I-2. Définition des concepts
I- 2-1. Climat organisationnel
La littérature consacrée au climat
organisationnel, est aussi abondante que variée. La notion même de
« climat » appliquée au champ des organisations n'est pas sans
soulever une série d'interrogations d'ordre sémantique (quelle
définition ?) et méthodologique (comment l'appréhender ou
le mesurer ?). La recherche d'une définition consensuelle se heurte tout
d'abord aux nuances implicites existant entre le « climat social »,
évoqué par les spécialistes français, et le «
climat organisationnel », que semblent préférer leurs
homologues anglo-saxons. Dans le cadre de cette étude nous parlerons
de climat organisationnel.
Le climat organisationnel dans son acception
élémentaire serait la personnalité d'une organisation ;
c'est-à-dire un ensemble de caractéristiques qui décrivent
une organisation et qui la distingue des autres et influence les comportements
et attitudes de ces membres.
Bien que cette définition soit convenable, elle ne
représente pas complètement ce que c'est en
réalité.
Aussi, pour bien comprendre la notion de climat
organisationnel, nous devons nous référer aux auteurs qui ont
contribué à son opérationnalisation. Avant de faire
état de quelques unes, il nous semble important de préciser que
la définition du climat varie en fonction des dimensions jugées
importantes pour créer le climat, des variables contenues dans ces
dimensions et des techniques de mesures employées (Anderson, 1982).
Le climat organisationnel est conçu comme la perception
durable et globale des caractéristiques du système
organisationnel. Il fournit aux membres des signaux essentiels pour qu'ils
puissent adapter leurs comportements aux exigences et aux objectifs de
l'organisation. Il reflète les interactions entre les acteurs et affecte
leurs comportements au sein de l'organisation (Schneider et Reichers, 1983,
cité par Pohl 2002).
Pour Brunet (2001), le climat organisationnel est la
perception entretenue par les membres de l'organisation concernant les
pratiques organisationnelles (gestion des ressources humaines, politiques,
etc.). C'est donc un phénomène perceptuel qui varie en fonction
des dimensions organisationnelles susceptibles de l'influencer.
Deux auteurs plus anciens, notamment Fourgous et Iturralde
(1971 ,cité par Brunet 2001), définissent le climat
organisationnel comme un ensemble de caractéristiques objectives et
relativement permanentes de l'organisation perçues par ses membres et
qui servent à lui donner une certaine personnalité qui
influencent le comportement et les attitudes de ces derniers.
En effet, le climat organisationnel apparaît comme un
tout composé de perceptions que les membres d'une organisation ont de
leur environnement de travail. De plus, Cornell (1976) rappelle que le climat
organisationnel réfère aux perceptions que les individus ont de
leur emploi ou de leurs rôles en relation avec les autres et les
rôles tenus dans l'organisation.
Nous remarquons que dans la diversité des
définitions du climat organisationnel proposées, il
apparaît un mot fédérateur : le terme
« perception ». Ce point de vue rejoint ce qu'écrit
Gadbois (1974). En effet, il souligne qu'il y a deux points importants sur
lesquels la presque totalité des auteurs s'accordent : la nature
perceptive et subjective du climat organisationnel.
Concernant l'aspect perceptif et subjectif du climat
organisationnel, Likert(1974) affirme que la réaction d'un individu
à une situation quelconque est toujours fonction non pas du
caractère absolu (réalité) de l'interaction, mais de la
perception véhiculée par l'individu. Ce qui est d'autant plus
vrai que selon Merleau Ponty (1965, cité par Hassan,
2006) : « la perception n'est qu'une
opinion ».
Donc ,la notion de perception est inhérente au climat
organisationnel. Les perceptions dont il s'agit ici concernent ce que les
membres d'une organisation valorisent fondamentalement dans une situation de
travail : le travail lui-même, les conditions de travail, les
relations interpersonnelles, l'autonomie, la confiance, la reconnaissance, la
rémunération et la progression dans la carrière, le
soutien, les pratiques de gestion et le leadership, la valeur et le sens de
l'action, l'équité,etc.
Tout ce qui précède justifie le caractère
multidimensionnel du climat organisationnel et que les informations à
partir desquelles il est possible de le mesurer relèvent du
perçu.
En ce qui concerne l'évaluation du climat
organisationnel, il convient de distinguer comme le récapitule
Denilson(1996), trois approches qui caractérisent la mesure du climat
organisationnel :
- la mesure multiple des attributs organisationnels
- la mesure perceptive des attributs individuels
- la mesure perceptive des attributs organisationnels
La mesure perceptive des attributs individuels définit
le climat surtout en fonction des caractéristiques individuelles telles
que les valeurs, les besoins, les attitudes ou la satisfaction de
l'employé face à son organisation. Il s'agit de voir comment
l'individu perçoit son environnement de travail et non pas comment les
autres le décrivent (Schneider, 1973 James et Jones, 1974 ).
La mesure multiple des attributs organisationnels consiste
à évaluer, de façon objective, l'environnement de
l'organisation, c'est-à-dire, sa taille, sa structure,
l'établissement des objectifs, l'environnement physique, le style de
leadership, etc., et de mettre ces évaluations en relation avec des
mesures de productivité ou d'absentéisme, entre autres. Sous ce
type de conceptualisation, le climat est défini comme étant
un ensemble de caractéristiques qui décrivent une
organisation et qui la distinguent des autres, sont relativement stables dans
le temps et influencent le comportement des individus dans
l'organisation (Forehand et Gilmer, 1964, James et Jones, 1974).
Même si cette approche est attrayante en raison de
l'objectivité et de la fidélité des données
recueillies et de la facilité de leur cueillette (Deer, 1980), il peut
être risqué de tirer des conclusions sur le climat d'une
organisation simplement à partir de la mesure objective des
caractéristiques organisationnelles.
La mesure perceptive des attributs organisationnels est celle
qui retient notre attention car elle évalue le climat en fonction des
perceptions qu'entretiennent les individus à propos de leur
environnement de travail. Cette approche à l'avantage de concilier les
facteurs organisationnels et les caractéristiques individuelles. Elle
définit le climat comme étant la moyenne des perceptions
individuelles qu'ont les employés de leur environnement quotidien.
Enfin, retenons que dans la notion de climat organisationnel,
les caractéristiques organisationnelles telles que perçues par
les membres à l'intérieur d'une organisation demeurent
l'élément fondamental pour sa compréhension. Ce qui fait
qu'il est important de se préoccuper de ce perçu ; et cela
nous amène à dire que le climat est essentiellement un
phénomène de perception. De ces perceptions naissent au sein du
personnel des réactions, des attitudes et des comportements.
I-2-2 Implication dans
l'emploi
Une confusion sémantique entoure la notion
d'implication. Cette dernière est à partie liée avec
de multiples notions : engagement, motivation, satisfaction,
identification, etc. Chaque terme nous semble pourtant renvoyer à des
référentiels distincts.
Cependant, la revue de la littérature nous amène
à constater que les notions d'implication et d'engagement sont
interchangeables dans la littérature.
Le concept d'implication compte plus d'une trentaine de
définitions (Morrow, 1983). Elles cherchent toutes à
caractériser le lien entre un individu et l'organisation dans laquelle
il travaille.
Avant d'aborder et d'expliciter cette relation
individu-organisation en terme d'implication, il nous semble nécessaire
de préciser comme le souligne Louche (2005) ,la relation
individu-organisation se décline aussi en termes de motivation et de
satisfaction ». D'autre part selon Thevenet (2002), l'implication
serait à la fois un antécédent de la motivation et une
conséquence de la satisfaction.
Traduction française du concept Anglo-Saxon
« commitment », et parfois
« involvement » ,l'implication correspond à la
double relation d'identification et d'engagement d'une personne à son
travail.
Suivant cette optique, pour Mowday, Porter et Steers
(1979,1982), l'implication correspond à une identification à
l'organisation fondée sur le partage de ses buts et valeurs, la
volonté de faire des efforts dans ce sens et le désir d'en rester
membre. L'implication est alors un contrat psychologique passé par
l'individu avec l'organisation dont il attend de son identification des
satisfactions. On le voit donc ici clairement, l'implication dépend
largement de la manière dont l'individu est traité par
l'organisation, puisqu'elle se développe en contrepartie des
récompenses réelles ou anticipées et des investissements
passés (matériels ou psychologiques).
C'est ainsi que vont le souligner O'reilly et Chatman (1986),
l'implication ne peut être définie que dans le sens d'une symbiose
entre les valeurs d'une organisation et celle de ces membres. C'est
l'attachement psychologique ressenti par la personne pour
l'organisation.
Selon Thevenet (1992), l'implication est
considérée comme un état, une orientation de la personne
vers l'organisation par ses actions passées. Par ailleurs Neveu(1993),
précise que l'implication se réfère à des attitudes
dans leur composante affective et cognitive. Il convient de distinguer
l'implication comme attitude ou tendance psychologique qui s'exprime en
évaluant un objet particulier selon un degré plus ou moins
positif (Eagley et Chaiken, 1993), tel un attachement affectif ou comme
comportement composé d'actions visibles que les personnes font en
rapport avec l'objet et l'intention d'agir éveiller par l'objet tel que
l'intention de rester.
Les quelques définitions présentées et
les autres présentes dans la littérature mettent en relief une
relation fusionnelle entre l'individu et son organisation. Ces
définitions ont en commun le fait que l'individu accepte les buts et
valeurs de l'organisation et qu'il la valorise en tant que telle,
indépendamment des avantages qu'il peut en tirer. Selon Boulingui
(2004), cela part du principe que l'on ne peut être membre d'un groupe
sans construire avec lui une relation et s'être construit en partie
soi-même dans cette relation.
Aborder la relation, c'est se distinguer des théories
des organisations qui cherchent des structures générant la
performance de l'action collective. Mais c'est également
s'écarter des approches strictement psychologiques qui s'attachent aux
seules pulsions, attentes ou réactions de l'individu envers son
organisation, plus qu'à l'un ou l'autre de ces deux pôles,
l'implication s'intéresse à leur rencontre tout au long d'un
processus d'interaction.
Au-delà de ce qui précède, notons que les
travaux de Meyer et Allen (1991) puis de Morrow(1993) amènent à
qualifier l'implication de multidimensionnelle.
Pour Meyer et Allen (1991), l'implication recouvre trois
formes : l'implication affective, l'implication calculée et
l'implication normative. Toutefois, ils précisent que chez un
même individu coexistent ces trois formes d'implication à des
degrés divers.
Quant à Morrow (1993), elle propose un modèle
à cinq formes « universelles » d'implications :
Ethique au travail, l'implication dans la carrière, l'implication dans
le poste, l'implication organisationnelle affective et l'implication
organisationnelle calculée.
Des deux modèles précités, c'est
l'approche tridimensionnelle de Meyer et Allen qui est la plus
répandue.
Au-delà de la diversité des formes possible
d'implication, il existe une essence partagée par l'ensemble d'entre
elles, à savoir le fait de se sentir lié à agir dans un
sens particulier. Elles se distinguent toutefois par l'état
psychologique spécifique qui accompagne chacune d'entre elles. Chaque
état psychologique ayant des conséquences en termes d'attitudes
et de comportements. Dans cette perspective, ajoutons que toute analyse de
l'implication doit prendre en compte cela, afin de parvenir à une
description des liens entre l'individu et les composantes de son environnement
de travail.
L'implication est abordée à partir de certaines
approches : les approches unidimensionnelles qui renvoient principalement
à deux courants centraux: l'approche échangiste (instrumentale ou
cognitive) et l'approche psycho-affective; et les approches multidimensionnelle
qui insistent sur la complémentarité entre les approches
instrumentales et psychologique de l'implication.
Dans l'approche échangiste, l'implication
résulte d'une série d'échanges, de transactions
(investissements et rétributions), d'attentes réciproques entre
l'individu et l'organisation. Ce courant insiste sur l'interaction entre
l'individu et l'organisation (Thevenet, 1993, cité par Pailot, 1996).
Dans l'approche psycho-affective, l'implication procède
d'un lien socio-affectif entre l'individu et l'organisation renvoyant à
des phénomènes d'identification et d'intériorisation qui
structure le schéma identitaire du sujet autour de son activité
professionnelle et définissent son concept de soi par rapport à
ses actes. L'implication se définit comme l'attachement au
travail, l'identification au rôle du travailleur ; c'est
l'importance que prend le travail par rapport aux autres sphères de la
vie ; c'est le fait que l'individu se définit lui-même au
travers de son travail (Michel, 1989). Le processus d'identification
présenté ici se caractérise par trois
attributs (Porter & Alii, 1979, Thevenet, 1992, 1993, cité par
Pailot, 1996) : adhésion aux buts et valeurs de l'organisation,
volonté d'agir dans le sens de ces buts et valeurs et désir de
rester dans l'organisation
Il ressort de nombreuses études que les
caractéristiques personnelles, les caractéristiques du travail,
les relations avec le groupe et la hiérarchie ainsi que les
caractéristiques de l'organisation sont généralement
considérées comme les antécédents de
l'implication.
Dans le cadre de la présente étude notre
intérêt est porté sur l'implication dans l'emploi, celle-ci
se confond avec l'implication au travail . Selon Brown(1996), plusieurs auteurs
ne font pas suffisamment de différences entre les deux.
L'implication au travail ou « work
commitment » fait référence à l'importance
du travail en général dans la vie d'un individu, comparativement
aux autres aspects importants de sa vie (Morin, 1996), serait une croyance
normative à propos de la valeur du travail dans la vie, davantage
fonction du conditionnement culturel ou de la socialisation passés de
l'individu (Kanungo, 1982). De plus, elle constituerait un précurseur de
l'implication dans l'emploi. Suite à la définition de
l'implication au travail, il convient donc de définir l'implication
dans l'emploi afin de distinguer clairement ces deux concepts.
L'implication dans l'emploi ou « job
involvement » serait la mesure avec laquelle l'individu s'identifie
à son emploi, y participe activement et considère comme
importante pour son sentiment de valeur personnelle. Elle renvoie plus
spécifiquement aux dispositions de l'employé envers son travail
(tâches).
Enfin, retenons que l'implication dans l'emploi, c'est
le fait d'être concerné par tout ce qui touche à l'emploi
et le souhait de la réussite de l'organisation. C'est aussi
l'attachement au travail, l'identification du salarié à son
emploi et à son rôle professionnel. C'est la relation qui
s'établit entre la personne et son emploi. Cette relation
employé-emploi est une relation psychologique qui va au-delà des
apports matériels que peut procurer le travail. La forme et
l'intensité de cette relation est tributaire de facteurs
intrinsèques à l'individu (objectifs, besoins, attentes,
aspirations,...) et extrinsèques (caractéristiques de
l'environnement ou de l'organisation).
Par ailleurs, comme le souligne Boulingui (2004), la plupart
des travaux effectués s'en tiennent à l'approche psychologique de
l'implication qu'ils décrivent comme un processus d'identification
doté de trois caractéristiques : adhésion aux buts et
valeurs de l'organisation, volonté d'agir dans le sens de ces buts et
valeurs et désir de rester dans l'organisation. Dans le cadre de notre
travail, nous emploierons l'expression générique
« implication dans l'emploi » pour parler d'implication.
Soulignons, en définitive, que l'intérêt pour l'implication
est une préoccupation post-taylorienne.
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