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L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

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par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

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A) La vacuité des dispositions constitutionnelles relatives au contrôle juridictionnel

Les imperfections du contrôle de constitutionnalité par la chambre constitutionnelle de la Cour Suprême sont patentes au regard de la Constitution du 02 juin 1972. Nous pouvons relever les ambiguïtés de rédaction de l'article 33 (1) et le silence de la Constitution quant à la portée d'une décision d'inconstitutionnalité (2).

1- Les ambiguïtés de rédaction de l'article 33.

Cet article subordonne l'existence de la chambre constitutionnelle au bon vouloir du Président de la République. En effet on ne saurait nier que ladite chambre « n'a à ce jour jamais été réunie », et a fortiori existé. A l'appui de cette affirmation, le fait que son existence était conditionnée par celle d'un litige sur la constitutionnalité de la loi et la saisine par le Président de la République. Seule une interprétation trop extensive pourrait aboutir à affirmer l'existence de cette chambre constitutionnelle au même titre que la chambre judiciaire ou la chambre administrative. Il apparaît vraisemblablement au regard de l'ordonnance n° 76/6 du 26 août 1972 que le constituant a entendu créer une institution permanente, mais la rédaction de l'article 33 n'autorise pas à parler d'une chambre constitutionnelle sans une action du Chef de l'Etat . La permanence de la juridiction n'étant envisageable qu'une fois que les premières personnalités en sus auraient été nommées. Cela heurte certes l'idéal de justice comme s'en inquiète le Pr. Donfack Sokeng, mais cela explique aussi pourquoi elle n'a pas existé. De plus une telle institution aurait pesé sur le budget de l'Etat dans un contexte où il était probablement impossible qu'un litige naisse sur la constitutionnalité de la loi. (11)

Le silence de la Constitution quant à la décision d'inconstitutionnalité

Le constituant de 1972 est resté silencieux sur la portée de la décision d'inconstitutionnalité. Pourrait-on y voir un aveu de l'impossibilité d'un quelconque différend

10 Voir à ce sujet J. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, Paris, 19ème éd. P 176

11 Cf. supra

sur la loi comme nous l'évoquions plus haut? Nous sommes tentés de répondre à cette question par l'affirmative. Sinon comment expliquer que ni la Constitution, ni l'ordonnance n°72/6, ni l'ordonnance n°75/16 fixant la procédure et le fonctionnement de la Cour suprême ne traite de l'autorité des décisions rendues par une institution qu'on veut permanente. Dans le silence, on pourrait dire que les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance n°72/6 seraient applicables aux décisions de la chambre constitutionnelle (12). Mais loin de conforter la suprématie de la Constitution, elle l'écorcherait car laissant le Président de la République libre de promulguer une loi déclarée inconstitutionnelle. Cette vacuité de la constitution va aboutir à mettre l'institution "en veilleuse", laissant ainsi au Chef de l'Etat le soin d'apprécier la constitutionnalité des lois.

B) L'élévation du Président de la République au rang de juge constitutionnel

Le contrôle de constitutionnalité est normalement fait par un juge constitutionnel. Son organisation par la Constitution de 1961 et par suite de 1972 ne pouvait qu'aboutir à un blocage de l'institution dont l'émergence du Président de la République en tant que "véritable juge de la constitutionnalité"(13) ne pouvait qu'en être la conséquence logique. Seul il peut saisir la Cour suprême d'une question d'inconstitutionnalité (1) et il peut ensuite utiliser son pouvoir de nomination pour influencer la décision du juge constitutionnel (2).

1- Seul il peut saisir la Cour suprême d'une question d'inconstitutionnalité

La saisine de la Cour suprême d'un différend sur une loi est, selon l'expression de L. Donfack Sokeng "marqué du sceau de l'exclusion". Le Président de la République dispose seul du droit de saisir la Cour sur la constitutionnalité de la loi. Initiateur de la loi et dans un contexte de parti unique, on voit mal comment ce dernier aurait saisi la Cour d'un texte qu'il a lui-même introduit au Parlement, et qui n'a subi pratiquement aucune modification. C'aurait été se prévaloir de sa propre turpitude, et cela nul ne le peut. Au demeurant, la Constitution de 1972 étant souple, elle était révisable par une simple loi parlementaire. La seule condition étant de mettre au frontispice du texte "loi portant révision...". Un éventuel contrôle n'aurait certainement pas été libre de toute influence, l'institution étant pratiquement "rattachée" au Président de la République qui disposait d'un pouvoir d'instruction des décisions de la juridiction.

12 Au regard de cette disposition, les décisions de la Cour suprême "s'imposent aux juridictions inférieures". La valeur de la décision d'inconstitutionnalité demeure donc incertaine selon que le Président décide ou non de promulguer la loi. Ce silence des textes et surtout de la Constitution ouvre la porte à toutes les interprétations, le plus souvent pas dans le sens de la suprématie de la norme constitutionnelle.

13 Voir L. Donfack Sokeng, "Le contrôle de constitutionnalité des lois hier et aujourd'hui", op. cit.

2- La possibilité d'influencer la décision du juge constitutionnel

Appelée à se prononcer sur la constitutionnalité d'une loi, la Cour suprême devait être complétée par des personnalités nommées par le Président de la République. Aussi regrettable que cela puisse être, cette disposition offrait au Président la possibilité d'orienter la décision de la chambre. Tout un flou entoure la "compétence" et "l'expérience" des personnalités à désigner pour compléter la Cour. Rien ne permet donc d'affirmer qu'ils n'auraient pas eu pour seule compétence leur fidélité au Président et pour expérience leur militantisme vigoureux en faveur de ses idéaux. De fait, en reliant la désignation de ces membres temporaires de la chambre constitutionnelle à la saisine de la Cour, le constituant n'a-t-il pas entendu mettre entre les mains du Président un "joker" dans une hypothétique modification du projet de loi par un amendement jugé inopportun? La pratique aurait permis de se faire une idée sur la question. Pour nous, cela paraît envisageable au regard de la rédaction du texte constitutionnel.

L'inopérationnalité du contrôle de constitutionnalité par voie d'action aura pour conséquence de laisser l'autorité de la norme constitutionnelle à la "fidélité" des pouvoirs institués. Le résultat sera l'introduction dans l'ordonnancement juridique des normes manifestement inconstitutionnelles, que le juge constitutionnel ne pourra pas sanctionner et que le juge judiciaire se refusera à contrôler.

PARAGRAPHE 2: UN CONTROLE DE CONSTITUTIONNALITÉ PAR VOIE D'EXCEPTION INEXISTANT

La suprématie des règles constitutionnelles déjà non garantie par le juge constitutionnel était»aussi contestée par l'inexistence d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception. Il résultait en effet des dispositions de la Constitution du 1" septembre 1961 et de 1972 que seul était prévu c'est-à-dire organisé un contrôle par voie d'action par la chambre constitutionnelle et sur saisine du Président de la République. Le refus des tribunaux de connaître des exceptions de constitutionnalité (I) va faire l'objet d'une véritable jurisprudence tant du juge judiciaire que du juge administratif. Une jurisprudence qui consacre le caractère spécieux de la prééminence hiérarchique de la constitution (II).

I- LE REFUS REITERE DES TRIBUNAUX DE CONNAITRE DES QUESTIONS DE CONSTITUTIONNALITÉ

Le juge judiciaire et le juge administratif ont tous deux affirmé leur incompétence en matière de contrôle de constitutionnalité des lois. Cette incompétence qui peut être relevé à deux niveaux (A) n'est cependant pas à l'abri de toute critique (B).

A) L'irrecevabilité du moyen tiré de l'inconstitutionnalité devant le juge

Le juge judiciaire et le juge administratif camerounais ont fait de l'irrecevabilité du moyen tiré de l'inconstitutionnalité une jurisprudence imprégnant le droit judiciaire et le droit administratif 14). Cette irrecevabilité est justifiée par le recours aux dispositions constitutionnelles (1) dont le juge déduit son incompétence (2).

1- L'inorganisation d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception

Le refus des juges de garantir la primauté des règles constitutionnelles sur la loi est, au terme de la jurisprudence judiciaire et administrative, justifiée par la non organisation d'un tel contrôle par le constituant. A l'appui de cette position, l'article 14 de la Constitution fédérale et l'article 10 de la Constitution de l'Etat unitaire. Pour le juge camerounais, il apparaît au regard de ces dispositions que seul est prévu au Cameroun un contrôle de constitutionnalité par voie d'action, cette position est magnifiée par le juge administratif dans une affaire SGTE. Répondant au demandeur qui réclamait l'annulation d'un acte administratif sur le fondement de l'inconstitutionnalité de la loi qui lui servait de base, le juge pose "qu'à supposer même que le principe de la non rétroactivité des lois soit une règle constitutionnelle, et que la loi du 30 juin 1966 pour l'avoir méconnue soit inconstitutionnelle, en l'absence d'un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d'exception.. ."(15) il ne saurait garantir la suprématie de la règle constitutionnelle sur la loi. Le juge affirme par-là son incompétence.

2- Une incompétence déduite des textes

L'incompétence du juge en matière de contrôle de constitutionnalité par voie d'exception repose sur une lente construction à la base duquel se trouve le texte constitutionnel. Le juge estime en effet que le contrôle de constitutionnalité ne ressortit pas de sa compétence, car seule la Cour suprême dans sa chambre constitutionnelle en a l'exclusivité. Il s'agit donc d'une incompétence à deux niveaux. Comme le souligne L. Donfack Sokeng, "il s'agit d'une incompétence matérielle [et] d'une incompétence personnelle. "(16) Aussi de la lecture combinée des articles 10 et 33 de la Constitution du 02 juin 1972, le juge pose-t-il non seulement qu'il n'est pas le juge compétent en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, mais aussi qu'un tel contrôle ne peut être actionné que par le Président de la République (17). Cette jurisprudence sera fortement critiquée par la doctrine

14 voir notamment les arrêts CFJ-AP du 30/09/1969, SGTE, CFJ-CAY du 29/03/1972, Eitel Mouelle,; arrêt n°9 du 05/05/1973, ÇA Garoua,

15 Arrêt n° 68 CFJ-AP du 30/09/1969, SGTE.

16 Cf. infra

17 Tel est l'argumentaire du juge de la Cour d'appel de Garoua dans l'affaire dite "des coffres-forts" du 05/05/1973.

B) Une incompétence critiquée et critiquable

La position du juge camerounais relativement à la question de l'exception d'inconstitutionnalité soulève l'ire de la doctrine. L'idée avancée est que le juge peut exercer un tel contrôle, tant il est vrai que cela ne lui est pas expressément interdit (1). Au surplus sa position n'est pas conforme au droit car "il tire une conséquence extrême et absolue d'une règle simplement dévolutive dont on peut relativiser la portée."(18) II s'ensuit une compétence que l'on peut fonder sur la théorie des compétences implicites (2).

1- Un contrôle non interdit par les textes

L'argumentaire reposant sur la non organisation d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception par le constituant se heurte à une réplique non moins pertinente: aucune disposition constitutionnelle n'interdit au juge d'exercer un tel contrôle. Il se trouve que "si l'on peut déduire que le contrôle de constitutionnalité par voie d'action est réservé en droit camerounais au seul Président de la République, rien n'autorise à conclure à l'inexistence dans notre droit de la possibilité d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception" (19). La possibilité de contrôler la constitutionnalité des lois ne lui ayant pas été expressément refusé, l'attitude du juge camerounais ne peut qu'être contestable car, conclut L. Donfack Sokeng, il "refuse de faire usage du pouvoir d'interprétation que lui reconnaît la loi"(20).

2- L'hypothèse d'un contrôle sur le fondement des compétences implicites

Le juge camerounais aurait pu se reconnaître compétent pour examiner la constitutionnalité d'une loi à l'occasion d'un litige sans pour autant violer la constitution. Le juge est investi du pouvoir d'interpréter la loi, c'est à dire d'en déterminer la signification. En usant de ce pouvoir, il peut se reconnaître une compétence qui, sans lui être expressément attribuée, ne lui est pas clairement refusée. Les compétences implicites sont une technique d'interprétation qui consiste à combler les lacunes créées par le silence du droit, en induisant des compétences expresses l'objectif visé par le législateur pour en déduire les moyens nécessaires. Le constituant a prévu que la loi sera inférieure à la constitution. Sur le plan juridique, cela signifie qu'elle doit être conforme à la constitution. Il suit de là que toute "loi

18 M. Kamto et P.G. Pougoué, cité par L. Donfack Sokeng "Le contrôle de constitutionnalité des lois hier et aujourd'hui". Pour ces Professeurs, la seule organisation d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'action ne peut aboutir à moins d'une interprétation "par trop restrictive des textes" à la négation d'un contrôle par voie d'exception. Cette position est également celle qu'adopte le Pr. Donfack Sokeng dans son article. Une position à tout point de vue défendable, puisque le contrôle de constitutionnalité de la loi fait par le juge Marshall dans la célèbre affaire Marbury vs Madison ne reposait par sur un texte, mais sur le principe que la primauté de la Constitution oblige les juges à la faire prévaloir sur les lois qui la contredisent.

19 C'est par ce travail d'interprétation que le juge Marshall va poser le principe du contrôle de constitutionnalité. Son argumentation repose sur un postulat: "la Constitution prime sur tout acte législatif qui lui est contraire". Et la question de l'applicabilité d'une loi contraire à la Constitution apparaît "infiniment moins complexe qu'importante", car il n'y a pas de moyen terme dans cette alternative: la Constitution doit être considérée devant les tribunaux comme la loi suprême.

émanant du pouvoir législatif et contraire à la constitution doit par conséquent être écartée"(20). Il revenait donc au juge de garantir la suprématie de la Constitution. Son refus ne pouvait que relativiser l'effectivité de cette autorité.

II- LE CARACTERE SPECIEUX DE LA PREEMINENCE HIERARCHIQUE DE LA CONSTITUTION

L'effectivité de la suprématie constitutionnelle ne peut être envisagée que de manière modérée au regard des difficultés à mettre en oeuvre les garanties juridictionnelles nécessaires. De l'attitude des tribunaux et donc des juges, on relève une négation de la théorie des sources du Droit (A) et un rejet de la théorie de la hiérarchie des normes qui en est le corollaire (B).

A) La négation de la théorie de la hiérarchie des sources du Droit

II est évident que le refus du juge camerounais de connaître de l'exception d'inconstitutionnalité des lois est en soi un refus d'adhérer au principe selon lequel il existe une hiérarchie entre les différents pouvoirs normatifs (21). Cette négation est traduite par la résurgence de la nature législative de la Constitution (1) et la remise en cause de la supériorité du pouvoir constituant sur le pouvoir législatif (2).

1- La résurgence de la nature législative de la Constitution

Le juge rappelle, de fort belle manière, que "il est généralement admis que les principes contenus dans le préambule de la Constitution (...) ont valeur de principes généraux du droit, c'est-à-dire non pas supérieur mais égale à celle de la loi ordinaire"(22). La discussion sur la valeur du préambule est ainsi à l'origine du rappel "qu'il n'existe aucune catégorie particulière *et identifiable d'actes juridiques dénommés Constitution. Celle-ci se présentant toujours sous la forme et la nature d'une loi"(23). Mais au-delà de cette contestation de la valeur constitutionnelle du préambule, c'est toute la Constitution qui est ramenée à sa nature législative par le refus du juge d'exercer un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception. Qu'il l'ait voulu ou non, le juge affirme implicitement que le pouvoir constituant n'est pas supérieur au pouvoir législatif.

20 Arrêt Marbury vs Madison, 1803.

21 Cf. infra.

22 Arrêt n° 68 CFJ-CAY du 30/09/1969, SGTE.

23 Voir M. Ondoa, "La distinction entre Constitution souple Constitution rigide en droit constitutionnel français", in Annales de la faculté des sciences juridiques et politiques. Université de Douala, n° 1,2002, p 68.

2- La remise en question de la suprématie du pouvoir constituant sur l'organe législatif

En conférant aux dispositions du préambule une valeur législative, le juge en conclut que "le législateur peut y déroger expressément". Cette remise en cause de la supériorité de l'organe constituant est contraire aux principes dégagés suivant les critères posés depuis la philosophie politique des Lumières. Il résulte de cette philosophie que la hiérarchie des sources du droit place au premier rang les organes titulaires du pouvoir constituant, devant les organes législatifs et les organes exécutifs. Cette hiérarchie conditionne la hiérarchie des normes et la négation de la première ne peut que conduire au rejet de la seconde.

B) Le rejet de la théorie de la hiérarchie des normes

Le Droit conçu comme un système normatif est pensé par le juriste autrichien Hans. Kelsen qui postule que "l'ordre juridique n'est pas un système de normes juridiques placées au même rang, mais un édifice à plusieurs étages superposés, une pyramide ou une hiérarchie formée d'un certain nombre d'étages ou couches de normes successives."(24) La hiérarchie des normes dans son principe place la Constitution au sommet de la pyramide. Mais cette place n'est pas reconnue à toute la loi fondamentale car la valeur constitutionnelle de certaines de ses dispositions est discutée (1). Cette discussion conduisant à la création d'un ordre juridique dérogatoire et généralement articulé autour de la loi (2).

1- La discussion de la valeur constitutionnelle de certaines dispositions de la loi fondamentale

La jurisprudence camerounaise s'est montrée hostile à la reconnaissance de la valeur constitutionnelle de certaines dispositions figurant pourtant dans le texte promulgué sous le titre de "Constitution", en l'occurrence les principes contenus dans le préambule (25). Il ne s'est pas agit pour le juge d'opérer au sein des dispositions de valeur constitutionnelles celles qui étaient plus applicables que d'autres, mais le juge camerounais a pratiquement dénier à certaines règles la valeur qui était la leur du fait de leur élaboration par le pouvoir constituant et dans les formes exceptionnelles requises. Ce faisant, le juge a vidé la règle de toute autorité puisque "le législateur peut y déroger expressément"; celle-ci n'ayant qu'une valeur supra décrétale et infra-constitutionnelle. Il s'ensuit inévitablement la construction d'un ordre dérogatoire à la Constitution

24 H. Kelsen, cité par P. Gélard et J. Meunier, Institutions et politiques et droit constitutionnel, Paris, Montchrestien, 2im° éd. 1997. Il s'agit de l'exposé de ce que l'on appelle le nonnativisme kelsénien qui postule qu'une norme ne doit sa qualité que par rapport à sa conformité à une nonne qui lui est supérieure.

25 La doctrine camerounaise avant l'avènement de la Constitution de 1996 était divisée sur la question de la valeur du Préambule. Contre la thèse de la valeur constitutionnelle défendue notamment par MM. Minkoa She et F.X. Mbouyom, les professeurs Pougoué et Kamto nient toute valeur juridique aux dites dispositions. L'article 65 de la nouvelle Constitution a tranché.

2- La construction d'un désordre juridique infra constitutionnel dérogatoire à la Constitution

L'ordre juridique camerounais est truffé de normes dont l'inconstitutionnalité est clairement reconnue (26), mais quasiment impossible à constater par le juge. Devant l'hostilité réitérée du juge à l'égard d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, l'idée même d'un "ordre" est véritablement illusoire. On ne peut en effet parler d'ordre que dans la perspective où "toute norme juridique est application d'une norme supérieure et création d'une norme inférieure". Mais la persistance de la théorie de l'écran législatif magnifiée par le juge administratif et le refus du juge judiciaire de reconnaître aux dispositions du préambule la valeur constitutionnelle ont inévitablement conduit à la construction d'un "désordre juridique" caractérisé par l'existence de normes infra constitutionnelles dérogatoires aux principes de valeur supérieure. L'adhésion au constitutionalisme en 1996 a permis cependant de stopper cette déviance et de rétablir la règle constitutionnelle dans sa primauté.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry