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Le Conseil de Sécurité des Nations Unies et la Cour Pénale Internationale: dépendance ou indépendance ?

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par Charles KAKULE KINOMBE
Université catholique de Bukavu - Licence en droit option droit public 2011
  

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§4. L'autonomie du Conseil de Sécurité en matière de saisine de la CPI

En recourant à l'article 39 de la Charte des Nations Unies, tout en se conformant aux buts et principes que cette même Charte a posés79(*), le Conseil de Sécurité fait usage de son pouvoir discrétionnaire dans la qualification de menace contre la paix et la sécurité internationales80(*). En effet l'article 39 de la Charte des Nations Unies dispose : « le Conseil de Sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait les recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

Il appartient au Conseil de Sécurité de « (....) définir sa propre légalité, et d'apprécier non seulement l'opportunité de son intervention mais aussi les modalités de son action éventuelle. Dans ces conditions, aucun contrôle extérieur ne saurait être exercé sur ses décisions. Le contrôle est celui que le Conseil de Sécurité exerce sur lui-même(...) »81(*)

§5. Etude de la saisine de la CPI par le Conseil de Sécurité

Depuis l'entrée en vigueur du Statut de Rome jusqu'à nos jours, deux situations ont été déférées à la CPI par le Conseil de Sécurité, à savoir la situation du Darfour (A) et celle de la Lybie(B).

A. Situation du Darfour devant la CPI

Bien que la tragédie du Darfour au Soudan était déjà une réalité au début des années quatre-vingt-dix82(*) , il fallait attendre le rapport de la commission de droits de l'homme en mai 2004 pour que les Nations unies prennent toute la mesure du drame. Ce rapport fait le point sur la situation des droits de l'homme au Darfour et rend compte de nombreuses violations systématiques.83(*)

C'est seulement le 25 mai 2004 que le Conseil de sécurité se dit alarmé par la situation et invite les parties à la négociation pour trouver un accord84(*). Ensuite les résolutions s'enchaînent85(*) jusqu'à la Résolution 1593 du 31 mars 2005 par laquelle le Conseil de sécurité décide de déférer la situation du Darfour au Procureur de la CPI, afin que la juridiction pénale internationale permanente connaisse des crimes commis depuis le 1er juillet 2002.

Par sa résolution 1564 de septembre 2004, le Conseil de Sécurité avait demandé au Secrétaire général des Nations unies de « créer rapidement une commission internationale d'enquête pour enquêter immédiatement sur les informations faisant état de violations du droit international humanitaire et des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme par toutes les parties dans le Darfour, pour déterminer également si des actes de génocide ont eu lieu et pour identifier les auteurs de ces violations afin de s'assurer que les responsables aient à répondre de leurs actes ». Suite à cela, une commission d'enquête est établie en Octobre 2004 par le Secrétaire général et elle rend son rapport le 25 janvier 2005.

Dans ce dernier, on rapporte plusieurs violations commises par toutes les parties au conflit, à savoir des forces gouvernementales et des milices pro-gouvernementales, qui témoignent l'existence des éléments matériels d'un génocide (meurtre, les atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale, etc).

Poursuivant toujours la même direction, la commission fait deux recommandations au Conseil de sécurité. La première, et plus importante afin de cette analyse, consiste en un transfert de la situation du Darfour à la CPI pour une mise en cause de la responsabilité pénale individuelle des personnes impliquées dans les crimes commis. La seconde recommandation a trait à la création d'une commission internationale d'indemnisation pour apporter une réparation matérielle aux personnes lésées par ces crimes.86(*)

Le Soudan n'étant pas partie au Statut de Rome87(*), la situation du Darfour fut déférée devant la CPI par le Conseil de sécurité en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et de l'article 13, b du Statut de Rome.

En effet, par sa résolution 1593 (2005) du 31 mars 2005, que d'aucuns qualifient d'historique88(*), le Conseil de sécurité a déférée devant la CPI la situation du Darfour.

Dans cette résolution, le Conseil de sécurité est revenu sur le motif de la menace contre la paix et la sécurité internationales. Il a « constaté que la situation au Soudan continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales »89(*). Il en a profité pour exploiter les vertus de la disposition de l'article 41 de la Charte des Nations unies qui lui octroie le pouvoir de prendre des mesures qui n'impliquent pas l'emploi de la force armée.90(*)

La résolution du Conseil de Sécurité relative au renvoi de la situation du Darfour à la CPI donnerait à penser à une insuffisance de motivation, en ceci qu'elle n'a pas indiqué autant que possible les circonstances pertinentes de la situation du Darfour, ni n'a expliqué en quoi cette situation est constitutive de menace contre la paix et la sécurité internationales.

Il nous semble cependant que l'examen de la résolution 1593 (2005), mériterait d'être conjugué avec celui des actes qui ont précédé cette dernière résolution et qui sont intervenus dans le même contexte relatif à la situation du Darfour.

Au nombre de ces actes, l'on pourrait citer la déclaration du Président du Conseil de sécurité en date du 25 mai 2004 à la 4978ème séance du Conseil.91(*)

L'on peut également relever les résolutions 1556(2004) du 30 juillet 2004, 1564(2004) du18 septembre 2004 et 1574 du 19 novembre 2004 qui ont démontré en particulier la pertinence de la situation du Darfour et la menace qu'elle présente contre la paix et la sécurité internationales, le Conseil de Sécurité a commencé par constater la poursuite de la crise humanitaire et des violations des droits de l'homme, condamné tous les actes de violence et violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire commis par toutes les parties à la crise, et rappelé le besoin d'une aide humanitaire d'urgence dont sont privés les habitants de la région du Darfour. Les différents actes pris précédemment par le Conseil de Sécurité et leur motivation ont déterminé le Conseil de sécurité à abriter sans encombre la résolution 1593(2005) derrière la disposition de l'article 39 de la Charte des Nations Unies.

La saisine de la CPI par le Conseil de sécurité a abouti à la délivrance par la CPI de quatre mandats d'arret contre Ahmad Muhammad Harun, Secrétaire d'Etat soudanais, Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman Kushuyb, chef de la milice Janjawid ; Abdallah Banda Akakaer Nourain et Saleh Mohammed Jerbo Jamus, Chefs rebelles accusés d'avoir mené une attaque contre les forces de maintien de la paix.

La CPI a délivré un mandat d'arrêt contre le Président soudanais Omar Al Béchir pour génocide le 12 juillet 2010. Il s'agit du premier mandat pour génocide de la CPI. Le 02 décembre 2011, la CPI a délivré un mandat d'arrêt à l'encontre de l'actuel ministre soudanais de la Défense, Abdelhakim Mohamed Hussein, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis au Darfour d'août 2003 à mars 200492(*)

Quand on examine la résolution 1593 du Conseil de Sécurité renvoyant la situation du Darfour à la Cour, on notera que :

- Le Conseil de Sécurité procède au renvoi en invoquant le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, conformément à la lettre de l'article 13, b du Statut de Rome.93(*)

En effet, conformément à cet article, le 31 mars 2005, par l'adoption de la résolution 1593, « agissant en vertu du chapitre VII de la charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a décidé de déférer au procureur de la CPI la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002 »94(*)

- Le Conseil de Sécurité « décide que le gouvernement soudanais et toutes les autres parties au conflit du Darfour doivent coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur »95(*), mais il ajoute « tout en reconnaissant que le Statut de Rome n'impose aucune obligation aux Etats qui n'y sont pas parties, le Conseil de sécurité demande instamment à tous les Etats et à toutes les organisations régionales et internationales de coopérer pleinement »96(*). Autrement dit, le Conseil confirme que sa décision de confier la situation du Darfour à la CPI ne transforme pas les Etats tiers au Statut en Etats parties, mais que ces Etats n'en doivent pas moins collaborer avec la Cour dans le cas de Darfour.97(*)

- Le Conseil de Sécurité exclut de la compétence de la Cour « les ressortissants, responsables ou personnels d'un Etat contributeur qui n'est pas partie au Statut de Rome de la CPI »98(*). Ces derniers sont soumis à la compétence exclusive de l'Etat contributeur sauf dérogation formelle dudit Etat. Politiquement, cette limitation de la compétence de la CPI était sans doute, une partie du prix à payer pour obtenir d'Etats, comme la Chine et les Etats-Unis, qu'ils ne s'opposent pas à l'adoption de la Résolution. Juridiquement, cette limitation de la compétence de la CPI se fonde non sur l'article 16 du Statut, mais sur le droit souverain du Conseil de sécurité de définir le mandat de la CPI pour les besoins de la situation qu'il lui défère99(*). Plusieurs Etats ont regretté cette limitation de compétence notamment l'Algérie, l'Argentine, la Tanzanie, le Bénin et le Brésil.

- Les quatre Etats qui se sont abstenus ont invoqué les raisons diverses :

v Les Etats Unis opposent une objection fondamentale à l'opinion selon laquelle la CPI devrait être en mesure d'exercer sa juridiction sur les ressortissants y compris les responsables gouvernementaux d'Etats qui ne sont pas parties au Statut de Rome. Cela porte atteinte à l'essence même de la notion de souveraineté.

v Selon la Chine, la CPI ne peut pas exercer sa juridiction sur des Etats non parties et il serait difficile de souscrire à ce que le Conseil autorise un tel cas de figure.

Selon H.ABRAHA et R.ADJOVI, la Chine s'est abstenue lors du vote de la résolution 1593, car « elle est dans une position d'observation. Elle garde ses propres errements au Tibet hors de la portée d'une telle pratique. Il semble qu'il lui fallait éviter de créer un précédent qui pourrait lui être opposé comme modalité de la répression de crimes commis sous son régime ».100(*)

v Le Brésil déplore qu'on affirme l'incompétence de la CPI à l'égard des ressortissants, responsables ou personnels en activité ou anciens responsables ou personnels d'un Etat contributeur qui n'est pas partie au Statut de Rome. Il regrette que la résolution se réfère aux accords visés à l'article 98, §2 du Statut de Rome.

v Quant à l'Algérie, elle regrette que le Conseil n'ait pas pris davantage en considération les propositions de l'Union Africaine.101(*)

B. Situation de la Libye devant la CPI

Nous n'allons pas nous étendre outre mesure sur la situation de la Libye dès lors qu'elle présente les aspects analogues à ceux de la situation du Darfour, analysée précédemment.

A l'instar du Soudan, la Libye n'est pas partie au Statut de Rome.

La situation de la Lybie est la deuxième situation soumise à la CPI par le Conseil de Sécurité en vertu du Chapitre VII de la Charte de l'ONU.

Face aux exactions commises par les dirigeants libyens, le Conseil de sécurité a réagi rapidement en adoptant, à l'unanimité, le 26 février 2011, la résolution 1970 qui déférait la situation en Libye au Procureur de la CPI102(*). Dans cette résolution, le Conseil de sécurité a estimé que les attaques généralisées et systématiques qui se déroulent en Libye contre la population civile peuvent constituer des crimes contre l'humanité.103(*)

Le renvoi par le Conseil de Sécurité n'a pas automatiquement déclenché une enquête de la CPI du fait que la cour fonctionne indépendamment de l'ONU. Il appartient au Procureur d'apprécier, par le biais d'un examen préliminaire des données disponibles, s'il existe un motif raisonnable de procéder à une enquête.

Le 16 mai 2011, le Procureur a soumis trois demandes de mandat d'arrêt contre Mouammar Kadhafi, Saïf Al-Islam Kadhafi et Abdullah Al-Senussi devant la chambre préliminaire. Cette dernière a délivré le 27 juin 2011, trois mandats d'arrêt à l'encontre des personnes susmentionnées. Ces mandats d'arrêt pour meutre et persécution en tant que crimes contre l'humanité décrivent les attaques systématiques et généralisées contre la population civile libyenne.

Le 22 novembre 2011, la CPI a ordonné la clôture de l'affaire de Mouammar Kadhafi suite à son décès.104(*) Les deux autres inculpés, Saïf Al-Islam et Abdullah Al-Senussi ne sont pas encore arrêtés.

* 79 Article 24, 2 de la charte des Nations unies.

* 80 J.COMBACAU, Le pouvoir de sanction de l'ONU, Etude théorique de la coercition non militaire, Pedone, Paris, 1974, p. 100.

* 81 J.COMBACAU et S. SUR, Droit international public, Montchrestien, Paris, 2008, pp. 647-648.

* 82 H.ABRAHA et R.ADJOVI, « La résolution 1593 déférant la situation du Darfour à la CPI », in les premiers pas de la CPI, 2005, pp. 243-245.

* 83 F.DAINOTTI, Op.cit., p.41

* 84 Déclaration faite par le Président du Conseil de Sécurité, S/PRST/2004/18.

* 85 On a en ordre : la Résolution 1547(S/RES/1547/2004), la Résolution 1556(S/RES/1556/2004), et la Résolution 1564(S/RES/1564/2004)

* 86 V.ABRAHA et R. ADJOVI, Op.cit. p. 246.

* 87 Le Soudan a signé le Statut de Rome le 08 septembre 2000. Le 14 juillet 2008, son Président Omar El-Bashir est mis en accusation pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Le 26 Août 2008, le Soudan, qui, n'a pas ratifié le Statut de Rome, fait part de son retrait de la CPI, disponible sur http//fr.wikipedia.org./wiki/cour-p%c3%A9nale-internationale consulté le 11/03/2012.

* 88 F.AUMOND, « La situation au Darfour déférée à la CPI. Retour sur une résolution historique du Conseil de sécurité », in Revue générale de Droit international Public, Pédone, Paris, 2008, p. 113.

* 89 Résolution 1593(2005), Conseil de sécurité, 5158ème séance, 31 mars 2005.

* 90 J. TASOKI MANZELE, Op.cit., p. 151.

* 91 A cette occasion, le Président du Conseil de sécurité s'était exprimé dans les termes suivants : « (....) le Conseil de sécurité se déclare gravement préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire et des droits de l'homme dans la région du Darfour au Soudan. Notant que des milliers de personnes ont été tuées et que des centaines de milliers d'autres risquent de mourir dans les prochains mois(...) le Conseil est de même profondément préoccupé par les informations selon lesquelles des violations massives des droits de l'homme et du droit international humanitaire continuent d'être perpétrées au Darfour(...) » (S/PRST/2004/18).

* 92 http://www.franceonu.org consulté le 11/03/2012.

* 93 E. DAVID, Les éléments de Droit pénal et européen, Bruylant, Bruxelles, 2009, p. 955.

* 94 Résolution 1593 du Conseil de sécurité du 31 mars 2005, Doc. NU.S./RES/1593(2005).

* 95 Idem

* 96 Idem

* 97 E. DAVID, Droit des organisations internationales, vol. II, PUF, Paris, 2008, p. 20.

* 98 Résolution 1593 du Conseil de sécurité.

* 99 E.DAVID, Les éléments, Op.cit., p. 955.

* 100 H.ABRAHAHA et R.ADJOVI, Op.cit., p. 249.

* 101 E.DAVID, Les élément., Op.cit., p. 958

* 102M. BRIENS, Conseil de sécurité-Libye, disponible sur http://www.franceonu.org/spip.php? Article 5872, consulté le 11/03/2012.

* 103 http://www.coalitionfortheicc.org consulté le 11 mars 2012.

* 104 http://www.franceonu.org consulté le 11/03/2012.

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