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Le Conseil de Sécurité des Nations Unies et la Cour Pénale Internationale: dépendance ou indépendance ?

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par Charles KAKULE KINOMBE
Université catholique de Bukavu - Licence en droit option droit public 2011
  

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IV. La saisine par le Conseil de sécurité confère à la Cour des compétences assez étendues

La saisine de la CPI, soit par un Etat partie, soit par le Procureur, suppose que soit Partie au traité les deux ou l'un, seulement des Etats suivants :

« - L'Etat sur le territoire duquel le comportement en cause s'est produit ou, si le crime a été commis à bord d'un navire ou d'un aéronef portant pavillon ou l'immatriculation de l'Etat en question ;

- ou l'Etat dont la personne accusée de crime est un national »59(*)

Il ressort de cet article 12, 2 du Statut de Rome que ces conditions restrictives ne sont pas nécessaires lorsque c'est le Conseil de sécurité qui est l'auteur de la saisine. Cela signifie donc, a contrario, que le Conseil de Sécurité peut saisir la Cour de crimes survenus sur le territoire d'un Etat non partie ou commis par les ressortissants d'un tel Etat. L'extension des compétences de la Cour en une telle occurrence est considérable, puisqu'elle exclurait tout risque d'impunité des auteurs de crimes selon qu'ils auraient eu pour théâtre de leurs agissements ou pour nationalité d'un Etat qui aurait refusé la compétence de la CPI.

Ainsi, saisie par le Conseil de Sécurité, la compétence de la Cour n'est pas limitée aux crimes commis par des ressortissants ou sur le territoire d'un Etat partie, mais elle s'impose aussi aux Etat tiers et il n'est donc pas nécessaire que les auteurs présumés soient ressortissants d'un Etat partie ou que les crimes aient été commis sur le territoire d'un Etat partie. Il s'agit d'une extension du domaine subjectif du Statut des Etats tiers au Traité de Rome qui, dans une certaine mesure, peut s'opposer en terme général aux principes « pacta tertiis nec nocent nec pro sunt »,60(*)

« pacta sunt servanda » et « le principe de l'effet relatif des traités ». Quoique la faculté de saisir la CPI reconnue au Conseil de Sécurité porte atteinte aux principes ici cités, nous pensons qu'il ne serait pas raisonnable de supprimer cette faculté car cela serait à la base de l'impunité des crimes commis sur le territoire d'un Etat non partie au Statut de Rome ou commis par les ressortissants d'un tel Etat. Cela porterait également atteinte à la vocation universelle de la Cour.

§3. Une applicabilité atténuée du principe de complémentarité

Avant d'aborder l'applicabilité atténuée du principe de complémentarité (B), il s'avère impérieux d'examiner préalablement le sens de ce principe(A).

A. Sens du principe de complémentarité

Le principe de complémentarité se trouve énoncé dans le préambule du Statut de la CPI61(*) ainsi qu'à l'article 1er62(*) et 1763(*)du Statut précité. Il s'agit là d'une différence majeure par rapport aux Statuts des Tribunaux pénaux internationaux qui retiennent la primauté de ces derniers sur les juridictions nationales64(*)

La CPI a un rôle secondaire65(*)par rapport aux juridictions nationales dans la répression des crimes relevant de sa compétence. Cette restriction se comprend aisément si l'on considère que la Cour est instituée non pas par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, mais par un traité multilatéral. Les Etats étaient tout au long de l'élaboration du Statut de la CPI soucieux de préserver leur souveraineté et, en particulier, leur responsabilité première de réprimer les crimes commis sur leurs territoires66(*). La justice fait en effet partie des pouvoirs régaliens de l'Etat.

Le principe de la primauté n'a à aucun moment été envisagé de la CPI67(*). Selon Alain PELLET : « Le Statut hésite constamment entre la motivation « communautariste » qui l'inspire et les arrières pensées « étatistes » qui n'ont jamais cessé de hanter nombre de participants à la conférence de Rome »68(*) , par conséquent, nous constatons que les dispositions du Statut consacrant la complémentarité illustrent bien le souci de respecter la primauté de la répression étatique.

Certes, il est évidemment difficile de contester les avantages de la répression étatique. Outre le fait non négligeable qu'est en cause un des attributs de la souveraineté, à savoir l'administration de la justice pénale, et qu'il est illusoire d'attendre des Etats qu'ils y renoncent volontairement et de façon générale, il est également incontestable que les juridictions nationales seront dans la majorité des cas les mieux placés pour agir.69(*)

A contrario, dans l'hypothèse où les Etas n'auraient pas la volonté ou la capacité de réprimer les crimes relevant de la compétence de la CPI, le Statut prévoit que cette dernière peut alors déclarer l'affaire recevable.70(*)

Notons que, contrairement au projet du Statut de la Commission de Droit international, qui était extrêmement favorable aux Etats en ce qu'il se consentait, pour ainsi dire, de l'engagement d'une procédure au niveau national, l'article 17 du Statut de la CPI rétablit un certain équilibre entre les prérogatives de la CPI et des Etats en conférant à la Cour le soin de déterminer, à l'aide d'une série de critère énoncés à l'article 17, s'il ya manque de volonté ou incapacité de l'Etat à mener à bien les poursuites.

En effet, l'article 17 dispose :

« 1. Eu égard au dixième alinéa du préambule et à l'article premier, une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque :

a) l'affaire fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce, à moins que cet Etat n'ait pas la volonté ou soit dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites,

b) l'affaire a fait l'objet d'une enquête de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce et que cet Etat a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit l'effet du manque de volonté ou de l'incapacité de l'Etat de mener véritablement à bien des poursuites.

c) la personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l'objet de la plainte, et qu'elle ne peut être jugée par la Cour en vertu de l'article 20 paragraphe 3 ;

d) l'affaire n'est pas suffisamment grave pour que la Cour y donne suite.

2. Pour déterminer s'il y a manque de volonté de l'Etat dans un cas d'espèce, la Cour considère l'existence, eu égard aux garanties d'un procès équitable reconnues par le droit international, de l'une ou de plusieurs des circonstances suivantes :

a) la procédure a été ou est engagée ou la décision de l'Etat a été prise dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour visés à l'article 5 ;

b) la procédure a subi un retard injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec l'intention de traduire en justice la personne concernée ;

c) la procédure n'a pas été ou n'est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d'une manière qui, dans les circonstances est incompatible avec l'intention de traduire en justice la personne concernée.

3. Pour déterminer s'il y a incapacité de l'Etat dans un cas d'espèce, la Cour considère si l'Etat est incapable, en raison de l'effondrement de la totalité ou d'une partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure ».71(*)

B. Applicabilité du principe de complémentarité en cas de saisine de la CPI par le Conseil de Sécurité

La primauté de la CPI sur les juridictions nationales est exclue en cas de saisine par l'Etat partie ou le procureur agissant motu proprio. Il en est de même lorsque la saisine émane du Conseil de sécurité, bien qu'il n'y ait pas de dispositions expresses à ce sujet dans le Statut de Rome. L'article 17, consacrant le principe de complémentarité ne distingue pas, comme le fait l'article 18 paragraphe 1er72(*) entre les différents modes de saisine. Nous pouvons donc raisonnablement en déduire que le principe de complémentarité de la CPI aux juridictions nationales s'applique également dans l'hypothèse de la saisine par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

De plus selon l'article 53 §1 alinéa b73(*)et §2 alinéa b74(*) avant d'ouvrir une enquête ou de poursuivre, le Procureur examine si l'affaire est recevable au titre de l'article 17. Et le §3 alinéa a75(*) du même article autorise le Conseil de sécurité lorsqu'il a saisi la Cour à demander à la chambre préliminaire de la Cour d'examiner la décision de ne pas poursuivre prise par le procureur en vertu des paragraphes 1 ou 2 et demander au procureur de la reconsidérer.

L'article 53 ne fait que conforter l'interprétation selon laquelle l'article 17 et par la même le principe de complémentarité est applicable lorsque le Conseil de Sécurité saisit la CPI. Ainsi le Conseil de Sécurité va agir dans les limites fixées par le Statut.

Néanmoins, le Statut lui-même porte atteinte au principe de complémentarité lorsque la saisine émane du Conseil de Sécurité.

L'article 18§1 prévoit la notification, par le procureur, de l'ouverture d'une enquête à tous les Etats parties ou aux Etats qui, selon les renseignements disponibles, auraient normalement compétence à l'égard des crimes dont il s'agit.

L'un quelconque de ces Etats peut alors demander au Procureur de se dessaisir et il devra le faire sauf exception76(*). Par ce mécanisme, la CPI invite les Etats à exercer leur primauté dans la répression des crimes internationaux en question.

Comme nous le constatons, l'article 18 ne vise expressément que l'article 13, a et c consacré à la saisine par un Etat partie et par le Procureur agissant « proprio motu ». Il ne fait aucune mention de l'article 13, b consacré à la saisine de la CPI par le Conseil de Sécurité à laquelle cette disposition n'est pas applicable.

Le principe de complémentarité est applicable, par la CPI en cas de saisine par le Conseil de Sécurité, mais pas dans sa pleine rigueur étant donné que les Etats ne seront pas notifiés l'ouverture d'une enquête relativement à la situation déférée. En outre, bien que le Statut n'ait pas retenu la primauté de la CPI lorsqu'elle est saisie par le Conseil de sécurité, ce dernier va pouvoir par ricochet, parvenir à ce résultat et remédier aux limites posées à l'action de la CPI du fait de l'application du principe de complémentarité. Pour ce faire, il va agir en dehors du cadre du Statut, en utilisant les pouvoirs, que lui confère la Charte des Nations unies et elle seule. L'article 103 en particulier, en vertu duquel les obligations des Etats membres des Nations Unies au titre de la Charte prévalent sur leurs obligations découlant de toutes les autres conventions internationales au nombre desquelles le Statut de la Cour figure, le permet.77(*)

En utilisant les pouvoirs que lui confère la Charte des Nations Unies et auxquels le Statut ne saurait porter atteinte78(*), le Conseil de sécurité va pallier aux insuffisances du Statut de Rome surtout en matière de coopération des Etats non parties en conférant de facto à la CPI la primauté que ce dernier lui refuse.

* 59 Article 12, 2 du Statut de Rome.

* 60 M.CHIAVARIO, La justice pénale internationale entre passé et avenir, Dalloz, Paris, 2003, p.117.

* 61 Alinéa 10 du préambule du Statut de Rome : « Soulignant que la Cour pénale Internationale dont le Statut porte la création est complémentaire des juridictions criminelles nationales ».

* 62 Article 1er du Statut de Rome : « (...) Elle est complémentaire des juridictions criminelles nationales ».

* 63 L'Article 17 du Statut de Rome, relative aux questions de recevabilité détaille dans son premier paragraphe le contenu du principe de complémentarité et dans ses paragraphes 2 et 3 les cas dans lesquels la Cour peut conclure au manque de volonté ou à l'incapacité d'un Etat et de déclarer l'affaire recevable.

* 64 Article 9(2) du Statut du TPIY, article 8(2) du Statut du TPIR.

* 65 D.NTANDA NSEREKO, « The international criminal court: Jurisdictional and related issue», in Criminal law forum, vol. 10, n°1, 1999, p.114.

* 66 E.DULAC, Op.cit., p. 43.

* 67 E.DULAC, Idem, p. 44.

* 68 A. PELLET, Op.cit., p. 144

* 69 Notamment pour ce qui est de l'accès aux éléments de preuve, mais aussi, du fait que la justice pénale sera mieux administrée au niveau national en raison de la proximité qu'au plan international où elle fait ses premiers pas.

* 70 Article 17, 2 et 3 du Statut de Rome.

* 71Article 17 du Statut de Rome, in M. CIFENDE KACIKO et S.SMIS, Code de droit International africain, Larcier, Bruxelles, 2011, p. 367.

* 72 Article 18, 1 du Statut de Rome dispose : « Lorsqu'une situation a été déférée à la Cour comme le prévoit l'article 13, alinéa a, et que le Procureur a déterminé qu'il y aurait une base raisonnable pour ouvrir une enquête au titre des articles 13, paragraphe c, et 15, le Procureur le notifie à tous les Etats Parties et aux Etats qui, selon les renseignements disponibles, auraient normalement compétence à l'égard des crimes dont il s'agit(...) »

* 73 Article 53 §1 du Statut de Rome : « Le Procureur, après avoir évalué les renseignements portés à sa connaissance, ouvre une enquête, à moins qu'il ne conclue qu'il n'y a pas de base raisonnable pour poursuivre en vertu du présent Statut. Pour prendre sa décision, le procureur examine:(...) b) si l'affaire est ou serait recevable au regard de l'articla 17(...)»

* 74 Article 53§2 du Statut de Rome : « Si, après enquête, le Procureur conclut qu'il n'y a pas de base suffisante pour engager des poursuites : :(...) b) si l'affaire est ou serait recevable au regard de l'articla 17(...)»

* 75 Article 53 § 3 alinéa a du Statut de Rome : « A la demande de l'Etat qui a déféré la situation conformément à l'article 14, ou du Conseil de sécurité s'il s'agit d'une situation visée à l'article 13, paragraphe b, la chambre préliminaire peut examiner la décision de ne pas poursuivre prise par le Procureur en vertu des paragraphes 1er ou 2 et demander au Procureur de la considérer ».

* 76 Article 18 §2 du Statut de Rome : « ... » Si l'Etat lui demande, le Procureur lui défère le soin de l'enquête, à moins que la chambre préliminaire ne l'autorise, sur sa demande, à faire enquête lui-même ».

* 77 M.H. ARSANJANI, « The Rome statute of international criminal court », in American Journal of law, vol. 93, 1999, pp. 22-23.

* 78 Le Conseil de Sécurité a des prérogatives exorbitantes en vertu de la Charte des Nations Unies auxquelles le Statut de Rome ne saurait porter atteinte car le Conseil de sécurité a été créé par la Charte des Nations Unies différente du Statut de Rome qui a créé la Cour Pénale Internationale.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein