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Réflexion sur l`introduction du système de la dématérialisation des titres au porteur en droit positif congolais

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par Eric Katusele
Université de Goma -  2006
  

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§2. La dématérialisation dans son fonctionnement

La dématérialisation des titres au porteur est un système par lequel la loi française a séparé le droit du titre qui le constate. Désormais, le droit existe séparément du titre, dans un registre tenu à cet effet. L'acquisition du droit est enregistrée au profit de celui qui transige avec la société émettrice.

Ce système ne s'est pas amené de lui-même sans cause. Il a fallu que le législateur français y eût trouvé avantage sur le plan économique. C'est ainsi qu'il réduit les coûts d'émission du titre et apporte aussi certains autres avantages sur le plan fiscal.

Le système de dématérialisation en soi n'est pas sans conséquences sur la nouvelle considération que nous devons faire au titre au porteur et sur le droit qui le sous-tend. En fait, il se dégage de ce changement de nature une certaine modification en ce qui concerne aussi la circulation du titre. Il faut, à notre avis, pour pénétrer sans difficulté ce système considérer le titre au porteur dans sa nature traditionnelle (A) d'abord, et dans sa nouvelle parure (B), ensuite.

A. La forme traditionnelle du titre au porteur

Avant, le titre au porteur matérialisait le droit qui l'avait vu naître. C'est-à-dire que ce droit était incorporé au titre, il faisait corps avec le titre. Celui qui avait le titre avait aussi, de surcroît, le droit qu'il contenait en lui-même. Il s'en dégage que le droit du détenteur du titre était considéré d'une certaine manière comme portant sur une chose matérielle. Et la circulation de ce droit incorporé se faisait sous un mode de transmission, facilité par le caractère matériel du titre : la tradition du bien.

Il importe ici, d'analyser la forme que prenait le droit du propriétaire du titre et le moyen par lequel le titre circulait.

I. Le droit du propriétaire

Ce droit a été conçu comme portant directement sur le titre. Ce dernier étant une chose matérielle pouvant être déplacée, c'est donc un meuble. Il est corporel car il tombe sous le sens. C'est sous cette forme que se présente le titre au porteur. Le propriétaire a le droit de propriété sur le titre, directement, sans passer par une autre personne.

La situation appelle d'autres explications. La personne propriétaire du titre, a un droit incorporé dans ce titre. Dans l'emprunt obligataire, c'est l'obligation qui est en jeu. C'est un titre négociable représentant une fraction d'un prêt à intérêt31(*). Ce droit-là est né de son contrat avec la société qui recherchait du financement auprès de l'épargnant. Ce dernier a reçu en contrepartie de la somme qu'il prête un titre qui représente cette somme prêtée de sorte qu'il peut vendre ce titre. Il peut vendre ce titre dans le but d'obtenir de l'argent avant que la société émettrice ne lui rembourse le montant du prêt avec les intérêts naturellement. C'est ainsi que les obligations émises sur le marché primaire sont cotées dès le lendemain sur le marché secondaire où elles peuvent être revendues32(*).

Donc, l'épargnant acquiert le droit d'user de son titre, d'en jouir et d'en disposer. Il peut en jouir en tirant des intérêts sur le titre. Il a droit à ces fruits tant qu'il n'a pas aliéné son titre. Ces fruits sont concevables dans le cas où il met son titre à la disposition d'une autre personne qui en use et lui en paye les frais, il paie la jouissance qu'il en fait.

Le propriétaire du titre au porteur peut en disposer. Il peut l'aliéner ou même le détruire matériellement. L'aliénation est ici possible car le propriétaire a immobilisé son argent en achetant le titre au porteur à la société émettrice. Il peut arriver qu'il ait besoin de cette somme. Il a alors la possibilité de vendre son titre à un autre, qui en acquiert la propriété et lui paye une somme convenue. Ce dernier acquéreur a dès ce moment le titre sous sa propriété et peut en user, en jouir et en disposer aussi.

Le cas de l'emprunt obligataire est mieux illustré par ces explications. Mais rien ne change, s'il faut considérer le droit qu'a un actionnaire sur la société. En fait, même si dans le fond l'actionnaire a un droit sur la société, il détient l'action au porteur. Cette dernière est un document imprimé, portant un numéro, et qui permet à celui qui l'a en sa possession, de se considérer comme propriétaire (comme par ex., une somme d'argent). Pour transférer la propriété du titre, il suffit de le remettre matériellement. Toutefois, les statuts de la société peuvent prévoir des restrictions à la liberté de céder les titres33(*).

Ce titre a autant d'importance car il porte un droit qu'a l'épargnant sur la société émettrice. Ce droit peut se transporter sur la tête d'une autre personne à l'occasion de la disposition que l'épargnant fait du titre. S'il aliène son droit en le transférant à un autre propriétaire, le droit incorporé dans le titre se déplace aussi. C'est ainsi que circule le titre.

II. Circulation du titre

Le propriétaire d'un titre aliène son titre, et par la même occasion, le droit qui y est constaté. Mais le droit qui se transmet est un droit de créance. On dirait que l'aliénation du titre opère cession de créance. Mais cette opération se passe rapidement sans être soumise aux formalités de l'article 353 du CCCLIII, grâce à la tradition du titre.

Le droit se transmet aussi avec inopposabilité des exceptions portant sur le droit de propriété. Ces exceptions ne peuvent pas être soulevées contre l'acquéreur de bonne foi car l'article 658 du CCCLIII paralyserait ces vices. On dit alors que le titre au porteur est négociable (a) et l'article 658 du CCCLIII joue son rôle pour assurer l'efficacité à cette négociabilité (b).

a) Négociabilité du titre

La négociabilité se définit traditionnellement comme la qualité attachée à certains titres représentatifs d'un droit ou d'une créance qui permet une transmission plus rapide et plus efficace, c'est-à-dire purgeant le droit de ses vices antérieurs34(*). Transmission rapide car la tradition du titre se fait aussitôt que le titre est livré. Cette définition de la négociabilité rejoint celle retenue en Droit congolais à savoir que la négociabilité est la propriété que possède certaines créances et certains droits, et qui est de circuler (c'est-à-dire de pouvoir se transmettre) aisément (sans formalités compliquées) et sûrement (sans risque de contestation de la transmission)35(*).

Le titre au porteur est négociable, c'est-à-dire que la transmission se fait par un procédé rapide. C'est la tradition qui réalise cette rapidité dans sa transmission. Le droit que le titre constate se transmet aussi du même coup. Nous avons dit que ce droit est un lien de droit permettant à l'épargnant d'exiger à la société le paiement de la somme qui est fait l'objet de l'opération. Ceci se comprend bien pour l'obligation. Cela est aussi concevable, dans une certaine mesure, pour l'action au porteur, donnant un droit aux dividendes et au vote dans la société. C'est une forme de droit de créance qu'a l'actionnaire sur les bénéfices de la société émettrice ; mais c'est un droit de créance particulier ...

Ainsi donc, pour ce premier effet, de la négociabilité, c'est-à-dire la rapidité, la négociabilité s'appliquait bien au titre au porteur non dématérialisé. En ce qui concerne le deuxième effet, c'est-à-dire l'efficacité, il convient de dire que la transmission se fait sans opposabilité des exceptions. L'opération est opposable aux tiers par la possession du titre. Donc, la situation s'appliquait bien aux titres au porteur non dématérialisés car ils étaient considérés comme meubles corporels et l'article 658 du CCCLIII empêchait à cet effet, que le verus domino revendique son droit à l'acquéreur de bonne foi en brandissant les vices qui affecteraient ou le droit de propriété ou le droit de créance constaté par le titre.

b) Le rôle de l'article 658 du CCCLIII

Cet article s'applique sans difficultés sur les titres au porteur considérés comme des meubles corporels. Comme nous venons de le dire d'ailleurs, cet article protègerait l'acquéreur de bonne foi contre le verus domino qui chercherait à opposer les vices qui portent sur le droit de propriété transféré.

Au moment où l'acquéreur de bonne foi a la possession effective du titre, ce dernier lui appartient. Ainsi, l'article sous examen s'applique au bien acquis de bonne foi dans toute sa plénitude en justifiant le mode d'acquisition et le mode de preuve. Toutefois, l'explication de mode de preuve est complétée par l'article 624 du CCCLIII36(*).

Par son seul caractère de meuble corporel, le titre au porteur facilitait bien de choses. Il facilitait la négociation du titre et pouvait aussi servir à prouver, par sa seule détention matérielle, le droit qu'il constatait. En sus, des procédures comme celle de la saisie exécution, pouvaient bien s'appliquer sur le titre au porteur. Mais ce dernier a subi une modification dans sa nature et dans son fonctionnement.

B. Le nouveau système

Avec la dématérialisation du titre, il y a séparation entre le titre et le droit de créance qu'il constate. Le droit va désormais exister séparément du titre.

Ce système a fonctionné à partir de l'habitude qui s'est dégagée de placer les valeurs mobilières dans une caisse commune sans se soucier de leur individualité. Les droits des acquéreurs desdites valeurs mobilières sont inscrits sur un registre. Il est remis à cet acquéreur des coupons et autres certificats qui attestent l'existence de son droit.

Ainsi le droit existe dans son entièreté en dehors du titre. Il n'est plus matérialisé par le titre. Ce droit devient alors un bien incorporel. Il reste meuble car c'est un droit de créance tendant à recouvrer un meuble, pour l'obligation ; et pour l'action au porteur, c'est un meuble incorporel par détermination de la loi37(*). Le droit peut alors être envisagé dans son existence individuelle (I).

La nouvelle parure d'incorporalité du bien ne laisse pas intacte la théorie de la négociabilité du titre (II).

I. Droits du créancier

Le créancier c'est l'épargnant, le preneur du titre. C'est la personne qui a accepté le contrat d'émission de la société émettrice et a acquis un droit à l'encontre de la société émettrice par l'effet de cette acceptation. L'épargnant a donné de l'argent en prêt à la société, en cas d'emprunt obligataire ou d'action au porteur. Il s'agit-là d'un droit de créance. Il faut l'analyser dans son objet, sa source, etc. (a).

Mais, sur le marché des instruments financiers, le preneur n'atteint pas la société personnellement. Il donne un ordre de bourse à un intermédiaire et ce dernier effectue les opérations pour son compte. Le preneur a donc un lien juridique avec l'intermédiaire (b).

a) Analyse du droit de créance

Comme dans l'ancien système, l'épargnant a un droit de créance contre la société émettrice. Il a prêté une somme d'argent avec promesse de remboursement avec intérêt.

Considérée dans son objet, l'obligation qui pèse sur la société émettrice est une obligation de restituer à l'échéance une somme d'argent avec des intérêts.

Considérée dans sa source, il s'agit d'une obligation contractuelle car la société émettrice obtient par accord entre sa volonté et celle de l'épargnant que ce dernier mette à sa disposition une somme d'argent pour une durée déterminé. Il s'agit ici d'un contrat unilatéral car l'obligation ne pèse que sur une partie (la société émettrice) et à titre onéreux car l'épargnant tire de l'opération un avantage en contrepartie de celui qu'il confère. Et l'emprunteur (la société émettrice) s'engage en vue de jouir de la somme qui lui est remise, en vue de financer ses activités.

L'obligation qui pèse sur la société ne pourra être exécuté qu'après un terme déterminé selon les conditions du contrat d'emprunt.

Signalons que la situation décrite ci haut s'accommode bien avec l'opération d'emprunt obligataire qui permet à une société d'obtenir des ressources au moyen de l'émission des titres appelés obligations. La société donne son engagement de rembourser avec intérêt les sommes reçues à l'échéance convenue.

Mais nous nous avons aussi dit que sur le marché des titres financiers entrent aussi en jeu les actions. Celles-ci donnent droit à une quote-part du capital de la société. L'acquéreur d'une action au porteur a un droit de propriété sur le capital et sur les bénéfices (dividendes). Ainsi, le marché financier aide les entreprises cotées à modifier leur structure financière, c'est-à-dire à transformer la répartition de leur capital entre les divers actionnaires. L'action a une double nature, elle constitue un titre, sauf ce qui a été dit sur la dématérialisation, qui atteste que son titulaire participe financièrement à la constitution du capital de la société. Elle constitue par ailleurs un droit sur la société qui s'exerce de deux manières, à titre principal. C'est le droit au dividende et le droit de participer à la vie de la société grâce au droit de vote38(*). Le dividende constitue la rémunération de l'actionnaire, contrepartie du risque lié à l'exploitation de l'entreprise. C'est un droit au bénéfice39(*). Il a cependant un droit de créance sur la société. Mais ce droit de créance est de nature particulière car il n'est pas toujours évident qu'il aura les dividendes. La société peut décider d'affecter les bénéfices à un autre investissement, elle peut aussi faire des pertes. L'actionnaire n'est pas sûr d'obtenir le remboursement de la somme qui fait l'objet de son droit au capital car en cas de faillite, les créanciers seront remboursés en premier.

Notons cependant que pour éviter l'immobilisation de son argent, l'actionnaire tout comme l'épargnant sur obligation peut vendre son titre. C'est la négociation. Celle-ci s'opère différemment désormais en raison du système de dématérialisation des titres au porteur. Nous y reviendrons.

b) L'intermédiaire financier

Le marché boursier a comme caractéristique que les acheteurs et les vendeurs ne se rencontrent pas. Ils n'ont même pas besoin de se connaître. Ils agissent par les intermédiaires financiers. Ces derniers tiennent des comptes au nom de leurs clients. Ils ont aussi, chacun d'eux, un compte chez l'organisme émetteur.

L'intermédiaire passe un contrat avec son client. Le contrat est nécessairement un écrit40(*). Le contrat contient l'instruction donnée par le client à son intermédiaire financier afin que celui-ci procède pour son compte à l'achat ou à la vente de valeurs mobilières. Donc, en acceptant cette instruction par la conclusion du contrat, l'intermédiaire prend à sa charge une obligation d'exécuter l'instruction. Cette instruction c'est l'ordre de bourse41(*). C'est l'expression de la volonté de son auteur, il fait une offre qui doit être produite par le négociateur sur le marché afin qu'elle soit confrontée aux autres ordres produits. Cette confrontation assure son exécution et donc la conclusion du contrat dont le négociateur (intermédiaire) est chargé42(*).

L'intermédiaire a l'obligation d'exécuter donc les instructions qui lui sont données avec loyauté, diligence et doit rendre compte de la mission. Ceci montre la conception classique de l'ordre de bourse comme un mandat donné à l'intermédiaire43(*).

Le teneur de compte conservation doit apporter tous les soins à la conservation des instruments financiers. La chose déposée étant comptabilisée, le risque essentiel est celui de la disparition de l'instrument par suite du défaut de comptabilisation d'une opération ou d'une confusion entre comptes de titulaires différents. L'obligation de conservation de la chose prend donc la forme d'une stricte surveillance de la comptabilisation des instruments financiers et de leurs mouvements. C'est ce qui résume l'obligation de garde de l'intermédiaire financier44(*).

L'intermédiaire financier exécute le contrat selon les instructions qui y sont contenus. Mais il agit sans déclarer sa qualité, sauf dans certains cas que la loi française détermine45(*). Il agit donc en qualité de commissionnaire.

L'intermédiaire joue un rôle au moment de l'acquisition du titre et même au moment de sa négociation.

II. Acquisition du titre

L'épargnant achète le titre auprès de la société émettrice par les services de son intermédiaire. L'opération comporte des inscriptions faites sur un registre ad hoc (a). Les opérations d'inscription se passent aussi lorsqu'il y a négociation du droit (b).

a) Au moment de l'achat du titre

Le titre est considéré comme délivré lorsque le droit est inscrit. L'inscription suppose une suite de signe sou symboles et l'action d'inscrire ces signes46(*).

L'action d'inscrire : c'est la modalité par laquelle le droit est transféré à l'épargnant. Ce dernier acquiert son droit lorsque l'inscription est faite. C'est le fait générateur du transfert de propriété des titres et la formalité d'opposabilité aux tiers du droit du titulaire. L'inscription réalise, comme la tradition pour les titres au porteur, la mise en puissance ou en possession de l'acquéreur47(*).

L'inscription réalise alors l'opposabilité du droit acquis. C'est la date de l'inscription qui constitue la date de l'opposabilité. Le titulaire du titre peut prétendre exercer son droit à partir de ce moment. A l'égard de l'émetteur, c'est à compter de l'inscription en compte que le preneur peut exercer les droits qu'il a acquis de l'instrument financier. De même, à l'égard des tiers, le conflits entre deux acquéreurs successifs d'un contrat de vente se règle par l'antériorité de l'inscription et moins par l'opposabilité, à cause de l'absence de l'effet translatif du contrat48(*). Ainsi, l'organisme émetteur demeure propriétaire de l'instrument si, après l'avoir vendu à un signataire, l'inscription ne s'en est suivie. L'organisme émetteur peut alors le transférer à un autre signataire. Si ce dernier transfert est inscrit, ce signataire, étant de bonne foi, ne peut être contraint par le premier à restituer le titre.

Nature de l'inscrit : la doctrine s'accorde à considérer que l'inscription remplit une fonction probatoire : elle fait présumer la propriété du titulaire. « Celui qui bénéficie d'une inscription en son nom est réputé avoir régulièrement acquis les valeurs portées à son compte et en être légitime propriétaire »49(*). Entre les parties, la présomption est simple, c'est-à-dire que le vrai propriétaire peut apporter la preuve de la précarité de la détention du titulaire actuel, il peut aussi apporter la preuve du vice qui a affecté la possession (discontinuité, violence, clandestinité, équivoque, ...).

A l'égard des tiers, la nature de la présomption demeure discutée car en fait, la question est liée à celle de la négociabilité. Un courant nie le rôle probatoire de l'inscription car celle-ci constitue, pour ce courant, le titre lui-même, le titre n'existe que par l'inscription. D'où le caractère corporel n'a pas disparu50(*). Un autre courant, représenté par le Professeur François Guy TREBULLE distingue dans le processus d'émission une phase de formation du contrat, qui fait naître les droits des futurs titulaires d'instruments financiers, et une autre phase de création et de délivrance des instruments en exécution du contrat. Si les droits existent avant l'inscription, l'instrument lui-même, tel qu'il est appréhendé par le droit des marchés financiers est créé par l'inscription en compte51(*).

Nous nous attachons à la position dominante selon laquelle l'inscription réalise une fonction de preuve et nous laissons la question de déterminer la nature de la présomption à l'égard des tiers aux savantes discussions des Professeurs.

b) La négociabilité du titre

Nous avons déjà défini plus haut le terme « négociabilité ». Mais rappelons que la négociabilité du titre a, traditionnellement, deux effets, la rapidité et l'efficacité.

La situation ici, est celle du preneur qui voudrait vendre son titre avant l'arrivée de l'échéance. En vendant son titre, il vend son droit. Le problème ne se posait pas avec le titre au porteur no dématérialisé car la vente du titre opérait sans difficulté le transfert du droit de créance y constaté. Mais avec le nouveau système, le droit existe en dehors du titre. Qu'en est-il de la rapidité et de l'efficacité de la transmission du titre ?

La rapidité est assurée car la transmission se fait par virement de compte à compte. En effet, le virement prend la forme d'un jeu d'écriture qui consiste au moins en une double inscription en compte, inscription au débit d'un compte, déclenchée par l'ordre du titulaire du compte débité donné à son teneur de compte. Mais attention ! Il ne faut pas confondre la transmission des titres au porteurs devenus dématérialisés avec celle des titres nominatifs. Car l'inscription devient compliquée avec la forme des titres. Ainsi, pour les titres nominatifs l'opération de virement, initiée par un ordre du vendeur, s'opère par radiation du nom du vendeur et inscription du nom de l'acheteur sur le registre de la société émettrice dit « registre de transfert ». Ou bien l'inscription prend la forme d'une double écriture, l'une au crédit et l'autre au débit, sur les comptes tenus par les intermédiaires respectifs, ces écritures devant être répercutées dans les comptes de ces intermédiaires auprès de la société émettrice52(*).

Le grand débat a tourné autour de l'efficacité de la transmission53(*). En effet, il s'agit de s'interroger sur la protection qui est assurée au nouvel acquéreur contre l'opposabilité des exceptions car le bien est devenu incorporel donc dépourvu de l'application de l'article 658 du CCCLIII, il y a aussi absence de tradition.

Un courant, que nous avons déjà cité, nie l'incorporalité du titre en soutenant que la négociabilité se fonde bien sur la corporalité de l'inscription en compte dont la transmission serait dès lors soumise au régime de la cession des biens meubles corporels. Un autre courant nie quant à lui le fait que notre article 658 CCCLIII limiterait expressément son application aux meubles corporels. D'où son extension serait possible sur le régime d'instruments financiers dématérialisés pour paralyser la règle nemo plus juris et empêcher au verus domino de revendiquer son droit à l'acquéreur de bonne foi. Ce courant pense que l'article 658 du CCCLIII s'appliquerait bien car l'inscription en compte, comme la possession est un « signe visible »  de nature à fonder la protection du possesseur de bonne foi - titulaire inscrit - et à remplir, au-delà de la fonction probatoire, une fonction acquisitive. Toutefois, à l'état actuel du droit congolais, l'article 658 du CCCLIII ne s'applique pas aux meubles incorporels54(*). Un autre courant a estimé que l'intervention des teneurs de compte était de nature à donner aux droits de l'inscrit une vraisemblance suffisante pour que l'on déclare irrecevable toute demande de preuve contraire. D'où, pour ce courant, le titulaire du droit est protégé.

Mais, la loi - à l'occurrence la loi française - ayant donné le caractère négociable aux titres, les débats se sont tournés vers le contenu de la négociabilité plus que vers son fondement.

Ainsi, pour certains (dont Frédéric NIZARD) la négociabilité ne se confond pas avec l'inopposabilité des exceptions. « Le titre négociable est simplement un instrument qui constate un droit principalement personnel et qui facilite le transport simplifié de ce droit »55(*). D'où l'acquéreur n'est pas pour autant protégé. Le législateur aurait dû le protéger expressément. Pour d'autre, la définition de la négociabilité est ambiguë. La négociabilité suppose l'inopposabilité des exceptions. Mais il faut distinguer les exceptions affectant le droit de propriété et les exceptions qui touchent au droit de créance. Ainsi, pour eux la qualification légale de bien négociable devrait emporter l'inopposabilité des vices grevant le droit de propriété sur le bien et non l'inopposabilité des vices inhérents au bien56(*). Et le débat a continué.

Mais que devons-nous retenir en ce qui nous concerne ?

En fait, la négociabilité du titre n'entraîne pas inopposabilité des exceptions car l'acquéreur qui fait l'objet d'une action en revendication garde un recours contre l'émetteur. C'est là la forme que prend la protection de l'acquéreur. Une autre c'est l'accès à l'information sur le droit constaté par le titre grâce à la publicité des statuts ou des conditions d'emprunt. Notons que, même cette publicité est remise en cause car les opérations de bourse se passent rapidement, ce qui empêche à l'acquéreur de se renseigner sur les droits de son auteur. Il s'en suit que la doctrine propose que la règle nemo plus juris soit écartée en ce qui concerne le droit de propriété transmis et le droit de créance objet de la propriété transmise lorsque la cession se fait sur un marché réglementé (bourse de valeurs). Mais pour les cessions qui se font de gré à gré ou hors marché, seules les exceptions affectant le droit de propriété pourraient être opposables57(*).

Ainsi s'achève, l'analyse de la dématérialisation des titres au porteur dans son fonctionnement. Mais il ne suffit pas encore. Il faut que dans son fonctionnement, le système assure la sécurité des épargnants. Celle-ci est encore réclamée lorsque l'épargnant doit s'assurer d'une créance certaine.

* 31 « Produits financiers » in Collection Encarta, 2006.

* 32 Loc. cit.

* 33 « Titres au porteur » in www.google.fr, consulté le 18 mai 2006.

* 34 BONNEAU (T) et DRUMOND (F), Op. cit , p.87, n°91.

* 35 NGUYEN Chanh Tam, DARTOIS (P) et SIMON (C), Lexique du droit des affaires zaïrois, Kinshasa, UNAZA, 1972, V° Négociabilité.

* 36 Toutefois, nous pouvons retenir l'explication suivante que fait Jean-Louis BERGEL : « La possession a un effet probatoire essentiel en matière mobilière. En cas de revendication d'un bien, le possesseur qui est défendeur, n'a pas en principe à faire d'autre preuve que celle de sa possession. C'est le revendiquant qui a la charge de prouver actuel devrait invoquer un titre ou la prescription acquisitive pour faire échec à la demande » (BERGEL (JL), Droit civil. Régime général des biens, Vol.1, Kinshasa, Presses Universitaires du Congo, 1989, p.89.)

* 37 Article 4 de la loi dite foncière.

* 38 Cfr. article 1er 8° litt. 9 de l'A.R. du 22 juin 1926 sur les sociétés par action à responsabilité limitée.

* 39 « Produits financiers » in Collection Encarta, 2006.

* 40 BONNEAU (T) et DRUMOND (F), Op. Cit. , p.347, n°383.

* 41Idem, p.649, n°796.

* 42 Loc.cit.

* 43 Comp. Articles 532, 533 et 534 du CCCLIII.

* 44 BONNEAU (T) et DRUMOND (F), Op. Cit. , p.357, n°395.

* 45 Exemple, lors de l'inscription en compte, l'article L228-1 al.4 du code de commerce oblige à l'intermédiaire de déclarer sa qualité.

* 46 BONNEAU (T) et DRUMOND (F), Op. Cit. , p.85, n°90.

* 47 Loc. cit.

* 48 Loc. cit., p.86.

* 49 Idem.

* 50 C'est le point de vue du Professeur D.R. Martin cité par BONNEAU (T) et DRUMOND (F), Op. Cit. , p.87, v. note n° 4.

* 51 Loc. cit.

* 52 BONNEAU (T) et DRUMOND (F), Op. Cit. , p.85.

* 53 Idem, pp. 89 - 91.

* 54 C'est l'enseignement que donnent les Professeurs Michel DIKETE et BANKAMWABO Ignace à l'occasion de leurs cours respectifs de « Droit civil ; Les biens », « Evolution du Droit civil ; les biens » pour le premier et « Droit commercial général » pour le second.

* 55 Cité par BONNEAU (T) et DRUMOND (F), Op. cit , p.90. voir aussi le résumé de la thèse de F. NIZARD en introduisant « Titres au porteur, thèse » in www.google.fr, consulté le 18 mai 2007.

* 56 M. DUBERTRET cité par BONNEAU (T) et DRUMOND (F), Op. cit , p.90, voir infra. n°5).

* 57 BONNEAU (T) et DRUMOND (F), Op. cit , p.92.

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