L'accord de Cotonou et la lutte contre la pauvreté( Télécharger le fichier original )par Yaya MORA BROUTANI Institut d'études politiques de Toulouse - Master géopolitique et relations internationales 2006 |
L'extension du dialogue à des domaines sensiblesLes domaines hautement sensibles dans le cadre des relations entre les États ACP et la Communauté européenne sont essentiellement de deux ordres car ils ont chacun des répercussions néfastes au-delà du simple cadre étatique : il s'agit, d'une part, des guerres, contre lesquelles la Convention de Cotonou entend lutter en mettant en oeuvre des mesures « [...] en faveur de la paix, de la prévention et résolution des conflits » et d'autre part, des flux migratoires165(*). La consolidation de la paix et la prévention des conflitsLes conflits armés sont récurrents dans les États ACP : en effet, nombre d'entre eux sont en proie à des guerres ayant diverses origines [ethniques, religieuses, politiques...]. L'instabilité engendrée crée de nombreux troubles et effets pervers : le Comité d'aide au développement166(*) a adopté une déclaration relative à la prévention des conflits violents167(*) dans laquelle les ministres concernés168(*) réaffirmaient leur sentiment : « [...] Nous restons convaincus que le souci de prévention des conflit doit être pleinement intégré aux efforts que nous déployons pour aider les partenaires à réduire la pauvreté, promouvoir la croissance économique et améliorer le développement durable ». Cette prise de position internationale, souligne l'incidence des conflits armés sur le développement rapide et effectif des États concernés. Cette constatation n'a pas échappé aux partenaires ACP-UE, qui ont reconnu cette imbrication, notamment dans une position commune du Conseil de l'Union européenne du 14 mai 2001, relative à « la prévention, la gestion et le règlement des conflits en Afrique ». L'Union européenne entend donc mettre au point « [...] une approche volontariste, globale et intégrée [...] ». Au même titre, les guerres entravent également la création d'un schéma politique stable, tel que l'impose la Convention de Cotonou. Enfin, les conflits armés causent des dommages importants sur les populations en cause [« enfants soldats » ou victimes de la guerre, mines anti-personnel, famine, destruction de récoltes, d'habitats, de bâtiments...]. Dès lors, la Convention de Cotonou propose, dans son article 11, de mettre en place à la fois une prévention et des systèmes de résolution de ces conflits169(*). Un axe important dans ce mécanisme réside dans « [...] un appui aux efforts de médiation, de négociation et de réconciliation [...] ». En effet, « par le dialogue, les parties contribuent à la paix, à la sécurité et à la stabilité, et à promouvoir un environnement politique stable et démocratique »170(*). La communication est donc la clé de voûte de la lutte contre le maintien et la propagation des guerres puisqu'elle intervient au niveau préventif et au stade de la recherche de solutions pré ou post conflit. La Convention de Cotonou met en place une véritable « politique » en faveur de la paix par le biais, notamment, d'une optimisation de la gestion des richesses naturelles, d'une régularisation et une réduction des armes et engins de guerre : elle agit à tous les stades du conflit mais place le dialogue au coeur même de ce système. Parvenir à résoudre des litiges naissants ou récurrents au sein d'institutions formelles ou de réunions formelles entre les partenaires ACP-UE et les principaux intéressés, à savoir les parties au litige, est un défi majeur de la Convention de Cotonou, afin que les conflits armés, qui ont déchiré les États ACP, ne soient plus un obstacle au développement. A- La participation de nouveaux acteurs au dialogue politique : l'intervention de la société civile L'approche participative est au coeur de la nouvelle philosophie de la coopération ACP-UE. L'article 2 de la Convention de Cotonou précise que « outre l'État en tant que partenaire principal, le partenariat est ouvert à différents types d'acteurs, en vue de favoriser la participation de toutes les couches de la société, du secteur privé et des organisations de la société civile à la vie politique, économique et sociale. »171(*) Ainsi, la société civile joue un rôle prépondérant dans la mise en oeuvre des réformes nécessaires à la réussite du partenariat. Il est donc logique qu'elle intervienne également en amont, pour préciser les besoins et les solutions envisageables sur le terrain. En d'autres termes, « [...] le développement et le soutien d'une culture démocratique doit se construire de bas en haut, via des programmes mis en place au niveau local afin que les citoyens puissent prendre part à des initiatives qu'ils auront eux-mêmes contribuées à mettre sur pied ». La société civile dans son ensemble figure désormais au rang des acteurs du Partenariat ». Il convient successivement d'apprécier quel est son contenu pour, ensuite, dégager ses attributions et les missions qui lui sont confiées. La société civile est un concept né sur la scène internationales pour définir tous les acteurs non étatiques, généralement exclus du dialogue politique national ou au sein d'instances communautaires ou mondiales. Pour permettre un dialogue humain et replacer les individus au coeur des réformes institutionnelles et du développement, il devenait d'associer à la fois les acteurs économiques et sociaux non étatiques et les organisations non gouvernementales. * 165 Ces deux domaines font l'objet de deux articles distincts dans le titre II de la partie 1 relatif à la « dimension politique » * 166 Ci-après dénommé CAD * 167 Déclaration des ministres « prévenir les conflits violents : orientations à l'intention de partenaires extérieurs », avril 2001. Reproduite dans les lignes directrices du CAD, « prévenir les conflits violents : quels moyens d'action ? », OCDE 2001 * 168 Le CAD est un comité spécialisé de l'OCDE. Il est composé de l'Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, et la Suisse ainsi que la Commission européenne. * 169 L'article 11 paragraphe 2 dispose : « les activités dans le domaine de la consolidation de la paix, de la prévention et du règlement des conflits visent notamment assurer un équilibre des opportunités politiques, économiques, sociales et culturelles offertes à tous les segments de la société, à renforcer la légitimité démocratique et l'efficacité de la gestion des affaires publiques, à établir des mécanismes efficaces de conciliation pacifique des intérêts des différents groupes, à combler les fractures entre les différents segments de la société ainsi qu'à encourager une société civile active et organisée » * 170 Article 8, paragraphe 3 * 171 Mukete Tahle Itoe, Courrier ACP-UE novembre 2001, p. 23 |
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