptible d'être régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.

Parmi les indices permettant habituellement au juge d'asseoir sa conviction, le lieu d'exécution ou le lieu de conclusion du contrat sont des éléments importants. Cependant, dans le cadre du réseau Internet, ces critères semblent inadaptés, puisque la conclusion d'un contrat s'effectue le plus souvent à distance. De même, l'exécution d'une prestation électronique ( On Line ) peut être difficile à localiser géographiquement.

Toutefois, la Convention de Rome du 19 juin 1980 signée par les Etats membres de la Communauté européenne semble pouvoir apporter un élément de réponse.

Ce texte porte sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Et à défaut du choix de celle-ci par les parties concernées, la convention de Rome précise : « Il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration sociale ».

152 Cass Civ 6 juillet 1959, Revue critique de droit international privé, 1959 - 708, note Batiffol.

Ainsi, le critère fondé sur la prestation substantielle semble satisfaisant pour déterminer en l'absence de meilleur indice, la loi applicable à un contrat passé sur Internet.

En ce qui concerne la compétence juridictionnelle, quelle règle devrait-on appliquer dans l'hypothèse où les parties contractantes n'ont rien stipulé ?

Comme le précise maître Thieffry, le droit international privé ne permet pas de " surfer >> d'une juridiction à l'autre tel un internaute entre les sites Web : " Le forum-shopping n'est pas sans limite ».153

De manière générale, le droit international privé admet que lorsqu'un critère de rattachement est situé dans un pays ( le domicile du défendeur ou le lieu d'exécution du contrat ), la juridiction de ce pays est compétente pour juger ce litige.

Cependant, les articles 14 et 15 du Code civil instituent un privilège de juridiction pour les ressortissants français :

Ces dispositions autorisent tout français impliqué dans un litige, à demander à être jugé par un tribunal français. Mais ce mécanisme exorbitant du droit commun est très critiqué par la jurisprudence internationale.

A cet égard, la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 unifiant les règles de compétence juridictionnelle au sein de la Communauté européenne, permet de clarifier la situation :

Le principe de base instauré par cette convention prévoit la compétence des juridictions de l'Etat dans lequel le défendeur a son domicile.

Il s'agit de la consécration de la regle « Actor Sequitur Forum Rei ».

Mais en matière contractuelle, et à condition que le défendeur soit domicilié dans la Communauté, le demandeur à l'instance peut librement choisir d'assigner ce dernier devant le tribunal du lieu d'exécution du contrat.

Dans le cas du réseau Internet, la complexité du contrat ainsi que la diversité des lieux d'exécution potentiels, permet d'appliquer la jurisprudence « De Bloos » rendue par la C.J.C.E 154 en 1976, en vertu de laquelle la juridiction compétente sera celle du lieu d'exécution de l'obligation à la base de la demande.

Concernant le privilège des articles 14 et 15 du Code civil, la convention de Bruxelles étend son bénéfice à tout individu domicilié sur le territoire français, même si celui-ci n'a pas la nationalité française.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote