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La contribution de la société civile congolaise au processus de la réforme du secteur de la sécurité dans le cadre de la consolidation de la paix et de la stabilisation du pays

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par Gaston ASITAKI LISIKI
Université Pierre Mendès France - Master 2 en sécurité internationale et défense 2012
  

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Chapitre 1. La réforme du secteur de la sécurité congolais

A la fin d'un conflit intervenant a la suite de la chute d'un régime autoritaire, les Etats se retrouvent fragilisés par notamment un système de sécurité mal contrôlé, déstructuré, incapable de fournir la sécurité indispensable a la stabilité. Les réformes du secteur de la sécurité qui s'initient alors, pour la grande majorité avec l'appui des partenaires extérieurs visent généralement a renforcer les capacités institutionnelles des forces de défense et de sécurité. « Cette réponse d'un caractère quasi systématique »6, comme le qualifie Serge Rumin, est guidée par une conception pragmatique du défi ; ces institutions étant considérées comme des organes exécutant des fonctions de l'Etat, de pouvoir sans lien avec leur fondement social.

5 Manuel OECD CAD sur la réforme des systèmes de sécurité - 978-92-64-037397 - (c) OCDE 2007, p. 5.

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6 Serge Rumin, « La Gouvernance démocratique : un nouveau paradigme pour le développement ? », sous la direction de Séverine Bellina, Hervé Magro et Violaine de Villemeur, Editions Karthala, Paris, 2008, p 1.

L'intérêt d'impliquer la société civile dans un processus comme la RSS réside dans l'affirmation de la constante que « les institutions procèdent du social. D'une part elles incarnent et servent des valeurs qui régulent les échanges et garantissent la cohésion au sein de la société (l'ordre, la justice, la sécurité, etc.) et d'autre part, elles fonctionnent grâce aux ressources provenant de cette même société (argent, individu, information, etc.). A la fin du conflit, la société hérite d'un système de valeurs qui n'ayant pu maintenir la cohésion et la régulation sociale, se trouve altéré. Une réforme cohérente des institutions du système de la sécurité se doit d'intégrer ces conséquences sociales »7.

Au Congo, la RSS a suivi des chemins bien particuliers. A son lancement par les acteurs politiques, anciens belligérants des guerres qu'a connues le pays, la direction du processus fut confiée à la communauté internationale (Section 1). A la suite des élections de 2006 qui ont mis fin à la période de transition, le nouveau pouvoir politique mis en place, se prévalant d'une légitimité populaire issue des urnes, opta pour la reprise en main de la réforme (Section 2). Cependant, aussi bien dans la période allant de 2002 à 2006 que celle postérieure à 2006, la société civile congolaise s'est établie comme une véritable force de propositions et un partenaire majeur dans la RSS, préalable crucial de la prévention des conflits, de la consolidation et du maintien de la paix.

Section 1. La conduite de la réforme du secteur de la sécurité par la communauté internationale (période avant les élections de 2006)

La RSS en RDC repose sur quatre documents majeurs : les accords de Lusaka du 10 juillet 1999 sont le premier. Vient ensuite l'Accord global et inclusif, signé le 17 décembre 2002, à Pretoria par les ex-belligérants congolais. Ce document prévoit expressément un chapitre sur l'armée8 et le Conseil supérieur de la défense9. Le troisième document est la constitution de la transition promulguée le 2 avril 200310 tandis que le quatrième est l'Acte d'engagement de Dar-es-Salaam signé par les autres chefs des groupes armés non signataires de l'Accord de Pretoria. Pour matérialiser cette volonté, il fut créé le Programme National de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (PNDDR). Cette structure visait à appuyer de manière systématique le processus de pacification et la réforme de l'armée11.

La RSS congolaise fut initiée dans un contexte politique ambigu où aucune des parties belligérantes n'avait véritablement gagné militairement la guerre. Bâtissant sur un fragile consensus une politique caractérisée par la mise en place d'un gouvernement dit 1+4 (le gouvernement+les anciens mouvements de rébellion), il s'imposait la nécessité de composer avec tout le monde. Ce modèle de partage de pouvoir et de positions fut répliqué dès lors à tous les niveaux de structures de l'Etat, incluant les forces armées et la police12.

7 Serge Rumin, ibidem, p.1.

8 Lire le document in http://www.grandslacs.net/doc/2826.pdf

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9 Le Conseil supérieur de la défense était composé du Président de la République, des quatre vice-présidents, du Ministre de la défense et nationale des anciens combattants, du Ministre de l'intérieur, de la décentralisation et de la sécurité, des Chefs d'Etat Major de l'armée de terre et de l'air ainsi que de celui de la force navale.

10 Journal Officiel de la RDC du 4 avril 2003 in http://grandslacs.net/doc/2811.pdf

11 L'historique du PNDDR se situe au niveau des repérés suivants :

1° Décret n° 03/041 du 18 décembre 2003 portant création du Comité interministériel chargé de la conception et l'orientation en matière de DDR ; 2° Décret n° 03/042 du 18 décembre 2003 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (CONADER) abrogé par l'ordonnance n° 07/056 du 14 juillet 2007 ;

3° Décret n0 04/92 du 16 octobre 2004 instituant le Programme National de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (PNDDR) ;

4° Ordonnance n° 07/056 du 14 juillet 2007 portant abrogation du décret n° 03/042 du 18 décembre 2003 portant organisation et fonctionnement de la CONADER ;

5° Ordonnance n° 07/057 du 14 juillet 2007 portant création, organisation et fonctionnement de l'Unité d'exécution du PNDDR (UEPN-DDR) ;

12 Les faiblesses du processus de brassage, mixage ou intégration des diverses forces en présence constituent une des explications des la présence des groupes armés toujours actifs dans la partie est du pays et sur lesquels le gouvernement central n'a aucune réelle influence. Celles-ci continuent d'opérer en étroite collaboration avec des groupes rebelles étrangers comme les FDLR, ADF/NALUou LRA et servent des intérêts sécuritaires et mercantiles des pays voisins, des multinationales étrangers et des particuliers nationaux et étrangers, civils et militaires.

C'est dans ce contexte que fut adopté en mai 2005, un plan stratégique de la réforme de l'armée. Basé sur les actions réalisées depuis 2003, le plan présente les objectifs poursuivis, décrit les actions à mener, évalue les moyens à mobiliser et identifie le rôle des différents acteurs. Le processus dit d'intégration alors initié a visé a constituer l'embryon des forces armées congolaises sur la base des éléments13 éligibles issus des composantes et des entités des membres du gouvernement de transition. Le plan prévoyait trois étapes dans le processus de brassage, à savoir la formation de brigades d'infanterie, la formation d'une unité de réaction rapide et l'établissement d'une force de défense forte a l'horizon 2010.

Pour faire face à la gigantesque crise humanitaire qui sévissait à l'est du pays14, relever le défi de la réduction de la violence armée et de la sécurisation des personnes et de leurs biens, consolider la paix, poser les bases de la reconstruction de l'Etat congolais, le Conseil de sécurité des Nations Unies mit en place une de plus importantes opérations de maintien de la paix de son histoire comportant plus de 17 000 soldats et près de 5 000 policiers et personnel civil, 100 avions et un budget de 1 milliard de Dollars américains par an.

Dans les faits, les négociations politiques réalisées en Afrique du Sud (2002-2003) jetèrent les bases de la réforme du secteur de la sécurité et de la justice. Le processus d'intégration15 conçu et supervisé par le Conseil supérieur de la défense est mis en oeuvre par la Structure Militaire d'Intégration (SMI) créée par le Décret n° 04/014 du 26 janvier 2004. Dans son travail, la SMI collabore avec le Ministère de la défense nationale et la Commission Nationale de Désarmement, de la Démobilisation et de la Réintégration (CONADER). Elle bénéficie d'un important appui de la communauté internationale au travers de la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC) et du Comité International d'Accompagnement de la Transition (CIAT)16.

Le processus d'intégration fut, sur terrain, complété par les opérations de désarmement, démobilisation et réinsertion des combattants non éligibles (exemple des enfants soldats) ou des anciens combattants qui faisaient le choix du retour à la vie civile. Relevons ici que certaines factions, particulièrement celles issues de l'ex-rébellion du Rassemblement Congolais pour la DémocratieGoma (RCD/Goma), posèrent de difficultés au processus en refusant non seulement d'être brassées avec les autres forces mais aussi d'être déployées loin de leurs zones d'influence de l'est du pays. Ce fut la cause de premiers blocages du processus qui se traduisirent malheureusement par des affrontements armés pendant près de quatre ans (2003-2007) avant que ne soit entamée une nouvelle phase de négociations en vue de leur intégration, connue sous le nom de mixage dont les résultats sont restés mitigés.

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13 Henri Boshoff, « Update on the status of army integration in the DRC », Situation report, ISS, 2/09/2005, p.1. cité in Pamphile Sabahara, La réforme du secteur de la sécurité en RD Congo, note d'analyse du GRIP, 13 mars 2006, http://www.grip.org/bdg/g4600.html

14 D'après les ongs International Rescue Comitee (IRC, Janvier 2006) et Human Rights Watch (HRW, rapport annuel 2005), les différents conflits en RDC ont fait près de 4 millions de morts .

Selon Amnesty International, "Le conflit en RDC a été particulièrement marqué par l'usage systématique du viol comme arme de guerre. Dans l'est du pays, des membres de groupes armés ont violé des dizaines de milliers de femmes, dont des fillettes ou des femmes âgées, ainsi qu'un certain nombre d'hommes et de jeunes garçons, afin de terroriser, d'humilier et de soumettre les populations civiles... Le viol en masse a contribué a répandre délibérément le virus VIH... » Le Programme National de Lutte contre le SIDA en RDC estime que le taux d'infection a atteint 20 % dans les provinces de l'est, et que le virus pourrait menacer plus de la moitié de la population dans la décennie a venir.

En juillet 2011, Le Fonds des Nations Unies pour les Refugiés (HCR) estimaient à 1,7 millions le nombre de personnes déplacées internes en République démocratique du Congo (RDC). La grande majorité d'entre elles se trouve dans les provinces orientales du Nord et du Sud Kivu. Diverses estimations font passer ce chiffre à plus de 2 millions à la suite des derniers affrontements entre les FARDC et le mouvement rebelle M23 au courant des mois de juin et juillet 2012.

15 Attention à la police des notes Le processus d'intégration a consisté a l'identification, la sélection, le brassage et le recyclage des éléments éligibles dans le cadre de la constitution de la nouvelle armée à qui revenait la responsabilité de faciliter la création des conditions de sécurité indispensables à l'organisation des élections et a la reprise économique.

16 Le CIAT est composé des représentants des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité, de l'Afrique du sud, de l'Angola et de la Belgique. Il est présidé par le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en RDC.

Le contexte présenté ci-haut portait en lui les germes des difficultés du processus. Le brassage et même le dénommé mixage des troupes constitutives des forces en présence n'a jamais été une réussite totale. Des éléments disparates furent mis ensemble, des formations de base et des équipements limités furent mis à la disposition des brigades intégrées alors constituées sans que les différents acteurs ne se soient véritablement mis d'accord sur le modèle de la nouvelle armée à mettre en place.

La Police Nationale Congolaise, en ce qui la concerne, fut constituée de la fusion de quatre forces de police dans une structure unique, à savoir la Force Publique, les polices urbaines, la Gendarmerie et la Garde Civile ainsi que de l'intégration d'éléments des factions belligérantes. Le Mémorandum sur l'armée et les forces de sécurité signé le 29 juin 2003 par les protagonistes de l'Accord global et inclusif sur la transition prévoyait la constitution de deux unités de police. La première consistait en un Corps de protection rapproché (CPR) responsable de la sécurité des leaders politiques et des sites des institutions de la transition tandis que la seconde était l'Unité de Police Intégrée chargée d'assurer la sécurité des personnes et de leurs biens, dans le pays.

Comme pour l'armée, l'institution policière fut constituée sans qu'aucune doctrine claire ne soit convenue pour elle. Cette police s'avéra une grande mosaïque composite qui rassemblait des retraités, des gendarmes, des gardes civils, des militaires, des combattants des factions belligérantes, des miliciens, des veuves et des orphelins de policiers, ou encore des intellectuels. Disparate, peu professionnelle, cette police hérita de surcroît d'un passé dictatorial, de personnels formés dans l'esprit d'une police au service du régime, d'un style paramilitaire et d'une tradition qui la rendait insensible aux besoins et attentes de la population.

Au regard des développements précédents, bien d'observateurs se sont demandés si il fallait vraiment parler dans le cas congolais caractérisé par le manque de cohérence et de structure de coordination, d'une reforme. Cette préoccupation s'adoucit en prenant en compte la situation particulière de la transition congolaise: d'un côté, il fallait en urgence régler la problématique sécuritaire du pays et de la région et d'autre part, on ne pouvait compter que sur des ressources humaines hétérogènes et très peu formées, les seules à être disponibles.

Dès son origine, la réforme du secteur de la sécurité congolais a failli par son caractère sectoriel. L'absence d'une vision commune n'a jamais permis d'arrêter une approche holistique. En effet, les Orientations du CAD sur la réforme des systèmes de sécurité (2005) qui montrent le chemin à suivre pour tout processus de réforme du secteur de la sécurité relèvent trois défis interdépendants auxquels tous les États sont confrontés : (1) la définition d'un cadre institutionnel clair sur la mise en place d'un système de sécurité qui intègre les politiques de sécurité et de développement et inclut tous les acteurs concernés, (2) le renforcement de la gestion des institutions sécuritaires et (3) la constitution de forces de sécurité compétentes et professionnalisées qui soient responsables devant les instances civiles17. La RDC semble avoir levé l'option de commencer par la fin. Bien de partenaires internationaux ont tenté de faire pression sur le gouvernement congolais pour l'encourager a mettre en place un cadre stratégique et un mécanisme de coordination de la réforme de l'armée mais sans véritable succès : le Plan Directeur de la Réforme des FARDC reste toujours en élaboration.

La difficulté qui a miné la réforme du secteur de la sécurité en général et la réforme de l'armée en particulier depuis son lancement demeure d'un côté l'absence de vision partagée entre les différents acteurs internes et d'autre part l'inexistence d'un consensus sur la marche a suivre entre les gouvernants congolais et ses partenaires extérieurs.

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17 Manuel OECD CAD sur la réforme des systèmes de sécurité - 978-92-64-037397 - (c) OCDE 2007, p. 13.

La période avant les élections de 2006 est marquée par le quasi monopole de coordination de la RSS accordée à la communauté internationale au travers du Comité International d'Accompagnement de la Transition. Il revenait alors a cette structure qui comprenait quelques Etats clés, les cinq membres. On doit relever que le CIAT joua un rôle majeur dans la bonne conduite de la transition. Des structures spécialisées de collaboration et de discussion au sein desquelles la communauté internationale et le gouvernement discutaient des priorités de la transition furent établies. Parmi elles, citons les commissions mixtes dont la plus importante fut la Commission sur la RSS. Cette dernière était chargée d'assurer la coordination de toutes les activités sur l'intégration de l'armée nationale et des services de sécurité. Il lui revenait dès lors de superviser le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), la formation de la Police etc...

Notons ici aussi la constitution du SSR Contact Group qui fut créé pour soutenir et assurer la cohérence dans les interventions des divers partenaires. Plus opérationnelle encore fut la Coordinated Joint Operations Centre (CCOC), structure créée a l'initiative de la Banque Mondiale. Elle intervenait dans la coordination des opérations de DDR et la supervision du processus d'intégration.

Pour garantir la sécurité des opérations électorales, un Comité de Pilotage pour la sécurisation du processus Electoral (CPSPE) fut mis en place. Ainsi que le renseignent Dylan Hendrickson et Missak Kasongo : « a la veille d'organisation des élections présidentielle et parlementaires (juillet 2006), près de 18 brigades intégrées passèrent par des centres de brassage et plusieurs unités de la Police suivirent des formations sur le maintien et le rétablissement de l'ordre public pour la sécurisation des élections »18.

L'établissement de ces divers mécanismes de coordination fut à coup sûr un indicateur de la reconnaissance de la communauté internationale que la réforme du secteur de la sécurité était un préalable pour le retour du Congo à la stabilité, à la paix et au développement. Mais le revers de la médaille fut malheureusement l'absence d'unité d'action et de direction de la part du Gouvernement de transition qui se manifesta d'avantage au fur et a mesure que l'on s'approchait des élections de 2006. Le mécanisme de prise de décision était jour après jour fragilisé. Il persistait des chaines de commandement parallèles. La volonté politique s'affaiblissait. Cet état des choses ne facilita point le travail des structures multilatérales mises en place. Emergèrent d'avantage des initiatives bilatérales plus appréciées des dirigeants politiques congolais. Le bon accueil réservé à certains partenaires bilatéraux comme l'Afrique du sud, l'Angola ou le Zimbabwé permirent tout de même de faire accélérer la RSS dans bien de points. Mais en même temps le rôle que continuaient d'exercer certains acteurs internationaux comme les Nations Unies donnèrent lieu a ce que d'aucuns ont qualifié de schizophrénie internationale. La réforme était bien partagée entre l'approche multilatérale conduite avec des partenaires comme les Nations Unies, EUPOL, EUSEC... et des initiatives bilatérales nombreuses.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry