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L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

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par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

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PARAGRAPHE 2: L'OFFICE DU JUGE CONSTITUTIONNEL

L'activité du juge constitutionnel régulièrement saisi d'un litige sur la loi est organisée par la loi du 21 avril 2004. L'analyse des dispositions relatives à l'office du juge amène à la conclusion selon laquelle il faut quelques modifications et quelques précisions sans lesquelles l'instance serait entravée, aboutissant ainsi à une protection lacunaire de la Constitution. Celles-ci intéressent autant les normes de référence du contrôle (I) que la procédure (II).

I- LES NORMES DE REFERENCE DU CONTROLE

Ni la Constitution ni la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel ne s'intéressent aux normes qui feront l'objet de référence dans le contrôle des lois. C'est par une simple interprétation de l'article 47 de la Constitution et, en recourant à la doctrine, qu'on peut esquisser une énumération des dits textes. De là il résulte que si le "bloc de constitutionnalité" occupe une place prépondérante (A), il reste un doute quant à un contrôle par référence aux traités et accords internationaux (B).

A) La prépondérance du "bloc de constitutionnalité"

Le terme n'est plus très utilisé aujourd'hui, car la doctrine semble être revenue depuis le début des années 1980 à celui de Constitution. Au demeurant, la constitutionnalité de la loi devrait être appréciée au regard tant de la constitution de 1996 (1) que des principes de valeur constitutionnelle (2).

1- La constitutionnalité de la loi appréciée par rapport à la Constitution de 1996

La Constitution du 18 janvier 1996 devrait être le premier texte auquel se référera le juge constitutionnel. Cette hypothèse se dégage logiquement de l'essence même du contrôle de constitutionnalité qui est de veiller au respect de la Constitution par la loi. Le juge devra donc rechercher la régularité de la loi par confrontation de ses dispositions aux principes énoncés par la Constitution. C'est d'ailleurs la référence aux articles 46, 47 et 48 alinéa 1, 50 et 67 alinéa 4 de la loi fondamentale de 1996 qui est posée comme préalable par le juge constitutionnel saisi du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, dans sa décision du 28 novembre 2002. Le terme "Constitution" est ici englobant, car il intègre le préambule qui, aux termes de la loi fondamentale de 1996 "fait partie intégrante de la Constitution". Déjà les normes de référence du contrôle révèlent leur caractère pluriel. Sous ce fondement, le juge constitutionnel pourrait véritablement retrouver une compétence qui lui était dévolue dans l'avant-projet de constitution de 1994: "juge de la violation des droits et libertés". Dans ce rôle, le juge constitutionnel contribuerait incontestablement et pour une part importante à l'émergence de l'Etat de droit qui semble être l'objectif du constituant.

2- Les principes de valeur constitutionnelle de référence du contrôle

Ils sont contenus dans les textes internationaux auxquels renvoie expressément le préambule de la Constitution. Le constituant camerounais, en intégrant le préambule dans la Constitution, confère par cela même valeur constitutionnelle aux principes qu'il contient et aux textes auquel il renvoie. Il s'agit de "la déclaration universelle des droits de l'homme, la charte des Nations Unies, la charte africaine des droits de l'homme et des peuples et toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées"(15). On peut postuler à bon droit que cette intégration renforce davantage l'idée de la constitution comme en France et par l'activité du juge constitutionnel d'un espace exclusif des gouvernés. Cette multiplicité laisse cependant en pan la question de l'intégration des traités internationaux.

B) La problématique de l'intégration des Traités internationaux

Le problème qui se pose ici est de savoir si la constitutionnalité de la loi peut être appréciée par rapport à une convention internationale. Deux éléments nous autorisent à répondre à cette question par l'affirmative: la supériorité de la convention sur la loi (1) et l'obligation de l'Etat sur le principe de la réciprocité (2).

5 Voir le Préambule de la Constitution du 18 janvier 1996

1- Un contrôle fondé sur la supériorité de la norme internationale

Aux termes de la Constitution du 18 janvier 1996, "les traités ou accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois"(16). En admettant que la supériorité entraîne nécessairement la conformité, la loi devra donc démontrer sa conformité à la norme internationale. Empruntant la voie tracée par la Cour de cassation qui écarte l'application d'une loi postérieure contraire à un traité(17), le Conseil constitutionnel français a admis le traité comme norme de référence du contrôle de constitutionnalité des lois en affirmant que "l'Etat est en droit de définir les conditions d'admission des étrangers sur son territoire sous réserve du respect des engagements internationaux et des principes de valeur constitutionnelle (18). De plus il serait illogique que le traité, qui est capable de modifier la Constitution le cas échéant, puisse être contredit par une simple loi parlementaire. Le respect étant déjà posé par un principe dont la valeur constitutionnelle est implicitement admise.

2- Le contrôle sur le principe réciprocité

En contredisant une norme internationale dûment ratifiée ou approuvée par une disposition législative, l'Etat engage sa responsabilité sur le plan international. L'édiction d'une loi contraire à la convention ne rend cependant pas la norme illégale(19). Mais parce que l'Etat s'est engagé à remplir son obligation, non seulement en organisant la subordination de la Constitution à l'ordre juridique international mais aussi en lui conférant une valeur supérieure à la loi, toute norme dérogatoire devrait pouvoir être sanctionnée par le juge constitutionnel sur le fondement du principe la réciprocité. Le juge constitutionnel camerounais gagnerait certainement en s'inspirant des solutions de son homologue français. Celles-ci ont le mérite de ne pas contredire les dispositions de la Constitution camerounaise. On devrait avoir un contrôle profond qui ne sera cependant pas aisé au regard de la procédure.

II- LA PROCEDURE DUCONTROLE DE CONSTITUTIONNALITÉ

La procédure de contrôle de constitutionnalité telle que prévue par la loi du 21 avril 2004 frappe par son exhaustivité. Au point où on s'inquiéterait de son efficacité, si elle n'avait

16 Article 45

17 Le Conseil d'Etat n'a pas rapidement adhéré comme la Cour de Cassation à l'idée que la suprématie du traité sur la loi impliquait la conformité de la loi et le cas échéant la sanction de celle-ci. Dans un arrêt du 24/05/1975 Société des cafés Jacques Vabres, la Cour de cassation écartait l'application d'une loi postérieure contraire à un traité. Le Conseil d'Etat suivra dans un arrêt du 20/10/1989, Nicolo.

18 CC 92-307 DC, 25/02/1992. Lire les commentaires de D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit. pp 116 et SS.

19 Voir N. Quoc Dinh et alii. Droit international public, LGDJ, Paris, 6e""' éd. 1999, p 59.

fait ses preuves sous d'autres cieux. C'est une procédure simple, révélatrice d'un Conseil- juridiction (A) qui gagnerait à être améliorée (B).

A) Une procédure révélatrice d'un Conseil Constitutionnel - juridiction

En analysant la procédure de contrôle de la constitutionnalité des lois, la nature juridictionnelle du Conseil constitutionnel apparaît indubitablement. De l'ouverture de l'instance au prononcé de la décision, on perçoit un souci de juridiciser le débat politique sur la loi (1) et une mise en avant du principe du contradictoire qui caractérise un procès (2).

1- La juridicisation du débat politique sur la loi

Le Conseil n'est pas saisi d'un débat politique, mais d'un différend sur la constitutionnalité d'une loi. Sous ce rapport, la loi du 21 avril 2004 précise que cette saisine se fait "par simple requête datée et signée du requérant"(20). Cette requête doit obligatoirement "être motivée et comporter un exposé des moyens de fait et de droit qui la fondent"(21). Autant dire que le juge constitutionnel n'entend pas être pris dans des discussions portant sur des idéologies; plutôt il devra être l'arbitre impartial qui apprécie souverainement la valeur des arguments juridiques développés pour et contre la constitutionnalité de la loi. D'ailleurs précise la loi du 21 avril, "les décisions et avis du Conseil constitutionnel comportent (...) les moyens de fait et de droit dont il est saisi, les motifs sur lesquels ils se fondent et un dispositif'(22). Il est évident qu'il s'agit d'un procès opposant deux parties.

2- Le contrôle: un procès opposant deux parties

Le contrôle de constitutionnalité des lois est un procès qui oppose deux parties. Le caractère contradictoire de la procédure est expressément posé par la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel. Non seulement ce texte dispose que "la procédure devant le Conseil constitutionnel est (...) contradictoire"(23), mais en plus l'utilisation des termes comme les "parties" et l'obligation pour le Conseil saisi de l'inconstitutionnalité d'une loi d'en donner avis au Président de la République et aux Président des chambres du Parlement pour information de leur membres respectifs (24) confirment la thèse d'un procès. Devant le juge on devrait ainsi retrouver un demandeur et un défenseur qui

20 Article 19 alinéa 1 in fine

21 Article 19 alinéa 2

22 Article 14 alinéa 1

23 Article 57

24 Article 19 alinéa 3

essayent de convaincre le juge au moyen d'argument de droit de la justesse de leur cause. Il reviendra au juge de s'élever au-dessus de cette querelle pour remplir effectivement son rôle de gardien de la Constitution. Les moyens mis à sa disposition ne facilitent pas vraiment cette tâche.

B) Une procédure à améliorer

La procédure constitutionnelle pèche par sa brièveté (1) et le secret des débats (2).

1- Un délai trop bref pour l'instance

Aux termes de la loi du 21 avril 2004, "le Conseil constitutionnel doit se prononcer dans un délai de quinze jours"(25). Ce délai est très court en France où il est prévu que le juge rend sa décision un mois après saisine (26). On peut comprendre le souci du constituant de ne pas vouloir retarder indéfiniment une loi qui pourrait se révéler ne contenir aucun élément d'inconstitutionnalité, mais ce délai ne laisse pas vraiment à l'instruction de se faire avec beaucoup de sérieux. De plus, ce délai peut être ramené à huit jours si le Président de la République en fait la demande (27). Il ne paraît pas possible, sous réserve de la pratique, que l'instruction prévue aux articles 60 et 61 de la loi du 21 avril 2004 soit correctement conduite en un temps si bref. Une prorogation est d'autant plus nécessaire que les travaux du Conseil portent sur le rapport du Rapporteur chargé de l'instruction (28). Il ne faudrait pas que ce rapport souffre dans son objectivité d'un manque de temps et soit à l'origine d'une mauvaise décision. Certainement un examen parallèle du dossier par chaque juge comme cela se fait en France contribuerait à atténuer les effets de cette brièveté du délai imparti au Conseil.

2- Un débat sur la loi marqué par le secret

Dénonçant le caractère secret des débats devant le Conseil constitutionnel français, Dominique Rousseau affirme que l'autorité des juges constitutionnels et de leurs décisions, leur indépendance, leur respectabilité "ne sont pas remises en cause ou amoindries par la connaissance publique de leur débats, des votes et des opinions dissidentes"(29). La procédure constitutionnelle au Cameroun se caractérise par un secret total que ne vient écorcher que la publicité de la décision qui est rendue en séance publique et publiée au Journal Qffîciel(30).

25 Article 19 alinéa 4

26 Voir à ce propos l'article 61 alinéa 3 de la Constitution du 4 octobre 1958

27 Article 19 alinéa 4 in fine

28 Article 61 et 63

29 D. Rousseau Droit du contentieux constitutionnel, op cit. p 36.

30 Article 15 alinéas 1 et 2 et article 64.

La question est donc de savoir si ce secret, qui est décrié ailleurs, justifie d'une pertinence au Cameroun. On peut y voir dans son principe le souci d'offrir au juge plus d'assurance. Le secret participerait ainsi de la volonté de faciliter les premiers pas d'une justice dont tout le monde n'est pas partisan, et dont certains relèvent le caractère non démocratique (31), renforcé par une désignation discrétionnaire de ses membres. Rien n'empêche qu'il y ait par la suite une évolution par une pratique des juges. Cela ne pourrait que contribuer à l'affermissement de la règle supérieure.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery