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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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Chapitre 2 : La protection civile autonome des « nouveaux droits de la personnalité » 294

134. Depuis peu, le droit à l'information295 prend de plus en plus d'importance dans nos systèmes juridiques. Descendant de droits fondamentaux tels que la liberté d'expression ou son corollaire, la liberté de la presse, un tel droit ne peut prospérer sans connaître quelques limites296. Parmi celles-ci, figurent celles que constituent les nouveaux droits de la personnalité297 occupant une place prépondérante dans le contentieux de la presse.

135. La diversification des supports de presse, l'avènement de l'image comme outil d'information, l'évolution des moeurs, ont permis à certains journaux d'utiliser la liberté d'expression comme moyen de repousser les limites de l'indiscrétion. Les détails croustillants rythmant la vie des stars, le triste sort que risque de connaître l'accusé non encore jugé ou le passé parfois sulfureux de nos dirigeants politiques sont autant de sujets

294 « Nouveaux », par opposition à ce que nous pourrions nommer les « anciens droits de la personnalité ». Nous avons en effet pu observer qu'un certain nombre d'anciens droits de la personnalité - le droit à l'honneur, à la considération, au respect des croyance, à la dignité - étaient déjà pris en compte par la loi sur la liberté de la presse de 1881. Or, depuis, de nouveaux droits entrant dans cette catégorie sont apparus. Récemment consacrés dans notre Code civil, ils nourrissent aujourd'hui une part très importante du contentieux de la presse. Il s'agit en effet principalement du droit au respect de la vie privée, de la présomption d'innocence, de l'image, de la voix et du nom.

295 Le droit à l'information est considéré comme le prolongement de la liberté d'expression. Il s'agit d'une notion polysémique. On s'accorde à dire que le droit à l'information implique deux prérogatives juridiques indissociables : le droit d'informer et le droit d'être informé dont disposent respectivement les organes de presse et le public.

296 Ch. Debbasch, Droit des médias, Dalloz, 2e éd., 2002, p. 979.

297 Les droits de la personnalité illustrent un ensemble de prérogatives innées dont la fonction est de protéger l'intégrité physique ou morale dans les rapports entre particuliers : V. Ph. Malaurie et L. Aynès, Les personnes, la protection des mineurs et des majeurs, Défrénois, 4e éd., 2009, n°280 et s.

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auxquels nous nous sommes accoutumés en vue de satisfaire nos curiosités plus ou moins malsaines.

136. Le droit devait donc s'adapter à cette nouvelle demande. Il appartenait au législateur d'assurer d'une part, le droit à l'information, et d'autre part, les « droits au respect » que constituent les droits de la personnalité. Parmi ceux-ci, il apparaît clairement que les droits au respect de la vie privée et à la présomption d'innocence remplissent un rôle essentiel dans la protection des personnes faisant l'objet d'articles de presse (Section 1). Pourtant, au-delà de ces deux droits fondamentaux multi-consacrés, d'autres attributs de la personne humaine, aux bases légales indéfinies, font l'objet d'une protection jurisprudentielle essentielle (Section 2). Aussi, les modalités tenant à la réparation de ces divers droits devront, de part leurs spécificités, faire l'objet de quelques éclaircissements (Section 3).

Section 1 : Presse, droit au respect de la vie privée et présomption d'innocence

137. En vue d'assurer la protection civile de droits inhérents à la personne, un « droit spécial de la responsabilité civile »298 est apparu au cours du XXème siècle299. Le législateur a en effet mis en place les dispositions spécifiques que constituent les articles 9 et 9-1 du Code civil protégeant respectivement la vie privée et la présomption d'innocence dont dispose tout titulaire de la personnalité juridique. Après s'être penché sur leur régime juridique (Paragraphe 1), il sera intéressant d'examiner quelles sont les relations entretenues par ces dispositions avec celles que constituent l'article 1382 du Code civil et la loi sur la liberté de la presse (Section 2).

Paragraphe 1 : Une protection assurée par les articles 9 et 9-1 du Code civil

138. Les protections civiles spéciales relatives à la vie privée (A) et à la présomption d'innocence des personnes (B) constituent des remparts importants à la liberté d'expression. Il convient dès lors de s'intéresser au contenu de ces notions pour ainsi mieux cerner les hypothèses dans lesquelles les organes de presse seront susceptibles de voir leur responsabilité engagée.

298 Ch. Debbasch, H. Isar, X. Agostinelli, Droit de la communication, Précis Dalloz, 1e éd., 2002, p.672.

299 V. notamment, sur cette question de l'avènement des droits de la personnalité : A. Decocq, Essai d'une théorie générale des droits sur la personne, Thèse Paris, LGDJ, 1960 ; G. Goubeaux, Traité de droit civil, Les personnes, LGDJ, 1989.

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A. La liberté d'expression face au butoir de la vie privée

139. Depuis une loi du 17 juillet 1970300, le Code civil dispose en son article 9 que « Chacun a droit au respect de sa vie privée »301. Or, il convient de souligner que ce droit - et nous verrons qu'il ne s'agit pas d'un détail de moindre importance - outre son assise légale en droit interne, est aussi consacré par une multitude de textes à valeur supra-législative parmi lesquels figurent notamment l'article 8-1 de la Conv. EDH et l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. À ce titre, il est dès lors possible d'affirmer que le droit au respect de la vie privée possède une égale valeur normative que la liberté d'expression. Le juge saisi d'une affaire confrontant ces deux droits fondamentaux devra donc rechercher au mieux leur équilibre et s'attacher - lorsqu'il s'agit de trancher un litige - à faire primer « la solution la plus protectrice de l'intérêt légitime »302.

140. Mais qu'englobe cette notion de « vie privée » ? En l'absence de définition légale, il appartenait nécessairement à la doctrine303 et à la jurisprudence de s'atteler à en dégager les éléments de contenu. En effet, d'une façon générale, la jurisprudence nous montre que relève de la vie privée l'ensemble des évènements recouvrant la vie d'une personne. Parmi ceux-ci, figurent notamment la vie sentimentale, familiale, les problèmes de santé, mais aussi, tout ce qui concerne les opinions politiques et les tendances religieuses.

141. Il serait bien entendu impossible de dresser une liste exhaustive de toutes les facettes qu'intègre la vie privée, tant les cas d'espèce sont divers et évoluent continuellement avec le temps. Il est cependant essentiel de souligner l'aspect éminemment relatif de cette notion. En effet, si le grand principe - souffrant de multiples exceptions304 - demeure celui posé par un arrêt de la première chambre civile de 1990 ayant précisé que « toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à

300 Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens.

301 Pour le moment nous concentrerons notre étude sur cet alinéa premier de l'article 9. L'alinéa second fera l'objet d'une analyse dans la Section 3. Nous y étudierons les modalités de réparation.

302 Civ. 20 oct. 1993 : Bull. civ.I. n°295.

303 Les recherches doctrinales peuvent être scindées en deux grands ensembles. On a d'une part, l'approche objective, fondée sur l'opposition entre vie privée et vie publique, et d'autre, l'approche subjective, fondée sur l'idée de confidentialité, de ce que l'individu veut garder pour secret : V. sur ce point, Ch. Debbasch, Droit des médias, Dalloz, 1999, n°2991 et s.

304 V. infra n°186 et s.

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venir, a droit au respect de sa vie privée »305, nul doute que ce qui peut relever de la sphère privée pour les uns ne le sera pas nécessairement pour les autres306.

142. Toujours est-il que la victime, pour qu'elle puisse se prévaloir d'une créance de réparation à l'encontre de celui ayant attenté à sa vie privée, devra nécessairement prouver - outre la violation de sa vie privée - deux éléments.

Tout d'abord, l'absence de consentement à la publication. Il faut savoir que celui-ci ne se présume pas307 et doit en principe être exprès. Il peut toutefois selon les cas être tacite308. Aussi, quand bien même la victime aurait consenti à la publication d'un ou plusieurs détails de sa vie privée, son consentement ne vaut a priori que pour les informations en question309.

Ensuite, la victime devra prouver qu'elle est identifiable. Cette condition d'identification est valable tant pour les écrits310, que pour les images litigieuses311 et fait l'objet d'une interprétation relativement stricte en jurisprudence.

Après avoir observé quelques aspects du régime juridique du droit au respect de la vie privée, il convient de s'intéresser maintenant à un autre droit de la personnalité constituant lui aussi une limite de taille à l'exercice de la liberté d'expression : le droit au respect de la présomption d'innocence.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo