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L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

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par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

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SECTION 2: UNE SUPREMATIE RESTAUREE PAR L'ADHESION AU CONSTITUTIONNALISME DU CONSTITUTANT DE 1996

L'autorité de la norme constitutionnelle semble retrouver une nouvelle vie au regard de la garantie que lui assure la constitution du 18 janvier 1996. Le moins qu'on puisse dire à l'analyse de ce texte est qu'il substitue une justice constitutionnelle déléguée à un contrôle de constitutionnalité retenue par le Président de la République (paragraphe 1). En instituant une garantie juridictionnelle inspirée du modèle européen, le constituant camerounais consacre irrémédiablement le caractère obligatoire des règles constitutionnelles (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1: D'UN CONTROLE DE CONSTITUTIONNALITÉ RETENU A UNE JUSTICE CONSTITUTIONNELLE DELEGUEE

Le 21 avril 2004, le Président de la République promulguait la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel. De l'avis de certains, ce texte place le Cameroun "sur la voie d'une modernité juridique irréversible" car "il s'agit de nouvelles avancées en vue d'une consolidation de l'Etat de droit"(27). Pour le juriste, c'est surtout l'option ferme du Cameroun pour une véritable justice constitutionnelle libérée de l'emprise du politique. Cette rupture est marquée par la création du Conseil constitutionnel, juridiction spécialisée (I) et institution permanente et indépendante (II).

26 Cf. infra.

27 Makon ma Pondi, "Une innovation majeure", in Cameroon Tribune du 22 avril 2004.

I- LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, UNE INSTITUTION SPECIALISEE DANS LE CONTROLE DU RESPECT DE LA CONSTITUTION

L'analyse combinée des dispositions constitutionnelles et de la loi portant organisation du Conseil constitutionnel autorise à conclure qu'il s'agit d'une institution spécialisée. Cette spécialisation tient à ce que l'institution se situe en dehors de l'ordre judiciaire (A) et s'attache également à sa nature (B).

A) Une institution en dehors de l'ordre judiciaire

Alors que le pouvoir judiciaire fait l'objet du titre V de la Constitution, le Conseil constitutionnel est traité dans un titre VII qui lui est entièrement consacré. Le constituant opère déjà une distinction entre le pouvoir judiciaire qui est "exercé par la Cour suprême, les Cours d'appel et les tribunaux"(28) et la juridiction chargée d'être la "bouche de la constitution"(29). Aussi l'organisation de ladite juridiction ne pouvait que traduire cette spécialisation qui repose sur les conditions spéciales exigées des éventuels conseillers (1) et l'exclusion explicite des juges (2).

1- Des compétences spéciales exigées des éventuels Conseillers

Les postulants au poste de Conseillers doivent satisfaire à des exigences particulières. Ces exigences portent sur un double plan car aux termes de la Constitution:

"Les membres du Conseil constitutionnels sont choisis parmi les personnalités de réputation professionnelle établie.

Ils doivent jouir d'une grande intégrité morale et d'une compétence reconnue"(30).

Il transparaît dans cette disposition une volonté de faire de la juridiction constitutionnelle un organe spécialisé, en exigeant de ses membres une compétence en matière constitutionnelle (31). En poussant un peu plus loin notre analyse, nous pouvons dire que l'application rigoureuse de cette disposition aboutirait comme en France à un privilège des professeurs de droit dans la désignation des membres du Conseil (32). Cela ne pourrait que servir l'autorité de la norme constitutionnelle dont la garantie est une condition préalable à

28 Article 37 alinéa 2 Constitution de 1996

29 L'expression est empruntée à Montesquieu, cité par D. Rousseau, "Une résurrection: la notion de Constitution", in RDP, 1990, pp 5 et SS.

30 Article 51 alinéa 1 §2 Constitution de 1996.

31 Le texte ne précise pas exactement le domaine de cette compétence, mais il la technicité de la matière conduirait en toute logique à une mise en avant du champ des sciences juridiques et politiques comme domaine par excellence.

32 Le Conseil constitutionnel français comprenait en 2001 huit juristes sur les neuf membres. Pour une étude plus approfondie, voir D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit. pp 40 et SS.

l'avènement d'un Etat de droit. En même temps ces exigences semblent exclure les juges de l'ordre judiciaire.

2- L'hypothèse de l'exclusion des juges de l'ordre judiciaire

Le juge judiciaire peut-il être membre du Conseil? Une réponse affirmative semble devoir s'imposer au regard tant des dispositions constitutionnelles que de la loi fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel. L'exclusion des juges de la haute cour est toutefois expressément posée par cette loi organique qui dispose que "les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec la qualité de membre de la Cour suprême". En ce qui concerne les juges des Cours d'appel et des Tribunaux, leur exclusion est plus problématique. En effet, le pouvoir dont dispose le Conseil supérieur de la magistrature en matière de nomination des membres du Conseil laisse subsister la possibilité qu'un juge "ordinaire" puisse siéger au Conseil. C'est une hypothèse très probable au regard notamment de l'exigence d'une "réputation professionnelle établie" sans précision du domaine. Mais loin de relativiser l'option d'une prépondérance de juriste dans le choix des membres du Conseil, elle la conforte et ne peut que contribuer à renforcer le caractère spécialisé de cette juridiction dont la nature reste à préciser.

B) Une spécialisation attachée à sa nature

Le Conseil constitutionnel est un organe à la fois politique et juridictionnel (1). Mais c'est aussi une juridiction spéciale garante de la suprématie constitutionnelle (2).

1- Un organe politique et juridictionnel

La détermination de la nature du Conseil constitutionnel français a fait l'objet d'une controverse doctrinale. Une partie de la doctrine postulait la nature politique alors que l'autre optait pour la thèse juridictionnelle (33). L'organisation du Conseil constitutionnel camerounais pourrait de même susciter un tel débat. Mais ce serait ignorer les doubles fonctions du Conseil qui en font indubitablement un organe à la fois politique et juridictionnel. En effet la régulation du fonctionnement des pouvoirs publics qui lui est dévolue fait dire à L. Donfack Sokeng qu'il "ne pourra se déterminer qu'en tenant compte des enjeux politique de la question sur laquelle il serait appelé à statuer" (34). De l'autre côté, l'on s'attend à un débat

33 Voir sur cette controverse D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, op cit. pp 53 et SS.

34 L. Donfack Sokeng, "Le contrôle de constitutionnalité des lois hier et aujourd'hui", op cit. 396.

juridique sur le contrôle de constitutionnalité qui fera ressortir le rôle éminemment juridictionnel de l'institution. Aussi, une analyse de la nature de l'organe sans tenir compte de cette ambivalence serait partielle sinon partiale. Cette ambivalence n'empêche cependant pas de poser préalablement que le Conseil est garant de la suprématie constitutionnelle.

2- Une juridiction spéciale garante de la suprématie constitutionnelle

Le Conseil constitutionnel est d'abord "l'instance compétente en matière constitutionnelle"(36) dont le rôle est de garantir la suprématie des règles issues de la législation constitutionnelle. Ses compétences, qui se déclinent à la fois sur l'angle politique et sur l'angle juridictionnel(37), ne peuvent s'analyser sans une intégration préalable de cet objectif qui est au fondement même de son existence. Le Conseil devrait, au travers de sa jurisprudence, se substituer au Président de la République dans le rôle de gardien de la Constitution; c'est du moins le voeu de la doctrine camerounaise. Cette garantie par une activité intense du juge constitutionnel pourrait aboutir non seulement à la consécration effective de la valeur constitutionnelle du préambule par la sanction de la violation des principes qu'il contient, mais surtout à la transformation comme en France de la Constitution en "charte jurisprudentielle des droits et libertés"(38). Ceci est fort possible au regard du statut de l'institution

II- UNE INSTITUTION PERMANENTE ET INDEPENDANTE

Contrairement à la chambre constitutionnelle, le Conseil constitutionnel jouit d'une permanence et d'une indépendance statutaire. Organe créé par le souverain (A), elle entretient un espoir certain au regard du statut particulier de ses membres (B).

A) Un organe créé par le Souverain

La garantie de la suprématie de la norme constitutionnelle est assurément renforcée par le fait que cette garantie a elle-même une valeur constitutionnelle. Ce qui est une rupture par rapport à la chambre constitutionnelle dont il est avéré que son existence n'était pas acquise de droit. Celle du Conseil constitutionnel repose sur la promulgation de la constitution du 18 janvier 1996 (1) et sur l'impossible blocage du Président de la République dans sa mise en place effective (2).

36 Article 46 Constitution de 1996.

37 Cf.infra.

38 Le Pr. D. Rousseau pense que l'activité du juge constitutionnel est à l'origine de la résurrection de la Constitution qui n'était plus déjà qu'une "notion en survivance". Par sa jurisprudence, le Conseil est parvenu à créer un "espace ouvert à la reconnaissance indéfinie des droits et libertés." Lire aussi les développements plus importants dans D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit. pp 385 et SS.

1- L'existence du Conseil par la promulgation de la Constitution du 18 janvier 1996

Le Conseil constitutionnel est crée par la Constitution du 18 janvier 1996 dont la promulgation l'a rendu juridiquement existante (39). En d'autres termes, le Conseil constitutionnel existe depuis le 18 janvier 1996, sous réserve de sa mise en place effective; les lois organiques portant d'une part sur son organisation et son fonctionnement, et d'autre part sur le statut des membres ayant déjà été promulguées. Ne reste plus attendue que la nomination des membres que l'inexistence matérielle du Sénat pourrait encore retarder. A moins que le Président de l'Assemblée nationale se reconnaisse, sur le fondement des dispositions transitoires, le pouvoir de désigner en sus de ses trois membres, ceux dont le pouvoir de nomination appartient au Président du Sénat. Ce qui serait contraire aux dispositions constitutionnelles, car cette nomination est une prérogative du Président du Sénat et non du Sénat. Quoiqu'il en soit, le Conseil ne saurait être bloqué à ce niveau par le Président de la République.

2- L'impossible blocage dans la mise en place effective du Conseil

Assurément il n'en sera pas du Conseil constitutionnel comme de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême qui ne vît jamais le jour du fait de "l'inertie" du Président de la République. Pour mieux marquer cette différence, la Cour suprême exerce déjà les attributions du Conseil et l'on peut déjà parler d'une jurisprudence constitutionnelle en l'absence d'un Conseil constitutionnel. Il est improbable que le Conseil constitutionnel ne voit pas le jour pour quelques raisons que ce soit, et surtout pas par une inaction du Président de la République. Contrairement à la compétence dont il disposait sous la Constitution de 1972, celle de la Constitution de 1996 est indubitablement une compétence finalisée: il doit désigner trois membres et prendre le décret qui entérine la nomination des membres du Conseil dès l'instant où tous les autres membres ont été désignés par les autorités compétentes. Une fois nommés, les juges jouissent d'une indépendance dans l'exercice de leurs fonctions.

B) Un statut particulier pour le juge constitutionnel

L'efficacité d'une justice repose sur l'indépendance de ceux qui sont chargés de la rendre. Sous ce prisme, l'efficacité du Conseil constitutionnel ne peut faire l'objet d'un doute. L'autorité de la règle constitutionnelle peut certainement envisager un avenir prometteur tant

39 En s'interrogeant sur la valeur constitutionnelle des dispositions suspendues d'application par l'effet des dispositions transitoires, le Pr. Ondoa soutient que celles-ci ont une force obligatoire indéniable. L'on peut postuler sur cette théorie l'existence d'un Conseil constitutionnel au Cameroun qui "résulte de l'existence juridique de l'acte" qui le crée; laquelle existence est prouvée par "sa promulgation et sa publication." Cette reconnaissance, poursuit M. Ondoa implique une "obligation" pour les pouvoirs publics de procéder à sa "mise en application". Lire à propos M. Ondoa, "La Constitution duale: Recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun", op. cit. pp 50 et SS.

il est vrai que le juge constitutionnel, inamovible (1) et couvert d'immunités (2) dans l'exercice de ses fonctions, a les arguments nécessaires pour assurer efficacement la primauté de la Constitution.

1- Un juge inamovible

Les membres du Conseil constitutionnel sont nommés pour un mandat de neuf ans non renouvelable (40). Après sa nomination, le juge n'est plus lié par celui à qui il doit d'être « Conseiller ». Certainement la culture de l'ingratitude commencera par le Conseil. En effet le mandat du juge constitutionnel est non susceptible de révocation (41). L'inamovibilité est la pierre angulaire de la construction de toute indépendance de la justice. En consacrant au plus haut niveau cette prérogative du juge constitutionnel, le constituant a certainement entendu mettre le juge dans les conditions idéales d'objectivité et d'impartialité qui sied à toute bonne administration de la justice et plus encore de la justice constitutionnelle. Cette inamovibilité est complétée par les immunités.

2- Un juge couvert d'immunités

Aux termes de la loi fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel, "aucun membre du Conseil constitutionnel ne peut être inquiété, poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions"(42). Une saine interprétation de cette disposition aboutirait à l'idée que cette immunité couvre le Conseiller pendant et après la fin de son mandat. La thèse contraire ne pouvant qu'être préjudiciable à l'indépendance du juge qui pourrait alors craindre d'éventuelles représailles à «la fin de son mandat. Toutes ces précautions ne peuvent qu'induire la naissance d'une véritable justice constitutionnelle au Cameroun, consécration du caractère obligatoire de la Constitution.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote