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La dynamique associative dans le secteur de l'artisanat à Kandi: un enjeu de développement ?


par Hugues Tayé ADJOVI
Université d'Abomey-Calavi
Traductions: Original: fr Source:

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CHAPITRE III : LES LIMITES LIEES A LA SRUCTURE ET AU FONCTIONNEMENT DES OPA.

Les associations en général et celles d'artisans en particulier, sont confrontées à plusieurs types de difficultés. Ces difficultés varient d'une association à une autre. Au nombre de ces difficultés, on note la naissance et la persistance des conflits qui sont des types de difficultés le plus souvent liés à la structure et au fonctionnement des associations. En effet, dans la commune de Kandi, les conflits constituent pour les OPA un handicap réel.

Dans le cadre du présent chapitre, nous verrons les différents types de conflits qui minent les OPA, leur manifestation, leurs causes et conséquences.

Section 1 : Les conflits internes aux OPA.

Les conflits sont une réalité consubstantielle à toute vie associative. Partout où il y a rassemblement d'hommes issus de divers milieux sociaux, il se pose toujours des questions de divergence de points de vue, d'application de procédures, d'interprétation d'actes, d'incompatibilité d'humeur etc. Il en est de même pour les OPA. En effet, au sein des Associations, les artisans sont souvent opposés sur des questions sensibles qui débouchent parfois sur des conflits.

1. Les différents types de conflits et leur manifestation.

Les conflits auxquels sont confrontés les membres des OPA sont multiples et multiformes. D'une part, ils différent d'une OPA à une autre et d'autre part, quand bien même ils sont du même type, ils ne se manifestent pas de la même façon.

1.1 Les conflits d'attribution

Ces conflits se retrouvent au niveau des responsables d'association. Ils interviennent notamment pour trois (03) raisons :

· ignorance des attributions respectives,

· rivalités d'accès et de contrôle des biens de l'association,

· crise de leadership.

1.2 Les conflits entre lettrés et illettrés.

Il arrive que parfois les membres lettrés de certaines OPA développent un complexe de supériorité vis-à-vis des illettrés. Ils donnent l'impression de tout savoir, de détenir la vérité et sous-estiment les autres.

1.3 Les conflits entre leaders formels et informels.

Dans certains cas, les responsables légaux des OPA manquent d'initiatives. Ils ne font pas preuve de compétence dans l'exercice de leur fonction. Par contre, il y a de simples membres qui sont très clairvoyants et mettent en évidence les insuffisances des leaders formels. Il se pose dès lors un problème de leadership. Cette situation se retrouve parfois au sein du Bureau Directeur où le Président bien qu'ayant un niveau d'instruction supérieur par rapport aux autres membres du Bureau manque d'initiatives.

1.4 Les conflits entre autochtones et allogènes.

Au sein de certaines OPA, notamment dans les corps de métiers où il y a une forte population d'allogènes, il arrive que pour des questions de leadership, les artisans originaires de la localité s'opposent à ceux venus d'autres localités du Bénin. Parfois, les artisans venus d'ailleurs sont plus dynamiques que les autochtones qui revendiquent les premiers rôles.

1.5 Les conflits ethniques.

Parfois, au sein des Associations, le réflexe ethnique s'installe et se transforme en rapport de force. Cette situation s'observe au cours des divergences de point de vue, de la prise de décisions, des élections etc.

1.6 Les conflits liés à l'appartenance à différents partis politiques.

Les élections (présidentielles, législatives, communales, au Conseil Economique et Social) sont souvent des sources de rivalités sur le terrain, entre les membres d'une même association. Ces rivalités électorales perdurent au-delà des périodes électorales et provoquent des clivages au sein des associations soit par le comportement des perdants ou l'arrogance des gagnants. Le conflit politique intervient également, lorsque certains esprits malins de l'Association rusent à l'utiliser à des fins politiques. Dans cette situation, ils ont en face, ceux qui s'y opposent conformément aux dispositions statutaires qui fixent le caractère apolitique et non lucratif de toute association régie par la loi du 1er juillet 1901.

1.7 Les conflits de générations.

Dans la manière de régler certains problèmes, on observe aisément un clivage entre jeunes et anciens. Les anciens de tendance conservatrice s'opposent aux jeunes qui s'inscrivent pour leur part dans la logique du changement.

2. Les causes des conflits associatifs.

Les conflits associatifs ne naissent pas ex nihilo. Ils constituent la somme ou le résultat d'un certain nombre de situations ou facteurs sous-jacents. Il est donc erroné de croire qu'un conflit n'a pas de causes. Si on admet qu'un conflit a des conséquences, il va sans dire qu'il a aussi des causes. Et c'est l'ensemble des facteurs qui expliquent l'avènement d'un conflit que nous qualifions de causes. Le conflit étant un élément central, il est rattaché à des causes et conséquences.

Dans l'optique de mieux rendre compte des causes des conflits que nous avons étudiés, nous les classerons par catégories. Ainsi, nous pouvons distinguer les causes internes et les causes externes.

2.1 Les causes internes.

La recherche des causes des conflits associatifs conduit à un certain niveau vers des causes internes c'est-à-dire un ensemble de facteurs provenant de l'intérieur même des associations et pouvant provoquer ou rendre compte de l'avènement d'un conflit. Les causes internes aux conflits associatifs peuvent être étudiées à trois niveaux :

a) au niveau individuel :

À ce niveau, les conflits associatifs s'expliquent par des facteurs psychologiques propres à chaque membre. Il s'agit notamment des sentiments personnels, des humeurs, des émotions ou des préjugés des membres d'une association. C'est par exemple le cas des conflits de génération qui sont provoqués par l'opposition entre les considérations d'ordre éducatif, moral, esthétique etc. propres à chaque génération ou individu.

b) au niveau structurel :

Ici, les facteurs explicatifs des conflits se retrouvent dans la structure même des Associations. Comme le souligne si bien Dahrendorf cité par Guy ROCHER dans son essai Le changement social,  « c'est dans la structure de l'organisation sociale, dans son mode de fonctionnement, qu'il faut retrouver la source permanente qui provoque et alimente les conflits »17(*).

D'un point de vue structurel, ce sont les associations regroupant plusieurs corps de métiers qui sont le plus concernées. Souvent, dans ces genres d'Association, les membres éprouvent beaucoup de difficultés à maintenir une structure tangible. Issus de différents corps de métiers et aspirant tous à une représentativité au sein des instances de gestion de l'Association, ils s'opposent assez souvent sur les questions d'élection de représentants et même de leadership. C'est d'ailleurs la multiplicité des mésententes et conflits au sein des Associations communes qui conduit à la dissolution de celles-ci au profit de la création d'Associations spécifiques à chaque corps de métiers.

c) au niveau fonctionnel :

Le mode de fonctionnement des Associations constitue aussi une cause de conflits. A priori, toute association normalement constituée dispose en son sein d'un certain nombre de dispositions définissant son fonctionnement et sa gestion. Il s'agit notamment des statuts et du règlement intérieur qui définissent et précisent les attributions de chaque organe, les rôles et tâches incombant à chaque membre ainsi que les dispositions afférentes à la tenue des réunions, le remplacement des bureaux, la déchéance et l'admission de nouveaux membres etc. Cependant, malgré ces dispositions, on note des conflits qui naissent de la mauvaise application de celles-ci. En effet, une association est comme une équipe de jeu. Et en tant que telle, chaque personne ou instance joue un rôle bien déterminé. Lorsqu'une personne manque de jouer comme il le faut ses rôles, cela se ressent au niveau du résultat. La survie et le progrès de l'association ne tiennent qu'à la synergie et à la complémentarité entre les rôles de chaque membre.

Au sein des associations étudiées, beaucoup sont les artisans qui ne savent pas concrètement en quoi consistent leurs rôles au sein de l'association. Cet état de chose a souvent conduit à des conflits de rôles.

Pour comprendre davantage ce phénomène, nous avons expérimenté deux (02) tests au cours de nos travaux avec les membres du Bureau Directeur de certaines Associations.

TEST N°1 :

Le premier test a pour but de mesurer la compréhension que les principaux membres du bureau directeur ont de leurs rôles respectifs. Ce test a consisté à faire subir à chacun des membres du bureau directeur une épreuve. Ladite épreuve consistait à faire dire à chaque membre le contenu de ses rôles au sein de l'Association. Les propos de chaque membre ont été minutieusement recueillis et confrontés plus tard à ce qui figure dans les textes de l'Association.

RESULTAT :

Le résultat obtenu à partir de ce test a révélé que la majorité des membres du bureau directeur des différentes associations étudiées éprouvaient des difficultés à dire avec exactitude en quoi consistent leurs rôles. Soit, ils ne citent qu'une partie de leurs rôles soit, ils les confondent aux rôles des autres membres.

Le deuxième test a pour but de renseigner sur une question fondamentale qui naît du résultat issu du premier test. Qu'est-ce qui explique la non maîtrise de leurs rôles respectifs  par certains membres des associations?

TEST N°2

Il consiste à faire lire et expliquer par chaque membre, la partie des textes statutaires qui concerne ses fonctions au sein de l'association. Cet exercice a été complété par un autre qui a consisté à faire dire aux membres interviewés le nombre de fois qu'ils lisent les textes réglementaires de leur Association par mois.

RESULTAT :

Le résultat du deuxième test a permis de se rendre compte que sept membres sur dix en moyenne ne parviennent pas à lire et expliquer correctement la partie des textes de l'Association qui indique leurs rôles. Leur niveau d'instruction ne leur permet pas de lire et expliquer sans difficultés les phrases des textes souvent écrites avec un français plus ou moins soutenu. Le constat se faisait net que ce n'est pas les membres de l'Association eux-mêmes qui ont élaboré les textes.

Le deuxième exercice a permis de constater que certains membres des Associations ne se soucient guère de relire la partie des textes qui stipule leurs rôles quoiqu'ils sont conscients de ne pas maîtriser véritablement la langue dans laquelle ces textes ont été écrits.

Il ressort des résultats des deux tests que l'incapacité de certains membres du Bureau Directeur des associations à pouvoir définir avec précision le contenu réel de leurs attributions et la confusion qui s'en suit, sont à la base des conflits d'attribution. Le problème fondamental mis en évidence ici étant l'analphabétisme.

En dehors du faible niveau d'instruction, d'autres facteurs liés au fonctionnement des Associations expliquent aussi la naissance des conflits associatifs.

Il s'agit du non respect du délai de la tenue des réunions ordinaires des Associations. En effet, pour des raisons diverses dont en l'occurrence, le labour des champs, les réunions sont très souvent décalées ou annulées. Ce fait s'observe le plus au cours de la saison des pluies et provoque une indignation de la part des membres qui ne s'adonnent pas aux travaux champêtres et qui sont très respectueux des textes associatifs. Ces derniers estiment que les absences répétées de certains membres empêchent les organes auxquels ils appartiennent de bien jouer leurs rôles et ternissent l'image de l'Association.

2.2 Les causes externes.

Les conflits associatifs sont aussi dus à des causes externes. Par causes externes, nous désignons tous les facteurs extérieurs aux Associations et susceptibles de provoquer des conflits au sein de ces dernières.

L'étude des causes externes des conflits associatifs met en exergue les diverses influences que subissent les Associations ou leurs membres de la part de l'environnement socio-politique, économique et culturel qui les caractérise. Il est évident que les Associations ne vivent pas en vase clos. Leur progrès est le résultat de leur dynamique interne et de leurs divers partenariats. Cependant, les relations que nourrissent les Associations avec le monde extérieur ne sont pas toujours apaisées ; parfois, elles sont sources de discordes entre les membres. De façon synthétique, nous étudierons les causes externes des conflits associatifs sur trois plans : sur les plans socio-politique, culturel et économique.

Sur le plan socio-politique, les candidats aux diverses élections (présidentielles, législatives, communales, municipales, au Conseil Economique et Social) manipulent les membres des Bureaux Directeurs des Associations qui à leur tour tentent de conquérir les autres membres à leurs convictions politiques. Or, les Associations dans leur essence même sont des organisations apolitiques dont les membres en dépit de leurs convictions politiques ne doivent pas afficher leur appartenance ou leur soutien à tel ou tel candidat. Le non respect de ce principe par certains membres, candidats ou parents de candidats aux élections crée des tensions au sein des Associations. D'un autre côté, les rivalités électorales perdurent au-delà des périodes électorales et provoquent des clivages au sein des Associations soit, par le comportement des mauvais perdants soit, par l'arrogance des gagnants. C'est le cas par exemple des conflits liés à l'appartenance à différents partis politiques (cf. Chapitre I Section 1).

Sur le plan culturel, les conflits naissent du choc des us et coutumes entre membres allogènes et autochtones. Issus de divers milieux culturels, les artisans s'opposent parfois sur des questions relatives à l'éthique, à la vie en communauté, aux jugements de valeurs, etc. Le choc des cultures occasionné par les divergences culturelles entrave l'intégration de nouveaux membres, rend difficile la synergie entre les générations et fragilisent les moyens de coopération entre les membres.

L'environnement économique crée aussi des tensions au sein des Associations. Ici encore, le manque de financement, l'insuffisance de débouchés, l'inexistence d'un centre commercial artisanal etc. constituent autant de facteurs qui poussent les artisans à s'investir dans d'autres secteurs. Si cela est considéré par certains comme un pis aller, pour d'autres, il s'agit visiblement d'un manque de professionnalisme. Cette cause quoique apparemment banale témoigne de l'existence au sein de la classe artisane de deux (02) tendances. Celle de certains artisans soutenant que malgré les problèmes auxquels sont confrontés les artisans, ceux-ci doivent être solidaires et s'investir davantage dans le secteur afin de le promouvoir. A l'opposé de ceux-là, existent les artisans pour qui, la recherche d'autres activités génératrices de revenus permet d'atténuer les effets économiques néfastes engendrés par les problèmes du secteur.

* 17 - Guy ROCHER, Le changement social, Ltée, Editions HMH, 1968, p 196.

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