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Droit de la condition des étrangers les limites du droit applicable au regroupement familial

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par Dominique Arnaud Christ DINGHAT
Université Bourgogne - Master 2 2010
  

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B- Le regroupement familial des enfants mineurs

Le droit au regroupement familial bénéficie aux enfants mineurs de dix huit ans venant rejoindre leur père ou leur mère régulièrement établi sur le territoire français (1). En outre, des enfants « recueillis » par un membre du couple peuvent également se prévaloir du droit au regroupement familial (2).

1- Les enfants nés d'un membre du couple conjugal

Le regroupement familial peut être sollicité au bénéfice des enfants mineurs de dix huit ans nés de parents mariés ensemble. Le droit au regroupement familial n'est pas réservé aux enfants communs des époux. Sous certaines conditions, il est également reconnu aux enfants nés d'une précédente relation de l'un des conjoints91

L'étranger qui séjourne régulièrement en France peut solliciter le regroupement familial au bénéfice de son conjoint et des enfants mineurs du couple92. La minorité des enfants titulaires du droit au regroupement familial s'apprécie à la date du dépôt de la demande du regroupement familial, le délai d'instruction de la demande ne devant pas influer sur la réalisation de la condition d'âge93. Elle est déterminée au regard du droit français, quel que soit le seuil prévu par la loi nationale de l'étranger94. Seuls les mineurs de moins de dix-huit ans peuvent être admis sur le territoire français au titre du regroupement familial95, indépendamment de leur capacité à s'intégrer dans la communauté française, notamment au regard de leur âge et de leur faculté d'acquérir les connaissances linguistiques.

En principe, lorsqu'un étranger polygame réside en France avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé à un autre conjoint ni aux enfants nés de

91 Cf. Article L.411-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Rappr. de l'article 4, paragraphe 1. point b) de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial qui vise différemment les enfants mineurs du regroupant et de son conjoint.

92 Cf. Article L.411-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

93 Cf. Article R. 411-3 du CESEDA. Rappr. De : TA Lyon, 20 décembre 1993, EL Bouadli, JCP G 1994, IV, 2322, p.304.

94 Rappr. De l'article 4, paragraphe 1, alinéa 2 de la directive 2003/86/CE relative au regroupement familial aux termes duquel les enfants « doivent être d'un âge légal inférieur à la majorité légale de l'État membre concerné ». L'application de la règle de conflit de lois énoncée par l'art. 3 du Code civil devrait conduire à apprécier la minorité d'un étranger par rapport à sa loi nationale.

95 CE, Ass. 29 juin 1990, req. N° 78519, GISTI c. Ministère de l'intérieur, Rec Lebon , p. 171, concl. R. Abraham; AJDA 1990, p. 631, note G. Teboul.

cette union96. En d'autres termes, seuls les enfants du demandeur et de son conjoint qui réside en France peuvent bénéficier de la procédure de regroupement familial. Les enfants nés des autres unions ne peuvent valablement soutenir que le refus de les autoriser à pénétrer sur le territoire français serait discriminatoire, dès lors que cette mesure est justifiée par la défense de la famille monogame à laquelle les États occidentaux sont fermement attachés. En conséquence, le sort des enfants nés d'une union polygame dépend non pas du lien de filiation, mais du statut du parent, conjoint d'un étranger bigame, défini par la politique migratoire du pays hôte. Ainsi dans l'affaire EL Abasse97, la mère de l'enfant n'étant pas autorisée à habiter dans le pays d'accueil dans la mesure où son mari y résidait déjà avec une autre épouse, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que l'enfant ne pouvait pas se prévaloir de la procédure de regroupement familial.

Toutefois, lorsqu'un conjoint bigame réside en France avec un premier conjoint, il peut être fait droit à la demande de regroupement familial sollicitée au bénéfice des enfants nés de l'union avec un autre conjoint, si ce dernier est décédé ou a été déchu de ses droits parentaux98. Dès lors que le parent avec qui l'enfant résidait est décédé ou déchu de ses droits parentaux, l'intérêt de l'enfant justifie que lui soit reconnu le droit de rejoindre son autre parent, aux fins du regroupement familial, alors même que ce dernier vit avec un autre conjoint, car cette possibilité offre à l'enfant un cadre familial dont il ne dispose pas, ou plus, à l'étranger. De même, dans son intérêt, le regroupement familial d'un enfant né d'un divorce est admis.

Le sort des enfants nés d'une précédente union ou relation du demandeur ou de son conjoint a connu une évolution heureuse. Sous l'empire de la loi du 24 août 1993, le regroupement familial pouvait être sollicité « pour les enfants mineurs de dix huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'était établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent était décédé ou déchu de ses droits parentaux »99. Les systèmes juridiques étrangers ne prévoyant pas forcément la procédure de déchéance, l'enfant resté dans le pays d'origine avec un parent qui se désintéresserait de lui ne pouvait pas bénéficier de la procédure de regroupement familial. L'application littérale de ces dispositions privait les étrangers installés en France d'être rejoint par leur enfant mineur dont l'autre parent était ressortissant d'un pays dont la législation ignorait la procédure de déchéance. Elle exposait le demandeur à un refus100.

96 V. Art. L. 411-7, al.1er, du CESEDA

97 Comm. EDH, déc. du 6 janvier 1992, req. n° 14501/89, Alliouch El Abasse, spec. p. 128.

98 V. Art. L. 411-7, al. 1er in fine, du CESEDA

99 Cf. Art. 29 I al. 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

100P. WEIL (dir.), Mission d'étude des législations de la nationalité et de l'immigration, Pour une politique de

Dans une circulaire du 24 juin 1997 relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière101, il a été observé que l'application stricte de ces règles pouvait « conduire à des situations humainement difficiles ». C'est pourquoi, lorsque le parent résidant en France ne pouvait produire le document attestant de la déchéance de l'autorité parentale de l'autre parent, alors que les autres conditions du regroupement étaient satisfaites, les préfets étaient invités à demander à l'intéressé de fournir une copie du jugement du tribunal étranger compétent lui confiant la garde de l'enfant ainsi qu'une autorisation de l'autre parent pour laisser partir le mineur en France102. La portée de cette instruction ministérielle demeurait restrictive puisque le dispositif était réservé aux enfants de moins de dix ans, considérés comme les plus vulnérables, et qui étaient susceptibles d'obtenir un titre de séjour à leur majorité. La jurisprudence adopta une position plus souple en admettant le regroupement familial dans l'hypothèse où la législation étrangère connaissait une institution équivalente à la déchéance.

Le tribunal administratif de Paris fut saisi de la demande d'une mère tendant à l'annulation d'une décision par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine avait refusé de l'autoriser à faire venir sa fille sur le territoire français. Le tribunal décida de soumettre le dossier au Conseil d'État pour avis103. Deux questions étaient alors posées à la Haute juridiction administrative : d'une part, le tribunal s'interrogeait sur le fait de savoir si les dispositions de l'article 29 I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors applicable, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993, impliquaient que fût rejetée la demande d'un étranger tendant à l'admission en France de son enfant mineur alors que l'autre parent était ressortissant d'un pays dont la législation ne prévoyait pas la possibilité de prononcer la déchéance de l'autorité parentale ; d'autre part, en cas de réponse négative, le tribunal souhaitait connaître les critères auxquels devaient répondre les actes susceptibles d'être produits par les demandeurs pour être considérés comme équivalents à une déchéance de l'autorité parentale dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure du regroupement familial.

Le Conseil d'État a considéré que, lors de l'examen d'une demande de regroupement

l'immigration juste et efficace, Rapport remis au Premier ministre le 31 juillet 1997, la documentation française, Coll. Des rapports officiels, 1997, p.77.

101V. JORF, 26 juin 1997, p. 9819; D. 1997, légis., p. 301.

102Point 1.5.3 de la circulaire.

103Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la Cour administrative d'appel peut, par un jugement ou un arrêt qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au conseil d'État qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Sur la procédure de consultation pour avis instaurée par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987, voir note D. Labetoulle, Ni monstre, ni appendice, « le renvoi » de l'art.12, RFD adm. 1988, pp. 213-218.

familial, l'autorité administrative devait examiner si la législation étrangère applicable à l'enfant dont la venue en France était sollicitée, prévoyait une procédure équivalente à la procédure de déchéance de l'autorité parentale adoptée en droit français104. Le Conseil d'État n'a pas répondu à la seconde question dans la mesure où il a constaté que la législation nationale en cause, le droit colombien, prévoyait un régime équivalent à la procédure de déchéance du droit français. En conséquence, en l'espèce, la venue de la fille mineure de la requérante pouvait être autorisée au titre du regroupement familial. Le tempérament de l'équivalence introduit par le Conseil d'État constituait un progrès. Mais il demeurait encore trop restrictif dans l'hypothèse où la loi étrangère ne connaissait pas d'institution équivalente aux procédures françaises de déchéance ou de retrait de l'autorité parentale105

La nouvelle rédaction de l'article 29 I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 adoptée quelques mois plus tôt par le législateur français a corrigé les imperfections du régime antérieur. A été consacré le droit au regroupement familial au bénéfice des enfants mineurs de dix-huit ans confiés à l'étranger régulièrement établi en France ou à son son conjoint, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision étrangère106. Cette disposition marque un progrès indéniable, mais il peut être regretté que ne soit pas visée l'hypothèse de l'attribution, de plein droit ou par une autorité non juridictionnelle, de l'autorité parentale107. Dans l'intérêt de l'enfant, le cas échéant, il convient d'interpréter largement ces dispositions, en admettant les cas d'attribution de l'autorité parentale, par la loi nationale de l'enfant ou des parents; ou bien par une décision d'une autorité juridictionnelle ou administrative compétente.

Désormais, outre les enfants communs des époux, deux catégories de mineurs sont bénéficiaires du regroupement familial. D'une part, peuvent bénéficier du regroupement familial les enfants mineurs du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux108. D'autre part, le regroupement familial peut être sollicité pour les enfants

104CE, Avis n° 187438, 21 octobre1998, Mme Ramos, Gaz. Pal. 1999, 1, panor. dr. Adm., p. 81 ; Rev. crit. DIP 1999, pp. 493-500, note F. Jault.

105La loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption ( JORF, 6 juillet 1996, p. 10208) a substitué le retrait de l'autorité parentale à la déchéance.

106Rappr. De l'article 4, paragraphe 1, points a) et c) de la directive 2003/86/CE : il est reconnu un droit au

regroupement familial aux enfants mineurs du regroupant et de son conjoint lorsque ceux-ci exercent le droit de

garde et en ont la charge. En revanche, lorsque la garde est partagée, les États ne sont plus tenus d'autoriser le

regroupement familial. Ils peuvent le permettre, sous réserve du consentement de l'autre titulaire du droit de garde. 107F. JAULT, note sous CE, Avis, 21octobre 1998, Mme Ramos, Rev. Crit. DIP 1999, pp. 493-500, spéc. p. 499. 108V. Art. L. 411-2 du CESEDA

mineurs de dix-huit ans et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère dont la copie doit être produite, accompagnée du consentement de l'autre parent à la venue de l'enfant en France109 dans les formes prévues par la législation du pays de résidence110.

La restriction au droit au regroupement familial des enfants nés d'une précédente relation du demandeur n'est pas en soi critiquable dans la mesure où ce régime garantit le droit au respect de la vie familiale du parent qui réside à l'étranger, en lui permettant de maintenir des relations normales avec l'enfant. Elle devient contestable lorsqu'elle prive un étranger établi en France de la possibilité d'être rejoint par l'enfant alors que le parent resté à l'étranger s'en désintéresse ou le maltraite. Dans cette hypothèse, le parent établi en France doit avoir la possibilité d'accueillir l'enfant, indépendamment d'une décision étrangère prononçant le retrait de l'autorité parentale ou une mesure équivalente111. En outre, dans l'intérêt de l'enfant, il doit être permis de passer outre l'opposition de l'autre parent et d'admettre l'enfant en France aux fins du regroupement familial. Notamment, il peut être envisagé de passer outre le refus du parent s'il s'avère qu'il se désintéresse de l'enfant, le maltraite ou met en danger sa santé physique ou morale.

Outre les enfants communs du couple, marié ou nés d'une relation antérieure de l'un des conjoints, sous réserve que les intéressés aient une filiation légalement établie112 dont la preuve est rapportée par la production de tout acte de l'état civil étranger, conformément aux dispositions de l'article 47113 du Code civil ou bien, en cas d'inexistence de l'acte de l'état civil ou de doute quant à son authenticité, qui n'a pu être levé par la possession d'état, par identification grâce aux empreintes génétiques, le regroupement familial s'étend également à certains enfants « recueillis ».

109V. Art. L. 411-3 du CESEDA

110V. Art. R. 421-5 du CESEDA

111En ce sens, voir F. JAULT note sous CE, Avis, 21 octobre 1998 préc.

112L'étranger mineur dont la loi personnelle prohibe l'établissement des filiations hors mariage ne peut donc bénéficier d'un regroupement familial. Toutefois, en pratique, leur auteur qui réside en France a la possibilité de le reconnaître et les autorités préfectorales accueillent alors la demande de regroupement familial, à moins qu'un motif de refus ne soit opposé.

113Cf. Art. 47 du Code civil modifié par la Loi 2006/1376 du 14 novembre 2006 qui dispose que : « Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus , des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même, établissent le cas échéant , après vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarées ne correspondent pas à la réalité. »

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