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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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B. Quid de l'instauration d'un système de dommages et intérêts punitifs

57. Nombreux sont les auteurs avançant que les condamnations en matière de presse révèlent l'existence implicite de dommages et intérêts punitifs. Ils jugent en effet les

116 P. Santi, « La presse "people" séduit de plus en plus les jeunes lecteurs », Le Monde, 9 juil. 2005.

117 V. D. Fasquelle, « L'existence de fautes lucratives en droit français », in Faut-il moraliser le droit français de la réparation des dommages ?, LPA, 20 nov. 2002.

118 Civ. 2e, 23 janv. 2003 : Bull. civ.II, n° 20 : « les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ».

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dommages et intérêts traditionnellement alloués comme excessifs et contribuant ainsi à l'enrichissement des victimes. Les frères Mazeaud avaient déjà en leur temps observé cette tendance des juges à se laisser « impressionner par la gravité de la faute lorsqu'ils fixent le chiffre des dommages et intérêts »119. Mythe ou réalité ? Toujours est-il que l'adoption officielle dans notre droit positif français de dommages et intérêts punitifs en vue de paralyser les fautes lucratives se révèlerait probablement être un formidable outil de dissuasion face à cette presse racoleuse et chroniquement attentatoire aux droits de la personne120.

58. Divers auteurs semblent partisans d'une instauration de cette nouvelle catégorie de dommages et intérêts dans des domaines où la faute lucrative est récurrente. Parmi ceux-ci sont généralement évoqués celui de la presse, de l'environnement ou encore celui de la concurrence déloyale121. Ne serait-il pas en effet possible pour le législateur ou la jurisprudence de définir un certain nombre de critères - comme a pu le faire la Cour Suprême américaine pour l'encadrement de ses « punitive damages »122 - en tenant compte par exemple de la nature de l'atteinte, de l'identité de la personne mise en cause, du nombre de tirages publiés ou encore du bénéfice réalisé par leur diffusion ? On peut se le demander.

59. Même si notre droit positif ne semble toujours pas vouloir franchir un tel pas il convient toutefois de noter que l'important projet de réforme du droit des obligations et de la prescription propose en son article 1371 d'offrir au juge la faculté de sanctionner les fautes lucratives en lui permettant de prononcer des dommages et intérêts punitifs123. Les prémices d'une telle évolution se font donc ressentir, sans pour autant réellement parvenir à se concrétiser124.

119 L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, t.2, Montchrestien, 1956, 3e éd., n°623, p. 570.

120 V. S. Piédelièvre, « Les dommages et intérêts punitifs : une solution d'avenir », in La responsabilité civile à l'aube du XXème siècle, juin 2001, Hors-série p. 68 et s.

121 V. Rapport d'information n° 558 (2008-2009) de MM. A. Anziani et L. Béteille, fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 juillet 2009 sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/rap/r08-558/r08-558.html; V. aussi, G. Viney, Introduction à la responsabilité, LGDJ, 3e éd., 2008, p. 27 et s.

122 Dans l'affaire BMW of North America v. Gore, la Cour Suprême des Etats-Unis a mis en place une liste de trois critères cumulatifs permettant de fixer raisonnablement le montant des dommages et intérêts punitifs. Ceux-ci doivent être fonction de la gravité du comportement fautif, des dommages et intérêts compensatoires accordés, et semblables à ceux alloués dans des litiges comparables jugés par d'autres juridictions. (CSEU, 20 mai 1996, BMW of North America v. Gore).

123 P. Catala, Rapport sur l'avant projet de réforme du droit des obligations (art.1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (art. 2234 à 2281 du Code civil), La Documentation française, sept. 2005, art. 1371.

124 V. J-L. Baudouin, « Les dommages et intérêts punitifs : un exemple d'emprunt réussi à la Common law », Mél. Ph. Malinvaud, Litec, 2006.

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Tant du point de vue pénal que civil, le texte spécial du 29 juillet 1881 s'impose donc clairement comme exorbitant du droit commun. Son formalisme exacerbé, souvent vécu et dénoncé comme étant abusivement protecteur des organes de presse, apparait toutefois comme contrebalancé par un certain nombre de dispositions peu favorables au prévenu125 ainsi que par les récents infléchissements de la jurisprudence126. Les dispositions de fond et de forme de la loi sur la liberté de la presse nous semblent donc former un tout indissociable et relativement équilibré.

Il n'en demeure pas moins que la responsabilité civile de droit commun, de par sa propension à l'hégémonie et son étonnante faculté d'adaptation127, semble se complaire dans un rôle de trublion des équilibres instaurés par le régime spécial. Entre légitimité et opportunité, le tumulte entre la loi de 1881 et la clausula generalis128 continue aujourd'hui de nourrir une passionnante discorde aussi bien doctrinale que jurisprudentielle qu'il convient désormais d'examiner.

125 N. Bonnal, « Les chausses trappes procédurales de la loi de 1881 : mythe ou réalité ? Essai d'étude statistique », Légipresse n°289, Déc. 2011, p.675.

126 V. Supra n°34 et s.

127V. P. Esmein, « La faute et sa place dans la responsabilité civile », RTDciv., 1949.

128 Les termes clausula generalis signifiant « disposition générale », seront employés à la désignation de la très générale responsabilité pour faute de droit commun reposant sur l'article 1382 du Code civil (H. Roland, Lexique juridique, expressions latines, LexisNexis, 5e éd., 2010, p. 46).

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