§2-Dans quelle Mesure l'Application du «Droit au
Retour » est elle Contraignante ?
La force contraignante du droit au retour diffère
suivant sa source. D'une part, il est avancé par les opposants du «
droit au retour » que la résolution 194 est une résolution
de l'Assemblée générale, plutôt que d'une
résolution du Conseil de sécurité (sous le cadre du
chapitre VII), dans ce cas, elle est "non contraignante".
La signification exacte et la force coercitive de la
résolution 194 a toujours été contestée. Il y a
ceux qui considèrent qu'elle constitue une opinio juris, du
fait de sa continuelle réaffirmation, tandis que d'autres insistent
qu'elle soit dénuée de toute force contraignante.
C'est vrai que les résolutions de l'AGNU n'imposent pas
d'obligations aux Membres, plutôt elles les invitent, les incitent, les
encouragent à faire telle ou telle chose sans rien leur imposer,
puisqu'elles n'ont pas de force coercitive. Mais cela n'empêche pas
qu'Israël soit moralement et éthiquement tenue d'appliquer le 194.
Toutefois, cette résolution réaffirmée par l'AGNU et le
Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des
dizaines de fois, porte son importance dans le fait
161 P. Contini, «Legal Aspects of the Problem of
Compensation to Palestine Refugees», attached to Letter and Memorandum,
Concerning Compensation, United Nations Economic-Survey Mission for the Middle
East, UNCCP, U.N. Doc. W/32, 19 (January 1950).
162 Voir, «Analysis of paragraph 11 of the General
Assembly's Resolution of 11 December 1948», (15 May 1950), Part One, par.
3, UN Doc. A/AC.25/W.45.
qu'elle soit annuellement réaffirmée depuis 1948
par la plupart des membres de l'AGNU (à l'exception d'Israël et des
Etats Unis) ; il n'y a rien de tel dans l'histoire des Nations Unies. Ce
consensus universel élève le poids de la présente
résolution d'une « recommandation » à une expression de
la volonté internationale.
Donc, cette unanimité est en fait la preuve de
l'importance de cette résolution et elle représente la
volonté et la détermination de la communauté
internationale à affirmer le principe du retour établi dans le
droit international coutumier.
De plus, l'admission d'Israël à l'ONU en tant
qu'Etat membre, par la résolution 273163 a été
conditionnée par son acceptation et sa mise en oeuvre de la
résolution 194. Par conséquent, Israël est tenu, comme
condition d'adhésion à l'ONU, de mettre en oeuvre le 194 et de
faciliter le retour des réfugiés palestiniens.
Il apparaît donc que l'admission d'Israël
était liée à sa coopération à l'application
du «droit de retour», sachant que le texte de la résolution
273 rappelait la nécessité de mettre en oeuvre les
résolutions 181 et 194. Ainsi, la majeure entrave à
l'exécution du «droit de retour» est bien l'absence de la
volonté d'Israël de reconnaître ce droit.
D'ailleurs, même les résolutions du Conseil de
sécurité concernant le conflit israélo palestinien sont
traités sous le cadre du chapitre VI de la charte, ce qui prouve que
l'ONU n'a jamais cherché à trouver de vraies solutions à
ce conflit, surtout que c'est elle qui l'a crée par sa fameuse
résolution 181 (celle du partage de la Palestine) et qui,
paradoxalement, se trouve être une résolution de
l'assemblée générale. Ceci s'applique également
à la résolution 273 de l'AGNU du 11 mai 1949 qui a admis
Israël à l'ONU. Cela nous indique que ce qui importe c'est la
présence d'une réelle volonté de la communauté
internationale à mettre en oeuvre les résolutions de l'AGNU et du
CSNU, quelle que soit la force contraignante des résolutions de ces
derniers.
Mais cela n'empêche pas l'existence de situations,
où la CIJ et la pratique des Nations Unies ont confirmé que le
Conseil de sécurité peut adopter des décisions
contraignantes en dehors du chapitre VII sur la base de ses pouvoirs
généraux, en vertu de l'article 24 (2) de la
Charte164.
Le caractère contraignant de ces résolutions
découle d'un certain nombre de facteurs: elles peuvent être
déclaratoires des règles existantes de droit international, elles
peuvent contenir des décisions de droit quasi-judiciaire, ou bien la
terminologie utilisée peut être la preuve de leur caractère
obligatoire165.
Dans une autre perspective, Israël est tenu de mettre en
oeuvre le « droit de retour » dans le cas des réfugiés
palestiniens comme une question d'obligation de respecter les traités
qu'elle a
163 Résolution 273 (III), Assemblée
générale, (11 mai 1949).
164 Voir, » avis consultatif de la CIJ sur les
conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de
l'Afrique du Sud en Namibie » (Sud-ouest africain), la résolution
276, (l970).
165 Voir, V.Gowland-Debbas, «The Security Council and the
question of Palestine» dans «Le Liban au conseil de
Sécurité, Nouvel Acteur, Ancien Sujet», F.Fadel- C.Eid,
Université Antonine, (2010).
ratifié166, tout en étant liée
en général, comme tous les autres Etats, par le statut coutumier
général du « droit de retour »167 en
matière des droits de l'homme, du droit humanitaire, des lois de la
nationalité et du droit des réfugiés.
Par conséquent, la résolution 194 (et donc le
« droit au retour ») est entièrement réalisable sur la
base du droit international coutumier et conventionnel.
166 Ex : La Convention de 1907166 de La Haye (IV) et
ses règlements annexés; La 4eme Convention de Genève ; Le
PIDCP et plus précisément en vertu de son article 12 (4).
167 On rappelle que le droit coutumier est une source
contraignante du droit international ; ce dernier ayant sa source dans le droit
des traités (ou « droit conventionnel »), mais aussi dans le
droit international coutumier qui découle d'une pratique
générale, acceptée comme « étant le droit
» et possède donc un caractère contraignant, par exemple, le
Statut de la Cour internationale de Justice dispose dans son article 38 :
« 1. La Cour, dont la mission est de régler
conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique :
a. les conventions internationales, soit
générales, soit spéciales, établissant des
règles expressément reconnues par les Etats en litige;
b. la coutume internationale comme preuve d'une pratique
générale acceptée comme étant le droit;
c. les principes généraux de droit reconnus par
les nations civilisées;
d. sous réserve de la disposition de l'Article 59, les
décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus
qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de
détermination des règles de droit.
2. La présente disposition ne porte pas atteinte
à la faculté pour la Cour, si les parties sont d'accord, de
statuer ex aequo et bono ». Le fait que le droit international coutumier
soit appliqué par les cours et tribunaux nationaux et internationaux
constitue une illustration de son caractère contraignant.
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