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La puissance quasi-illimitée du parlement et la fragilité de la suprématie de la constitution de 1987

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par Destin JEAN
Université d'Etat d'Haà¯ti (Faculté de droit et des sciences économiques de Port-au-Prince).  - Licence 2009
  

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B. LE DOMAINE DE LA LOI ET LE CHAMP DE COMPÉTENCES DU PARLEMENT

Le Sénat et la Chambre des Députés sont les deux (2) composantes du Parlement. Or, ce dernier est une création de la Constitution. En conséquence, il va de soi que le Sénat et la Chambre sont deux (2) organes institués par la Constitution.

La doctrine constitutionnelle française retient l'Etat et les limites de son pouvoir comme objet de la Constitution et du droit constitutionnel168. Par contre, dans la Constitution de 1987, les pouvoirs du Parlement, un organe de l'État, ne lui sont pas comptés.

En effet, l'article 93 de la Constitution de 1987, énumérant des attributions de la Chambre des Députés, dispose in fine que « les autres attributions de la Chambre des Députés lui sont assignées par la Constitution et par la loi ». On en déduit que l'énumération de cette disposition constitutionnelle n'est pas limitative, puisque d'autres attributions éparses de la Chambre des Députés peuvent être trouvées dans l'ensemble du texte constitutionnel et dans la loi. Donc, toutes les attributions de la Chambre ne sont pas contenues dans l'article 93 de la Constitution de 1987. Elle est fondée à exercer valablement toutes autres compétences que lui confèrent la Constitution et la loi.

168 HAMON, TROPER 2003, op. cit., page 22.

De plus, l'article 97 de la Constitution de 1987, énumérant des attributions du Sénat, dispose in fine qu'il peut aussi « exercer toutes autres attributions qui lui sont assignées par la présente Constitution et par la loi ». On en déduit que pareillement à la Chambre des Députés, le Sénat est fondé à exercer valablement toutes autres compétences que lui confèrent la Constitution et la loi.

Le terme loi doit être pris, ici, au sens organique et formel (stricto sensu), c'est-à-dire le texte émanant du Pouvoir Législatif. Il ne doit pas être compris comme englobant, ut universi, toutes les règles à valeur juridique (Constitution, loi ordinaire, règlements, principes généraux du droit, coutume...). Il y a plusieurs raisons à cela :

D'abord, le terme loi, en général, est compris au sens organique et formel, par opposition aux règlements, mais aussi à la Constitution. C'est en ce sens que l'on entend en général le mot loi dans la pratique. En d'autres termes, c'est son sens juridique usuel169.

Ensuite, les articles 93 et 97 in fine précisent : « par la Constitution et par la loi ». Par conséquent, s'il s'agissait de la loi lato sensu, il serait inutile d'invoquer la Constitution, car la loi au sens large englobe aussi la Constitution170. De plus, la conjonction de coordination et n'aurait pas sa place.

Par ailleurs, il n'y a pas un problème juridique particulier le fait que les dispositions des articles 93 et 97 in fine de la Constitution de 1987 réfèrent à l'ensemble du texte constitutionnel pour rechercher d'autres attributions du Sénat et de la Chambre. En ce sens, ces dispositions constitutionnelles invitent à observer que les attributions du Sénat et de la Chambre sont éparses, donc non regroupées sous une rubrique particulière de la Constitution.

Cependant, les deux dispositions constitutionnelles en question font problème en référant aussi à la loi pour rechercher d'autres attributions du Sénat et de la Chambre. Si le Sénat et la Chambre peuvent valablement exercer toutes attributions que leur assignent la loi, comme le veulent les articles 93 et 97 de la Constitution, cela suppose évidemment que la loi peut accorder de nouvelles compétences au Sénat et à la Chambre. D'où, une extension du domaine de la loi. En plus de pouvoir mettre en oeuvre la Constitution, la loi peut aussi étendre les compétences des organes qu'elle institue, en l'occurrence le Sénat et la Chambre.

169 Voir CORNU 2007, op. cit., page 560, puis François TERRE, Introduction générale au Droit, Précis Dalloz, Paris, 7e éd., 2006, p. 194.

170 Idem, p. 194.

A ce propos, nous rappelons qu'il est de la compétence du Parlement de faire les lois. Or, le Parlement est composé du Sénat et de la Chambre des Députés. D'où, la loi qui peut venir étendre les attributions du Sénat et de la Chambre aura été votée par ces deux organes.

Par voie de conséquence, on peut avancer qu'en plus des attributions expressément constitutionnelles qui leur sont dévolues, la Constitution de 1987 leur reconnaît implicitement le pouvoir d'étendre le champ de leurs attributions, donc de leurs compétences, par voie législative ordinaire. N'est-ce pas leur accorder la « compétence de leur compétence » ? Pour l'assignation d'attributions au Sénat et à la Chambre, y-aurait-il lieu de parler de compétence concurrente du constituant et du Parlement ? Peut-on véritablement parler de prééminence hiérarchique de la Constitution sur la loi ? En pouvant élargir ses attributions, le Législateur paraît être l'égal du constituant.

D'aucuns pourraient faire valoir que les dispositions constitutionnelles en question ne concernent que le Sénat et la Chambre des Députés séparément, mais ne concernent pas le Parlement comme organe et que l'on n'encoure donc aucun danger puisqu'aucune des deux Assemblées ne vote seule la loi.

Nous répondons que les deux Assemblées participent, sur un pied d'égalité, à l'élaboration et au vote de la loi. Un projet de loi ou une proposition de loi devient loi quand il ou elle est voté (e) en termes identiques par les deux (2) Assemblées.171 Elle est ensuite adressée au Président de la République pour promulgation.172 De plus, le Sénat et la Chambre sont deux organes d'un même Pouvoir, en l'occurrence, le Pouvoir Législatif ou Parlement. D'ailleurs, c'est l'addition du Sénat et de la Chambre qui donne le Parlement. Donc, accorder un pouvoir extensif à la fois au Sénat et à la Chambre revient encore à l'accorder au Parlement. C'est ainsi que l'on admet que le Parlement exerce un contrôle sur l'action gouvernementale, alors que ce pouvoir de contrôle est accordé au Sénat et à la Chambre séparément.

Par voie de conséquence, les deux (2) Assemblées du Parlement peuvent toujours s'arranger pour voter un texte173 en termes identiques qui aura devenu ipso facto loi, puis

171 Art. 120, Constitution de 1987.

172 Art. 121, Constitution de 1987.

173 Une sorte de proposition de loi d'auto-habilitation dans laquelle elles se distribuent des pouvoirs, surtout en cas de vide juridique.

l'adresser au Président de la République qui, après avoir éventuellement usé de son droit d'objection, se trouvera dans l'obligation constitutionnelle de la promulguer.174

De plus, l'initiative de la loi appartient concurremment à chacune des deux Assemblées et au Pouvoir Exécutif. Néanmoins, la Constitution, en son article 111-2, met une sourdine à la portée du droit d'initiative législative accordé au Parlement en ce sens qu'elle prescrit que l'initiative des lois de finances est de la compétence exclusive du Pouvoir Exécutif. Par contre, les constituants de 1987 n'ont pas jugé utile d'empêcher que l'une et l'autre des deux Assemblées puissent avoir l'initiative de la loi qui aurait pour vocation de leur donner des pouvoirs. La Constitution a seulement prescrit que la Chambre et le Sénat peuvent exercer également les attributions qui leur sont dévolues par la Constitution et par la loi.

Bien qu'il ne soit pas évident d'avoir un projet de loi (donc, d'initiative gouvernementale) prévoyant d'accorder de nouvelles attributions à la Chambre ou au Sénat, ces derniers peuvent toujours se proposer un texte en ce sens pour être adopté comme loi. D'ailleurs, la proposition pourra facilement devenir loi puisque le Pouvoir Exécutif ne dispose d'aucun moyen de pression effectif sur le Parlement en matière législative.

En effet, il n'est pas sans intérêt de faire remarquer que les constituants de 1987 ont accordé uniquement au Sénat et à la Chambre des Députés ce pouvoir d'étendre leurs compétences.

D'abord, cette prescription constitutionnelle exorbitante est rencontrée en deux (2) occasions et en deux (2) endroits différents.175 La Constitution dresse une liste d'attributions de la Chambre et du Sénat et précise, expresis verbis, qu'ils peuvent aussi exercer toutes autres attributions qui leur sont assignées par la Constitution et par la loi. Par contre, les constituants ont bien pris le soin de limiter singulièrement les attributions de l'Assemblée Nationale, l'organe non-permanent du Parlement, avant même d'en dresser la liste. C'est l'objet même de l'article 98-2 de la Constitution : « Les pouvoirs de l'Assemblée Nationale sont limités et ne peuvent s'étendre à d'autres objets que ceux qui lui sont spécialement attribués par la Constitution. »

Ensuite, seul le Parlement, c.-à-d. le Sénat et la Chambre, jouit de cette prérogative d'élargir le champ de ses attributions par voie législative ordinaire. En effet, il est clairement

174 Art. 121-4, Constitution de 1987.

175 Voir les articles 93 et 97-3 de la Constitution de 1987.

indiqué dans la Constitution que le Président de la République n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribue la Constitution.176 D'où, un obstacle à l'équilibre institutionnel et démocratique du régime.

En somme, le pouvoir constituant originaire a accordé, par sa ratification du texte le 29 Mars 1987, à un pouvoir constitué, le Parlement, des prérogatives de législation illimitées jusqu'à lui permettre de se donner des pouvoirs.

L'effectivité des prérogatives de législation illimitées du Parlement est assurée, car des faibles moyens d'action sont accordés au Pouvoir Exécutif sur la procédure législative.

§ 2.- DES FAIBLES MOYENS D'ACTION DE L'EXÉCUTIF SUR LA PROCÉDURE LÉGISLATIVE

La loi est adoptée selon la procédure législative, c'est-à-dire, l'examen et le vote du texte par chaque Assemblée.177 Nous retenons cinq (5) étapes principales dans la procédure d'élaboration de la loi (A). En outre, la procédure législative ne fait quasiment pas l'objet de contrôle dans la Constitution haïtienne de 1987. Cette dernière n'accorde que des faibles moyens d'action à l'Exécutif sur la procédure législative (B).

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci