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La voie de fait administrative

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par Ousmane Bakary KABA
Université Hassan II Casablanca Maroc - Etudes fondamentales en droit public 2009
  

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2- Le juge administratif, juge de forme et de fond

Quelques semaines après ces deux jugements, c'est à la Cour suprême dans l'arrêt Amouri d'adopter les analyses susmentionnées pour finalement consacrer la compétence du juge administratif pour constater et faire cesser la voie de fait ; l'intérêt de cette décision est encore plus grand, car la Cour va également estimer que ce même juge est compétent pour réparer les conséquences de la voie de fait. La Haute juridiction s'est fondamentalement inspirée de deux ordres de considération : elle estime que la réforme de 1991 et la création des tribunaux administratifs ont pour but d'améliorer la protection de l'administré face au pouvoir administratif. Il faut donc faciliter la tâche du justiciable en mettant à sa disposition des moyens procéduraux aussi simples et efficaces que possible lui permettant de s'adresser à un juge capable en pratique de lui donner satisfaction. La Cour constate qu'il serait illogique de faire trancher par deux juridictions différentes des questions qui sont étroitement liées : l'une touchant à la cessation de la voie de fait et l'autre concernant la réparation du dommage qu'elle a causé, c'est ce qui ressort de ses motivations quand elle considère que le tribunal administratif, « lorsqu'il examine les circonstances et conditions d'une saisine en réparation de dommages causés par des actes ou activités de personnes de droit public dans le cadre de la voie de fait, est absolument tenu de vérifier l'existence des éléments de cette voie de fait...avant de déterminer l'indemnité correspondant aux dommages résultant de ladite voie de fait. Qu'il en résulte que le tribunal administratif ne peut avoir la compétence de statuer sur une demande d'indemnité fondée sur l'argument de la voie de fait, sans que cette compétence ne soit étendue à celle de lever ladite voie de fait alors que la mission des tribunaux administratifs consiste à protéger les particuliers des abus de l'administration »61(*). Le juge avance aussi le fait que les tribunaux de droit de commun s'abstiennent de statuer sur les demandes de cessation de la voie en vertu de l'article 25 du Code de procédure civile62(*). En effet, cette disposition limite la compétence des tribunaux de droit commun par le fait qu'elle leur interdit d'entraver l'action de l'administration. Or les tribunaux administratifs ne sont pas tenus par cette disposition ; ils sont habilités par l'article 8 de la loi 41-90 de statuer sur les demandes en indemnité pour les dommages causés par les actes matériels de l'administration, par conséquent, les tribunaux administratifs sont compétents pour statuer sur les deux « volets connexes et indivisibles »63(*) de la voie de fait.

Il est à remarquer ici que contrairement à la logique française, qui considère que la voie de fait est un acte dénaturé qui ne rentre pas dans le cadre des actes administratifs proprement dits, l'orientation marocaine nous fait comprendre que la voie de fait résulte de véritables actes administratifs. C'est ce que l'on peut lire à travers l'analyse de ces différents arrêts et les travaux de certains auteurs comme M. Benabdallah et M. Rousset.

Cependant, il y a une question à laquelle l'arrêt Amouri n'a pas apporté une réponse claire et parfaitement édifiante, à propos du droit applicable à la réparation des dommages résultant de la voie de fait. Fallait-il traiter l'administration sur la base des articles 79 et 80 du D.O.C qui régit la responsabilité de la puissance publique ? Ou fallait-il la traiter sur la base d'un régime particulier et dérogatoire au régime de droit commun de la responsabilité administrative ?

Cette question a été évoquée par la Cour suprême dans l'arrêt Inous, rendu quatre mois plus tard, dans lequel le juge de la Haute juridiction a estimé que la réparation des dommages résultant de la voie de fait ne peut se faire sur la base des articles 79 et 80 D.O.C : « Considérant que les articles 79 et 80 du D.O.C invoqués ... pour statuer sur le...litige ayant pour objet la voie de fait administrative, n'ont pas lieu de s'appliquer au litige, étant entendu que l'article 79 concerne la responsabilité de l'Etat et municipalité pour les dommages résultant du fonctionnement de l'administration et les fautes de service de ses agents, et que l'article 80 concerne la responsabilité personnelle des agents de l'Etat et des municipalités »64(*) . Cette motivation du juge est justifiée par le fait que la responsabilité des collectivités publiques évoquée au niveau des articles 79 et 80 du D.O.C repose sur la conciliation de l'intérêt général et des droits des particuliers. Il apparaît que le juge a clairement écarté l'application des dispositions précitées du D.O.C, mais l'impasse est qu'il n'a pas précisé sur quelle autre base doit s'effectuer la réparation des préjudices causés par la voie de fait. Toutefois, pour M. Rousset, rien n'interdit au juge d'accorder à la victime de la voie de fait la réparation intégrale du dommage que lui a causé l'administration65(*) débitrice. Cette position est aussi partagée par M BENABDALLAH qui estime par ailleurs que c'est la personne physique même, l'auteur de l'acte constitutif de la voie de fait, qui doit être condamné et non l'administration ou dont il relève. Quoiqu'il en soit, cette question finira aussi pour être tranchée car comme on le dit, il n'y a pas de problèmes mais il y a toujours des solutions.

* 61 _ C.S.A, 20 mai 1996, Ammouri, op. cit.

* 62 _ Article 25 C.P.C : « Sauf dispositions légales contraires, il est interdit aux juridictions de connaître, même accessoirement, de toutes les demandes tendant à entraver l'action des administrations de l'Etat et autres collectivités publiques ou à faire annuler l'un de leurs actes ».

* 63 _ C.S.A, 20 mai 1996, Ammouri, op. cit.

* 64 _ C.S.A 19 septembre 1996, Inous, REMALD, n° 47, 2002.

* 65 _ ROUSSET M., Consécration et évolution de la notion de la voie de fait dans le contentieux administratif, op. cit. p. 18.

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