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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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Chapitre 2 : Le droit de réponse, ultime garantie face à la liberté d'expression

188. La victime d'un abus de la liberté d'expression commis par voie de presse trouvera très probablement un certain réconfort lorsqu'elle découvrira chez son avocat, qu'à défaut de pouvoir s'assurer d'obtenir gain de cause à son procès, un droit de réponse aux propos litigieux lui est conféré par la loi. Ainsi, plutôt que d'intenter une action en justice à l'issue incertaine, celle-ci préfèrera parfois s'en tenir à ce moyen de riposte444. « Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l'auras : l'un est sûr, l'autre ne l'est pas »445.

189. Le droit de réponse confère la faculté à toute personne nommée ou désignée par une publication de presse d'exprimer son point de vue dans les pages d'un journal, à l'antenne d'une radio, d'une télévision ou encore sur internet446. Il importe donc peu que la demande de réponse intervienne à la suite d'un propos jugé fautif, puisque celle-ci pourra indifféremment être admise, tant pour des propos dénigrants, injurieux, diffamatoires, que pour des propos bienveillants voire élogieux.

190. Ce droit fait l'objet d'un traitement particulier dans notre sujet car nous verrons qu'il constitue un moyen supplémentaire d'engager la responsabilité civile des organes de presse. De surcroit, de façon quelque peu subliminale certes, il semblerait que la réponse renvoie implicitement au concept de réparation tel que conçu en matière de responsabilité civile. En effet, le droit de réponse offre d'une certaine manière un moyen pour la victime de se replacer dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant la publication du propos litigieux447. Il apparait donc d'autant plus intéressant de se pencher sur l'étude d'un tel mécanisme448.

444 Un ancien article du journal Libération, dénonçant certaines pratiques abusives dans l'usage du droit de réponse, illustre parfaitement ce propos : « Écrivez que le Front national est «raciste», il ne poursuivra pas pour diffamation, mais exigera un droit de réponse. Autant il est difficile au Front national de prouver qu'il n'est pas «raciste». Car s'affronteraient alors à la barre des témoignages et des offres de preuve risquant fort de finir en déroute judiciaire. Autant la procédure rapide du droit de réponse lui permet de s'offrir, à peu de frais, une demi-page de tribune libre ». (D. Simmonot, Le droit de réponse : un droit à consommer avec modération », Libération, 11 juin 1996).

445 Jean de La Fontaine, Le poisson et le pêcheur in Les fables du poisson, V, éd. Le capucin, 2006.

446 D. De Bellescize, L. Franceschini, op. cit. p. 419.

447 Civ. 2e, 1er avr. 1963, préc. : « le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ».

448 On se contentera d'évoquer l'existence, en sus du droit de réponse, d'un droit de rectification offert aux dépositaires de l'autorité publique et leur permettant de pouvoir rectifier « des actes de leur fonction qui ont été inexactement rapportés » dans un journal ou écrit périodique (art. 12 Loi du 29 juillet 1881).

191.

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Le droit de réponse - initialement prévu pour répondre aux propos diffusés par la presse écrite - compte tenu de l'apparition des nouvelles formes de communication au public par voie électronique449, a fait l'objet de certains remaniements dont les effets se traduisent par un régime juridique relativement hétérogène (Section 1). Pour autant, quel que soit le média concerné par la réponse, celle-ci participe d'un même besoin de rompre avec l'unilatéralisme de la diffusion des messages450. Un tel contre-pouvoir devait naturellement rencontrer certaines limites (Section 2).

Section 1 : Le régime juridique disparate du droit de réponse

192. En raison des spécificités techniques propres aux moyens de communication contemporains, le droit de réponse tel qu'il fut initialement conçu par la loi du 29 juillet 1881, a quelque peu perdu de son harmonie (Paragraphe 1). Mais une chose demeure, et ce depuis sa création. Indépendamment du support concerné, son non-respect rendra toujours possible la mise en oeuvre de la responsabilité civile du directeur de publication (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La réponse confrontée à la diversité des supports de presse

193. Si le droit de réponse figurait déjà depuis 1881 dans le domaine de la presse écrite - au sein de l'article 13 de la loi sur la liberté de la presse - ce n'est qu'un siècle plus tard que le législateur prendra le soin de l'étendre en matière audiovisuelle (art. 6 loi du 29 juillet 1982). Ce droit ne pénètrera la sphère internet qu'à compter du deuxième millénaire grâce à la loi sur la confiance dans l'économie numérique (art. 6-IV LCEN du 21 juin 2004).

194. À la lecture des différents articles ci-dessus recensés, on remarque d'emblée que les conditions d'ouverture du droit de réponse varient selon le support concerné.

Tout d'abord, il résulte de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 que seules les publications provenant de « journaux ou écrits périodiques » pourront justifier la mise en oeuvre d'un tel droit. Il convient dès lors de souligner l'importance de cette condition de

449 La notion de « communication au public par voie électronique » regroupe à la fois la « communication audiovisuelle » (encadrée par la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 concernant essentiellement les médias que constituent la radio et la télévision) et la « communication au public en ligne » (Loi LCEN n°2004-575 du 21 juin 2004 concernant l'internet).

450 E. Dreyer, Responsabilité civile et pénale des médias, LexisNexis, 3e éd., 2011, p. 75.

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« périodicité » qui d'ores et déjà, a vocation à exclure toute forme d'écrits non périodiques type livres, affiches, tracts et autres. L'article 6 de la loi du 29 juillet 1982 lui, prévoit un droit de réponse « dans le cadre d'une activité de communication audiovisuelle ». Mais une loi du 30 septembre 1986 ajoute là encore l'exigence de périodicité de l'émission (de télévision, de radio) propagatrice des propos litigieux. Enfin, depuis un décret du 24 octobre 2007, le droit de réponse consacré en matière de presse en ligne par l'article 6-IV de la loi du 21 juin 2004 est exclu, dès lors que « les utilisateurs sont en mesure (É) de formuler directement les observations qu'appelle de leur part un message qui les met en cause »451. Autrement dit, ne sont pas concernés par le droit de réponse, les sites fonctionnant sur la base d'un système d'interaction entre internautes.

195. Une fois la question tenant à savoir si les propos litigieux peuvent donner lieu à l'insertion d'une réponse résolue, se pose celle de la détermination des titulaires d'un tel droit.

Pour ce qui est de la presse écrite et de la presse en ligne tout d'abord, la loi prévoit que le droit de réponse bénéficie à toute personne « nommée ou désignée » dans le « journal ou écrit périodique» ou dans le « service de communication au public en ligne ». Ce droit est donc personnel car il concerne la seule personne - physique ou morale452 - mise en cause dans les propos litigieux453. Par ailleurs, il importe peu que les propos en question soient nuisibles.

En ce qui concerne la presse audiovisuelle en revanche - et c'est là un point essentiel de divergence avec le régime imparti aux autres médias - le droit de réponse ne bénéficie qu'aux personnes ayant fait l'objet d'« imputations susceptibles de porter atteinte à l'honneur ou à la réputation »454. Sa mise en oeuvre est subordonnée à l'existence d'une attaque. Les perspectives de réponse seront donc moins larges pour ce média car la

451 Décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse applicable aux services de communication au public en ligne.

452 Ainsi du droit de réponse exercé par une commune : Crim. 6 nov. 1956 : Bull. crim. n°172.

453 La loi du 29 juillet 1881 déroge néanmoins à la règle dans les deux cas que constituent d'une part, le droit de réponse des héritiers (l'article 34 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 met en place un droit de réponse spécifique ouvert aux héritiers de personnes défuntes faisant l'objet d'imputations diffamatoires ou injurieuses permettant d'une certaine manière de compenser les difficultés que ces derniers connaissent pour obtenir réparation : V. Supra n°96 et s.) et d'autre, le droit de réponse des associations (l'article 13-1 de la loi du 29 juillet 1881 accorde un droit de réponse spécifique aux associations participant à la lutte contre le racisme et la xénophobie).

454 Loi du 29 juillet 1982, art. 6. I al. 1er.

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personne mise en cause se verra non seulement dans l'obligation de démontrer l'existence d'imputations455, mais aussi, d'un préjudice.

On a donc un droit de réponse dont les conditions d'ouverture sont relativement changeantes selon le support concerné456. Si en matière de presse en ligne, sa mise en oeuvre répond à des exigences quasi-similaires que celles fixées pour la presse écrite, les médias audiovisuels eux, s'en éloignent, et bénéficient indéniablement d'un régime de faveur. Il n'en demeure pas moins que lorsque l'ensemble des conditions en question seront satisfaites, quel que soit le support concerné, le directeur de publication sera tenu à son obligation d'insertion qui, en cas d'inexécution, sera sanctionnée.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand