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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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B. La « cruciale » prescription trimestrielle

17. La Cour européenne a eu l'occasion de définir la prescription comme étant le « droit accordé par la loi à l'auteur d'une infraction de ne plus être poursuivi ni jugé après

36 Art. 53 du Code de la communication.

37 Crim. 24 nov. 1992 : Bull. crim. n°386 ; V. aussi : Crim. 14 mai 1979 : JCP 1979. IV. 237 ; Crim. 22 mai 1984 : Bull. crim. n°188.

38 E. Derieux, « Faut-il abroger la loi de 1881 ?», Légipresse Spécial 30 ans, oct. 2009, p.137.

39 V. à titre de comparaison : B. Bouloc, Procédure pénale, Précis Dalloz, 23ème éd., 2012, p.165 et s.

40 Rapport général, § XXXVI, in H. Celliez et Ch. Le Senne, Loi de 1881 sur la presse accompagnée des travaux de rédaction, Libr. A. Marescq Ainé, Paris, 1882, p.594.

41 B. Beignier, L'Honneur et le droit, LGDJ, 1995, p.180.

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l'écoulement d'un certain délai depuis la réalisation des faits »42. Il semble réellement que ce droit se métamorphose en privilège en matière de presse.

18. En effet, selon l'article 65 al 1er de la loi du 29 juillet 1881 : « L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions (É) se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait »43. Il en résulte donc qu'en matière de presse, action publique comme civile se prescrivent par un délai de trois mois, que celles-ci soient engagées ensemble ou séparément44. En effet, cette unité des prescriptions mise en place par le législateur de 1881 a résisté à la loi du 23 décembre 1980 ayant mis un terme au principe de solidarité des prescriptions entre l'action publique et civile. Une jurisprudence constante en atteste45. Ce « délai couperet », caractéristique du contentieux de la presse déroge donc clairement aux délais de prescription de droit commun tant en matière pénale que civile46. Mais comment en justifier ?

19. Il semblerait que ce court délai de prescription puise sa raison d'être dans une primordiale nécessité de protection de la liberté d'expression47. La liberté l'emporterait-elle sur la responsabilité ? On peut en être inquiété. Pourtant la Haute juridiction, ayant eu à se prononcer sur la validité normative d'un tel délai eu égard aux garanties offertes aux droits de la défense par la Convention européenne des droits de l'homme, estime qu'un tel régime n'entrave aucunement l'article 6§1 de cette dernière. En effet selon elle, c'est à la la victime de faire preuve de « diligence »48.

20. Diligence, prudence. Quel euphémisme ! Cette même prescription trimestrielle oblige aussi le plaignant à interrompre ce délai au maximum tous les trois mois afin d'informer le défendeur de sa volonté de continuer les poursuites. Ce dernier se verra ainsi devoir réitérer les actes de procédure afin de ne pas se voir opposer le « couperet des trois

42 CEDH, 22 juin 2000, Coëme c/ Belgique, n° 32492/96, § 26.

43 E. Derieux, A.Granchet, Droit de la communication lois et règlements, Recueil Légipresse, Victoires-éditions, 2010, p. 318.

44 Une loi du 9 mars 2004 porte néanmoins ce délai à un 1 an pour certaines infractions à caractère raciste (V. Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité)

45 Crim. 11 déc. 1984 : Bull. crim. n°398 ; Civ. 2e, 20 avr. 1983 : Bull. civ.II, n°283 ; Civ. 2e, 17 févr. 1993 : Bull. civ.II, n°66 ;

46 En effet, en matière pénale, la prescription des infractions varie selon la gravité du comportement réprimé de sorte que le délai de droit commun varie de dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits et 1 an pour les contraventions. (B. Bouloc, Procédure pénale, Précis Dalloz, 23ème éd., 2012, p. 182.) ; en matière civile, V. Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

47 La Cour de cassation l'énonçait de manière limpide dans un arrêt de sa deuxième Chambre civile : « la courte prescription édictée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a pour objet de garantir la liberté d'expression » (Civ. 2e, 14 déc. 2000 : Bull. civ.II, n°19).

48 Crim., 2 oct. 2001 : Comm. com. électr. 2002, comm. 66, obs. A. Lepage.

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mois ». En plus, tous les actes ne sont pas nécessairement interruptifs de prescription49. La moindre négligence de la part de la victime peut donc s'avérer fatale. D'ailleurs en matière civile comme pénale, la jurisprudence a désormais admis le principe selon lequel « la fin de non-recevoir tirée de la prescription prévue par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, d'ordre public, doit être relevée d'office »50. Le couperet, on peut le dire, semble donc bien aiguisé.

Seul l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit expressément que l'action publique comme civile devra respecter le délai de trois mois de prescription exorbitant du droit commun. Devait-on alors considérer a contrario que les autres règles spéciales de procédure prévues par le texte, ne faisant aucune référence à l'action civile, étaient circonscrites dans leur application au procès pénal ? Il semble que les juges n'aient pas adopté un tel raisonnement.

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