WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Piraterie aerienne et droit international

( Télécharger le fichier original )
par Regina Doumit
Université de La Sagesse - DEA en Droit Public 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2: La piraterie et les mesures répressives

Plus que la prévention, la répression est l'objectif principal des conventions de Tokyo (1963), La Haye (1970) et Montréal (1971). Elles visent à combler les lacunes des droits nationaux qui jusqu'en 1970, ne comportaient aucune disposition visant spécifiquement à réprimer la piraterie aérienne. Les lacunes apparaissaient à trois niveaux :

- Définition de l'infraction. Les faits correspondant au détournement ou à la capture illicite pouvaient dans certains cas être réprimés sous les qualifications de vol, violence, port d'armes prohibés :

Mais les qualifications n'étaient pas toujours suffisantes et les peines pas nécessairement appropriées.

- Juridiction compétente. Dans nombre de pays les tribunaux nationaux n'avaient pas compétence pour juger d'infractions commises hors du territoire national sur des aéronefs étrangers.

- Extradition. L'extradition des auteurs d'un détournement pouvait se révéler difficile faute de clause expresse dans les accords d'extradition.

Les conventions de Tokyo, La Haye et Montréal tendent, en ces trois domaines, à remédier aux lacunes des droits nationaux.

Paragraphe1 :Convention de Tokyo (14 septembre 1963)

Cette convention, élaborée à une époque où les captures illicites d'aéronefs étaient nombreuses, vise plus généralement la question de la compétence pénale des Etats, en cas d'infractions commises à bord, les pouvoirs et obligations des autorités nationales et commandants d'aéronefs.

C'est seulement in extremis et à la demande instante des Etats-Unis que fut ajouté au projet de convention un article 11 par lequel les Etats parties s'engagent en cas de capture illicite :

- à « permettre aux passagers et à l'équipage de poursuivre leur voyage aussitôt que possible ».

- et à « restituer aéronef et cargaison à ceux qui ont le droit de les détenir ».

Il s'agit la d'engagements tout à fait généraux qui figurent à la résolution A17-2 votée par l'assemblée Générale de l'OACI et dont nul Etat, partie ou non à la Convention de Tokyo, ne conteste la valeur obligatoire.

Paragraphe 2 : Convention de La Haye (16 décembre 1970)

La prolifération des détournements d'avions a conduit l'OACI à prendre l'initiative d'un projet de convention qui en traite de façon spécifique. La conférence de plénipotentiaires réunie à La Haye sous les auspices de l'OACI a résisté aux propositions vigoureuses des Etats-Unis, de l'URSS, d'Israël et de divers pays d'Europe de l'est en faveur de l'extradition automatique ou de la poursuite obligatoire des auteurs d'un détournement. Le texte plus modéré, élaboré par le comité juridique de l'OACI, a finalement reçu l'approbation de la grande majorité des Etats, pour devenir la première convention qui organise au plan international la répression de la capture illicite d'aéronefs.

1-Champ d'application de la convention

Il dépend à la fois de la définition de l'infraction et du type d'appareils couverts.

a- définition de l'infraction :

La convention (article 1) précise les éléments constitutifs de l'infraction en visant : « toute personne qui, à bord d'un aéronef en vol, illicitement et par violence ou menace de violence, s'empare de cet aéronef ou en exerce le contrôle ».

La Convention laisse au législateur national le soin de donner une dénomination à cette infraction. Cependant les éléments en sont très suffisamment précisés pour que le champ d'application de la Convention ne fasse pas de doute.

- L'aéronef doit être « en vol », ce qui n'exclut pas d'ailleurs que le détournement ait commencé alors que l'appareil était encore au sol. L'article 3§1 de la Convention précise d'ailleurs qu' « aéronef est en vol depuis le moment ou, l'embarquement étant terminé, toutes ses portes extérieures ont été fermées, jusqu'au moment du débarquement. En cas d'atterrissage forcé, le vol est censé se poursuivre jusqu'à ce que l'autorité compétente prenne en charge l'aéronef, ainsi que les personnes et biens à bord ».

- Les actes accomplis doivent être « illicites ». La convention ne précise pas en quoi consiste l'illicéité. Elle renvoie donc implicitement aux droits nationaux le soin de préciser les cas dans lesquels l'auteur de l'infraction ne peut être tenu pour responsable (légitime défense ; exécution d'un ordre légal, etc....).

- il doit y avoir « violence ou menace de violence ». La violence doit ici être entendue au sens large, englobant aussi bien la violence physique que l'intimidation. Par contre un détournement opéré sur initiative du pilote ou d'autres membres de l'équipage n'entre pas dans le champ d'application de la Convention.

- Le détournement doit être le fait d' « une personne se trouvant à bord de l'aéronef ». Les cas de détournements opérés à partir du sol ou d'autres aéronefs ne sont pas couverts. De tels détournements mettent en cause les relations entre Etats dans des conditions différentes du détournement sur initiative individuelle à bord : les risques sont autres ; il y a en général complicité soit des services de contrôle aérien, soit d'appareils militaires. Les plénipotentiaires réunis à La Haye ont préférée ne pas en traiter.

- L'auteur du détournement doit avoir réussi à « s'emparer de l'aéronef » ou « en exercer le contrôle ». Il n'est pas nécessaire qu'il tienne physiquement les commandes du moment qu'il est devenu maître des mouvements de l'appareil.

Aux termes de l'article 1e de la convention, la tentative et la complicité de détournement sont visées de la même façon à condition qu'elles soient le fait d'une personne « se trouvant à bord de l'aéronef en vol ». Les Etats peuvent librement inclure dans leurs droits nationaux des dispositions visant les complices au sol, mais l'extradition de ces derniers ne peut être demandée sur la base de la Convention.

b-Types d'appareils couverts :

Le champ d'application est large : tout appareil de transport ou d'aviation générale, utilisée à titre onéreux ou gratuit est couvert par la Convention. Celle-ci crée même des droits au bénéfice d'états non parties dont les aéronefs sont détournés vers le territoire d'un Etat partie. Ces Etats tiers par rapport à la Convention peuvent réclamer non par l'extradition, mais l'arrestation par l'Etat d'atterrissage de l'auteur présumée de l'infraction.

Ne sont exclus du champ d'application de la Convention que les aéronefs « utilisées à des fins militaires, de douane ou de police » (article3) et ceux capturées à l'intérieur même du pays dans lequel ils sont immatriculés. Dans ce dernier cas la compétence de l'Etat d'immatriculation est seule en cause ; il n'y a pas lieu à intervention d'une règle internationale. Une exception est cependant prévue par la Convention si l'auteur présumé de l'infraction réussit à s'enfuir à

l'étranger, alors que les règles sur la poursuite, l'arrestation, l'extradition s'appliquent à nouveau.

2- Mesures de répression prévues par la Convention

a- La peine : l'article 2 de la Convention prévoit : « tout Etat contractant s'engage à réprimer l'infraction de peines sévères ». La diversité des systèmes nationaux de répression n'a permis de qualifier plus avant ni l'infraction, ni les peines encourues. Le législateur national demeure donc très largement libre de choisir l'échelle des peines.

b- Compétence juridictionnelle : les auteurs de la Convention, refusant un système d'extradition plus ou moins automatique vers l'état d'immatriculation de l'aéronef, ont voulu qu'il existe en toutes circonstances une juridiction pénale compétente pour connaître du détournement. L'article 4 de la Convention multiplie donc les cas de compétence obligatoire sans donner priorité à l'une sur l'autre.

- Tout d'abord l'état d'immatriculation de l'aéronef détournée doit établir sa compétence. L'article 5 précise qu'en cas d'immatriculation internationale ou d'immatriculation commune,40 les Etats concernées « désignent, pour chaque aéronef, suivant les modalités appropriées,

40 L'art 77 de la convention de Chicago autorise les organisations d'exploitation en commun ou les organismes internationaux d'exploitation, type SAS ou Air Afrique.

l'état qui exerce la compétence et aura les attributions de l'état d'immatriculation aux fins de la présente convention ».

-Il se peut que l'aéronef soit exploité par une personne qui n'est pas propriétaire et dont la nationalité est différente de celle de l'état d'immatriculation. Or l'état de l'exploitant peut avoir un intérêt aussi grand que l'état d'immatriculation à la répression de l'infraction. L'article 4 § 1 ajoute donc que tout Etat contractant doit prendre les mesures nécessaires « pour établir sa compétence si l'infraction est commise à bord d'un aéronef donnée en location sans équipage à une personne qui a le siège principal de son exploitation ou, à défaut, sa résidence permanente dans ledit Etat.

- la convention oblige également l'état « sur le territoire duquel l'aéronef atterrit avec l'auteur présumée de l'infraction se trouvant encore à bord » à établir sa compétence pour connaître de l'infraction.

- Enfin si l'auteur d'un détournement réussit à quitter le territoire d'atterrissage pour se réfugier dans un autre, la Convention prévoit que tout Etat contractant doit encore prendre les mesures nécessaires pour « connaître de l'infraction dans le cas ou l'auteur présumée de celle-ci se trouve sur son territoire et ou ledit Etat ne l'extrade pas » vers l'Etat d'immatriculation ou l'état d'atterrissage de l'aéronef.

Grâce à ce système de multiplication des compétences juridictionnelles possibles, il doit en toutes circonstances se trouver un Etat compétent pour connaître de l'infraction. Il existe même un risque de poursuites, voire de

condamnations multiples, puisque l'article 4§ 3 ajoute encore que « la présente Convention n'écarte aucune compétence pénale exercée conformément aux lois nationales », 41

c- Arrestation et enquête préliminaire : l'article 6 organise l'arrestation de l'auteur présumée de l'infraction « si les circonstances le justifient » et l'enquête préliminaire menée a la suite de cette arrestation. Les mesures de sûreté doivent être conformes à la législation de l'état intéressée. En cas de détention, toutes facilites doivent être accordées à la personne détenue afin de communiquer immédiatement avec le plus proche représentant qualifie de l'état dont elle a la nationalité (article 6 § 3)42

d- Poursuites : l'article 7 de la convention laisse les Etats libres de procéder ou non à l'extradition, mais insiste sur le fait que l'exercice de l'action pénale doit être la règle, il dispose : « l'Etat contractant sur le territoire duquel l'auteur présume de l'infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune exception et que l'infraction ait ou non été commise sur son territoire, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave conformément aux lois de cet Etat ».

41 Compétence liée à la nationalité de l'auteur ou de la victime de l'infraction ; ou encore infraction commise au-dessus du territoire d'un Etat.

42 A noter que le plus souvent dans les conventions bilatérales la communication avec les consuls n'est autorisée qu'après un délai de quelques jours suivant l'arrestation.

La rédaction de cet article, fruit d'un compromis intervenu à la conférence de la Haye, n'est pas dépourvue d'ambiguïté. L'obligation de poursuite dépend de la « découverte » de l'auteur présumé de l'infraction, ce qui - semble t-il - ne suppose pas nécessairement son arrestation. Par contre le texte est très clair sur la nécessite absolue de transmettre le dossier au Parquet : une décision de classement ne peut être prise par les autorités de police. Enfin la référence à une prise de décision « dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave » pose problème dans la mesure où le détournement d'avion n'entre que par assimilation dans la catégorie des infractions de droit commun. On peut se demander comment interpréter cette dernière disposition de l'article 7 dans le cas ou le détournement à des mobiles politiques43.

e- Extradition : la convention de La Haye, respectueuse de la souveraineté des Etats et de leurs traditions juridiques, ne crée aucun mécanisme automatique d'extradition vers l'état d'immatriculation ; elle se contente de faire de la capture illicite d'aéronef à une infraction susceptible d'extradition. L'article 8§1 dispose que « l'infraction est de plein droit comprise comme cas d'extradition dans tout traite d'extradition conclu entre Etats contractants ».

43 Gilbert Guillaume porte une jugement sévère sur l'article 7 de la convention de La Haye: «ce texte particulièrement mal venu est, comme tout texte de ce type, le fruit de compromise laborieux dans lesquels la correction grammaticale et la clarté d'expression sont sacrifies à la volonté d'aboutir».

Certains traités bilatéraux d'extradition énumèrent limitativement les infractions dont les auteurs sont susceptibles d'extradition. La formule de l'article 8§1 évite d'avoir a les réviser : entre parties à la convention de la Haye, la capture illicite d'aéronefs doit être regardée comme figurant sur la liste. L'article 8 § 1 ajoute que « les Etats contractants s'engagent à comprendre l'infraction comme cas d'extradition dans tout traite d'extradition à conclure entre eux ».

D'autres traites- par exemple la convention européenne d'extradition du 31 décembre 1957- prévoient que sont susceptibles d'extradition les auteurs d'infractions punies d'une peine d'une certaines gravite. A partir du moment ou la capture illicite d'aéronef est érigée par le droit national des Etats concernés en infraction punissable d'une telle peine, elle entre par voie de conséquence dans les cas d'extradition.

En revanche, en l'absence de traité d'extradition, la convention de La Haye laisse subsister une lacune. Les Etats qui, comme la France, ne subordonnent pas l'extradition à l'existence d'un traite, peuvent sur une base de réciprocité, reconnaître entre eux le détournement illicite d'aéronefs comme un cas d'extradition (article 8§3). Ils ne peuvent pas le faire dans leurs relations avec des Etats comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis pour lesquels toute extradition est subordonnée à l'existence d'un traite et la Convention de La Haye ne vaut en aucune façon traite d'extradition.

La convention de La Haye en dépit de ses lacunes, on peut-être à cause d'elles, a marquée une étape décisive dans la répression des détournements d'avion. N'ayant adoptée aucune solution extrême ou automatique en matière d'arrestation, de poursuites, ou d'extradition, elle a été largement ratifiée. Le système très démultiplié de compétences possibles permet d'être assurée qu'il existera toujours une juridiction compétente pour connaître des captures illicites et en condamner les auteurs.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway