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La responsabilité de protéger au regard de la crise libyenne

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par Hippolyte LUABEYA Pacifique
Université de Kinshasa RDC - Licence 2010
  

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SECTION 2. LES MESURES PRECONISEES PAR LE CONSEIL DE SECURITE DANS LA RESOLUTION 1973 ET LEURS CONSEQUENCES

§1. Les mesures préconisées

Après avoir constaté que toutes les mesures pacifiques230 dont notamment l'embargo sur les armes, l'interdiction de voyager, le gel des avoirs adoptées par lui dans sa résolution 1970 du 26 février 2011 n'ont pas été respectées par les autorités libyennes, le Conseil de Sécurité a, en date du 17 mars 2011, adopté par dix voix231 et cinq abstentions232 la résolution 1973233 dans laquelle d'autres

228MARCLAY Eric cité par SEGIHOBE BIGIRA Jean-Paul, « La résolution 1973 : entre légalité étriquée, légitimité douteuse et effectivité problématique », Communication aux premières journées scientifiques de l'Union Africaine de la Faculté de droit de l'Université de Kinshasa du 25 au 26 mai 2011, Inédit, p.2

229 Communiqué de presse AG/10375 du 12 septembre 2005 de M.PING J., Président de la 59è session de l'Assemblée générale ; Document final du Sommet mondial de 2005 ; GALIA GLUME ; KERVAREC G. cité par SEGIHOBE BIGIRA Jean-Paul, Op-cit., p.3

230 Voir Résolution 1970 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, S/RES/1970 (2011)

231 Royaume-Uni, France, États-Unis, Liban, Bosnie-Herzégovine, Colombie, Portugal, Gabon, Nigéria et Afrique du Sud.

232 Allemagne, Brésil, Chine, Fédération de Russie et Inde.

233 Résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, S/RES/1973 (2011). La teneur de ladite résolution se présente comme suit :

1. La première exigence imposée par le Conseil de Sécurité est celle d'un arrêt immédiat de toutes les violences, attaques et exactions contre la population civile.

2. La seconde exigence est celle de rechercher une solution à la crise. La formulation du texte retenu par le Conseil de Sécurité est intéressante : l'exigence n'est pas seulement celle d'un retour à la paix civile, mais aussi celle de la recherche d'une solution « qui satisfasse les revendications légitimes du peuple libyen ». Ce dernier membre de phrase n'est sans doute pas neutre au regard de la nécessaire recomposition du paysage politique libyen au lendemain de la crise actuelle (Voir le HARDY de BEAULIEU Louis, « La Libye : Etat de guerre, légitime défense...simples questions de terminologie ? » à consulter dans www.louislehardy.blogspot.com). 3. Pour satisfaire les exigences de base évoquées ci-dessus, la résolution détermine un cadre juridique précis. De l'analyse de cette résolution, Louis le Hardy de BEAULIEU pense qu'elle constitue une concrétisation forte du rôle de l'ONU dans la "responsabilité de protéger" en ayant, au besoin, recours à la contrainte armée. L'auteur ajoute que dans ce cadre, le positionnement des acteurs est intéressant à observer: chacun estime que le sort de la

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mesures coercitives allant jusqu'à l'autorisation d'une action militaire seront envisagées. Il s'agit : de l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne, de l'application de l'embargo sur les armes, de l'interdiction des vols et des gels des avoirs.

A. L'établissement d'une zone d'exclusion aérienne

L'établissement d'une zone d'exclusion aérienne signifie l'interdiction de tous les vols dans l'espace aérien de la Libye de manière à protéger les civils, sauf les vols dont l'unique objectif est humanitaire. Les Etats membres sont autorisés à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter l'interdiction des vols.

En effet, la zone d'exclusion aérienne est une question d'intervention militaire. Une telle zone servirait à empêcher les forces du colonel Kadhafi à continuer les bombardements dirigés contre sa propre population. Mais l'opération pour l'établir suppose la mobilisation de moyens aériens qui permettent de clouer au sol l'aviation libyenne et de neutraliser les capacités anti-aériennes des forces de Kadhafi. Pour le Luxembourg, comme pour nombreux d'autres pays de l'UE, une telle intervention ne supposait qu'un mandat exprès du Conseil de Sécurité des Nations Unies, une vraie demande de la part des libyens et des grands acteurs régionaux, dont la Ligue Arabe et l'Union Africaine, desquels une participation active était attendue. Paris et Londres, membres permanents du Conseil de Sécurité, s'étaient penchés en faveur de cette solution. Parmi les autres membres permanents du Conseil de Sécurité, les USA y étaient réticents, et si la Chine et la Russie n'ont pas fait

population libyenne est à ce point grave qu'il n'est pas possible de demeurer les bras croisés. Certaines organisations régionales ont donc apporté, avant le vote de la résolution 1973, un soutien de principe à une réaction (la "no fly zone"), même si, ou peut-être parce que, tous leurs membres n'étaient pas certains que la résolution qui l'autoriserait serait bien adoptée en raison de la traditionnelle réserve de la Russie et de la Chine à l'égard de toute mesure qui conduit à une intervention dans les affaires intérieures d'un Etat. Or, voici que ces deux derniers Etats (sans pour autant voter "pour") ont estimé ne pas pouvoir faire usage de leur droit de veto face à la gravité de la situation. Cette coupure observable le 20 mars 2011 entre une position adoptée et ses conséquences induites sont peut-être bien l'une des clés de lecture du demi-pas en arrière de certains membres de la Ligue des Etats arabes et de l'Union Africaine après le début de la mise en oeuvre de la résolution du 17 mars 2011 (Voir le HARDY de BEAULIEU Louis, « La Libye : Etat de guerre, légitime défense...simples questions de terminologie ? » à consulter dans www.louislehardy.blogspot.com)

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opposition à l'embargo sur les armes, leur position sur une zone d'exclusion aérienne n'était pas connue. L'Allemagne et le Portugal, deux autres Etats membres de l'UE qui siègent temporairement au Conseil de Sécurité, était très retenus eux aussi.

L'exigence du mandat du Conseil de Sécurité et les demandes préalables des libyens et des pays de la région avait fait objet de plusieurs scission au sein de l'UE telle que nous le présentent certains hommes d'Etat.

Jean ASSELBORN, par exemple, souligne que quant à l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne, les approches au sein de l'UE étaient "plus nuancées". Mais il y avait accord que l'établissement d'une telle zone, qui équivaut à une action militaire, dépendait de plusieurs facteurs : un mandat du Conseil de Sécurité, une demande de la Ligue Arabe et des autres acteurs de la région, et de la poursuite des bombardements du régime de Mu'ammar Kadhafi contre sa propre population. Une telle approche de la question d'une intervention militaire concerne également l'idée de "frappes aériennes ciblées" que le président français Nicolas SARKOZY s'apprêtait à proposer à ses partenaires de l'UE234.

Puissions-nous préciser que les « no-fly zones », selon le jargon militaire, sont devenues un instrument commun pour stopper des Etats ou des groupes commettant des crimes contre l'humanité. Elles sont même l'objet d'exercices pour les armées de l'air, notamment dans le cadre de l'OTAN. Dans le passé récent, elles ont été utilisées en Bosnie, au Kosovo, en Irak. Une zone d'exclusion avait été suggérée par les Américains au Darfour, proposition restée sans suite.

Les deux exemples historiques d'exclusion que nous pouvons citer sont les suivants :

- En avril 1982 lors du conflit qui l'opposa à l'Argentine, la Grande Bretagne décréta une zone d'exclusion de 200 nautiques autour des îles Falkland (ou

234 ASSELBORN Jean, « La Libye : les 27 confirment l'adoption des sanctions renforcées contre le régime Kadhafi » à consulter dans www.europaforum.public.lu ... Actualités Mars 2011. Jean ASSELBORN est Vice premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Luxembourg.

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Malouines) à l'égard de tous les navires engagés dans l'effort de guerre aux côtés de l'Argentine. Il s'agit là d'un exemple de mesure adoptée en temps de guerre par un belligérant à l'encontre d'un autre. Aujourd'hui, le recours à cette notion n'est pas formellement interdit en temps de conflit. Toutefois, les paragraphes 105 et 106 du Manuel de San Remo235 sur le droit des conflits armés en mer insistent pour que certaines règles soient respectées en pareille circonstance, comme le caractère exceptionnel de la mesure, le principe de proportionnalité ou la sauvegarde du droit des Etats neutres aux utilisations légitimes et pacifiques de la mer.

- En 1991, lors du conflit Irak-Koweït, les USA, le Royaume-Uni et la France ont décrété au Nord du 36e parallèle une zone d'exclusion pour les aéronefs irakiens. Cette zone sera ensuite étendue par les deux premiers États. La base juridique alléguée était alors la résolution 688(1991) du Conseil de Sécurité. L'édiction de cette zone d'exclusion n'a cependant pas été sans poser de sérieuses interrogations juridiques. Certes, le Conseil lançait alors un appel à tous les Etats membres de l'ONU et aux organisations humanitaires en vue d'une coopération aux « efforts d'assistance humanitaire ». Il demeure que cette résolution n'était pas fondée sur le Chapitre VII de la Charte ; elle n'offrait donc pas de fondement juridique à pareille intervention armée.

Enfin, la prudence nous invite à soutenir l'idée selon laquelle n'étant pas dans un contexte de conflit armé à caractère international, un État (ou une coalition d'Etats) ne peut a priori effectuer aucune manoeuvre ou opération navale dans les eaux territoriales (habituellement 12 nautiques ou 22 kilomètres au large des côtes) d'un tiers dans son accord236. De même, l'espace aérien sous juridiction nationale surplombe non seulement le territoire terrestre, mais aussi la mer territoriale

235 Le Manuel de San Remo sur le droit international applicable aux conflits armés sur mer a été élaboré, de 1988 à 1994, par un groupe d'experts du droit international et d'experts navals qui ont participé, à titre personnel, à une série de tables rondes organisées par l'Institut international de droit humanitaire. Le but de cet ouvrage est de présenter une analyse du contenu du droit international actuel applicable aux conflits armés sur mer. Si, parmi les dispositions figurant dans le Manuel, certaines peuvent apparaître comme des développements du droit, la plupart sont considérées comme énonçant le droit actuellement en vigueur.

236 Ceci serait contraire au principe du droit de passage inoffensif tel que défini par l'article 19.2 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer. Voir aussi le HARDY de BEAULIEU Louis, « La Libye : Etat de guerre, légitime défense...simples questions de terminologie ? » à consulter dans www.louislehardy.blogspot.com

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d'un État. Les aéronefs militaires d'autres Etats n'y disposent pas d'un droit de survol sans l'accord des autorités de l'Etat sous-jacent237. S'ajoute à ceci une difficulté liée à la revendication libyenne d'un espace maritime et aérien d'une surface supérieure à ce qui est reconnu par la communauté internationale238.

Il apparaît dès lors clairement que la décision de l'établissement d'une zone d'exclusion ne pourrait être que le résultat d'une résolution du Conseil de Sécurité basée sur les articles 42 et suivants de la Charte. Mais ceci requiert un vote favorable de neuf des quinze membres du Conseil, en ce compris l'accord (ou à tout le moins pas de veto formel) de ses cinq membres permanents.

B. L'application de l'embargo sur les armes

De l'avis du Conseil de Sécurité, l'embargo sur les armes doit être respecté et strictement appliqué, avec ce que cela comporte d'inspections sur le territoire libyen, "y compris les ports et les aéroports ou en haute mer, les bateaux et les avions se rendant ou provenant de Libye". Le Conseil de Sécurité demande à tous les Etats membres d'empêcher la fourniture de mercenaires armés à la Libye.

C. L'interdiction des vols

Aux termes de cette résolution, les Etats doivent interdire à tout aéronef enregistré en Jamahiriya arabe libyenne, lequel appartient à toute personne ou compagnie libyenne ou exploité par elle, de décoller de leur territoire, de le survoler ou d'y atterrir, à moins que le vol ait été approuvé par avance par le Comité ou en cas d'atterrissage d'urgence. Ils doivent aussi interdire à tout aéronef de décoller de leur territoire, d'y atterrir ou de le survoler s'ils disposent d'informations autorisant raisonnablement à penser qu'il y a à bord des articles dont la fourniture, la vente, le transfert ou l'exportation sont interdits par les paragraphes 9 ou 10 de la résolution

237 Voir l'article 3c. de la Convention de Chicago du 7 décembre 1944. Voir aussi C.I.J., Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, Arrêt du 27 juin 1986, point 251.

238 Voir le HARDY de BEAULIEU Louis, « La Libye : Etat de guerre, légitime défense...simples questions de terminologie ? » à consulter dans www.louislehardy.blogspot.com.

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1970 (2011), telle que modifiée par la présente résolution, y compris des mercenaires armés, sauf en cas d'atterrissage d'urgence.

D. Les gels des avoirs

Les avoirs financiers et les ressources économiques qui sont propriété ou contrôlés directement ou indirectement par les autorités libyennes sont gelés et devront être rendus accessibles pour le bénéfice du peuple libyen.

Finalement, un panel d'experts est créé pour une période initiale d'un an qui aura pour tâche de suivre la mise en oeuvre de la résolution 1973 et de signaler en particulier les incidents de non-respect, d'en faire rapport.

Nous l'avions signalé au départ que cette résolution se place sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. C'est le premier élément qui explique son caractère obligatoire. En effet, les modèles de conduites obligatoires et généraux de ladite résolution apparaissent dans les termes de ses dispositions. Le deuxième élément qui explique son caractère obligatoire est l'utilisation de l'indicatif présent et du verbe « décide »239.

Il convient de reconnaitre et de rappeler que les auteurs s'accordent sur le fait qu'il n'existe aucun désaccord en ce qui concerne la compétence du Conseil de Sécurité à l'effet de prendre des décisions, particulièrement dans les matières qui rentrent dans le domaine du chapitre VII (et dans certains cas du chapitre VI) de la Charte240.

239 A ce sujet, on peut lire DENIS Cathérine, Le pouvoir normatif du Conseil de sécurité des Nations Unies : Portée et limites, Bruxelles, Bruylant, 2004, p.145

240 JUNG-GUN-KIM, « La validité des résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies », in Revue internationale de droit international public, tome 75, 1971, p.98 ; ROCHE Cathérine, L'essentiel du droit international public et du droit des relations internationales, 2ème édition, Paris, Gualimo, 2003, p.40 ; BALANDA MIKUIN Gérard, Op-cit, p.177 ; Dans ce même ordre d'idées la Cour internationale de justice, dans l'affaire du détroit de Corfou, a interprété le compromis conclu entre les deux Parties et « établi à la suite de la résolution du Conseil de Sécurité du 9 avril 1947 » « à la lumière » et avec la volonté de donner « plein effet » à la résolution.

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C'est ainsi que le professeur JUNG-GUN-KIM estime que d'une manière générale, les décisions du Conseil de Sécurité prises en vertu du chapitre VII de la Charte sont de loin la plus importante application de la compétence exercée par le Conseil dans le domaine de l'ordonnancement de la communauté internationale241.

Au regard de ce qui vient d'être dit, si l'on doit examiner ces mesures au regard du contenu du principe de la responsabilité de protéger tel que développé au deuxième chapitre de la première partie, l'on comprend qu'on se trouve déjà dans l'obligation de réagir puisque la phase préventive a échoué et n'a su résoudre le conflit tel qu'analysé au premier chapitre de la seconde partie.

Ainsi, l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne et l'application de l'embargo sur les armes constituent des sanctions dans le domaine militaire ; par contre, l'interdiction des vols et le gel des avoirs constituent des sanctions dans le domaine économique. Toutes sont des mesures autres que l'action militaire242.

Toutefois, la décision prise par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 1973 consistant à la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne avait divisé les Etats européens et africains sur les conséquences militaires de l'établissement d'une telle zone. Il convient alors de parcourir les arguments avancés par les uns et les autres sur lesdites conséquences.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci