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La frontière terrestre entre le cameroun et le nigeria d'après la cour internationale de justice, (CIJ, arrêt du 10 octobre 2002)

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par Pierre Esaie MBPILLE
Université de Douala - Cameroun - DEA en Droit public, option Droit international 2003
  

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CHAPITRE II :

DANS LA ZONE DE BAKASSI : UNE DELIMITATION INTEGRANT
CETTE PRESQU'ILE EN TERRITOIRE CAMEROUNAIS.

Le problème de la crise de Bakassi est celui qui a le plus fait couler d'encre dans la doctrine camerounaise104 et nigériane, à cause certainement des enjeux économiques importants105 qu'engendre la reconnaissance de la souveraineté sur cette zone pour l'un ou l'autre Etat en conflit. Dès lors, constituant << le principal site de tension entre le Cameroun et le Nigeria »106 , la péninsule de Bakassi fera l'objet de revendications chaudes et acharnées entre les deux protagonistes. Et comme le souligne opportunément Monsieur Zacharie NGNIMAN, « c'est que les enjeux de la « guerre » de Bakassi tenaient en un mot : pétrole. A cela se greffaient la pêche et les activités connexes ; puis le commerce. »107. De toute évidence, la tâche de la Cour n'a pas du tout été aisée sur cette partie de la frontière terrestre. « Le point crucial du différend soumis à la Cour, celui qui en constituait l'enjeu territorial majeur pour des raisons politiques mais aussi économiques vu la richesse en hydrocarbures de la presqu'Ile et de ses eaux, était relatif à la souveraineté de l'une des Parties sur Bakassi, occupée par le défendeur depuis 1994 et revendiquée par le demandeur. »108. Comme dans la zone du Lac Tchad, il était question d'un rapport entre l'occupant effectif (Nigeria) et le titulaire du titre (Cameroun), en vertu du principe de l'<< uti possidetis juris ». Il aurait été intéressant de présenter même sommairement la géographie de cette presqu'île, comme le fait Zacharie NGNIMAN. « Recouverte d'une végétation de mangrove, la péninsule de Bakassi s'étendait sur trois des sept arrondissements du département du NDIAN dans la province camerounaise du sud-ouest. Ces départements sont Isanguele, Kombo Abedimo et Idabato. Elle était peuplée d'environ 9000 habitants dont la majorité était des pêcheurs. Et, étant le point d'aboutissement de la frontière terrestre à la mer, cette presqu'Ile est essentiellement entourée de voies d'eau dont les principales sont le Rio del Rey, l'Akpa yafé, l'Akpa Bana et

104 Voir à cet effet les différents articles cités par MGBALE MGBATOU dans sa thèse de doctorat précitée ; pp.16-19.

105 Z. NGNIMAN voit d'ailleurs en Bakassi, la zone de <<fixation» du conflit frontalier Cameroun-Nigeria, à cause des réserves pétrolifères et halieutiques qui s'y trouvent. Voir son ouvrage précité, p. 39.)

106 L'expression est de H. MGBALE MGBATOU, thèse de doctorat, op. cit., p. 21. La presqu'île de Bakassi a d'ailleurs fait l'objet de la première requête du Cameroun devant la Cour, le 29 Mars 1994 ; voir infra.

107 Z. NGNIMAN, op. cit., p. 39.

108 Voir P. D'ARGENT, op. cit., pp. 281-321.

Bakassi Crique. Elle recouvre près de 1800 km2 de superficie et 60 km de long allant de l'Akpa yafé jusqu'à la bordure occidentale du Mont Cameroun. »109

Tandis que le Cameroun demandait à la Cour de dire et de juger :

a) que « la frontière terrestre entre le Cameroun et le Nigeria suit le tracé suivant : de [la borne 114 sur la rivière Cross] jusqu'à l'intersection de la ligne droite joignant Bakassi point à King point et du centre du chenal navigable de l'Akwayafé, la frontière est déterminée par les paragraphes XVI à XXI de l'accord germano-britannique du 11 mars 1913 et

b) que, dès lors, notamment la souveraineté sur la presqu'île de Bakassi est camerounaise »110 ;

Le Nigeria pour sa part, priait la Cour de dire et de juger « que la souveraineté sur la presqu'île appartient à la République fédérale du Nigeria. . . d'une manière générale, que le titre appartenait en 1913 aux rois et chefs du Vieux-Calabar, et qu'il fut conservé par eux jusqu'à ce que ce territoire revienne au Nigeria lors de l'indépendance »111.

Face à ces revendications, la cour va donner raison au Cameroun en ressuscitant l'accord germano-britannique du 11 mars de 1913 et en rejetant l'argumentation nigériane.

Dans l'ensemble, le Nigeria contestait l'applicabilité de cet accord. En plus, il estimait qu'il était invalide et enfin, le Nigeria invoquait de nombreuses effectivités qu'il avait réalisées sur le terrain112. Compte tenu de la teneur des argumentations de la Cour, concernant le rapport entre le titre juridique et les effectivités, dans les développements concernant la zone du Lac Tchad, nous n'y reviendrons plus ici ; le même raisonnement ayant été conservé par la Cour. Nous nous limiterons alors à la reconnaissance de l'applicabilité (section 1ère), et de la validité (section 2) de l'accord anglo-allemand du 11 mars 1913.

SECTION 1 : L'APPLICABILITE DE L'ACCORD ANGLO-ALLEMAND

DU 11 MARS 1913

A l'opposé des arguments du Cameroun tirés pour l'essentiel de l'analyse des paragraphes XVI à XXI de l'accord germano-britannique du 11 mars 1913, le Nigeria va adopter une attitude très critique axée sur la recherche d'éventuelles défectuosités entachant ledit texte. Pourtant la Cour va faire droit à la démarche camerounaise en confirmant l'accord

109 Z. NGNIMAN, op. cit., pp. 40-42.

110 Voir arrêt, p. 97, par. 193.

111 Arrêt, ibidem.

112 Arrêt, pp. 109-113, par. 218-224.

du 11 mars 1913 comme texte applicable (II). Avant d'y arriver, rappelons un temps soit peu, comme le fait la Cour, les thèses en conflit (I).

I - LE RAPPEL DES THESES EN CONFLIT

Dans l'ensemble, s'il y a eu des débats houleux sur la question du texte applicable pour la délimitation de la frontière à Bakassi, c'était à cause des argumentations multiples du Nigeria (A) devant lesquelles, le Cameroun gardait une attitude plutôt rassurante (B).

A- UN TEXTE TRIPLEMENT DEFECTUEUX SUIVANT LA THESE NIGERIANE

Le Nigeria soutenait devant la Cour que l'accord du 11 mars 1913 serait défectueux pour trois motifs:

1- un texte contraire au préambule de l'acte général de la conférence de Berlin du 26 février 1885

En fait la Cour n'a pas jugé utile d'examiner au fond, cet argument présenté très brièvement par le Nigeria dans son contre-mémoire. Surtout que le défendeur n'y reviendra plus ultérieurement113.

2- Un texte non approuvé par le parlement allemand

Le Nigeria soutenait également que, selon le Droit interne allemand de l'époque, tous les traités portant cession ou acquisition des territoires coloniaux par l'Allemagne, devaient être approuvés par le parlement. A cet effet, l'accord anglo-allemand du 11 mars 1913 portant bien acquisition de la presqu'île de Bakassi par l'Allemagne. Il devait alors être soumis à cette formalité114 ; ce qui n'est pas le cas. Le défendeur estimait au surplus que le traité de Versailles de 1919 aurait abrogé ce texte anglo-allemand.

113 Arrêt, p. 98, par. 195.

114 Arrêt, p. 98, par. 196.

3- Un texte abrogé en application de l'article 289 du traité de Versailles du 28 juin 1919

L'article 289 du traité de Versailles prévoyait que « les traités bilatéraux conclus par l'Allemagne avant la guerre [seraient] remis en vigueur après notification à l'Allemagne par l'autre partie ». Le Nigeria poursuit en démontrant que, « la Grande-Bretagne n'ayant pris aucune mesure en application de l'article 289 pour remettre en vigueur l'accord du 11 mars 1913, celui-ci a en conséquence été abrogé ; le Cameroun n'(aurait) donc pas succédé au traité lui-même »115.

Le Nigeria conclue alors que pour ces trois raisons, le Cameroun ne pouvait plus succéder à cet accord qui lui-même ne produisait plus d'effets entre les deux Parties. Face à ces offensives juridiques, le Cameroun a adopté une attitude défensive et, juridico-conformiste.

B - DES THESES SANS FONDEMENTS SUIVANT

L'ARGUMENTATION DU CAMEROUN

En fait, la Partie camerounaise se livrait beaucoup plus à la défensive en fragilisant, autant que possible, les thèses du Nigeria. Sa démarche telle que présentée dans l'arrêt, était méthodique et visait à invalider les exposés nigérians point par point.

1- Par rapport au défaut d'approbation par l'Allemagne de l'accord du 11 mars 1913

Le Cameroun répliquait que : « le Gouvernement allemand estima que, dans le cas de Bakassi, il s'agissait d'une pure rectification de frontière parce que déjà antérieurement Bakassi avait été traitée en fait comme appartenant à l'Allemagne ». Dès lors, aucune approbation parlementaire n'aurait été nécessaire116.

2- A propos de l'article 289 du traité de Versailles du 28 juin 1919

Pour le Cameroun, « le champ d'application de cette disposition se limitait aux seuls traités à caractère économique, au sens large du terme ». Que dès lors, cette disposition est sans incidence juridique sur l'accord du 11 mars 1913117. C'est exactement le même raisonnement qu'adoptera la Cour pour confirmer l'applicabilité de l'accord du 11 mars 1913.

115 Ibidem, par. 198.

116 Voir arrêt, p. 98, par. 196, in fine.

117 Voir arrêt, pp. 98-99, par. 198.

II- LA POSITION DE LA COUR : L'ACCORD ANGLO-ALLEMAND DU 11 MARS 1913, TEXTE DELIMITANT LA FRONTIERE A BAKASSI

La Cour va donner raison à la Partie camerounaise en rejetant systématiquement tous les trois motifs d'inapplicabilité de l'accord anglo-allemand du 11 mars 1913 invoqués par le Nigeria.

A- LE REJET DE L'ARGUMENT TIRE DE L'ACTE GENERAL DE LA CONFERENCE DE BERLIN

La Cour a estimé que : « cet argument présenté très brièvement par le Nigeria dans son contre mémoire n'a été repris ni dans sa duplique, ni lors des audiences »118. Cette attitude paradoxale du Nigeria était suffisante pour que cet argument ne soit pas examiné. Si dans ce cas, la C.I.J a fragilisé l'argumentation du Nigeria de par sa propre turpitude, la démarche n'a pas été la même en ce qui concerne le défaut d'approbation par le parlement allemand.

B- EN CE QUI CONCERNE LE DEFAUT D'APPROBATION DUDIT ACCORD PAR LE PARLEMENT ALLEMAND119

La Cour a décidé que l'argument du Nigeria sur cette question ne pouvait être accueilli étant donné que « l'Allemagne elle-même a estimé que les procédures requises par son droit interne avaient été respectées, et que la Grande-Bretagne n'a pour sa part jamais soulevé la question ». Qu'en outre, cet accord avait fait l'objet d'une publication officielle dans les deux pays. Que dès lors, il n'était plus nécessaire de savoir si l'accord avait été approuvé par le parlement allemand. Ayant rejeté ce deuxième motif de défectuosité, la Cour fera de même pour le troisième.

118 Arrêt, p. 98, par.195, précité.

119 Voir ces développements à la page 98 de l'arrêt, par. 197.

C- A PROPOS DE L'EVENTUELLE ABROGATION DE L'ACCORD DU 11 MARS 1913 EN APPLICATION DE L'ARTICLE 289 DU TRAITE DE VERSAILLES120

Comme pour les deux premiers motifs, la Cour a trouvé des mots justes pour invalider la thèse du Nigeria. Ici, elle a fait observer que : « à partir de 1916, l'Allemagne n'avait plus exercé aucune autorité territoriale au Cameroun. [que] Aux termes des articles 118 et 119 du traité de Versailles, l'Allemagne renonçait à tout titre sur ses possessions d'outre-mer ». Ainsi, la Grande-Bretagne ne pouvait plus inclure l'accord du 11 mars 1913 parmi les «conventions bilatérales ou les traités bilatéraux » dont elle souhaitait la remise en vigueur avec l'Allemagne. Et qu'à la fin. « Il en découle que cet argument du Nigeria doit en tout état de cause être écarté ».

Après avoir rejeté l'argumentation du Nigeria sur les motifs ci-dessus, la Cour confirmera sa position dans sa conclusion comme suit: « ... en conséquence que la frontière entre le Cameroun et le Nigeria à Bakassi est délimitée par les articles XVIII à XX de l'accord angloallemand du 11 mars 1913 »121. La question de l'applicabilité de l'accord du 11 mars 1913, que contestait le Nigeria ayant été résolue, la Cour a confirmé sa validité en ce qui concerne la détermination du titulaire de la souveraineté sur la presqu'île de Bakassi.

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