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La motivation de l'élève en difficulté


par G J
IUFM des Pays de la Loire
Traductions: Original: fr Source:

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1. Les élèves en difficulté

1- La découverte de la classe de seconde G

C'est à la rentrée de septembre 2004, dans le lycée Jean de Lattre de Tassigny de La Roche sur Yon qu'ils se sont rencontrés et découverts. D'un côté, encore intimidés par le nouvel établissement, de jeunes élèves qui regrettaient l'époque révolue du collège dans lequel ils avaient leurs habitudes, et de l'autre côté du bureau un professeur stagiaire tout juste sorti d'une université dans laquelle il avait, lui aussi, ses habitudes.

Ce professeur stagiaire le jour de la rentrée, c'était moi. Il ne nous restait plus qu'à nous présenter. Je leur ai donc demandé de remplir une première fiche qui allait comporter des renseignements administratifs. Je leur ai ensuite soumis un petit formulaire inspiré du questionnaire de Proust dans lequel ils avaient à citer les romans, poésies, pièces de théâtre qu'ils préféraient, mais également les oeuvres qu'ils n'avaient pas appréciées. Puis ce petit questionnaire se terminait par la célèbre question « état présent de votre esprit ?».

Ces deux courtes productions écrites avaient donc seulement pour simple objectif de connaître leur situation administrative et leurs goûts littéraires. Si certains questionnaires m'ont positivement étonné grâce à leur originalité, d'autres en revanche m'ont passablement surpris par l'originalité de leur orthographe. Dans ces productions pourtant brèves et n'utilisant qu'un vocabulaire assez simple, j'ai en effet pu trouver de trop nombreuses fautes. Le petit questionnaire de Proust faisait ainsi par exemple apparaître les difficultés de certains pour les conjugaisons des premier et deuxième groupes. Mais, fait plus inquiétant, la fiche administrative faisait également apparaître quelques maladresses orthographiques chez certains, y compris dans les adresses...

Ces fautes grossières, on serait en droit de ne plus les rencontrer dans les copies d'élèves qui ont reçu une formation orthographique dans le primaire et dont les pratiques scripturales ont été perfectionnées par quatre années de collège. Ce problème demandait donc à être traité en faisant appel à la remédiation appropriée.

Face à l'importance de telles lacunes, j'ai décidé de faire en sorte de traiter les problèmes les plus flagrants, en ayant bien conscience que, pour la majorité des élèves, les épreuves anticipées de français allaient se dérouler dans moins de deux ans et qu'il était impossible qu'une telle orthographe puisse être tolérée.

Avant de leur proposer de contribuer à améliorer leur respect de l'orthographe, je tenais à m'assurer que cette entreprise avait aussi du sens pour eux. Seulement quatre élèves estimaient que l'orthographe ne servait à rien. Parmi ces quatre, deux au moins présentaient d'importantes difficultés, tous les autres étaient d'accord pour reconnaître un intérêt à celle-ci. Seuls deux d'entre eux en ont perçu plus spécifiquement le rôle social et surtout professionnel : « on en aura besoin par exemple dans notre travail plus tard ». Maxime, quant à lui, a bien conscience de son problème qui l'handicape fortement dans sa scolarité depuis le primaire. Deux redoublements et de lourds problèmes en orthographe ont entraîné chez lui une sorte de résignation : « de toute façon, l'année dernière c'était pareil ».

Il m'a par conséquent semblé bon de consacrer les premières séances de l'aide individualisée à la réactivation de savoirs et de savoir-faire. J'ai également pu bénéficier des idées d'autres professeurs de français qui continuent à découvrir l'aide individualisée puisqu'elle a été instaurée récemment pour les secondes. Les propositions concernant les contenus de l'aide individualisée allaient de l'exercice à trous pour maîtriser l'utilisation de la ponctuation, à l'étude des figures de style en passant par l'utilisation du traitement de texte pour redonner le goût d'écrire à l'élève.

2- L'aide individualisée et la remédiation

Mais durant une rentrée scolaire, l'emploi du temps peut toujours varier en fonction de différents arrangements entre le professeur et ses élèves. L'heure d'aide individualisée faisait donc partie de ces heures qui restaient à planifier. Cette heure serait donc placée le vendredi après-midi de 15h à 16h, juste avant le cours de français de deux heures (16h-18h) qui finissait leur journée et leur semaine de labeur.

Cet horaire posait déjà un premier problème. Des élèves ont tout de suite demandé à intervertir l'heure d'aide individualisée et les deux heures de cours : ceux qui n'étaient pas convoqués pourraient alors terminer leur journée à 17h plutôt qu'à 18h. Si la solution pouvait paraître arranger une majorité d'élèves elle n'en était pas moins néfaste quant à la façon dont l'heure d'aide individualisée pourrait être perçue. Plusieurs raisons plaidaient pour le maintien de cet horaire : d'après mon tuteur en fin de journée les élèves ne viendraient pas et inviter ou retenir (la différence est importante, nous y reviendrons) un élève en difficulté en fin de journée c'est encore le stigmatiser un peu plus et peut-être le démotiver. L'image du cancre qui reste après les autres dans l'établissement parce qu'il est puni est encore très présente dans les esprits. Il s'agissait donc de ne pas répéter ces lieux communs : l'heure d'aide individualisée aurait toujours lieu le vendredi de 15h à 16h.

L'aide individualisée est apportée à des élèves, constitués en petits groupes (huit élèves au maximum) qui rencontrent des difficultés ponctuelles ou présentent des lacunes plus profondes que l'enseignement en module ne peut résoudre. Cette aide doit permettre de redonner confiance à mes élèves en leur offrant la possibilité de s'interroger sur leurs difficultés et sur les méthodes qui leur sont proposées. De la sorte, ils sont ainsi mis en situation d'acquérir peu à peu une autonomie et de nouvelles compétences pour rentrer dans la logique du travail qui leur est demandé. Les difficultés orthographiques font donc partie des difficultés qu'on peut traiter durant cette heure. Et le B.O. du 24 juin 1999 nous précise que la « finalité de l'aide individualisée est de faire acquérir aux élèves une meilleure maîtrise de la langue, nécessaire à la compréhension des différents contenus disciplinaires. On privilégiera des exercices écrits et oraux, brefs et variés, des aides à la compréhension en lecture, des apports de lexique et de grammaire à partir de productions écrites et orales déjà réalisées par les élèves ou d'exercices préparant leur production à venir. »

On voit que cette heure d'aide individualisée fait partie d'un cadre pédagogique plus large que le seul cadre du cours de français. Le repérage des besoins doit se faire par l'équipe pédagogique en début d'année scolaire puis par la pratique régulière de l'évaluation des compétences. Cette heure aménagée n'était d'ailleurs pas pour eux une découverte puisque leur professeur de mathématiques la leur avait déjà présentée. L'aide individualisée est en effet un dispositif commun au français et aux mathématiques ce qui permet aux professeurs de s'échanger des conseils voire des questionnaires destinés aux élèves, valables pour les deux matières. A la lecture de cet extrait de B.O. on constate également que les copies des élèves peuvent servir de support pour la remédiation.

Sur le modèle de mes collègues j'ai donc instauré un plan de travail individualisé pour chaque élève et j'ai rapidement établi un contrat verbal avec les deux élèves les plus en difficulté. Ce plan de travail peut aussi bien porter sur les contenus que sur les méthodes, les moyens et les supports.

La solution que j'ai le plus souvent utilisée consiste à accompagner la progression de l'élève en difficulté avec une fiche de suivi. L'analyse de cette fiche pouvait entraîner des révisions sur des phénomènes orthographiques avec lesquels une scolarité déjà longue les a familiarisés ainsi que sur une plus grande systématisation de connaissances souvent éparses (règle de l'accord avec le COD avant le verbe avoir par exmple). La correction par les élèves a donc été pratiquée au cours de séances d'aide individualisée. La fiche d'auto-évaluation reprend toutes les erreurs que l'élève aura pu commettre dans sa dernière production écrite. C'est à l'élève, aidé du professeur, de lister ses erreurs, les analyser puis les classer (orthographe lexicale ou grammaticale). Cette fiche réutilisée après chaque contrôle permet à l'élève de repérer ses erreurs les plus fréquentes, de s'en souvenir et de ne plus les commettre. Cette technique demande la coopération des élèves ce qui au début de l'année n'a pas été difficile puisque, quelques uns mis à part, ils se montraient plutôt volontaires et motivés. Après avoir établi un contrat verbal avec deux élèves en difficulté (Je devais voir David et Maxime en aide individualisée jusqu'aux vacances de Noël), il ne reste plus qu'à espérer que ces élèves n'oublient pas de remplir leur contrat.

3- Les problèmes rencontrés

Or, il se trouve que différents éléments allaient nous empêcher d'aller jusqu'au bout de ce contrat. Le premier problème concernait à nouveau l'horaire de l'aide individualisée. Lorsque je demandai huit autres élèves s'ils voulaient bien venir la semaine suivante certains ne pouvaient pas être présents puisqu'ils devaient se rendre à un cours de sciences économiques et sociales. Une semaine sur deux une partie du groupe doit en effet se rendre à une des options et ne peut donc assister à l'heure d'aide individualisée. De plus ces élèves constituent la majorité de la classe  (16 sur 24), les autres élèves ayant choisi une option en relation avec les sciences de l'ingénieur (ISING). La situation est donc la suivante : la majorité du groupe ne peut assister à l'heure d'aide qu'une semaine sur deux. Quant à l'autre partie du groupe elle ne présentait au début de l'année qu'un élève sur les huit en réelle difficulté ce qui m'obligeait à systématiquement faire appel à au moins un autre de ses camarades pour que le cours ait lieu en respectant le seuil limite de deux élèves en dessous duquel le professeur ne doit pas descendre. Certains élèves en difficulté ne pouvaient donc venir que deux fois par mois. Il suffisait que l'un deux oublie un rendez-vous pour que cette heure d'aide individualisée devienne mensuelle : la fiche est alors rapidement oubliée au fond du cartable et n'est plus mise à jour.

De plus, l'heure précédant le devoir final de la première séquence a pu voir arriver onze élèves pas nécessairement en difficulté mais soucieux de réussir le mieux possible le contrôle qui allait suivre. Bien que l'aide individualisée soit réservée à des élèves en difficulté, je n'ai pas pu la leur refuser à partir du moment où j'avais posé comme principe de base que celle-ci était faite pour eux. Ces élèves pouvaient effectivement avoir besoin d'aide, celle-ci se situant souvent moins dans la résolution d'une difficulté profonde que dans l'acquisition d'une méthode efficace pour améliorer les résultats. Au cours de l'année différents élèves sont ainsi passés pour avoir des précisions sur la dissertation ou le commentaire littéraire. Il m'apparaissait difficile de ne pas encourager cette motivation. Et si je ne l'avais pas accepté, cela aurait fait de l'aide individualisée un parc à mauvais élèves. Or, comme je l'ai déjà exprimé, ce n'était pas l'image que je souhaitais donner de cet enseignement-là. Je ne pouvais plus désormais me consacrer durant cette heure d'aide individualisée uniquement aux problèmes orthographiques de quelques uns. Le premier problème provenait de l'emploi du temps et le second était donc que je ne pouvais focaliser toute mon attention toujours sur les mêmes élèves au cours de cette heure.

Le dernier problème, et non le moindre, allait remettre en question tout le processus engagé. Les élèves en difficulté, qui au début de l'année ne ressentaient pas comme une contrainte le fait d'avoir à venir en aide individualisée ont peu à peu changé d'attitude. Je leur proposais en effet toujours le même exercice et la lassitude s'est emparée d'eux : « Ça, on l'a déjà fait ». Et si pour certains la fiche pouvait les aider à améliorer progressivement leur orthographe, pour d'autres en revanche les copies lors des contrôles que ce soit en français ou en histoire-géographie comportaient toujours autant de fautes. Le problème de la motivation des élèves en difficulté devenait donc le troisième problème et c'est seulement sur ce dernier que je pouvais essayer d'agir.

4- Premières hypothèses personnelles et problématique

L'heure d'aide individualisée n'était donc disponible qu'une semaine sur deux pour les élèves qui en avaient le plus besoin. De plus le professeur ne peut pas focaliser toute son attention toujours sur les mêmes élèves : d'autres demandes doivent être prises en compte tout au long de l'année, notamment pour les nouveaux exercices tels que le commentaire littéraire ou la dissertation. Je me retrouvais donc devant des élèves démotivés par des exercices sans doute jugés par eux trop scolaires. Toutes les règles d'orthographe que nous revoyions ensemble avaient déjà fait l'objet d'exercices spécifiques en collège. Je pensais à tort facilement pouvoir corriger un problème qui était déjà présent les années passées en leur rappelant des règles qu'ils connaissaient déjà mais qu'ils n'appliquaient pas. Enfin, je ne pouvais pas consacrer à ces élèves toute mon attention durant l'heure d'aide individualisée.

Quelles méthodes pouvais-je donc utiliser pour que ces élèves parviennent sans leur professeur de français, de façon autonome, à progresser en orthographe ? Comment faire en sorte que ces méthodes les motivent suffisamment pour qu'ils acceptent de se mettre au travail de façon prolongée, au moins jusqu'à la fin de l'année, et de façon plus intensive ?

Si ces élèves ne pouvaient pas travailler en aide individualisée, au sein du lycée, il faudrait qu'ils travaillent à l'extérieur. C'était donc à moi de trouver des projets assez motivants pour que les élèves en difficulté aient l'envie de produire un travail supplémentaire. Tout en sachant que ces exercices devraient pouvoir les faire progresser en orthographe.

La première occasion me fut procurée durant une séquence sur le portrait, avec l'objet d'étude « l'éloge et le blâme ». Dans cette séquence nous avons découvert le contre-blason avec un poème de Du Bellay extrait des Regrets (« Ô beaux cheveux... »). Pour mieux comprendre le procédé consistant à utiliser des adjectifs mélioratifs pour écrire un blâme, je leur ai demandé de produire à leur tour un contre-blason. Face à l'engouement général la semaine suivante, je décidai d'exploiter la situation.

La deuxième occasion me fut fournie par le cinéma. J'ai pensé que la motivation pouvait être plus présente lorsque le travail était perçu comme moins scolaire, moins en rapport avec la séquence en cours d'étude. En début d'année j'ai inscrit la seconde G à l'opération « Lycéens au cinéma ». Les trois films que nous allions voir pouvaient également être prétextes à différents travaux autour de l'écrit.

Nous verrons donc comment ces différentes pistes peuvent être explorées à la lumière des différentes recherches théoriques effectuées sur l'orthographe et la motivation de l'élève.

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