§4- Le Rapatriement Volontaire entre Opérations
d'Urgences et Développements.
Ceux qui procurent l'assistance au retour considèrent
que son principal objectif est l'intégration des rapatriés. Dans
un modèle parfait de rapatriement, les réfugiés exprimant
le désir de retourner dans leur pays d'origine signent un formulaire de
rapatriement volontaire, sont assistés à retourner dans leur
pays, reçoivent un niveau minimal d'aide personnelle et communautaire
afin de faciliter leur processus d'intégration, puis, dans un an (plus
ou moins), y seront intégrés au point qu'ils n'auront plus besoin
d'aide extérieure. Ce genre de réflexion a guidé la «
Décennie de rapatriement » du HCR dans les années 1990 et
continue d'être le paradigme dominant de la planification de
rapatriement.
224 Les accords d'Arusha, concernant le Rwanda, se sont
déroulés de juin 1992 à août 1993 par étapes
successives entre l'État Rwandais et le Front patriotique rwandais. Les
négociations d'Arusha ont été conduites en Tanzanie.
L'accord définitif fut signé le 4 Août 1993.
225 Accord général de paix pour le Mozambique ; la
signature des derniers protocoles a eu à Rome le 4 Octobre 1992.
226 Accord d'Addis-Abeba du 27 Mars 1993, conclu à la
première session de la Conférence de réconciliation
nationale en Somalie.
227 Voir, « Manuel sur la restitution des logements et
des biens des réfugiés et personnes
déplacées», (Pour la mise en oeuvre des «Principes
Pinheiro»), de l'OCHA (OCHA/IDD), UN Habitat, le UNHCR, la FAO, le HCDH,
le Conseil norvégien pour les Réfugiés (NRC) et
l'Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC),( Mars
2007).
228 Kosovo Housing and Property Directorate, HPD.
Avec le retour de plus en plus considéré comme
ayant des implications non seulement pour les individus, mais aussi pour les
communautés d'origine et le processus plus large de
développement, l'expérience a montré que ce retour
lui-même ne suffit pas de promouvoir la paix, mais plutôt il doit
être « réussi ». Ainsi, le HCR indique: «
L'expérience montre que si la question de la durabilité ou la
réinsertion des réfugiés et populations
déplacées ne sont pas traitées de façon
appropriée, les pays concernés vont presque inévitablement
sombrer à nouveau dans le conflit » 229. Une gamme de
programmes d'aide au retour volontaire, des projets à impact rapide et
d'autres programmes ont tenté d'influencer la réussite des
retours230 et ainsi de promouvoir la paix.
Bimal Ghosh identifie comment la combinaison harmonieuse des
effets bénéfiques pour les migrants eux-mêmes et le
développement économique et social du pays d'origine peut «
mettre en branle un cercle vertueux » de
développement231.
Bien que les règlements de retour dans la plupart des
cas ne soient pas devenus des centres florissant et innovant de nouvelles
formes de production, néanmoins ils peuvent être
interprétés comme ayant eu des effets en termes de reconstruction
de l'État après le conflit armé. Le cas de la
réinstallation après le déracinement peut être
considéré comme un marqueur symbolique de la transition du
conflit à la paix dans des sociétés
généralement sédentaires232.
Avant d'aller plus loin sur le sujet du développement,
on va présenter en concision les principales étapes d'un
processus de retour.
Les mouvements de réfugiés à grande
échelle se produisent normalement, soit après la cessation des
conflits, soit après un changement de gouvernement. De tels retours
exigent des négociations préalables qui sont parfois très
longues en fonction des relations des gouvernements concernés et des
besoins des réfugiés à leur arrivée.
Les termes seront établis dans un protocole d'entente
entre le pays d'accueil et le gouvernement du pays d'origine. Avant le retour
des réfugiés en masse, les fonctionnaires du HCR les informent
sur les conditions auxquelles ils devraient faire face à leur
arrivée au pays d'origine et du type d'assistance qui sera mise à
leur disposition.
Le rapatriement effectif peut avoir lieu par voie terrestre,
au moyen d'autobus, de camions et d'autres formes de transports pour les
réfugiés et leurs possessions. Quand les camps de
réfugiés sont situés près de la frontière,
ceux qui sont valides peuvent marcher jusqu'à la
maison233.
229 UNHCR, «Dialogue on Voluntary Repatriation and
Sustainable Reintegration in Africa», (8 Mars 2004), p.1.
230 Voir, UNHCR, «The State of the World's Refugees»,
Geneva: UNHCR, (1997).
231 B. Ghosh, «Managing Migration: Time for a New
International Regime?», Oxford University Press, (2000),
p.185.
232 F. Stepputat, «Repatriation and Everyday Forms of State
Formation in Guatemala». In R. Black - K. Koser «The End of the
Refugee Cycle? Refugee Repatriation & Reconstruction», Oxford:
Berghahn Books, New York (1999).
A. Helton, «The Price of Indifference: Refugees and
Humanitarian Action in the New Century», Oxford: Oxford University
Press, (2002).
S. Petrin, «Refugee return and state reconstruction: a
comparative analysis», New Issues in Refugee Research. Working Paper
No.66. UNHCR, Geneva, (2002).
233 Voir à ce sujet, P. Weiss Fagen, «UNHCR and
Repatriation», in M. Dumper, «Palestinian Refugee Repatriation:
Global Perspectives», Routledge, (2005), p.44.
À l'autre extrême, illustrée par la
Namibie en 1989, quelque 40 000 réfugiés rapatriés ont
été transportés par voie aérienne à un
coût élevé, en raison des conditions dangereuses en cours
de route et la nécessité de vitesse.
Dans la plupart des cas du retour à grande
échelle, les réfugiés qui regagnent spontanément
leur pays sont plus nombreux que ceux ramenés formellement par le HCR,
bien qu'ils soient généralement dans les deux catégories
en mesure de profiter de toute assistance post-retour qui est mise à
leur disposition.
Après avoir réussi à négocier des
accords de paix post-conflictuels, l'ONU et ses agences ont commencé
à superviser des programmes ambitieux de consolidation de paix et de
reconstruction. La plupart des guerres des années 1980 et 1990 ont
été des guerres civiles, et les victimes en grande partie ont
étés elles aussi civiles.
Une fois les réfugiés rapatriés à
ces pays déchirés par la guerre, ils ne pouvaient pas compter sur
le soutien économique significatif de leurs gouvernements. Par
conséquent, leur réinsertion a nécessité l'appui
des agences des Nations Unies, des ONG et des donateurs.
Le HCR et pratiquement tous les acteurs principaux ont
accepté le fait que la réintégration des populations
déracinées soit un élément essentiel de
consolidation de la paix post-conflictuelle, comme elle est aussi essentielle
pour la consolidation des accords de paix, la reconstruction de
l'économie et du tissu social d'un pays.
Encore une fois, les paroles de septembre 1991 du Haut
Commissaire Ogata:
« Les réfugiés retournant peuvent être
correctement réintégrés, seulement s'il ya des programmes
complets pour la construction ou reconstruction politique, économique et
sociale.
En tant que tel, assurer le succès du rapatriement
volontaire va au-delà du mandat ou des ressources du HCR seul ».
Ainsi, les retours en masse au Cambodge, El Salvador et au
Mozambique au début des années 1990, ont transformé
l'approche traditionnelle des activités d'intégration du HCR, qui
jusque-là consistait à fournir des programmes d'aide aux familles
de rapatriés individuels et des interventions visant à assurer
des garanties judiciaires.
En plus des préoccupations d'ordre juridique, le HCR a
créé des projets pour restaurer les infrastructures,
améliorer la gouvernance locale et générer les revenus.
Le concept de base de l'aide et du développement des
réfugiés et des rapatriés remonte aux années 1980 ;
les gouvernements africains se sont plaints d'avoir accueilli des centaines de
milliers de réfugiés, mais en retour, ils ont été
incapables de fournir des opportunités économiques pour leurs
propres citoyens. À cette époque, le HCR et les donateurs
persistaient à envisager les problèmes des réfugiés
principalement dans les domaines juridiques et politiques alors que les acteurs
de développement avaient d'autres priorités.
Le changement de perspective est seulement arrivé
à la fin de cette décennie en Amérique centrale,
où les processus de paix régionaux et les engagements des
donateurs avaient conduit à une approche nouvelle et plus large de la
réinsertion sociale. Le plan a prévu la coordination des
activités des donateurs, des gouvernements et des ONG
locales et internationales, au moyen d'un secrétariat conjoint avec le
HCR et le PNUD234. C'était la première fois que ces
deux organismes travaillaient ensemble dans un programme à long
terme.
En termes de réinsertion, la répartition des
responsabilités dans les trois différentes phases (secours,
reconstruction et développement) a été reprise dans le
protocole d'entente entre le HCR et le PNUD. Alors que le HCR mettait l'accent
sur les besoins immédiats des rapatriés, le PNUD se concentrait
sur la réintégration à long terme.
Ce type de projet a été transmis au Cambodge,
Mozambique, Tadjikistan, Afghanistan, Angola, et à d'autres situations
de rapatriés.
L'apogée de l'engagement du HCR dans les
activités de réintégration a eu lieu au Mozambique; entre
1993 et 1996, le HCR a aidé à rapatrier et/ou à
réintégrer plus de 1,5 millions de personnes235. Sur
le montant total des 108 millions dépensés sur les
opérations au Mozambique, 20% seulement ont été
dépensés sur le rapatriement236 ; le programme de
réinsertion englobait beaucoup plus que le nombre de personnes
rapatriées par le HCR, puisque la plupart des réfugiés
mozambicains sont rentrés spontanément.
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