§5- Pourquoi les Réfugiés Palestiniens
ne sont pas sous le Mandat du HCR ?
Les réfugiés palestiniens ont un statut qui est
unique en vertu du droit international des réfugiés.
Contrairement à tout autre groupe ou catégorie de
réfugiés dans le monde, les Palestiniens sont distingués
par des traitements exceptionnels dans les principaux instruments juridiques
internationaux qui régissent les droits et obligations des États
envers les réfugiés. En fait, en Décembre 1950, exactement
un an après la création de l'UNRWA, l'Organisation des Nations
Unies a créé le bureau du Haut Commissaire pour les
Réfugiés (HCR) -le principal instrument international
chargé de la protection des réfugiés à travers le
monde-, et l'a chargé de superviser les conventions internationales
relatives aux réfugiés. Plusieurs mois plus tard, en Juillet
1951, une conférence convoquée par l'ONU à
Genève31 a approuvé la Convention historique relative
au statut des réfugiés, qui à son tour a mandaté le
HCR pour représenter les réfugiés, intervenant si
nécessaire avec l'Etat en leur nom, afin d'assurer leur protection. La
Convention de 1951 est le document juridique le plus complet jamais
publié sur les droits des réfugiés: Il définit le
réfugié comme la personne « qui, suite aux
événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant
avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa
religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain
groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a
la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut pas
se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de
nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa
résidence habituelle à la suite de tels événements,
ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner
32».
Les Etats contractants sont appelés à accorder
aux réfugiés « un traitement aussi favorable que possible et
de toute façon un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui
qui est accordé, dans les mêmes circonstances, aux
étrangers en général ». La protection et droits
prévus par la convention comprennent le droit à
l'éducation, à la libre circulation, à posséder et
celui d'aliéner des biens mobiliers et immobiliers, le droit à
former des associations, à obtenir un travail
rémunéré, et à avoir accès aux tribunaux.
Toutefois, les réfugiés palestiniens, ne sont
pas concernés par cette convention puisque son article 1D stipule:
« Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui
bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de
la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés ».
31 La Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des
réfugiés, dite Convention de Genève.
32 Article 1A (2) ibid.
Les Palestiniens ne sont pas littéralement
mentionnés dans cette clause, mais il ne fait aucun doute que ce sont
eux qui sont concernés par cette exclusion, puisque, en principe, ils
étaient sous l'assistance de deux organes de l'ONU : la CCNUP,
créée pour assurer leur protection sur la base de la
résolution 194 de l'AGNU, et l'UNRWA pour leur fournir assistance et
secours.
Le Statut du HCR33 comporte une disposition
similaire excluant de son mandat les réfugiés palestiniens, ainsi
le paragraphe 7 (c) mentionne qu'il est entendu que le mandat du Haut
Commissaire, tel qu'il est défini au paragraphe 6 ci-dessus, ne s'exerce
pas : « sur les personnes qui continuent de bénéficier de la
protection ou de l'assistance d'autres organismes ou institutions des Nations
Unies ».
Le paragraphe 1 de l'article 1D est en fait une clause
d'exclusion, mais il ne signifie par pour autant que certains groupes de
réfugiés palestiniens ne puissent jamais bénéficier
de la protection prévue par la Convention de 1951. Le paragraphe 2 de
l'article 1D contient, quant à lui, une clause d'inclusion garantissant
des droits automatiques à la protection prévue par la Convention
de 1951 pour de tels réfugiés. « Lorsque cette protection ou
cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort
de ces personnes n'ait été définitivement
réglé, conformément aux résolutions relatives
adoptées par l'Assemblée générale des Nations
Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du
régime de cette Convention »34. La Convention de 1951
évite ainsi le chevauchement des compétences entre l'UNRWA et le
HCR, mais aussi, en conformité avec le Statut du HCR, garantit la
continuité de la protection et de l'assistance des
réfugiés palestiniens, autant qu'il est nécessaire.
Le HCR a éclairé ce point en présentant
sa note35 sur l'applicabilité de l'article 1D de la
Convention de 1951 relative au Statut des réfugiés. Le HCR
considère que deux groupes de réfugiés palestiniens
entrent dans le champ d'application du paragraphe 1 de l'article 1D de la
Convention de 1951:
« - Les "réfugiés de
Palestine"36 qui ont été déplacés de la
partie devenue Israël, et qui n'ont pas eu la possibilité d'y
retourner.
- Les Palestiniens qui sont des "personnes
déplacées" dans le sens de la résolution de
l'Assemblée générale 2252 (ES-V) du 4 juillet 1967 et des
résolutions de l'Assemblée générale
ultérieures, et qui n'ont pu retourner dans les territoires palestiniens
occupés par Israël depuis 1967.
33 Résolution no 428 (V) de l'Assemblée
générale du 14 décembre 1950 sur le Statut Du Haut
Commissariat Des Nations Unies pour les Réfugiés.
34 Il existe une disposition similaire à l'article 1D
de la Convention de 1951 dans le Statut du HCR, le paragraphe 7(c), lequel
stipule que la compétence du Haut Commissaire ne s'exerce pas sur les
personnes qui "continuent de bénéficier de la protection ou de
l'assistance d'autres organismes ou institutions des Nations Unies".
35 Publiée le 2 Octobre 2002 par le HCR.
36 Le terme "réfugié de Palestine", même
s'il n'a jamais été explicitement défini par
l'Assemblée générale des Nations Unies, englobe
très probablement ce qu'on appellerait aujourd'hui des personnes
déplacées à l'intérieur. Voire à ce sujet,
par exemple, UN Doc. A/AC.25/W.45, Analysis of paragraph 11 of the General
Assembly's Resolution of 11 December 1948, 15 May 1950, Part One, paragraph
1.
Pour une analyse plus précise du terme
"réfugiés de Palestine", voir, par exemple, UN Doc. W/61/Add.1,
Addendum to Definition of a "Refugee" Under paragraph 11 of the General
Assembly Resolution of 11 December 1948, 29 May 1951.
UN Doc. A/AC.25/W.81/Rev.2,» Historical Survey of Efforts of
the United Nations Commission for Palestine to secure the implementation of
paragraph 11 of General Assembly resolution 194 (III)», (October 1961),
section III.
Pour les besoins de l'application de la Convention de 1951,
ces deux groupes incluent les personnes qui ont été
déplacées au moment des hostilités, ainsi que leurs
descendants37.
(Par ailleurs, les personnes auxquelles s'appliquent les
articles 1C, 1E ou 1F de la Convention ne relèvent pas de l'article 1D,
même si elles demeurent des "réfugiés de Palestine" et/ou
des "personnes déplacées" dont le sort doit encore être
réglé de manière définitive en conformité
avec les résolutions pertinentes de l'Assemblée
générale).
Une troisième catégorie de
réfugiés palestiniens englobe les personnes qui ne sont ni des
"réfugiés de Palestine", ni "des personnes
déplacées", mais qui, du fait d'une crainte réelle
d'être persécutées pour des raisons de race, de religion,
de nationalité, d'appartenance à un groupe social particulier ou
d'opinion politique, se trouvent hors des territoires palestiniens
occupés par Israël depuis 1967 et ne peuvent ou ne veulent y
retourner du fait de cette crainte. De tels Palestiniens ne relèvent pas
de l'article 1D de la Convention de 1951 mais satisfont aux critères
applicables pour la reconnaissance du statut de réfugié en
conformité avec l'article 1A(2) de la Convention, à condition
qu'ils n'aient jamais cessé d'être des réfugiés au
sens de l'article 1C et qu'ils ne soient pas exclus du statut de
réfugié au sens des articles 1E et 1F ».
Cependant, si une personne se trouve en dehors de la zone
où l'UNRWA est opérationnelle, elle ne peut plus
bénéficier de la protection ou de l'assistance de cette agence et
relève donc du paragraphe 2 de l'article 1D, -à moins que les
articles 1C, 1E et 1F ne s'appliquent pas-. Une telle personne
bénéficie de plein droit du régime de la Convention de
1951 et relève de la compétence du HCR. Il en serait ainsi
même si la personne en question n'avait encore jamais
résidé dans la zone où l'UNRWA est
opérationnelle38.
Le fait de savoir si les Etats, dans lesquels l'UNRWA
n'opère pas, sont en train d'appliquer la Convention de Genève
sur les refugiés et demandeurs d'asile palestiniens, continue à
susciter un grand débat. Mais, on ne va pas s'attarder sur ce point, on
préfère se centrer sur la question de la protection des
réfugiés palestiniens.
Les réfugiés ne sont pas différents des
autres personnes dans leur droit à la protection contre les violations
de leurs droits humains fondamentaux. Lorsqu'un Etat n'assure pas cette
fonction critique, l'intervention de la communauté internationale
devient essentielle.
Alors que les réfugiés et demandeurs d'asile au
monde sont tous sous le mandant du HCR qui procure protection, recherche des
solutions durables et une assistance pour les réfugies, les palestiniens
quant à eux relèvent de deux organismes onusiens un pour la
protection et l'autre pour l'assistance. Ce cas peut sembler normal, dû
à quelques aspects exceptionnels des refugiés
37 L'inquiétude de l'Assemblée
générale des Nations Unies au sujet des descendants, tant des
"réfugiés de Palestine" que des "personnes
déplacées" a été exprimée dans la
résolution de l'Assemblée générale 37/120 I du 16
décembre 1982, qui a demandé au Secrétaire
Général des Nations Unies, en coopération avec le
Commissaire Général de l'UNRWA, d'émettre des cartes
d'identité à "tous les réfugiés de Palestine et
leurs descendants (...)
38 Par exemple, le descendant d'un "réfugié de
Palestine" ou d'"une personne déplacée" palestinienne peut
n'avoir jamais résidé dans la zone où l'UNRWA est
opérationnelle et ne pas relever des articles 1C ou 1E de la Convention
de 1951.
palestiniens, mais le problème est que dès le
début des années 60, la CCNUP a cessé de fonctionner
laissant les refugiés palestiniens sans organisme international qui les
représente sur le plan de la protection et de la recherche de solutions
durables.
Par contre, dans des situations concernant des
réfugiés, on voit le HCR, intervenir à différents
niveaux avec les gouvernements directement concernés, les pays donateurs
et les réfugiés euxmêmes, et cela dans le but de faciliter
la réalisation des solutions durables. Bref, partout où le sort
des réfugiés est discuté à la table des
négociations, le HCR est souvent présent afin de s'assurer que
leurs intérêts seront représentés39.
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