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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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Section 3 : La réparation des atteintes portées aux droits la personnalité

159. Nous avons vu qu'un certain nombre « d'anciens droits de la personnalité »349étaient déjà expressément pris en compte par la loi sur la liberté de la presse. Que leurs poursuites sur le fondement de la diffamation, de l'injure, étaient d'essence pénale. Que même limitées au civil, les victimes sont tenues, tant sur la forme que sur le fond, de respecter le dispositif spécifique prévu par la loi de 1881.

160. En revanche, pour ce qui concerne les « nouveaux droits de la personnalité »350, bien que faisant l'objet de dispositions pénales éparses échappant au formalisme rigoureux de la loi de 1881, incontestablement, la pratique montre que leur poursuite se déroule essentiellement devant le prétoire civil et donc donne en grande majorité lieu au prononcé de sanctions civiles351. La répression pénale n'est que secondaire352.

347 TGI Paris, 12 mars 2012 : Légipresse n°294, mai 2012, p. 289.

348 Le TGI de Nanterre est souvent désigné comme étant le « chouchou des vedettes » en matière d'affaires mettant en cause des atteintes aux droits de la personnalité V. Mahaut, « Le Tribunal de Nanterre, chouchou des vedettes » in rubr. Hauts de Seine, Le Parisien, 22 fév. 2006.

349 « Anciens », par opposition à ce que nous avons pu précédemment appeler les « nouveaux droits de la personnalité ». Ils regroupent essentiellement les droits que constituent le droit à l'honneur, à la considération et au respect des croyances.

350 Essentiellement, droit au respect de la vie privée, de l'image et de la présomption d'innocence.

351 J-P. Gridel, « Liberté de la presse et protection civile des droits modernes de la personnalité en droit positif français », Recueil Dalloz, 2005, n°6.

352 Si les poursuites pénales sont rares, c'est parce qu'elles supposent : en matière d'atteinte à la vie privée, qu'aient été utilisés des procédés de captation particuliers (type film, enregistrement) dans le but d'attenter à l'intimité de la vie privée (art. 226-1 Code pénal) ; en matière d'atteinte à la présomption d'innocence, que soit diffusée l'image d'une personne menottée ou entravée avant toute condamnation (art. 35 ter. Loi 29 juil. 1881) ; en matière d'atteinte au droit à l'image, que celle-ci soit captée dans un lieu privé (art. 226-1 Code pénal).

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Mais quelles sont ces sanctions civiles permettant d'assurer le respect des atteintes à la vie privée, à l'image (art. 9), à la présomption d'innocence (art. 9-1) ? Prononcées sur des fondements distincts de l'article 1382 du Code civil, celles-ci en ressortent-elles différentes?

161. En termes analogues, les alinéas 2 des articles 9 et 9-1 disposent que « sans préjudice de la réparation du dommage subi », le juge peut, même en référé, prononcer diverses mesures propres à empêcher ou faire cesser l'atteinte portée à la vie privée, à l'image ou à la présomption d'innocence. Il en résulte que ce dernier peut cumuler si besoin une condamnation à dommages et intérêts avec une injonction.

Pour ce qui est du prononcé de dommages et intérêts, à l'instar de l'article 1382 du Code civil, l'idée est de réparer le préjudice, généralement moral, causé à la victime de l'atteinte. Toutefois, le principe de réparation intégrale - qui implique que l'on doit réparer l'entier préjudice sans aller au-delà - peut parfois donner l'impression d'être violé par les juges. En effet, dans ce contentieux qu'est celui des droits de la personnalité, certains dénoncent la pratique implicite de dommages et intérêts punitifs en soutenant que les juges, pour déterminer le montant de la réparation, tiennent compte de la gravité de la faute commise par son auteur353. La question de la détermination du montant des condamnations ainsi prononcées est d'autant plus controversée354, que nombreux auteurs décrient un mouvement croissant de « patrimonialisation »355 des droits de la personnalité, et le fait que l'indemnisation des atteintes en question s'apparente de plus en plus à une « logique de peine privée ayant une fonction de dissuasion à l'égard des auteurs de ces violations »356.

Pour ce qui est des injonctions, le juge aura la possibilité de prononcer diverses mesures. Celles-ci portent parfois sur la publication357ou sur l'insertion358. Il pourra aussi

353 E. Derieux, Droit de la communication, LGDJ, 4e éd., 2003, p.587.

354 V. notamment : D. Amson, « L'indemnisation du préjudice résultant des atteintes à la vie privée », Légipresse n°195. II. 128132 ; F. Gras, « Vie privée et liberté d'informer. Le rôle du juge », Légipresse n°148. II. 6-10.

355 Par « patrimonialisation », il faut comprendre que les victimes tendent à exploiter leur préjudice à des fins lucratives en agissant systématiquement en justice : V. P. Esmein, « La commercialisation du dommage moral », Dalloz, 1954, p. 113.

356 F. Gras, « L'indemnisation des atteintes à la vie privée », Légicom n°20, 1999, p. 35 ; V. aussi, sur cette notion de « peine privée » : A. Jault, La notion de peine privée, LGDJ, 2005 ; G. Ripert, « Le prix de la douleur », Dalloz, chron. 1, 1948.

357 Par exemple, le juge ordonne la publication dans le prochain hebdomadaire du jugement de condamnation.

358 Dans un livre déjà édité, le juge peut ordonner l'insertion d'un encart faisant état du droit violé comme ce fût le cas par exemple dans l'affaire Trintignant où il était question de violation de la présomption d'innocence (CA Paris, 7 oct. 2003 : Gaz. Pal. 2003, p. 3147).

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s'agir de la restitution du négatif d'une photographie ou bien de la suppression d'une image ou d'un passage litigieux359.

162. Mais la lenteur du processus de condamnation au fond entraîne souvent chez les victimes - pour les atteintes les plus graves et notamment celles portées à « l'intimité de la vie privée »360 - une préférence pour l'action devant le juge des référés. Si l'article 9 du Code civil requiert l'urgence comme condition de recevabilité de l'action, l'article 9-1 lui n'en dit rien. Toujours est-il que l'idée sera généralement de prévenir ou de faire cesser un trouble imminent ou manifestement illicite généré par une publication litigieuse. Concernant l'action en vu de prévenir un dommage, cela peut donc poser un certain malaise eu égard au principe de liberté d'expression361. Cette question divise la doctrine362, raison pour laquelle la jurisprudence semble vouloir que l'usage d'une telle procédure en matière de presse demeure exceptionnelle et cantonnée aux urgences les plus graves363.

La sanction civile des atteintes portées aux droits de la personnalité peut donc prendre des formes très diverses. La protection civile autonome qu'elle offre contribue encore d'avantage au phénomène d'éviction de l'article 1382 du Code civil du domaine de la presse. Toutefois, si la mise à l'écart de la responsabilité pour faute par la loi de 1881 peut d'une manière générale se traduire par un recul du droit à réparation pour les victimes au bénéfice de la liberté d'expression364, il semble qu'il en soit autrement pour ce qui est de son évincement par les articles 9 et 9-1 du Code civil. En effet, ces derniers permettront systématiquement de rechercher la responsabilité civile de l'auteur de l'atteinte, sans que les victimes se heurtent aux multiples obstacles de procédure que connaissent celles dont

359 E. Derieux, Droit de la communication, LGDJ, 4e éd., 2003, p. 587.

360 Art. 9 al. 2 du Code civil.

361 En effet, une mesure de référé prise en amont de la publication peut s'interpréter comme une forme de censure légitimant ainsi une forme de « police de la presse ». Vu le succès rencontré par le juge des référés dans le contentieux de la presse, on peut en effet s'inquiéter de l'impact d'une telle procédure sur l'effectivité du principe de libre information.

362 V. sur cette question de la légitimité de l'intervention du juge des référés en matière de presse au regard du principe de liberté d'expression : P. Kayser, « Le pouvoir du juge des référés civils à l'égard de la liberté de communication et d'expression », Dalloz, 1989, chron. p.11 ; E. Derieux, « Référé et liberté d'expression », JCP 1997. I. 4053 ; R. Lindon, « Le juge des référés et la presse », Dalloz, 1985, chron. p. 61 ; Th. Massis, « Le juge des référés et la liberté d'expression », Légipresse n°84. II. p. 67 ;

363 Civ. 1e, 12 déc. 2000 : D. 2001, jurisp. 2434, note J-C. Saint Pau ; CA Paris, 13 sept. 2000 : D. 2001, jurisp. 24, note C. Caron et M-L. Rassat.

364 V. Supra n°94 et s.

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l'action initialement fondée sur l'article 1382 aura été requalifiée au visa de la loi sur la liberté de la presse.

Néanmoins, que l'action civile en réparation soit intentée au visa de l'article 1382, 9, 9-1 du Code civil ou encore, au regard de l'une des infractions de presse relevant de la loi du 29 juillet 1881, la question redoutée par les victimes est toujours la même : le principe de liberté d'expression est-il susceptible de légitimer la faute commise ? Nous allons voir que dans bien des cas, la loi, la jurisprudence, par une pesée des intérêts en présence, tendent à y répondre par l'affirmative, au prix d'un affaiblissement de la responsabilité civile.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon