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La licéité de l'emploi de la force par une organisation internationale: cas de l'OTAN en Libye en 2011

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par James MUHINDO BUNDUKI
Université catholique du Graben - Licence 2011
  

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SECTION III : DU RECOURS A LA FORCE DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES ET L'INGERENCE HUMANITAIRE

Pour la première fois dans l'histoire, le pacte de la SDN a réduit le droits de Etats, jusque là entièrement discrétionnaire, de recourir à la guerre pour régler leur différends. Le jeu combiné des articles 12,13 et 15 du pacte mettait sur pied un système compliqué dit de « moratoire de guerre » qui, en cas de violations, pouvait être assorti de sanctions économique ou militaire( Art 16) »54 Pour l'essentiel, ce système consistant à rendre illicite les recours à la guerre en cas des différends ne portait pas sur le « domaine réservé des Etats » et pendant la durée de son examen soit par la CPJI, soit par des arbitres soit encore le conseil de la SDN le recours préalable à l'une de ce trois procédure étant obligatoire.

Le célèbre pacte Briand-Kellogg du 26 août 1928 allait beaucoup plus loin dans la mesure où il mit la guerre « hors la loi » internationale. Son article 1 disposait en effet que les « hautes parties contractantes... (Condamnaient) le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux, et y (renonçaient) en tant qu'un instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles »55. Ce pacte, méme s'il devait connaître des violations flagrantes et nombreuse que l'on sait, allait être accepté par tous les Etats et servir de base aux dispositions de la charte de l'ONU en la matière.

52 REC.1986, P.109,§209

53 P.M. DUPUY, Op.cit, P;110

54 DOMINIQUE CARREAU, Droit international, 4e ed. Pedone, Paris, 1994, P.23

55 Ibidem

C'est dans cette optique que les partisans de la doctrine « droit d'ingérence humanitaire » s'appuient sur une interprétation de l'article2§4 de la charte de l'ONU, qui interdit le recours à l'emploie de la force » soit contre l'intégrité territoriale ou l'Independence politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec le but des Nations Unies, pour soutenir que la règle de l'interdiction du recours à la force ne pourrait pas concerner les interventions humanitaires.

D'après cette interprétation de l'article 2§4 de la charte, certains recours à la force sont permis. Si on raisonne de cette façon, les recours qui ne sont pas dirigés « contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un Etat » ou qui ne s'opèrent pas « de toute autre manière incompatible avec le but de nation Unies », sont autorisés56. Par conséquent, les actions armées destinées à mettre fin à des violations de droits de la personne seraient légitimes, puisque la protection de ces droits constitue un des buts des Nations Unies.

Les auteurs favorables aux droits d'ingérence humanitaire admettent sa mise en oeuvre moyennant le respect de certaines conditions. En aucun cas ils n'assimilent le droit d'ingérence à une compétence discrétionnaire d'intervenir militairement dès qu'ils considèrent que les droits de la personne sont menacés ou même violés dans un autre Etat.

Parmi les conditions évoquées par les auteurs de la doctrine du droit d'ingérence humanitaire, figurent le critère du but de l'action armée. Selon eux c'est le but humanitaire qui légitime une intervention armée.

Charles Rousseau, dans son manuel de droit international public, définit généralement l'intervention d'humanité comme l'action exercée par un Etat contre un gouvernement étranger « dans le but de faire cesser le traitement contraires aux lois de l'humanité qu'il applique à ses propres ressortissants »57.

56 M.BETTATI, « Un droit d'ingérence ? » R.G.D.I.P, Tome 95, 1991/3, P.649

57 C. ROUSSEAU, Droit international public, Paris, Sirey, 1980, tome IV, P.49

Dans le même esprit Perez-Vera considère que « l'intervention humanitaire doit remplir la condition essentielle de la poursuite exclusive de l'intérêt humanitaire par l'Etat qui prétend en être le protecteur »58.

Antoine Rougier de son coté, subordonne la licéité d'une intervention d'humanité à la circonstance que l'Etat intervenant est relativement désintéressé. Pour lui l'intervention d'humanité est par définition désintéressée. Il considérait que : « l'intervention cesse d'être désintéressé lorsque l'intervenant a un intérêt à dépasser les limités où devraient se tenir son action »59.

Ces critères du but humanitaire de l'action armée a été mentionné par tous les auteurs favorables au droit d'ingérence humanitaire mais il est loin d'être le seul à être mis en exergue.

Les auteurs de cette tendance doctrinale considèrent, tout d'abord, que les droits de la personne doivent avoir été gravement violés dans l'Etat visé par l'intervention armée. Cette condition a déjà été formulée par Arentz, un des créateurs du concept d'intervention d'humanité. Arentz légitimait le Droit d'intervention lorsqu'un gouvernement violait les droits de l'humanité par « des excès d'injustice et de cruauté qui blessent profondément nos moeurs et notre civilisation »60.

En 1934, Georges Scelle estimait à propos des interventions de l'humanité dans l'empire Turc, que la légitimité de ces actions s'explique par la nécessité de maintenir l'ordre public international, face à l'explosion de fanatisme religieux »61

Ainsi, étaient légitimes à cette époque les interventions contre tout gouvernement qui viole le droit de l'humanité par des excès d'injustice et de cruauté envers certaines catégories de sujets au mépris de la loi de la civilisation. Sur cette base se fonde l'intervention de la France, mandataire de puissance, en 1860, en Syrie, pour sauver les minorités massacrées. Georges Scelle va plus loin et n'hésite pas à reconnaître la légitimité d'intervention armées entreprises par le gouvernement pour assurer le respect

58 E. PEREZ-VERA, E., « La protection d'humanité en droit international », R.B.D.I, 1969, p.417

59 A. ROUGIER, « La théorie de l'intervention d'humanité », R.G.D.I.P., 1910, pp 502-503

60 G. ROLIN-JACQUEMYNS, Note sur la théorie du droit d'intervention », R.D.I.L.C., 1986, P.675

61 G. SCELLE, Précis du droit des gens, vol 2, Sirey, Paris, 1934, p50

d'un certains nombres de règles fondamentales du droit international commun, comme le respect de la personne humaine, de sa vie de ses libertés, de sa propriété.62.

Cette condition de violation grave des droits de la personne a été reprise par l'ensemble des tenants du droit d'ingérence humanitaire. Par exemple, Perez-Vera parle de crime spécialement révoltant, d'une Cruauté extrême, et que la complicité gouvernementale laisse impunis, ou encore des massacres à blaiser la conscience de l'humanité.

D'autres critères ont encore été mentionnés par la doctrine, ou par certains, voie un seul de ses représentants. Rougier par exemple, a prétendu que l'Etat auteur de l'intervention d'humanité ne pouvait agir que conjointement avec d'autre Etats. Arntz et Rolin-Jacquemyns vont plus loin dans leurs raisonnements et admettent l'intervention seulement si elle est exercée par une organisation internationale. A l'opposé, d'autres auteurs justifient un droit d'ingérence armée humanitaire à tout Etat, qu'il agisse individuellement ou collectivement. A ce propos, Bernard Kouchner prend une position contradictoire puis qu'il affirme, d'une part, de manière générale que l'ingérence ne peut se mener au nom d'un Etat, mais doit être collective et, d'autre part, il qualifie de licites63 des opérations militaires menées de manière unilatérale sans le consentement du Conseil de sécurité telle l'opération « provide confort » qui s'est déroule en avril 1991 dans le Kurdistan Iraquien.

Teson considère qu'une condition essentielle d'une intervention humanitaire est que les victimes de violations de droits de la personne demandent et acceptent l'invasion étrangère64. En fin, Verwey insiste de manière générale sur les conditions de nécessité et proportionnalité.

Sur le plan de la définition du droit d'ingérence humanitaire et sans s'interroger sur le fondement de la doctrine, on peut émettre certaines réserves. D'une manière générale on pourrait dire que son contenu reste imprécis. Le droit humanitaire consiste à légitimer une intervention armée

62 G. SCELLE, Droit International Public, Ed. Domat Montchrestien, paris, 1994, p.622

63 B. KOUCHNER, Le malheur des autres, Paris, Editions Odile Jacob, 1991, p.291

64 F.R.TESON Humanitarian intervention: An inquiry into low and morality, Dobbs ferry/New York,Transnational Publishers, 1988, pp 119-120

afin d'aider une population qui a besoin d'être secouru, même si le pays « hôte » devait s'y opposer. Le concept de droit d'ingérence humanitaire a tenté d'encourager et justifier le recours à la force internationale prévue dans le cadre des Nations Unies pour protéger les populations menacées à l'intérieure de leurs propres frontières. Les Etats ont depuis de siècle tentés de justifier leurs interventions armées dans les affaires intérieures des autres Etats par des motifs tels que la défense de droit de l'homme, la défense de minorité, celle de leurs ressortissants expatriés ou d'autres motifs d'humanité.

On voit ainsi, que le contenu de cette tendance doctrinale et non seulement imprécis mais il laisse surtout, la porte ouverte à tous les abus. C'est évidement quant à la condition, essentielle pour cette tendance doctrinale du but humanitaire de l'intervention effectuée.

On voit mal comment un Eta s'engagerait à une action militaire avec tous les risques que cette action comporterait (perte potentielle en homme et en matériel), dans un but désintéressé. Pour tant certains auteurs comme Perez-Vera et Rougier parlent de l'exigence de la poursuite exclusive de l'intérêt strictement humanitaire.

D'autres auteurs prennent conscience que les Etats qui interviennent en poursuivant parallèlement d'autres objectifs que la protection des droits de la personne tentent d'élaborer une certaine hiérarchie et certains critères permettant de dégager un motif humanitaire prédominant.

Teson a été le premier a élaboré une hiérarchie afin de dégager un motif humanitaire prédominant. Pour Teson, une intervention militaire doit être entreprise dans un but vraiment humanitaire pour être justifiée. Il reconnaît que le problème est de formuler certains standards pour mesurer les motifs humanitaires de l'intervention armée. Premièrement, il estime que l'Etat intervenant doit limiter son action armée à ce qu'il arrête la violation des droits de la personne par le gouvernement. En suite, il souligne que même s'il existe conjointement des motifs non humanitaires, ceux-ci ne doivent en aucun cas réduire l'objectif principal de l'intervention qui est d'arrêter la violation des droits de la personne. En fin, Teson conclue que toute intervention militaire

doit être inspirée par des motifs purement humanitaires afin de protéger les droits de la personne65.

Le même auteur se pose aussi une série de questions afin de déterminé le plus objectivement possible si le but humanitaire de l'intervention armée en question est vraiment prépondérant. Il propose de se poser la question de savoir si l'Etat intervenant a pour but de dominé l'Etat visé ou il agit pour des raisons vraiment humanitaire.

Il parait, alors, évident que c'est extrêmement difficile de mettre en oeuvre une « réelle » intervention humanitaire dans un cas concret. Les questions qui se posent sont multiples. En particulier, comment peut-on déterminer si l'Etat intervenant cherche à dominer l'Etat visé ? A quel moment faut-il se placer pour évaluer la restauration effective des droits de la personne ? Ce n'est pas vraiment facile de répondre à ces questions et par conséquent de définir avec précision les critères du but humanitaire de l'intervention humanitaire.

Le critère de l'importance de violations des droits de la personne, qui est évoqué unanimement par la doctrine favorable au droit d'ingérence humanitaire, pose exactement le même genre de problèmes. En effet, comment peut-on appréhender un crime spécialement révoltant et qu'est-ce qu'un acte de nature à violer les lois de l'humanité ? On peut se demander s'il ne s'agit pas des considérations proches du droit naturel qui peuvent nous amener à une situation particulièrement dangereuse d'autant plus que certains auteurs admettent une intervention militaire dés qu'il existe un danger imminent sans qu'aucune violation n'ait été constatée.

On a déjà vu que dans la quasi-totalité des interventions militaires opérées, les considérations humanitaires étaient loin d'être les seules à les motiver. Par ailleurs, il faut signaler que les pires violations des droits de la personne ont laissé ce qui s'en prétendait les défenseurs sans aucune réaction. D'autre part, il ne faut pas oublier que les interventions dites « d'humanité » ont souvent causé plus des victimes qu'ils n'étaient pas censées en éviter.

65 F.R. TESON, Op.cit., P.15

On comprend alors que ces considérations démontrent que l'appréciation de l'importance de la violation des droits de la personne est essentiellement fondée sur des critères de légitimité qui varie selon les membres de la communauté internationale.

Si on examine, maintenant les autres facteurs destinés à démontrer les caractères humanitaires d'une intervention humanitaire, on va réaliser que ceux-ci donnent lieu à des controverses. Teson posait comme condition essentielle de la légitimité d'une intervention armée, la volonté de la population opprimée de l'Etat visé. Mais, comment et à partir de quand peuton dire que cette population souhaite l'invasion étrangère. Ainsi, ce serait à la puissance intervenante elle-méme d'apprécier et de déterminer la volonté d'une population.

En réalité, l'établissement des conditions pour la mise en oeuvre du droit d'ingérence humanitaire, ainsi que leur appréciation par la doctrine, qui y est favorable, semble poser un grand dilemme. En effet, on réalise que soit les conditions sont très souples et on laisse la porte ouverte à des abus, soit elles sont strictes et aucune situation pratique ne pourra être recouverte.

D'une part, certains auteurs considèrent qu'il s'agit de conditions strictes. C'est ainsi que Verwey, après avoir examiné des cas particuliers le plus divers conclut qu'aucun d'entre eux ne répond aux conditions de l'intervention humanitaire, et ce principalement à cause du manque de désintéressement de l'Etat intervenant66.

D'autre part, d'autres auteurs estiment que les conditions de légitimité de l'ingérence humanitaire sont très souples. Teson, par exemple, considère que l'invasion armée de la Grenade par les Etats Unis en 1983 est justifiée par les considérations humanitaires. Teson va encore plus loin dans son raisonnement, et dit que les critères de la violation massive des droits de la personne serait rempli non seulement en cas de violations effectives, mais aussi dans l'hypothèse de l'imminence d'une violation.

Si on prend comme exemple les invasions dites d'humanité effectuées au cours des dernières décennies67, on se rend compte que la mise en oeuvre des conditions évoquées par la doctrine favorable au droit d'ingérence humanitaire laisse tant de place à des jugements de valeurs qu'elle suscitera des abus.

En conclusion, on pourrait se référer à l'article d'Antoine Rougier « la théorie de l'intervention de l'humanité »68, qui au début du siècle parle du danger qui pourrait présenter la génération de l'ingérence humanitaire. Dans son étude, Rougier parle de l'impossibilité pratique de séparer les mobiles humains de l'intervention des mobiles politiques. Il estime qu'à partir du moment où les Etats intervenants sont les seuls à juger l'opportunité de leur action, ils vont le faire en fonction de leurs intérêt.

Il continue en disant que tous les jours dans tous les coins de la planète se commettent des actes de barbarie, mais qu'aucun Etat ne songe à faire cesser parce que tout simplement aucun Etat n'a intérêt de les faire cesser. Chaque fois qu'une puissance intervient dans un Etat au nom de l'humanité, elle le fait pour l'englober dans sa sphère d'influence politique et en définitive pour le dominer.

Tout au long de cette section, on a eu l'occasion de voir que les auteurs favorables au droit d'ingérence humanitaire assortissent sa mise en oeuvre de certaines conditions. Aucun d'entre eux ne considère ce droit d'intervention armée humanitaire comme une compétence discrétionnaire dés qu'il y a des violations des droits de la personne sur le territoire d'un autre Etat. On a vu aussi que malgré tout le contenu et la définition de ce droit restent imprécis et peuvent s'avérer extrémement dangereux.

Mais, les dangers engendrés par la définition d'une norme n'entraine pas en soit l'absence de validité de cette dernière. On va essayer alors, dans le deuxième chapitre de faire une analyse critique de l'intervention de l'OTAN en Libye.

67 On peut évoquer les intervention armées du Vietnam au Cambodge, de la France en République Centrafricaine, des Etats-Unis à la Grenade, au Nicaragua ou à Panama qui ont toutes été motivées officiellement pour des raisons humanitaires et aujourd'hui le cas de la Libye.

68 A.ROUGIER, La théorie de l'intervention d'humanité, R.G.D.I.P., 1910, pp 468-526

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