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La politique de coopération décentralisée: rhône-alpes/ saint-louis du sénégal

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par El Hadji TOURE
Université de Montpellier 1 - Master 2 Sciences Politique 2009
  

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PARTIE1- Enjeux et Acteurs de la coopération décentralisée

1.A. Les enjeux de la coopération Nord-Sud

Depuis les années 1970, la coopération pour le développement intervient dans les domaines de compétences des collectivités locales. C'est l'une des raisons pour laquelle l'Union des Villes Africaines lors de sa rencontre du 25 et 26 janvier, demande que la coopération décentralisée soit reconnue comme une catégorie pertinente de la coopération internationale. Auparavant une enquête réalisée par le Programme de Développement Municipal (PDM) dans huit pays d'Afrique de l'Ouest et du centre, révélait une progression de 10 à 100, en six ans (1989-1994), des accords de partenariat conclus par les collectivités locales africaines. Des mutuels d'épargne et de crédits à la réfection des équipements de maisons communautaires, de foyers des jeunes et divers programmes de renforcement de capacité, en passant, par le joyau d'un nouveau lycée, que n'a-t-on pas observé comme fruit de cette coopération décentralisée. A l'occasion du sommet franco-africain de 1990, le Président Mitterrand invitait ses paires à oeuvrer pour la démocratisation des États africains, il donna un principe général d'avenir à la coopération décentralisée. Les collectivités françaises étant exhortées, ainsi, à soutenir les efforts de démocratisation et l'émergence de nouveaux acteurs et partenaires en dehors de la sphère étatique. Cette évolution n'est, tout de même, pas ex-nihilo puis qu'elle survient dans un contexte particulier des années 1980-1990: mesures de libéralisation et retrait des Etats accompagnés par les plans d'ajustement structurels sous l'égide des institutions financières internationales. L'échec du développement administré par les Etats et les rumeurs de détournement de la manne financière internationale par les classes dirigeantes finissent par faire admettre l'idée d'une gouvernance à la base. La loi d'orientation du 06 Février 1992, va alors sacrer l'ère du « small is beautiful »8 (E. F. Schumacher) en conférant aux collectivités locales françaises une relative autonomie à l'action internationale.

1.A.1. La coopération décentralisée : une politique de captation des ressources pour le développement local de Saint-Louis

8 Le « small is beautifull est le titre d'une collection d'essais de l'économiste britannique E. F. Schumacher. Avec la crise de l'énergie en 1973 et l'émergence du tiers monde, c'était l'un des dix livres les plus influents depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et le premier à promouvoir l'idée d'un développement durable.

20

Au Sénégal, la situation des collectivités locales découlent de la combinaison de plusieurs facteurs. Suite aux lois de décentralisation survenues en 1996, l'Etat a transféré aux collectivités locales, neufs domaines de compétences9 (domaines ; environnement et gestion des ressources naturelles ; santé, population et action sociale ; jeunesse, sports et loisirs ; culture ; éducation ; planification ; aménagement du territoire ; urbanisme et habitat). Afin de compenser les charges induites par les compétences transférées, l'Etat sénégalais avait prévu des moyens d'interventions et des ressources financières conséquentes. Il s'avère que les fonds de concours alloués par celui-ci demeurent très insuffisants. En effet, les fonds de dotations de la décentralisation et d'équipement des collectivités sont faibles et les régions n'ont pas de fiscalité propre. Dans ces conditions la décentralisation ne peut être effective, elle n'existe que dans les textes et les charges qui se sont rajoutées aux compétences générales (le budget, la gestion du personnel, l'économie etc.) des collectivités locales.

Afin d'apprécier la gravité de cette situation, la région de Saint-Louis a commandité, en 2005, un audit des compétences transférées. Il ressort de cet audit qu'il existe un gap profond entre les ressources financières disponibles et les besoins à prendre en charge. Ce fossé est d'autant plus profond que le budget de la région, nécessaire pour une couverture correcte des besoins de gestion des compétences dans toutes leurs dimensions, est estimé à 7.125.039.625 FCFA contre 861 millions actuellement. La comparaison des deux situations montre que le budget actuel ne représente que 12% des besoins évalués soit un déficit correspondant à l'ordre de 88%. Les résultats de cet audit montrent que si on évalue les transferts financiers entre Fonds de Dotation à la Décentralisation et Fonds de Concours, dans une perspective de couverture des besoins, les contributions seraient portées aux niveaux suivants :

· Fonds de Dotation à la Décentralisation (73% des transferts): 4.165.298.165 FCFA et

· Fonds de Concours (27% des transferts). 1.463.483.189 FCFA ».

Tableaux 2 et 3: Évolution de la répartition du fonds de dotation et du fonds d'équipement de Saint-Louis entre 1997 et 2000:

? Fonds de dotation de la région de Saint-Louis

Années

1997

 

1998

 

1999

 

2000

 

Montant en Fcfa

502 227

423

502 227

423

588 835

889

628 668

188

? Fonds d'équipement des collectivités locales de Saint-Louis

9 Sources : Base de données de la DIRCOD (Dakar)

Années

1997

 

1998

 

1999

 

2000

 

Montant en Fcfa

61 636

400

72 631

400

73 000

000

66 910

000

Sources: DCL/CAD

Tableau 4: répartition par collectivité entre 1999 et 2000 en Milliards de Fcfa

Collectivités

Dotation en 1999

%

Dotation en 2000

Régions

3 548 785 225

61

3 980 481 164

Communes

2 020 264 365

35

2 121 830 914

Communautés rurales

222 292 666

4

242 494 962

Totaux

5 791 342 256

100

6 062 374 040

Sources: CNDCL/MINT 26 Janvier 2000

Figure 1: répartition de l'enveloppe du FDD entre 1999 et 2000

 
 
 
 

Régions

communes communautés rurales

 
 

4000000000
3500000000
3000000000
2500000000
2000000000
1500000000
1000000000
500000000
0

FDD en % FDD en

1999 2000

L'analyse de ces données fait ressortir l'existence d'une inégalité de considération entre les régions d'une part et d'autre part les communes et communautés rurales. Pourtant dans les textes aucune hiérarchie, entre entités sénégalaises, n'est reconnue. Les régions sortent leur épingle du jeu. Ce qui laisse penser que les élus locaux ne disposent pas des mêmes ressources pendant la négociation du budget avec l'Etat central. Les communautés rurales qui hébergent 56 % de la population ont, en matière d'éducation et de santé notamment, des charges tout à fait comparables aux communes. Pendant que ces dernières touchent environ 35 % du FDD. Cette situation peut trouver une réponse dans le fait que les élus à la tête d'une région ou d'une commune ne disposent pas du même capital humain que les présidents des communautés rurales qui ont un taux d'analphabétisme plus élevé que leurs homologues.

Par conséquent, ils n'ont pas les mêmes réseaux, ni les mêmes représentations au niveau des conseils délibératifs et des instances de validation du budget. A ce propos le budget de la

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région de Saint-Louis est choisi par le conseil exécutif du Conseil régional, voté par l'organe délibératif et validé par le représentant étatique en la personne du gouverneur de la région.

Globalement, l'enveloppe du FDD n'a cessé de croître depuis sa création. Elle est passée de 4,9 milliards en 1997 à près de 12 milliards en 2004, mais reste toujours très insuffisante (2.5 % du budget national) et très inégalement répartie. Entre 1997 et 2003, la part du FDD allouée aux Communautés Rurales ne représente que 6 % du total du FDD soit moins de 3 milliards de FCFA cumulé sur 6 années. (M. Chassot, 2005)

Une étude10 financée dans le cadre du PADDEL11 révèle que durant ces années (1997 à 2003), les conseils régionaux ont reçu, en moyenne, 53 % de l'enveloppe globale. Cependant, il faut souligner que jusqu'en 2000, l'enveloppe attribuée aux Conseils Régionaux comprenait la dotation des ARD (agences régionales de développement). Ce n'est qu'en 2001, que leurs allocations ont été individualisées.

En tant que cadre de programmation et de coordination des actions de développement, la région de Saint-louis ne dispose pas de fiscalité propre et reste entièrement dépendante des allocations de l'Etat. La paierie régionale n'a pas les moyens techniques et humains de recouvrer la totalité des impôts. A ce niveau, deux explications s'imposent. D'abord en 1996, l'Etat n'a pas osé augmenter les impôts afin que les collectivités locales qui venaient de se voir transférées des compétences nouvelles et financièrement coûteuses puissent accroître leur trésorerie. Ensuite, non content de compenser financièrement les charges induites par la régionalisation, aux allures de « désengagement », l'Etat fait valoir un principe d'unicité de caisse. Par conséquent il y a un concours de circonstances dont la pénurie des moyens financiers, le manque de qualification du personnel des services de perception, l'absence chronique de moyens matériels, techniques et humains et la faible organisation des conseils en tant qu'organe délibérant de la collectivité locale. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, de rencontrer des élus locaux qui ne soient pas en phase avec textes de la décentralisation. Donc ignorant, naturellement, leur rôle et le fonctionnement des collectivités locales.

10 Sources : Ministère de l'intérieur et des collectivités locales, Conseil national des collectivités locales, 2003

11 Le programme d'appui à la décentralisation et au développement local du Sénégal est financé par la coopération française. Entre autres activités, le PADDEL a commandité l'élaboration d'un manuel de procédures des contrôles de légalité et budgétaires du Sénégal. Son objectif principal est d'adapter la décentralisation et l'appui aux collectivités locales aux politiques locales de développement.

Afin de mieux appréhender cette réalité, une étude effectuée par la Cellule d'appui des Elus locaux de la MEL12, en 1999, révèle que plus d'un tiers des élus est analphabète (ce pourcentage ne concerne bien évidemment que l'école française). En effet, les niveaux d'instruction sont très variables. Selon la position occupée : 80 % des maires et des conseillers régionaux ont un niveau d'instruction qui va du secondaire au supérieur alors que 73% des présidents de communautés rurales n'ont pas dépassé le primaire. Ce fossé s'explique en partie par l'obligation légale pour les conseillers régionaux et les conseillers municipaux de savoir lire et écrire, d'autant qu'ils doivent relever des défis importants. Mais la même exigence devrait être adressée aux conseillers ruraux, si l'on sait qu'à Saint-Louis la majorité de la population est d'origine rurale. Le taux d'urbanisation représente 37% du total régional, ce qui est en deçà du taux national de 40,7%, selon le RGPH13 de 2002. Il est donc d'autant plus crucial que les communautés rurales puissent se reposer sur un personnel compétent indépendamment des services de l'Etat. L'explication viendrait du contexte même de ces communautés rurales. Elles sont constituées par regroupement de villages dont les chefs sont choisis par consensus et nommés par décret. Donc à l'image des chefs de village, l'activité politique dans ces localités n'est pas mue par des modes de prise du pouvoir « modernes ». Le président de la communauté rurale n'est pas choisie à cause de son savoir faire managérial, son niveau d'étude ou son programme de campagne mais par ce qu'il fait preuve d'un dévouement d'ordre moral pour la défense des intérêts de toute sa communauté ou qu'il est issu d'une famille traditionnelle de notabilités ou de dignitaires religieux. Sa légitimité relève de considérations d'ordre traditionnelle ou charismatique et non d'une légitimité légale rationnelle au sens wébérien du terme.

Pour lutter contre ce fléau des personnels non qualifiés, les collectivités pouvaient s'appuyer sur les services déconcentrés de l'Etat (sous employés) dans le cadre de convention de mise à disposition, jusqu'en 2001 (Chassot, 2005). Par ailleurs, non contents de rendre les collectivités très dépendantes de l'Etat, ces personnels administratifs déconcentrés considéraient les élus locaux comme des «politiciens analphabètes». Il va s'en dire que leur collaboration s'en est très vite ressentie. Malgré le recrutement de 320 secrétaires communaux en 2002 puis la création (par décret 98-399) des Agences Régionales de Développement (ARD) les collectivités locales sont continuellement sous administrées. Par exemple les

12 La Maison des élus locaux est le siège de l'UAEL (Union pour l'association des élus locaux du Sénégal). C'est une association à but non lucratif qui regroupe l'Association des Maires du Sénégal (AMS), créée en 1958, l'Association de président de Conseils régionaux (APCR) et l'Association nationale des conseils ruraux du Sénégal. Son rôle est de favoriser le dialogue entre les élus, l'Etat, la population et les partenaires au développement.

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conseil régional de Saint-Louis n'est toujours pas parvenus à développer son propre service technique sous le prétexte qu'il dispose très facilement (pour des raisons de proximité sans doute) des agents déconcentrés de l'Etat et des techniciens de l'ARD.

Ces contraintes majeures de la région de Saint-Louis constituent des défis non négligeables à relever pour la région Rhône-Alpes. Par conséquent, la coopération décentralisée s'inscrit dans une dynamique d'appui à la planification des secteurs d'activités transférées et même au delà. Ces activités tournent autour de l'appui conseil, la formation, l'information, la planification, la communication, la maîtrise d'ouvrage etc.

Devant la nécessité de répondre aux demandes sociales pressantes, le Conseil Régional de Saint-Louis entretient des relations privilégiées de partenariat avec les régions françaises du Nord Pas de Calais (France) depuis 1997, de Rhône-Alpes (France) depuis fin 1997, de Midi Pyrénées (France) depuis 2000 et le Conseil Général du Nord (France) depuis 2005.

Cette situation n'a rien de particulier car le Sénégal est l'un des pays qui tirent le plus de bénéfices des relations que les collectivités locales territoriales françaises entretiennent avec leurs homologues étrangers. En Afrique de l'Ouest, c'est le 3ème pays après le Mali et le Burkina sur le plan quantitatif des projets réalisés à travers l'aide française au développement et le 1er sur le plan des allocations financières. Les propos de Didier BRET chef du SCAC14 (services de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Dakar) décrivent parfaitement cette relation. D'après ce dernier, au Sénégal, en 2006, on pouvait compter 150 partenariats entre collectivités françaises et sénégalaises dont une cinquantaine véritablement active. Cette relation privilégiée profite bien à la région de Saint-Louis en tant que leader dans le domaine de la coopération décentralisée, au Sénégal. La coopération décentralisée entre Rhône-Alpes et Saint-Louis est donc « un étage du jeu diplomatique » (Vion et Négrier, 2002) franco-sénégalais.

En outre, rien que pour la seule année 2005, le Conseil régional de Saint-Louis a obtenu
auprès de ses partenaires de la coopération décentralisée, le financement de dix huit (18)

13 ANDS, Situation économique et sociale de la région de Saint-Louis en 2007, Septembre 2008

projets15 pour un montant d'un milliard cinq cent soixante trois millions de francs CFA. Sur ce montant les partenaires sont concernés pour 1,381 milliard soit 88% et la Région de Saint-Louis pour 182 millions soit 12%. Alors que les programmes nationaux ne mettent que la maigre somme de cinquante (50) Millions de francs CFA pour le développement local, le Conseil régional de Saint-Louis tire, d'après les chiffres de 2005, de la coopération décentralisée près du triple de sa dotation annuelle et multiplie ainsi par vingt deux (22) son budget d'investissement. Il peut réaliser alors en cinq ans, ce qu'il serait amené à faire en environ 100 ans, s'il s'en tenait uniquement à la dotation de l'Etat. Même quand on prend le budget de fonctionnement, la coopération décentralisée représente trois (3) fois le budget de la région de Saint-Louis. Elle trouve donc un principal fondement dans son apport financier au Sud. Par ailleurs, lors des comités mixtes qui se sont tenus en France du 24 Septembre au 06 Octobre 2007 avec ses partenaires français (principalement Nord pas de calais, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes), la région de Saint-Louis a décroché le financement global de presque de 3 Milliards de FCFA (2.950.000.000 FCFA) durant 2008- 2011, pour la mise en oeuvre de projets de grande envergure.

Cette focalisation financière à outrance symbolise à elle seule tout l'enjeu qu'ont les collectivités du Sud à nouer des liens de coopération avec celles du Nord. Pourtant il semble clair aux yeux des professionnels et observateurs que les collectivités du Sud gagneraient en renforçant leurs capacités d'administration et de gestion des politiques locales de développement.

Afin de mieux situer les rôles, on peut se demander quels sont les gains pour la région RhôneAlpes ?

1.A.2. La solidarité internationale : une politique d'ouverture bien ancrée dans la région Rhône-Alpes

Un volontaire de l'AFVP en mission dans le cadre du partenariat ARDL-PACA-Tambacounda
du Sénégal rapporte: « Quand je discute avec les habitants [enfin, ce ne sont plus d'antonymes
et fantomatiques acteurs!], ils me demandent pourquoi les partenaires du Nord se sont lancés

14 Le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Dakar a en charge l'action culturelle de la coopération franco-sénégalaise. Le SCAC met à disposition l'expertise de la coopération française et contribue à la réalisation des projets et programmes des acteurs Non gouvernement au Sénégal .

15 Sources : Rapport d'activités du Conseil régional de Saint-Louis, en 2005,

26

dans cette aventure, ce qu'ils en attendent [l'une des vraies questions, de fond en effet celle qui pose la question des principes de l'action] (...) ». (A. Marie, 2005)

Ces propos posent la question des vrais motifs de l'action extérieure des collectivités françaises.

En France, l'ouverture extérieure des collectivités locales est très souvent utilisée par les élus comme moyen d'impliquer les jeunes dans une région. A ce titre, la coopération décentralisée est un outil de développement mis au service de la citoyenneté en Rhône-Alpes. C'est également l'occasion de remettre en question leur propre système de gouvernance locale. Par exemple la création des comités locaux en pays viennois pourrait provenir des plans de développement des quartiers mis en oeuvre dans le département de Bignona (au Sud du Sénégal). Si tel est le cas, Bignona serait allé plus loin que le pays viennois dans la mise en place de dispositifs participatifs.

Ainsi afin de renforcer sa communication avec les jeunes, la région Rhône-Alpes compte sur l'éducation au développement. Ce secteur a été dynamisé grâce à l'ouverture extérieure de la région. C'est la raison pour laquelle des voyages sont souvent effectués à Saint-Louis par des lycéens ou étudiants afin de terminer leur cycle d'éducation au développement. Les expériences de la région de Saint-Louis dans la lutte contre la pauvreté, sont à ce titre une ressource inestimable pour la mobilisation de la jeunesse Rhône-alpine. Depuis 2003, 4 voyages d'étude ont été effectués à Saint-Louis dans le cadre du partenariat entre la Fédération des Alpages de Lisère et la Maison des éleveurs de Saint-Louis, par des élèves et leurs encadreurs. Bien souvent, c'est pour clore un module d'éducation au développement, mais ces interactions renforcent le degré de connaissance de la société Saint-Louisienne par la région Rhône-Alpes.

A présent, avec dix sept (17) coopérations dans le monde la région Rhône-Alpes a multiplié son influence, ses réseaux de relations et dispose d'un panorama de territoires à explorer pour ses entreprises et industriels. M. Amath DIA secrétaire général du Conseil Régional de Saint-Louis soulignait à cet égard que « Travailler pour le développement local du Sud c'est un bénéfice, car nonobstant l'apport d'expérience humaine, les jeunes et les désoeuvrés de la région Rhône-Alpes, par exemple, peuvent y trouver des débouchés pour leur avenir».

A Rhône-Alpes, le budget de la coopération décentralisée a été quasiment multiplié par Deux pour atteindre 9,3 M€ en 2008, et devrait s'approcher des 0,7 % du budget, en 2010. Derrière l'Etat français, c'est le premier budget consacré à la coopération pour le développement.

Néanmoins, au-delà des logiques classiques à vocation « humanitaire » ou « solidaire », il y a une volonté de promouvoir des intérêts commerciaux ou industriels. Dans cette optique, la solidarité internationale est, entre autres, le moyen d'assurer un pole de compétitivité aux acteurs et structures de la région Rhône-Alpes. Par conséquent, la base de données de RESACOOP en répertorie 1.217 structures tournées vers la solidarité internationale dans cette région. On peut supposer que le nombre total est sensiblement supérieur, car certaines structures ne sont pas répertoriées dans ce réseau. Il est cependant probable que ces dernières ont une activité limitée et qu'une part de celles-ci n'a pas une activité régulière. Il n'en demeure pas moins que le nombre est important et la diversité est grande.

Premièrement, les associations sont les plus nombreuses. Elles sont au nombre de 631 et recouvrent la plus grande diversité par la taille, les objectifs, les types d'activités, etc. Deuxièmement, les collectivités locales et les comités de jumelage qui s'appuient fréquemment sur des structures associatives pour mettre en oeuvre leurs activités de coopération décentralisée, sont au nombre de 311 dans le répertoire de RESACOOP. Troisièmement, il y a les établissements publics, essentiellement dans les secteurs de la santé et de l'éducation. C'est des hôpitaux ou établissements d'enseignement primaire, secondaire et supérieur - qui mettent en oeuvre des projets, réalisent des échanges et interviennent dans le cadre de projets initiés avec les acteurs du Sud.

Quatrièmement on y recense des structures privées non associatives : fondations, entreprises qui interviennent dans des projets, ou contribuent au financement de projets initiés par d'autres structures.

Avec ce nombre d'organisations et les 1.300 projets répertoriés, la Région Rhône-Alpes se situe dans le peloton de tête des régions françaises avec la région Nord-Pas-de-Calais (1.950 acteurs actifs et en veille, 1.930 projets) et la région Île-de-France qui bénéficie de l'implantation de nombreuses organisations dans la capitale.

En 2002, RESACOOP16 a recensé 63 organisations de Rhône-Alpes engagées dans une action de coopération avec le Sénégal parmi lesquels : 33 associations, 26 collectivités locales, 3 structures « jeunes » (2 établissements scolaires et une MJC), et une chambre consulaire.

16 Sources : RESACOOP, évolution des partenariats entre acteurs de Rhône-Alpes et du Sénégal, Lyon, Privat, 2002

Tableau4: répartition des partenariats de coopération décentralisée au Sénégal

Région

Nombre de partenariatS

Nombre de partenariats actifs

ILE de France

23

6

Rhône-Alpes

20

11

Nord Pas de calais

12

6

Basse Normandie

9

4

PACA

9

4

Bretagne

9

5

Midi Pyrénées

8

5

Alsace

6

5

Sources : base de données des partenariats de coopération décentralisée -SCAC Dakar- Août 2005

Figures 2: partenariats actifs des collectivités françaises au Sénégal

12

10

8

6

4

2

0

Partenariats

actifs

Ile de France Rhône-Alpes

Nord pas de calais basse normandie PACA

Bretagne

Midi Pyrénées Alsace

28

Donc, en 2005, par le nombre de partenariats actifs au Sénégal, la région Rhône-Alpes était le premier interlocuteur français des collectivités sénégalaises. Par ailleurs, cette ouverture de Rhône-Alpes offre une activité lucrative à prés de « 1500 personnes » (M. Dia du conseil régional de Saint-louis), sans compter les nombreux volontaires prêts à s'engager pour une première expérience de travail à l'étranger. C'est un support fondamental pour la promotion des jeunes, notamment ceux qui se prédestinent à une carrière dans la coopération internationale. D'ailleurs vers la fin des années 1980, l'AFVP17 utilisait comme slogan

17 L'association française des volontaires du progrès est une association laïque créée en 1963. L'AFVP recrute, forme et encadre des volontaires de la solidarité internationale qu'elle affecte sur des missions préalablement identifiées avec ses partenaires (collectivités locales, ONG, bureaux d'étude...). Association Loi 1901, l'AFVP est désormais opérateur du Ministère français des affaires étrangères et européennes (MAEE).

« mettez l'Afrique dans votre CV » dans le but d'attirer les expériences sanctionnées par un diplôme de qualité (A. Marie, 2005).

Cet usage que la région Rhône-Alpes fait de ses relations de coopération trouve son fondement dans le principe d'intérêt local. En effet les collectivités locales françaises avaient l'obligation d'inclure cette norme dans leurs actions extérieures, jusqu'en 2007 sous peine de saisine du tribunal administratif. Ce qui laisse penser que l'Etat en imposant un tel principe comptait appuyer les opérateurs français qui vivent de ça. D'ailleurs dans la plupart des projets financés par Rhône-Alpes, cette dernière veille à ce que l'achat des matériels se déroule sur le territoire français..

Le principe d'intérêt local et direct des populations tel que défini par la circulaire des Ministères de l'Intérieur et des Affaires Étrangères du 20 avril 2001 a fait de la coopération décentralisée une politique exercée dans une logique d'intérêts « mutuels » et de renforcement d'expertise pour les deux territoires. En réalité, c'est un contrôle supplémentaire exercé par l'Etat sur les actes des collectivités locales. Il ne s'agissait plus pour la région Rhône-Alpes d'aider Saint-Louis à lutter seulement contre la pauvreté, dans laquelle la majorité de sa population est exposée, mais de promouvoir son territoire. La question des bénéfices mutuels pour les deux territoires était, désormais, élucidée par l'Etat français.

Par l'adoption de ce principe, la coopération décentralisée reposait sur le même piédestal que la coopération transfrontalière dont les finalités sont strictement matérielles. Néanmoins, ce principe va fragiliser certaines coopérations décentralisées. En effet suite à la jurisprudence Charbonneau où l'absence d'intérêt local a été évoquée comme motif de censure des actions de coopération décentralisée, le sentiment de sécurité des acteurs locaux en a reçu un coup.

Par la suite certains conseils régionaux ou généraux ont eu des réticences à s'engager en coopération décentralisée, par peur d'une saisine du Tribunal administratif au motif de défaut d'intérêt local. Les élus locaux, soucieux de sortir de l'insécurité dans laquelle ils baignaient à cause de leur action extérieure, eurent gain de cause avec la loi Thiollière du 2 février 2007. Elle fait de la coopération décentralisée une compétence d'attribution des collectivités territoriales (compétence à part entière et non mode d'exercice des compétences). L'intérêt local, s'il reste un moteur des politiques de coopération décentralisée, ne peut plus en aucun cas être un motif de saisine du Tribunal administratif. Toutefois, ce changement de la législation n'a pas induit une inversion des tendances.

30

Le cas de l'électrification des collèges de Podor est assez symbolique pour décrire cette stratégie de la région Rhône-Alpes.

Le conseil régional de Saint-louis constatant que l'un de ses départements, à savoir, Podor était laissé en rade notamment dans le secteur éducatif sollicite l'appui de la région RhôneAlpes. En effet dix collèges de ce département n'étaient pas électrifiés et donc ne pouvaient pas recevoir de fournitures informatiques. Faisant suite à la demande d'appui de son partenaire sénégalais, Rhône-Alpes va d'abord décliner prétextant être plus compétente sur les lycées. Mais puisqu'il s'agit d'un travail de compagnonnage, Saint-Louis a tout à fait la possibilité de relancer son partenaire et elle s'y est attelée. Ce dernier donnera finalement son accord à condition que le projet soit confié à un opérateur de sa région. Rhône-Alpes approche, ainsi, une entreprise spécialisée dans la pose de panneaux solaires à Podor pour un devis. L'opérateur propose, après visite des lieux, l'installation de panneaux dans chaque collège du département pour un coût total de 100.000 €. Avisée par son partenaire, Saint-Louis marque son veto car le conseil régional avait contacté, en aparté et en même temps, la Sénélec (Société nationale d'électricité du Sénégal) qui a envoyé, à son tour, des techniciens pour une expertise. Après diagnostics ces derniers ont suggéré la construction d'une mini centrale électrique pour un montant total de 36.000 €. Pour mettre fin aux négociations, Rhône-Alpes a reconnu que la proposition de son partenaire était plus judicieuse et moins onéreuse. Aujourd'hui, avec son appui douze (12) au lieu de dix (10) établissements scolaires ont été électrifiés à Podor et équipés en matériels informatiques. La stratégie consistait donc à élargir les activités d'une entreprise de sa région. Néanmoins pour avoir finalement exécuté ce projet, Saint-Louis a renforcé ses capacités de maîtrise d'ouvrage.

Cette stratégie de promotion internationale des collectivités du Nord est d'autant plus fréquente que les deux réactions suivantes18 l'évoquent de manière explicite:

M. Jean Paul Gandin de l'association Savoie solidaire : « nous nous sommes aperçus que les sénégalais de Bignona étaient allés plus loin que nous dans leur pratique participative. Nous étions partis pour aider les africains à changer et ce sont eux qui nous ont transformés ».

M. Frédéric Deshayes chargé de missions des affaires européennes et internationales : « les jumelages d'origine nous paraissent trop étroits ; nous avons lancé

18 Sources : Actes de Kaolack et Fatick, Journées de la coopération décentralisée et de la planification régionale, 2ème Edition, 14-20 Mai 2004, p. 135

un programme dans lequel d'anciens ouvriers du cuir formaient des cordonniers tunisiens ; l'action internationale nous sert de moteur pour l'insertion sociale chez eux mais aussi chez nous ».

Les enjeux sont divergents mais le Conseil régional de Saint-Louis et le Conseil régional de Rhône-Alpes doivent travailler en étroite collaboration pour relever les défis du sousdéveloppement. Par conséquent, les dynamiques conceptuelles du processus de coopération mobilisent un certains nombre de procédures et une multitude d'acteurs.

1.B. Un partenariat dynamique et inscrit sur la durée

La coopération décentralisée a beaucoup évolué, depuis ses débuts, dans le sens de la prise en considération lente mais progressive des problèmes réels rencontrés par les collectivités du Sud. A présent, le cap des gestes de générosité spontanés semble en voix de disparition et céderait la place à de nouveaux types de coopération. Il ne s'agit plus simplement d'apporter son financement à un projet mais de partir sur une relation durable avec un partenaire sélectionné après un diagnostic serré des deux territoires. A ce titre, les collectivités locales du Nord possèdent des compétences spécifiques en matière d'ingénierie urbaine et de développement local qui constituent des axes de travail propres à la coopération décentralisée. C'est ainsi que la dynamique constitutive d'un processus de coopération est composée de phases successives rigoureusement débattues entre les futurs partenaires.

Néanmoins, il semblerait que durant les commissions préparatoires la collectivité demandeuse d'appui n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre. Autrement dit, l'élaboration des projets et les termes du contrat sont quasiment ordonnés par la région Rhône-Alpes dans le cadre de son partenariat avec la région de Saint-Louis du Sénégal, bien que les demandes viennent de Saint-Louis.

Un document réalisé par RESACOOP permet de faire la lumière sur cette étape de la coopération décentralisée. Il reprend les éléments discutés au cours de sa réunion organisée le 18 novembre 1998 sur le thème "engager ou renforcer une démarche de coopération".

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1.B.1. Les dynamiques constitutives du partenariat Rhône-Alpes/ Saint-Louis

Une première rencontre régionale conduite par RESACOOP en 1995, a permis de recenser les acteurs de la région Rhône-Alpes présents au Sénégal afin d'établir une stratégie commune d'intervention dans les collectivités Sénégalaises. Il ressort de cette concertation que les acteurs ont manifesté la nécessité d'expérimenter de nouvelles approches dont l'ancrage des projets dans les plans de développement locaux était le plus urgent. La prise en compte des plans locaux de développement travaillés en concertation avec l'Etat sénégalais par RhôneAlpes assure aux actions mises en oeuvre une viabilité, jadis, marginalisée. Ce qui est exprimé ici, c'est la nécessité de passer de l'amateurisme à la professionnalisation de la coopération décentralisée.

Ces conclusions de la région Rhône-Alpes partagées par les bailleurs et les Etats du Nord ont eu un écho à travers la dernière étape de la décentralisation au Sénégal. En effet, la régionalisation (lois 96-06 du 22 Mars 1996) parachève l'édifice de la décentralisation au Sénégal. Elle est caractérisée par la refonte du cadre institutionnel des collectivités locales, l'élaboration d'un nouveau code des collectivités locales (CCL) et la reconnaissance juridique de la coopération décentralisée (article 17 du CCL). La principale nouveauté est l'érection de la région, jusque là simple circonscription administrative, en collectivité décentralisée dotée d'une personnalité morale, d'une « autonomie financière » et d'une assemblée élue au suffrage universel. Ce tournant place la région de Saint-louis dans les mêmes attributions institutionnelles que la région Rhône-Alpes. L'Etat sénégalais s'est ainsi conformé aux exigences posées par les bailleurs internationaux et les partenaires bilatéraux du Nord, notamment la France, consistant à s'aligner sur les systèmes de gouvernance locale occidentale. Cependant il n'a pas tenu compte des conséquences terribles que les transferts de compétences allaient exercer sur les collectivités sénégalaises.

Afin de soutenir ces avancées considérables, Mr Abdourahim Agne nouvellement nommé au Conseil régional de Saint-Louis, en 1997, s'appuie sur ses réseaux de relations pour entrer en contact avec le Conseil régional de Rhône-Alpes. Diplômé de science politique, Mr Agne a été auparavant, tour à tour, à l'Union sénégalaise de banques (USB), et inspecteur à la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). Dans cet ordre d'idées, il créa sa

propre entreprise, la Société maritime et industrielle de la côte occidentale d'Afrique (SOMICOA)19. Abdourahim Agne était par la suite Ministre de la coopération décentralisée et de l'aménagement du territoire, avant de prendre le portefeuille du Ministère des technologies de l'information et de la communication, le 1er Mai 2009. C'est un personnage, très bien implanté dans l'échiquier politique, le milieu industriel, et le circuit financier national et sous-régional Ouest africain. Par conséquent, c'est un atout de taille qui pourrait être utile à l'implantation durable de la Rhône-Alpes dans l'espace Ouest-africain.

Ainsi, en 1997, il a accueilli, une première visite de prospection du Conseil Régional de Rhône-Alpes à Saint-Louis afin de dresser un diagnostic du territoire, l'occasion d'identifier les problèmes et d'entamer quelques négociations. Espérant conforter les engagements tenus lors de cette visite, le Conseil Régional de Saint-Louis a organisé, à son tour, une visite de ces cadres en région Rhône-Alpes, la même année. A l'issue de ces pourparlers entre élus, le 23 décembre 1997 au siège du Conseil régional de Rhône-Alpes, un premier accord de convention-cadre est signé entre le Conseil régional de Rhône-Alpes et le Conseil régional de Saint-louis du Sénégal. Donc, dès le départ, la coopération décentralisée entre Saint-Louis et Rhône-Alpes était d'ordre élitiste. Les « forces vives » émanant de la « société civile », pourtant sans cesse évoquées dans les discours, n'étaient pas associées aux négociations encore moins à l'élaboration des projets qui leurs sont destinés.

"Par convention il faut entendre tout contrat ou acte signé entre des collectivités territoriales, françaises et étrangères, comportant des déclarations, des intentions, des obligations ou des droits opposables à l'une ou l'autre partie. Sont visés par la loi aussi bien les conventions ayant un caractère déclaratif que celles pouvant avoir des conséquences matérielles, financières ou réglementaires pour ces collectivités. Que la collectivité territoriale soit engagée financièrement, matériellement ou non, la convention est la voie privilégiée de la coopération décentralisée pour tous les types d'intervention (...) "

"(...) en toutes circonstances c'est la collectivité territoriale qui assure la responsabilité de sa coopération décentralisée même si, pour mener à bien certaines actions, elle peut déléguer par convention sa maîtrise d'oeuvre à un établissement public ou à une association privée." 20

19 Sources : APS, Abdourahim Agne, un redoutable débatteur doublé d'un expérimenté politique, Archipo

20 Sources : circulaire relative à la coopération des collectivités territoriales françaises avec les collectivités territoriales étrangères, Ministères de l'intérieur, Ministère des Affaires étrangères, Mai 1994

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Cette convention-cadre est, donc, le lieu de définition des modalités générales de la coopération qui sont : programmation, définition des axes prioritaires, budgétisation, maîtrise d'ouvrage ou délégation de maîtrise d'ouvrage, répartition des rôles entre acteurs, mise en oeuvre, suivi-évaluation etc.. Conformément à la législation française, l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers doivent être précisés par les élus de Rhône-Alpes. La convention indique notamment le dispositif de gouvernance de la coopération puis elle est soumise au contrôle administratif ou de légalité du représentant étatique déconcentré, en l'occurrence le préfet de région pour Rhône-Alpes et le gouverneur pour la région de Saint-Louis.

S'inscrivant sur une coopération durable, le partenariat Saint-Louis et Rhône-Alpes sera renouvelé par la signature de conventions en 2000, 2006 et 2009. Nonobstant ce fait, des changements structurels notoires sont intervenus dans la poursuite des actions. Il s'est agit de passer d'une approche générale (définissant les modalités générales) à une approche par programme particulièrement ciblée plus conforme à l'évolution internationale de la politique de coopération décentralisée.

Les thèmes généralement abordés par la coopération décentralisée correspondent aux compétences des collectivités locales. Ce qui offre un champ très vaste n'excluant concrètement que les questions de police et de défense. Néanmoins, pour des soucis d'efficacité et de répartition des actions entre partenaires français, Rhône-Alpes décline ses axes d'interventions privilégiés comme relevant de l'amélioration des services de base offerts par la région de Saint-Louis à ses habitants. Par conséquent, les thématiques mises en oeuvre sont donc prioritairement adressées à l'éducation, la jeunesse et la santé.

Les projets destinés à l'éducation et la formation professionnelle sont généralement des actions de renforcement des infrastructures et équipements des lycées comme l'électrification et d'équipement en matériel informatique des établissements scolaires du département de Podor. Il s'agit également d'échanges entre jeunes par correspondance scolaire. Dans le domaine de la formation professionnelle, des actions visent, par exemple, à compléter la formation de personnel de santé à la pratique médicale et à la gestion administrative comptable. Avec l'appui des Conseils régionaux de Midi-Pyrénées et Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes a mis en place en place des structures de formation professionnelle dédiées à l'insertion des jeunes à l'image du CRREJ (centre régional de ressources pour l'emploi des

jeunes). L'éducation au développement peut être, aussi, incorporée dans ce secteur par des voyages de fin de cycle des jeunes Rhône-alpins à Saint-Louis ou des productions multimédia...

Dans le secteur sanitaire ou de l'assistance, les associations et les collectivités locales de Rhône-Alpes mènent des actions de soutien aux enfants de la rue à Saint-Louis, pratiquent l'envoi de matériel dans les villages, et l'équipement de centre de santé en comblant le déficit de matériels logistiques comme le montre l'hôpital de Ndioum. Il s'agit, également, d'améliorer la qualité des soins par l'appui du Centre Hospitalier Régional (CHR) de St-Louis et du Centre hospitalier de Ndioum, par la formation du personnel et la réhabilitation de maternité ou des urgences.

Dès lors que le système de donation n'était plus adéquat dans l'évolution du partenariat Rhône-Alpes/ Saint-Louis, les domaines d'intervention ont été considérablement élargis. Sur la base de ces avancées, de nouvelles catégories d'actions sont mises en exécution.

Dans le secteur du développement agricole et rural, il s'agit de la mise en place de système d'échange entre acteurs, à l'image, du jumelage entre la Fédération des alpages de l'Isère et la Maison des éleveurs. Par ailleurs, il peut s'agir d'installation de moulin ou de lancement de fermes expérimentales comme à Guélakh.

Concernant l'économie, l'artisanat, services et crédits, les projets touchent l'appui à la création ou au renforcement des activités économiques (par exemple l'appui aux projets productifs). Ils s'adressent à des jeunes porteurs de projets, des associations professionnelles, des groupements féminins etc. Le soutien aux initiatives individuelles fait également parti de ce volet.

La thématique de « l'appui institutionnel » donne lieu à des échanges d'expériences dans les domaines de la décentralisation ou de la gestion communale. Il a aussi trait à la formation des agents territoriaux par l'organisation de stages appropriés et la fourniture éventuelle d'une assistance technique aux responsables de la région de Saint-louis. Cependant ces types d'initiatives sont très rares pour être soulignés.

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Pour récapituler, les axes privilégiés dans le partenariat Saint-Louis et Rhône-Alpes sont choisis non en fonction des besoins réels des publics cibles mais plutôt par rapport aux orientations de la région Rhône-Alpes. Il semble donc que c'est un partenariat entre initiés et non une coopération directe de « population à population », de « société à société » conformément au coté « humanitaire » très mis en avant par les acteurs du Nord.

Afin de bien mener les actions sur le terrain, chaque partenaire doit mettre en place un dispositif de pilotage soit composé par les services de la région ou délégué à un organe externe (comité de pilotage, ou une ONG opérateur).

A Saint-Louis, c'est les services du Conseil régional qui gère les relations de partenariat avec le Conseil régional de Rhône-Alpes, depuis 2004. Principalement, il s'agit du Secrétaire général M. Amath DIA. Toutefois, puisque la coopération décentralisée a pris une telle ampleur dans la région, ce dernier est épaulé par le chargé des affaires administratives M. Babacar FAYE. Concernant les négociations avec Rhône-Alpes ou la représentation de la région lors des comités mixtes organisés en France, c'est le Président du Conseil régional M. Aliou Niang qui en a la responsabilité directe. Il choisit, dans bien des cas, une équipe composée d'élus et d'agents de la collectivité pour l'accompagner. Ce qui lui offre une place stratégique, objet de toutes les convoitises, dans ses interactions avec les autres conseillers. Cependant ce dispositif politique a été mis en place en 2004, car auparavant, c'est l'ARD de Saint-Louis qui gérait la coopération décentralisée avec les collectivités du Nord. Depuis que le Conseil régional a repris la main, l'ARD intervient sur le plan de l'appui technique aux projets. Elle apporte son soutien technique dans l'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi évaluation du développement local. Les organisations communautaires de base (GIE par exemple), les ONG de développement, associations de la société civile (des migrants aux associations de quartiers ...) sont des agents et interlocuteurs omniprésents dans la mise en place des projets.

A Rhône-Alpes, les élus ont opté pour un dispositif de pilotage des actions extérieures composé généralement de services de la région, déjà en place. En effet, par Philippe Bayon Vice Président de la région et délégué à la coopération décentralisée, par la Direction des Relations Internationales dont Marc Noailly est le responsable de la coopération Afrique, Méditerranée et de la Francophonie, et par Ivan Dedessus Le Moustier, responsable de la coopération Rhône-Alpes/Sénégal, le Conseil Régional conduit de manière stratégique sa

politique de solidarité internationale. En ce qui concerne la gestion de son partenariat avec Saint-Louis, c'est un correspondant sénégalais (Adama Sow) qui en est le coordonnateur sur place. Ancien de l'ADOS, Adama Sow est le trait d'union entre la région Rhône-Alpes et les régions de Saint-Louis et Matam. Il est chargé d'informer la région Rhône-Alpes sur les projets réalisés à Saint-Louis et est impliqué dans l'élaboration et le suivi évaluation des projets. Son choix représente, sans doute, beaucoup de choses notamment la confiance accordée, par Rhône-Alpes, à un professionnel du développement originaire de « la région du Fleuve » (Saint-Louis et Matam) au lieu de faire appel à une ONG, opérateur de sa région, ou de monter un comité de jumelage. Mais ça peut vouloir dire aussi que Rhône-Alpes limite les frais de gestion, de son partenariat avec Saint-Louis, en faisant plutôt appel à un professionnel sénégalais.

Le centre international d'étude au développement local (CIEDEL) de Lyon crée en 1990, en tant qu'instrument de propagande et canal de diffusion, concourt à la formation d'agents techniques des partenaires du Sud. Il est devenu association loi 1901 en 2005 et peut désormais sous-traiter totalement ou partiellement, par délégation, les projets de la région Rhône-Alpes.

Toutefois, la pierre angulaire de ce dispositif est RESACOOP (réseau d'appui à la coopération Rhône-Alpes). Il exerce le rôle de facilitation et de coordination des acteurs. Créé par la région et l'Etat, c'est un outil d'aide à la mobilisation des acteurs régionaux par l'information, la concertation et l'appui aux porteurs de projets. D'ailleurs en 1995, c'est RESACOOP qui a réuni, pour la première fois, tous les acteurs de Rhône-Alpes en coopération avec les collectivités du Sénégal.

Dans la dernière marche de cet édifice, il y a la CEPRAO (cellule d'échange et de partenariat région Rhône-Alpes Afrique de l'Ouest). C'est un instrument de coopération qui devrait favoriser les liens et les échanges d'expériences interafricains (plus précisément entre Saint-Louis, Tombouctou (Mali) et la région des trois Marigots (au Birkina Fasso) . Par exemple dans les domaines d'actions communes telles que l'appui à la décentralisation, à la formation professionnelle et universitaire.

Donc, à l'origine du partenariat entre le Conseil Régional de Rhône-Alpes et le Conseil Régional de Saint-Louis, seuls les élus locaux ont participé aux commissions préparatoires. Toutefois, l'idée d'une mise en synergie des acteurs des deux territoires déjà évoquée va remettre en cause cette coopération entre acteurs institutionnels. Au lieu de mobiliser,

seulement, les acteurs non gouvernementaux de Rhône-Alpes et Saint-Louis, les intentions affichées ont ouvert la brèche à l'immixtion d'une multitude d'intervenants. A ce titre, les Etats, la France et le Sénégal notamment, les institutions financières internationales (PNUD...), les ONG et associations de développement (à l'instar d'Aced-Sud), l'UE (avec le FED...) n'entendent pas laisser la politique de coopération aux mains des acteurs locaux. Par le biais des politiques nationales sectorielles et internationales de développement, réseaux et structures de concertation entre acteurs, ils ont colonisé la coopération décentralisée et impactent sur la finalité des projets.

1.B.2. Vers une harmonisation de la coopération décentralisée avec les stratégies nationales et internationales de développement : la mobilisation des acteurs

Les collectivités françaises se soucient bien davantage que par le passé de l'environnement institutionnel des pays où elles interviennent. Prenons le cas de l'éducation. Avec les coopérations « conteneurs », beaucoup de municipalités ont, par le passé, inauguré des écoles au Sud pour se plaindre ensuite que l'Etat n'était pas capable d'y mettre un instituteur. A présent, avant de financer la construction d'une salle de classe, on regarde si la localisation du projet correspond à la carte scolaire et aux affectations prévues par le ministère de l'éducation (B. Husson, 2007). En d'autres termes, avant de se lancer dans un projet ou programme de coopération décentralisée avec Saint-Louis, il est recommandé à la région Rhône-Alpes de prendre connaissance des politiques sectorielles dont s'est doté l'Etat du Sénégal. Donc, il faut obligatoirement travailler en collaboration avec les acteurs étatiques et internationaux. En réalité, ce qui est recherché par les bailleurs, c'est une harmonisation des systèmes de gouvernance locale et des interventions. A ce titre, la déclaration de Paris21, en 2005, a engagé les acteurs internationaux, nationaux et locaux à augmenter leurs efforts d'harmonisation face au morcellement et au manque d'impacts de l'aide internationale.

Néanmoins l'approche coopération décentralisée conduit à une inversion des tendances. Elle place toujours les acteurs au centre des processus de coopération en leur délégant la gestion des actions qui les concernent, en négociant avec eux des programmes d'appui, en accompagnant leurs apprentissages. Or ces acteurs dotés de ressources ont une certaine autonomie, des stratégies et leurs choix sont, peu prou, guidés par des intérêts matériels ou

21 Sources : Pôle CNG, Partenariat de coopération franco-sénégalais 1994-2008, Dakar, 2009

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symboliques. Par conséquent leur présence impacte considérablement sur les résultats attendus au grand détriment des destinataires de l'aide au développement.

Au Sénégal, l'article 17 du code des collectivités locales dispose que les collectivités sénégalaises peuvent engager des actions de coopération et de partenariat avec d'autres collectivités ou organismes de développement publics ou privés de pays étrangers. Ça signifie que la région de Saint-Louis contrairement à la région Rhône-Alpes peut nouer des accords de partenariat, sur convention, avec des acteurs gouvernementaux ou non gouvernementaux, publics ou privés. C'est une stratégie mise en place par l'Etat, pour permettre aux collectivités sénégalaises de profiter de la manne financière des mouvements de coopération avec le Nord.

Etant donné, que cette reconnaissance juridique de la coopération décentralisée ouvre la voie aux interventions multiples des acteurs à Saint-Louis, le gouvernement du Sénégal cherche à rétablir son contrôle sur ses territoires. Dans cet ordre d'idées, il met en place de nouvelles stratégies de développement des collectivités sénégalaises. Ces politiques sont pilotées au niveau national, par le Ministère de la décentralisation et des collectivités territoriales avec la direction des collectivités locales (DCL) et le Ministère de l'aménagement du territoire et de la coopération décentralisée qui compte une Direction de la coopération décentralisée (DIRCOD) depuis 2003 et au niveau local par les structures déconcentrées tel que L'ARD de Saint-Louis. Par conséquent, ce stratagème trouve son écho dans un foisonnement de programmes nationaux de développement et de lutte contre la pauvreté.

A ce titre, le programme national de développement local (PNDL) est sans doute l'instrument de mise en oeuvre de la politique étatique de développement le plus explicite. En effet, le PNDL constitue le cadre fédérateur des interventions en termes d'appui au développement local. Ce programme est surtout adressé aux communautés rurales sénégalaises. L'Etat s'attaque, ainsi, aux « maillons » faibles de la région de Saint-Louis, car depuis les années 2000, la situation des communautés rurales interpelle les bailleurs et devrait par conséquent mobiliser des initiatives assez onéreuses. D'ailleurs, ce programme porte sur les mêmes thématiques d'interventions mises en avant, dans le cadre, du partenariat Rhône-Alpes et Saint-Louis. Les objectifs affichés sont : l'amélioration des services de base offerts aux habitants des communautés rurales, le renforcement des capacités des acteurs locaux et l'accès des populations rurales aux activités génératrices de revenu.

Il semble y avoir un consensus autour des idées aussi bien chez les demandeurs du Sud qu'au niveau des bailleurs. C'est à se demander si la coopération décentralisée Nord-Sud ne symbolise pas un verrouillage moins visible des pays « pauvres » par les pays riches ?

Très déterminé à s'aligner sur la philosophie des bailleurs internationaux, l'Etat du Sénégal souhaite atteindre les OMD et le programme éducation pour tous (EPT), par l'adoption d'une stratégie de réduction de la pauvreté dont est assorti un document, en l'occurrence le DSRP II. Ce document est présenté par l'Etat comme le cadre référentiel, pour l'élaboration des plans sectoriels de développement, des programmes d'investissement et des contributions des partenaires au développement. C'est ni plus ni moins qu'une réplique des OMD au niveau national. C'est la raison pour laquelle, dans l'un des secteurs clés du DSRP II, l'Etat soutient la scolarisation et le maintien des filles à l'école en repoussant l'âge de la première union. Avec de telles mesures, l'Etat sénégalais fait fi des us et coutumes qui sévissent dans certaines couches sociales de la région de Saint-Louis, notamment chez la communauté Haalpulaar, où l'âge de la première union était très précoce. Il fait, également, des efforts démesurés concernant l'éducation en y consacrant 40% de son budget global, avec l'élaboration au niveau décentralisé (régional, départemental, local) de plans de développement de l'éducation (PRDE, PDDE, PLDE). Le Sénégal espère ainsi arborer l'étiquette de bon élève auprès des bailleurs afin d'obtenir de plus amples financements. Malgré ces efforts le secteur éducatif traverse une crise à tous les niveaux due, généralement, au manque de moyens et de visions.

Quelques structures spécialisées fleurissent, notamment dans les secteurs de l'eau, l'énergie et l'assainissement, branches citées, également, par les OMD. C'est dans ce cadre que le PEPAM (programme eau potable assainissement du millénaire) et l'ASER (agence sénégalaise d'électrification rurale) ont été crées afin de mieux répondre aux demandes en eau, électricité et assainissement des populations. A l'instar des secteurs de la santé et de l'éducation, ceux de l'eau, de l'énergie et de l'assainissement font aussi l'objet d'élaboration de documents de planifications locales notamment les PLHA (Plans Locaux de l'Hydraulique et de l'Assainissement) et les PLE (Plans Locaux d'Electrification). Ces documents constituent des cadres d'interventions des acteurs plus particulièrement le PEPAM et l'ASER. Le PEPAM s'est fixé comme objectifs chiffrés, d'une part, de faire passer les taux d'accès à l'eau potable de 64% en 2004 à 82% en 2015 et le taux d'accès à l'assainissement de 17% en 2004 à 59% en 2015 en milieu rural.

Et d'autre part, de faire passer le taux d'accès à l'eau potable par branchement domiciliaire dans zone urbaine de 57,1% en 2004 à 78% en 2015, dans toutes les régions du Sénégal. En outre, pour la région de Dakar, elle devrait passer de 74,7% en 2004 à 88% en 2015. Concernant le chantier de l'électrification, l'ASER s'est fixée l'objectif d'atteindre un taux d'électrification de 60% à l'horizon 2022.

Conformément aux engagements pris par le Sénégal pour l'atteinte des objectifs du millénaire pour le développement, la santé fait partie des secteurs prioritaires de l'Etat du Sénégal. Cela se manifeste à travers le DSRP II et par l'importance accordée au secteur de la santé dans les documents de planification des collectivités locales à l'instar du PRDI (plan régional de développement intégré), destiné aux conseils régionaux, dont l'ARD de Saint-Louis était chargé de le réactiver dans sa circonscription. On trouve notamment, ce volet sanitaire dans le cadre des PIC (plans d'investissements communaux) réservés aux communes et des PLD (plans locaux de développement), pour les communautés rurales.

Tous ces programmes entrent dans le prolongement des projets mis en oeuvre au niveau local par les différents agents du développement à Saint-Louis, notamment par les élus locaux, les acteurs communautaires de base, les partenaires du Nord, les ONG et bailleurs internationaux. Force est de reconnaitre que l'Etat du Sénégal n'apporte aucune nouveauté dans la prise en charge des collectivités sénégalaises. Bien qu'il semble tolérer, l'intervention de tous ces acteurs sur son territoire, il n'en demeure pas moins que l'Etat voudrait jouer les grands rôles, au risque de rentrer en contradiction avec les textes de la décentralisation.

Ainsi à défaut de ne pouvoir établir un réel rapport de force avec l'Etat, les élus locaux sénégalais veulent à tout prix que cette coopération reste sous leur contrôle. D'ailleurs en 2004, le Conseil régional de Saint-Louis a repris la gestion des projets de coopération décentralisée aux mains de l'ARD de Saint-Louis. A ce jour, les élus locaux réunissent autour de l'Union pour l'association des élus locaux du Sénégal (UAEL) dont le siège se trouve à la Maison des élus locaux (MEL) de Dakar. Cette structure regroupe l'Association des Maires, l'association des conseillers ruraux et l'association des Présidents régionaux du Sénégal. A ce titre, Aliou Niang, Président du Conseil régional de Saint-Louis, est également président de l'association des Présidents de région du Sénégal, d'où l'importance de sa région dans le dispositif national de coopération. En outre, des querelles internes entre élus existent mais ils essayent, tout de même, de former un corps afin d'équilibrer leur dialogue avec l'Etat central.

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En France, le cofinancement des projets de coopération décentralisée a pour vocation de soutenir les initiatives conjointes des collectivités territoriales françaises et leurs homologues sénégalais. Ce système de cofinancement mis en oeuvre par la délégation pour l'action extérieure des collectivités locales (DAECL) du Ministère français des Affaires Etrangères et Européennes (MAEE) devrait profiter à la région Rhône-Alpes. Pour en bénéficier elle doit transmettre ses projets au Pôle de la Coopération Non Gouvernementale du SCAC de Dakar pour instruction et avis. Ce pôle veille, formellement, à la cohérence entre l'action proposée et les priorités définies, tant par les politiques locales et nationales au Sénégal, que par la coopération bilatérale franco-sénégalaise. Ainsi le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes appuie les collectivités françaises et leurs groupements sous la forme d'appel à projet (par exemple appel à contrat triennal 2007-2009 publié sur le site de France diplomatie). Les thématiques privilégiées sont celles où Rhône-Alpes devrait avoir une forte valeur ajoutée (l'appui institutionnel, la gouvernance locale, la formation du personnel, l'assistance à la maîtrise d'ouvrage et le développement durable). Cependant, le cofinancement sollicité au MAEE ne peut être supérieur au cumul des moyens mobilisés par la région RhôneAlpes pour réaliser ses projets à Saint-Louis. Ces cofinancements posent, donc, beaucoup de trop contraintes pour la région Rhône-Alpes. Par conséquent, le Conseil régional de RhôneAlpes est l'un des rares à financer ses projets, sur fonds propres, sans faire appel aux cofinancements du MAEE. Pour autant, il peut être amené à collaborer avec le SCAC de Dakar dans l'élaboration et la conduite de ses projets avec les collectivités sénégalaises.

Ces outils innovants au service de la coopération décentralisée visent une plus grande coordination de l'action internationale, mais risquent à long terme de façonner l'action des collectivités bénéficiaires selon leurs orientations en réduisant la marge de manoeuvre. C'est le retour en force des Etats du Nord dans le développement des collectivités locales du Sud.

Par contre, une structure comme l'Association des régions de France offre de nouvelles possibilités de concertation entre acteurs régionaux intervenants à Saint-Louis du Sénégal. D'ailleurs, ce type de dispositif a permis au Conseil régional de Saint-Louis de réunir, en 2006, tous ses partenaires français de la coopération décentralisée (Rhône-Alpes, Midi Pyrénées, Nord pas de Calais et le Conseil Général du Nord). Cette rencontre parallèlement aux comités mixtes sectoriels a été l'occasion de débattre sur la nécessité d'une meilleure rationalisation des actions afin d'éviter les risques de doublons.

Certes les collectivités jouent un rôle prépondérant incontestable dans le financement de l'aide au développement en raison de leurs pouvoirs et compétences, de leurs moyens et proximité avec les citoyens, mais force est de constater que le phénomène de mondialisation a été d'un soutien positif.

En effet, pendant l'ouverture de la 55ème session de l'Assemblée Générale des Nations Unies, le 8 septembre 2000, la communauté internationale a adopté une « Déclaration du Millénaire» à l'unanimité par les 191 États membres de l'ONU. Très symbolique, cette déclaration fixe un ordre du jour ambitieux se déclinant en huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (O.M.D.) que les Etats membres se sont engagés à réaliser d'ici 2015. Ces OMD visent à réduire la pauvreté, à promouvoir l'éducation, à améliorer la santé maternelle et à faire avancer l'égalité des sexes. Ils s'attachent également à combattre la mortalité infantile, le V.I.H. / S.I.D.A. et les autres maladies. C'est un petit manuel récapitulatif des besoins primaires à satisfaire pour améliorer le quotidien des populations les plus en difficulté notamment en Afrique subsaharienne. Pour les atteindre, l'Etat du Sénégal est contraint à mieux gouverner et à investir sur ses populations, par le biais de la santé et de l'éducation. Une fois ces conditions réunies, les pays riches se sont engagés à augmenter l'aide publique au développement, à alléger les dettes et à promouvoir un commerce plus juste. C'est probablement une source de motivation supplémentaire mais qui tarde à avoir de réels impacts sur le niveau de développement.

L'union Européenne constitue, également, un bailleur non négligeable pour le financement des projets de Rhône-Alpes. En effet, par l'intermédiaire du FED (fonds européen de développement), l'EU accompagne les collectivités européennes dans la réalisation des actions de coopération décentralisée avec les `'ACP» (Afrique caraïbe Pacifique). C'est d'ailleurs, l'une de ses stratégies propres que de renforcer le poids et l'autonomie des régions au détriment des Etats membres qui ont encore le contrôle sur certaines compétences relevant de la souveraineté. A ce titre, la région Rhône-Alpes, considérée comme une grande région d'Europe, bénéficie d'importants crédits européens. Entre 2007 et 2013, c'est ainsi près de 1,5 Milliards22 € de cofinancement européen qui arriveront en Rhône-Alpes.

22 Sources : Rapports sur la stratégie européenne de la région Rhône-Alpes votée en assemblée plénière de 2007

MAEE
SCAC (Ambassade de France à
Dakar)
AFD
HCCI
CUF
AFVP

Dispositifs nationaux de
cofinancement et concertation

Conseil régional Rhône-Alpes
Délégation à la coopération
décentralisée
Service de coopération Afrique,
méditerranée et de la
Francophonie
RESACOOP
CIEDEL

Conseil régional de Saint-
Louis
Secrétariat général
Chargé des affaires
administratives
ARD
Correspondant permanent de
Rhône-Alpes à Saint-Louis
Ong tel que Aced-Sud

Dispositif de réception- mis en oeuvre et suivi

Dispositif phare

Ministère de l'aménagement du
territoire et de la coopération
décentralisée
DIRCOD
Ambassade du Sénégal en
France
DCL
UAEL (MEL)
Groupe pays Sénégal de CUF

Dispositif d'harmonisation et
d'ancrage dans les projets
locaux de développement

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La coopération décentralisée représente, également, une forte valeur ajoutée pour les acteurs non gouvernementaux et les associations de développement, du Nord et du Sud. Dans cette perspective, les ONG (par exemple SOS international) ou associations (comme Aced-Sud) interviennent à Saint-Louis pour le compte de Rhône-Alpes, en tant que maître d'ouvrage, délégué de maîtrise d'ouvrage ou maîtrise d'oeuvre.

Organigramme hiérarchique des acteurs :

Cette multiplicité des acteurs induit, cependant, des lenteurs sur le plan juridico-administratif avec une rigidité croissante des règles de la politique de coopération. En conséquence, les procédures sont compliquées, les financements impliquent des montages de dossiers complexes. Bien que les protocoles d'accord ou convention fixent les rôles respectifs du moins, en principe, il y a une réelle opacité dans les interventions.

Par exemple, en Juillet 1999, une convention de partenariat signée entre Saint-Louis et Rhône-Alpes a sollicité la participation de plusieurs acteurs. Les thématiques de cet accord sont définies comme relevant de l'économie, l'artisanat, les services et crédit et la formation d'adulte. Conformément à la dite convention, Rhône-Alpes a apporté son soutien dans la formation et l'échange d'expérience au processus de décentralisation. Le budget prévisionnel s'est élevé à hauteur de 500.000 €. Un projet de cette envergure a nécessité le contrôle d'approbation à priori du gouverneur de Saint-Louis, comme tous les projets qui dépassent 100.000 €, et le concours de différents partenaires. A Rhône-Alpes, le Conseil régional a sollicité les ONG de sa région (ACERA, ADOS, SOS international). A Saint-Louis, nonobstant le Conseil régional de Saint-Louis il y avait l'ARD (pour son savoir faire technique) et les communes d'Ourossogui (Matam) et de Guélakh Rao (Saint-Louis). Ancien village de l'ex département de Matam, Ourossogui est une commune située dans la région de Matam qui faisait partie de la circonscription de Saint-Louis jusqu'en 2002.

Ce type de partenariat avec des intervenants multiples n'est pas un cas isolé. Dit autrement, la plupart des projets menés par le Conseil régional de Rhône-Alpes à Saint-Louis mobilisent une pluralité d'acteurs, au Nord comme au Sud. Dans ces conditions, les moyens mobilisés ne seront pas tous alloués au projet car une partie servira à financer les opérateurs de RhôneAlpes impliqués dans la mise en oeuvre et la gestion. Les discours séduisants d'une coopération directe entre Rhône-Alpes et Saint-Louis, ne reflètent pas tout à fait la réalité sur le terrain, car les intermédiaires sont multiples, les projets éparpillés et les rôles cumulés.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery