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Les recours individuels dans le système inter-africain de contrôle: la coexistence de la cour africaine et des juridictions des communautés économiques régionales

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par Christian BAHATI BAHALAOKWIBUYE
Université Catholique de Bukavu - Licence 2011
  

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Section Ière : Les litiges des droits de l'homme devant les Cours de justice des CER traitant des DH

La Cour africaine est établie dans le sillage d'une demi-douzaine de cours régionales dont l'Afrique peut se targuer d'abriter le plus grand nombre et qui ne sont pas sans posséder certaines attributions en matière de protection des droits de la personne humaine : la Cour de justice de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la Cour de justice de la communauté des Etats de l'Afrique de l'Est (EAC), le Tribunal de la South African Development Community (SADC)154(*).

La création et le renforcement des CER, ainsi que l'harmonisation de leurs politiques, répondent à la première étape vers la mise en oeuvre de la Communauté économique africaine, conformément au Traité d'Abuja (1991), avec dans la ligne de mire l'instauration des Etats unis d'Afrique. Plusieurs de ces CER ont mis en place des Cours de justice pour régler des différends relatifs aux violations des traités et actes des CER (principalement aux portées économiques et monétaires) par un Etat partie.

Ces Cours de justice peuvent être amenées à connaître des violations des droits de l'Homme commises par un Etat partie. En effet, certaines d'entre elles ont une compétence implicite à cet égard. Pour exemple, les Cours de justice de la SADC (§3) et de l'EAC (§2) ont compétence pour tous litiges concernant l'application des Traités constitutifs des Communautés, ces derniers engageant les Etats au respect des droits garantis par la Charte africaine155(*). La cour de justice de la CEDEAO elle, a un mandat clair et explicite en matière des droits de l'homme. (§1)

§1. Le mandat en matière des droits de l'homme de la CJCEDEAO

La CJCEDEAO dispose d'un mandat clair et explicite en matière de droits de l'homme comme on a eu à le démonter dans les lignes qui précédent. C'est d ans ce sens que l'article 3 littera d du Protocole additionnel (A/SP.1/01/05) du 19 janvier 2005 qui amende l'article 9 de l'ancien Protocole dispose : « La Cour est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l'Homme dans tout Etat membre ».

En tant que cour des droits de l'homme, la CJCEDEAO n'a pas hésité de recevoir des requêtes émanant des individus à des conditions même plus souples que celles retenues par la Cour africaine quant à ce.

On remarque que la CJCEDEAO est plus ouvertes aux individus ouverte et que les conditions de leur recevabilité tiennent moins à la qualité de leur auteur de même qu'à la qualité du défendeur ainsi qu'à l'épuisement des recours internes.

Dans ce sens, l'article 4 du Protocole additionnel de 2005 amendant l'article 10 de l'ancien Protocole dispose : « peuvent saisir la cour...1. Tout Etat membre et, a moins que le Protocole n'en dispose autrement, le Secrétaire Exécutif, pour les recours en manquement aux obligations des Etats membres ; 2. Tout Etat membre, le Conseil des Ministres et le Secrétaire Exécutif pour les recours en appréciation de la légalité d'une action par rapport aux textes de la Communauté ; 3. Toute personne physique ou morale pour les recours en appréciation de la légalité centre tout acte de la Communauté lui faisant grief ; 4. Toute personne victime de violations des droits de l'homme... 5. Tout membre du personnel des institutions de la Communauté après épuisement sans des recours prévus par le Statut et le Règlement du personnel de la Communauté ; 6. Les juridictions nationales ou les parties concernées, lorsque la Cour doit statuer a titre préjudiciel sur l'interprétation du Traite, des Protocoles et Règlements ; les juridictions nationales peuvent décider elles-mêmes, ou a la demande d'une des parties au différend, de porter la question devant la Cour de Justice de la Communauté pour interprétation ».

Dans la perspective de cette disposition la Cour a eu à recevoir des requêtes opposant des individus à des Etats156(*), opposant des individus à d'autres individus157(*) et d'autres encore opposant des individus à des organisations internationales ou à leurs institutions158(*).

Dans les lignes qui suivent nous allons analyser ces différentes affaires seulement au fond parce qu'une analyse quant à la procédure à déjà été faite sous la deuxième section du premier chapitre de ce travail.

A. Affaire Hissein Habre C. Sénégal

Monsieur Hissein Habré, ancien Président de la République du Tchad, a saisi la Cour de céans aux fins de voir constater que l'Etat du Sénégal, a commis des violations des droits de l'homme  à son égard à travers le non respect des certains principes juridiques fondamentaux.

Sur les violations des droits de l'homme liées à l'existence d'une procédure contre Monsieur Hissein Habré la Cour constate qu'en substance ces violations alléguées par le Requérant sont liées à une hypothèse et permettent à la Cour de dire qu'elles ne sont que potentielles159(*).

Sur la violation liée à l'interprétation du Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance, la Cour estime que s'agissant de manquement à une obligation communautaire par un Etat membre, le Requérant étant une personne physique, n'est pas habilité à saisir la Cour au terme de l'article 10 du Protocole Additionnel; qu'il échet de rejeter le grief allégué par Monsieur Hissein Habré160(*).

Sur la violation liée au recours effectif, La Cour conclut que la privation alléguée par Monsieur Hissein Habré de n'avoir pas pu bénéficier de la possibilité du contrôle de constitutionnalité de la loi dont il estime être la source de la violation de ses droits de l'homme, ne peut s'analyser comme un droit au recours effectif ; car le droit au recours effectif tel qu'envisagé par le Requérant ne peut prospérer dans la présente action et la Cour rejette ce grief161(*).

Sur la violation liée à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de la justice, La Cour est d'avis que le principe de la non séparation des pouvoirs n'est pas en lui-même  une violation des droits de l'homme si aucune conséquence de cette non séparation des pouvoirs ne porte atteinte à un droit spécifique de l'homme protégé par les instruments internationaux et elle estime qu'en l'espèce la simple allégation de l'immixtion des pouvoirs exécutif et législatif dans le pouvoir judiciaire de l'Etat du Sénégal tirée de la modification de sa Constitution et de sa loi pénale n'est pas constitutive d'une violation d'un droit de l'homme spécifique de Monsieur Hissein Habré si cela ne présente aucun caractère de violation de l'indépendance de la justice, auquel cas la Cour conclut que cet argument ne peut prospérer162(*).

Sur la violation tirée du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, la Cour après avoir analysé la mandat confié au Sénégal par l'UA et particulièrement l'expression juridiction complète contenu dans ce mandat, la Cour ordonne au Sénégal le respect du principe absolu de non rétroactivité163(*);

La CJCEDEAO rejette toutes autres demandes de Monsieur Hissein Habré comme étant inopérantes à l'exception de la demande sur la non rétroactivité, l'existence des procédures de nature à porte des griefs aux droits de Monsieur Habré et appelle pour cela la Sénégal à se conformer au principe de chose jugée, enfin la Cour dit que le mandat reçu par le Sénégal de l'Union Africaine lui confère plutôt une mission de conception et de suggestion de toutes modalités propres à poursuivre et faire juger dans le cadre stricte d'une procédure spéciale ad hoc à caractère international telle que pratiquée en Droit International par toutes les Nations civilisées164(*).

B. Affaire Mani Hadidjatou C. Niger

La requérante fait grief à la République du Niger d'avoir violé l'article premier de la Charte africaine, aux termes duquel « Les États membres de l'Organisation de l'Unités Africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer. ». De ce que le Niger n'a pas pris les mesures visées supra, alors que l'article premier revêt un caractère obligatoire à l'endroit des États membres, découlent toutes les autres violations invoquées. En effet, les dispositions de l'article 1er de la Charte signifient que les États parties reconnaissent les droits par elle proclamés et entreprendront d'adopter les lois ou toutes autres mesures afin de leur donner plein effet.

- sur l'existence d'une discrimination sur le sexe et la condition sociale

Ce grief tiré de la discrimination n'est, selon la Cour, "pas imputable à la République du Niger puisqu'elle émane plutôt de El Hadj Souleymane Naroua qui n'est pas partie à la présente procédure. Par conséquent, la Cour conclut que ce moyen est inopérant" (§71).

Pourtant, dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme peut être appréhendée à l'aune du principe de non-discrimination de l'article 14 CEDH dès lors que l'Etat est passif face à cette situation.

- sur l'existence de l'esclavage subi par la requérante:

Le grief était fondé sur la violation de l'article 5 de la Charte africaine, ainsi que d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme, lesquels édictent une interdiction absolue de l'esclavage. En effet, « la prohibition de l'esclavage est l'un des rares exemples de norme universellement considérée comme faisant partie de l'ordre public international contemporain, voire comme norme de jus cogens ».

La CJCEDEAO rappelle la définition de l'esclavage donnée par la Convention SDN relative à l'esclavage, et elle énonce les différents instruments internationaux qui font de l'esclavage une violation grave de la dignité humaine, pour l'interdire formellement : « la Convention européenne des droits de l'Homme (art. 4), la Convention interaméricaine (art. 6), le Pacte international sur les droits civils et politiques de 1966, ratifié par la République du Niger (art. 8) font de l'interdiction de l'esclavage un droit intangible, i.e. un droit intangible et absolu ».

À cela on peut rajouter l'article 4 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 (en dépit de son absence de valeur conventionnelle, mais qui a fortement inspiré notamment les pactes de 1966 et la Conv.EDH), et l'article 7§2, c du statut de la Cour pénale internationale, qui fait figurer depuis 1998 l'esclavage au nombre des crimes contre l'humanité.

Enfin et surtout, la Cour rappelle que l'esclavage est une infraction au sens du code pénal nigérien, depuis une loi du 13 juin 2003. Face aux arguments développés par l'État du Niger, selon lequel l'esclavage dans ce pays serait réduit au statut de survivance, et que les vicissitudes inhérentes au mariage entre la requérante et son maître prévaudraient sur sa condition servile, la Cour oppose une affirmation forte : « l'esclavage peut exister sans qu'il y ait torture ; même bien nourri, bien vêtu et confortablement logé, un esclave reste un esclave, s'il est illégalement privé de sa liberté par la force ou la contrainte. On pourrait éliminer toute preuve de mauvais traitement, oublier la faim, les coups et autres actes de cruauté, le fait reconnu de l'esclavage, i.e. du travail obligatoire sans contrepartie demeurerait. Il n'y a pas d'esclavage bienveillant. Même tempérée par un traitement humain, la servitude involontaire reste de l'esclavage. Et la question de savoir la nature du lien entre l'accusé et la victime est essentielle ». La CJCEDEAO, par cette référence adopte une conception plus large de l'esclavage que ne l'ont fait d'autres juridictions internationales165(*).

§2. La compétence de la CJEAC à connaitre des droits de l'homme

En matière des droits de l'homme, la cour de justice l'EAC ne dispose pas d'un mandat aussi clair que celui de la cour de la CEDEAO. La Cour de justice d'Afrique de l'Est a cependant un jugement très progressif des droits de l'homme à son crédit. Bien que la juridiction explicite en droits de l'homme de la cour reste à mettre en oeuvre, cette dernière a été suffisamment courageuse pour garantir le respect des droits fondamentaux des individus au titre du traité.
C'est ainsi que dans des affaires comme Katabazi and others C. Secratary General of EAC, Attorney General of Uganda and Another, Ariviza C. Kenya, la Cour a été appelée à se prononcer sur les droits de l'homme.

Dans la première affaire l'EACJ a été saisie d'une requête contre le Secrétaire général de l'EAC. Cette requête alléguait la violation des articles 6(d), 7(2) and 8(1)(c) du Traité de l'EAC. A l'appui de ces dispositions le requérant a glissé un argument tiré de l'affaire Constitutionnal Rights Project and Another C. Nigeria. La question fondamentale soulevée dans cette affaire était de savoir si la Cour avait compétence de statuer sur cette requête parce qu'elle allègue des droits de l'homme.

L'EACJ commence par rappeler que bien qu'elle ne dispose pas d'une compétence de statuer sur des allégations des violations des droits de l'homme, elle ne peut certes se priver du rôle d'interprétation qui lui accordé par l'article 27.1 du Traité de l'EAC. C'est ainsi qu'elle va tout d'abord procéder à l'examen de certaines dispositions du Traité notamment les articles 5(1) (d), 6(d), 7(2) and 8(1)(c) et relever que leur contenu portait respectivement sur la rule of law, les principes et objectifs de la communauté est africaine, et l'obligation qui est faite aux Etats de s'abstenir de toutes mesures qui entraverait la réalisation de ces objectifs.

La Cour adjoint à ces éléments la jurisprudence telle que suivie devant la Cour d'appel du Kenya et la Chambre des Lords.

Dans la deuxième affaire, les requérants demandaient à la Cour de constater que la procédure de referendum et la promulgation de la nouvelle constitution Kenyane violaient le traité de l'EAC.

De l'avis des requérants, leurs allégations se fondaient sur les articles 5.1, 6.c et d, 7.2, 8.1.C, 27.1 et 29 du traité de l'EAC, aussi les articles 1, 3, 7.1 et 9.2 de la Charte africaine.

En sus de leur demande, les requérants sollicitent à la Cour de faire injonction au Kenya afin qu'il s'abstienne de tout acte qui entraverait la bonne marche de la présente procédure.

Comme dans l'affaire Katabazi, l'Etat défendeur clamait l'incompétence de la Cour à statuer sur des allégations des droits de l'homme. De l'avis du défendeur, l'EACJ doit se déclarer incompétente parce qu'elle ne peut agir en dehors de la sphère de compétence lui tracée par l'article 27.1.

Après analyse des dispositions de son Règlement intérieur et du Traité de l'EAC, elle parvient à la conclusion qu'elle compétente de connaitre d'une question lui soumise par des ressortissants établi sur le territoire communautaire de l'EAC qui allègue la violation qu'un Etat membre de la communauté a commis des actes ayant violé le traité de l'EAC.

Il est à noter que par rapport à l'affaire Katabazi, dans la présente affaire le requérant s'est basé à la fois sur les dispositions du traité de l'EAC et sur les dispositions de la Charte africaine.

La Cour n'ayant pas encore rendu sa décision quant au fond de cette affaire, nous attendons qu'elle nous éclaircisse sur sa compétence à interpréter la Charte africaine.

Pour clore, nous saluons encore une fois le courage de l'EACJ qui sans mandat clair s'est lancé que le terrain des droits de l'homme et ce en prenant des décisions qui incriminent tantôt les Etats tantôt les institutions de l'EAC. Nous pensons qu'avec l'adoption du futur protocole, la cour verra son rôle accru jusqu'à devenir plus qu'une juridiction à caractère économique et d'intégration, une juridiction des droits de l'homme.

* 154 F. OUGUERGOUZ, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples - Gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale » In: Annuaire français de droit international, volume 52, 2006. P. 218

* 155 FIDH, Op. Cit., P. 37

* 156 Nous citons à titre indicatif l'affaire Garba C. Bénin (requête inscrite sous ECW/CCJ/APP/03/09; jugement ECW/CCJ/JUD/01/10, jugement rendu 17 Février 2010.), Habré C. Sénégal, (inscrite ECW/CCJ/APP/07/08; jugement ECW/CCJ/APP/02/10, rendu le 14 Mai 2010)., affaire Mani Hadidjatou C. Niger (ECW/CCJ/JUD/06/08 ; jugement rendu le27 Octobre 2008).

* 157 David C. Uchwe(Suit ECW/CCJ/APP/04/09; jugement ECW/CCJ/RUL/03/10, rendu le 11 Juin 2010).

* 158 Affaire SERAP

* 159 §28 à 30

* 160§ 31 à 33

* 161 §34 à 36

* 162 §37 à 39

* 163 §40 à 58 de l'arrêt

* 164 §61 de l'arrêt

* 165 Delphine d'ALLIVY KELLY, « Le juge africain est entré dans l'Histoire (Cour de justice de la CEDEAO, 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c/ Niger) » in CPDH, publié le 10 mai 2009

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard