WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

( Télécharger le fichier original )
par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CONCLUSION GENERALE

Une réflexion sur l'autorité de la norme constitutionnelle aujourd'hui ne peut se faire en faisant abstraction d'un contexte interne et international en perpétuelle mutation. Assurément une telle étude aboutirait à un résultat autre que celui auquel nous sommes parvenus si elle avait été faite avant 1996. Le 18 janvier 1996, le Cameroun affichait aux yeux du monde un visage différent, fondamentalement revigoré par une cure dans les eaux du constitutionnalisme moderne caractérisé par son libéralisme. Emergeant aux aurores d'une année véritablement nouvelle, la Constitution du 18 janvier 1996 introduisait des données sans lesquelles la présente étude perdrait tout intérêt en tant que contribution à l'étude du droit constitutionnel camerounais rénové.

L'autorité de la norme constitutionnelle doit aujourd'hui faire face à de nombreux impératifs. Celle d'abord de la relativisation de son socle: le pouvoir constituant. "Pouvoir de droit originaire et suprême", il autorisait la construction non pas d'un principe, mais d'une règle fondamentale du droit constitutionnel: la suprématie des normes issues de ce que le Pr. Charles Eisenmann nomma "la législation constitutionnelle". Après plus de deux cents ans, la Constitution méritait d'être reconsidérée. Changer pour devenir, ou plutôt redevenir ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être: la "garantie des droits". A force de n'être que la technique de séparation des pouvoirs, elle avait fini par se confondre à elle. Mais en renvoyant généralement à la loi organique pour traduire les principes qu'elle pose, la Constitution démontre qu'elle n'est pas le seul texte qui traite du pouvoir. Aussi était-il important pour nous de rechercher dans le juridique le fondement de l'autorité de la règle constitutionnelle, les raisons pour laquelle dans l'ordre juridique interne, elle trouve sa place au sommet de la "pyramide des normes" et cela même si certaines normes en dessous d'elle ne lui sont pas conformes.. Ce fondement, nous l'avons trouvé en le pouvoir constituant qui seul peut élaborer des règles de valeur constitutionnelle, car "la Constitution suppose avant tout un pouvoir constituant." Sous ce postulat on pourrait donner à n'importe quelle norme la valeur suprême, même s'il s'agit des règles sur l'abattage d'animaux; il faudrait pour cela qu'elle soit posée par le souverain constituant.

Pourtant, l'exclusivité du constituant en matière constitutionnelle permet moins de construire la notion de Constitution que d'expliquer que cette dernière est dans l'ordre interne "le mètre" qui juge de la validité de toutes les autres normes. A moins de préciser que le pouvoir constituant est souverain. La souveraineté du pouvoir constituant est incontestable liée à son détenteur: le peuple. De cette souveraineté il tire une liberté totale et absolue lorsqu'il élabore la règle constitutionnelle. Tel est du moins le principe. A l'époque moderne, la liberté du pouvoir constituant doit nécessairement composer avec les données inhérentes à toute participation à une société. L'abandon progressive de la "folie des grandeurs" s'accompagne de l'immixtion chaque jour un peu plus croissante d'un droit que certains qualifient de supranational et de super étatique, dans la sphère du droit interne. Par exemple, près de 70% des textes en vigueur aujourd'hui dans l'Union Européenne sont votées par le Parlement Européen. De même qu'en Afrique, le droit uniforme OHADA conquiert progressivement un champ d'action de plus en plus vaste; champ qui hier encore était de la compétence du droit interne sous l'autorité de la règle de droit suprême. Mais tout ceci ne présente qu'un intérêt moindre au regard de la mondialisation des droits de l'homme. Rien ne semble aujourd'hui échapper aux tentacules de cette notion qui impose et s'impose comme "l'idéal commun" de l'humanité, et donc rassemblant derrière lui toute la communauté internationale. Devenu l'étalon de valeur, le respect des droits de l'homme permet de mesurer le degré de "civilisation" de chaque membre du concert des nations. Un concert qu'on voudrait harmonieux, débarrassé des aléas culturels, religieux et idéologiques. Sous ce rapport, aucun Etat ne peut justifier sa violation d'une obligation internationale par le recours à son droit interne. Autant dire avec le Commissaire du gouvernement Frydman dans ses conclusions sur l'affaire Nicolo que "l'époque de la suprématie inconditionnelle du droit interne est révolue."(l)

Cependant, on ne saurait contester qu'il reste souverain, qu'il est de son essence de pouvoir ce qu'il voudra et comme il voudra. Au surplus peut-on affirmer pour tenter une vaine limitation de ce pouvoir, que "le pouvoir de tout faire n'en donne pas le droit." Mais on devrait encore se résoudre à admettre comme le fait déjà la science constitutionnelle et cela bien avant le juge constitutionnel qu'"il est de l'essence de la puissance souveraine de ne pouvoir être limitée; elle peut tout ou elle n'est rien."(2) Sous ce prisme, on ne peut que convenir avec le Pr. Prosper Weil pour qui "le droit public tient du miracle".

La souveraineté du pouvoir constituant réactualise la question de la subsidiarité de toute organisation du pouvoir que soulevait déjà Stéphane Rials.(3) "Un peuple est toujours maître de changer ses lois, même les meilleures", du moment qu'elles se révèlent inaptes à

1 Cité par M. Ondoa, "La distinction entre Constitution souple et Constitution rigide en droit constitutionnel français" in Annales de la faculté des sciences juridiques et politiques. Université de Douala, n° 1 année 2002, p 105

2 J.J Rousseau, cité par I. Abiabag, Cours de Droit constitutionnel. Université de Douala, 1999 - 2000.

3 Cet auteur rappelle que "la volonté générale, même constitutionnelle, ne peut porter atteinte à la liberté et à l'égalité des droits qui lui sont liées." Pour lui le fondement du droit "réside dans le respect de la personne dans sa vie et sa dignité." De cela conclut-il, on peut postuler "l'organisation du pouvoir et la subsidiarité de cette organisation par rapport à la personne." Mais pratiquement, cette question est moins délicate, car il n'existe pas de juge du Constituant. Aussi peut-il poser des règles qui portent atteinte à cette égalité. Dans ce sens, le constituant camerounais de 1996 proclame à la fois l'égalité de tous les hommes en droits et en devoirs et la protection des "droits des populations autochtones." Il s'agit là de ce que le Pr. Donfack Sokeng a qualifié de "définition plurielle et contradictoire de la citoyenneté républicaine." De plus, il faut reconnaître qu'un droit qui n'est pas posé sous forme de règle par l'autorité compétente ne peut être légitimement réclamé.

jouer le rôle de régulateur social qui leur est dévolu, avec le degré d'efficacité le plus élevé qu'on puisse espérer. Certes comme l'a prouvé le cas togolais, la recherche de l'efficacité de la règle n'est pas toujours au principe d'une modification de la norme constitutionnelle. Dans ce cas, la souveraineté du pouvoir constituant se révèle dans son aspect le plus négatif, car si elle assure à la Constitution une notoriété incontestable, elle est aussi à l'origine de sa vassalisation au pouvoir.

La suprématie des règles constitutionnelles ne peut se concevoir à l'époque moderne qu'en ayant à l'esprit cette idée de souveraineté du pouvoir constituant. Une souveraineté de la quête d'un mieux-être. Non seulement celui du peuple de l'Etat, mais aussi celui de la communauté internationale. En effet la frontière n'est plus aujourd'hui la limite du droit interne. Le droit interne de l'Etat "traque" ses ressortissants jusque dans le territoire d'un autre Etat, tandis que le droit international se libère progressivement de ses présupposés classiques pour saisir directement l'individu à l'intérieur de la frontière sans nécessairement recourir à l'Etat. Cela n'est absolument pas une contestation de la supériorité de la Constitution, du moment où elle consacre la ratification comme le "mécanisme autosuffisant" pour l'application d'une norme internationale au Cameroun. La relation Droit interne - Droit international est assez complexe pour être réduite à une simple question de hiérarchie. La ratification d'un engagement international ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution lorsque la norme internationale est contraire à la loi fondamentale; mais une fois ratifiée, elle prend place dans l'ordre interne après la Constitution. Car s'il existe des normes supérieures à la Constitution, celles-ci n'appartiennent cependant pas au système et ne sont pas d'une supériorité hiérarchique.

L'autorité de*la norme constitutionnelle ne saurait cependant se réduire à une affirmation de principe. Incontestablement la loi fondamentale du 18 janvier 1996 trône majestueusement au-dessus de l'édifice institutionnel du Cameroun, rassurée par un contrôle de constitutionnalité qui a fait défaut à une réclamation identique de ses devancières. Mais au-delà, il était intéressant de s'interroger sur toutes les conséquences de cette position. Longtemps ignorée, la question de la conformité fait une rentrée fort remarquable dans le droit constitutionnel camerounais de l'ère libérale. La justice constitutionnelle est au fondement de ce renouveau. Sa particularité: elle est calquée sur un modèle réclamant à son profit une forte légitimité, le modèle européen. Celui-là même qui transformera une "notion en survivance"(4) en un "véritable Lazare constitutionnel (5). La justice constitutionnelle est

4 G. Burdeau, cité par D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, Paris, 6*°" éd., 2001, p 427.

5 D. Rousseau, "Une résurrection: la notion de Constitution", Revue de Droit public, 1990

porteuse d'espoirs que seuls le temps et la hardiesse du juge constitutionnel camerounais permettront de faire le départ entre rêve et utopie. Le constitutionalisme africain s'oppose toujours au constitutionalisme européen, qualifié depuis toujours de modèle. Pas forcément sur le plan du Droit tel que posé, mais de l'écart qui existe très souvent entre le principe et la réalité. La réalisation du Droit au Cameroun se dessine ainsi comme un autre champ d'investigation qui s'offre au juriste, relativement à la construction de la primauté de la règle constitutionnelle à l'aune de l'activité de celui qui prononce les paroles de la Constitution. La juridicisation de la loi fondamentale du 18 janvier 1996 permettra de procéder à l'écriture d'une nouvelle page de la science constitutionnelle camerounaise : celle de la hiérarchie des normes et de son corollaire le contrôle de constitutionnalité. A la recherche de la dualité validité - conformité comme condition d'insertion d'une norme dans le système juridique, comme critère d'affectation du qualificatif « norme ». L'oeuvre de hiérarchisation rentre par cela même dans une phase terminale avec l'institution du juge constitutionnel comme « gardien » du respect de la Constitution.

La construction d'une sphère des droits des gouvernés séparée de celle des gouvernants, visible à travers la jurisprudence du Conseil Constitutionnel français fait dire au Pr. D. Rousseau que la Constitution est « la charte jurisprudentielle des droits et libertés ». Plus encore par sa jurisprudence, le Conseil Constitutionnel contribue au maintien du peuple dans son rôle de souverain ; car désormais la loi ne sera la volonté générale qu'autant qu'elle est conforme aux principes de valeur constitutionnelle. La sacralisation du pouvoir dont les effets peuvent encore être observés dans la lente exécution du texte du 18 janvier 1996 joue un rôle de premier plan dans l'éviction du peuple camerounais de sa place de souverain constituant au profit du Chef de l'Etat qui se révèle bien souvent comme celui qui décide de l'exception. Contrairement à la France, il s'agirait plutôt au Cameroun de rétablir le peuple dans son droit imprescriptible et inaliénable de souverain constituant, de Souverain tout simplement. Dans cette perspective, le rôle des futurs Conseillers sera primordial tant il est vrai que la primauté de la Constitution est le premier pilier dans l'édification d'un Etat de droit.

La Constitution du 18 janvier 1996 n'a certainement pas fini de susciter des sujets de discussions et des thèmes de réflexions. L'innovation qu'elle apporte dans le droit constitutionnel camerounais est révolutionnaire, tant sous l'empire des Constitutions de 1960, 1961 et 1972 la suprématie des règles constitutionnelles ne pouvait être posée avec autant de conviction. Il s'agit d'un mouvement qu'il appartiendra au juge constitutionnel, membre du Conseil constitutionnel, de rendre irréversible.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King