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Impacts des échanges universitaires internationaux sur les étudiants de l'Université Lumière Lyon 2: cap sur le Brésil

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par Thibault Pourhadi
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 recherche sciences de l'éducation et de la formation 2012
  

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Annexe 3 : retranscription des entretiens

Entretien avec P (89 minutes)

Tibo

Alors pour commencer je voudrais savoir comment tu en es arrivée à partir au Brésil, comment ça s'est passé?

P

Euh, alors moi, comme je t'ai dit, je suis pas de Lyon à la base mais je suis revenue vivre à Lyon en fait cette année en septembre là pour le Master en fait, le Master 1, euh, bon j'ai mes parents dans la région aussi, euh, après ce qui s'est passé tout simplement c'est qu'on était en cours quoi, Mme X, donc la femme de M. Y euh, nous a proposé des stages au Brésil quoi, d'office. Enfin le premier jour de cours avec elle limite tu vois genre « bon bin voilà je suis brésilienne donc si vous voulez des stages pas de soucis » et moi à l'époque en fait mon copain était brésilien et j'étais jamais allée au Brésil donc ça faisait deux occasions en une tu vois, parce que bon évidemment je voulais aller au Brésil et de l'autre côté euh ça me donnait l'occasion d'avoir une expérience professionnelle làbas si tu veux, enfin, professionnelle, juste en stage, de connaître le pays différemment que par les vacances tu vois. Donc j'ai tout de suite sauté sur l'occasion évidemment et, enfin pour moi l'argument était professionnel tu vois ce que je veux dire, euh donc voilà, c'était mes motivations.

Tibo

Ok. Donc ce désir t'es venu cette année ou tu y pensais déjà avant?

P

Ouais ouais ça fait déjà un moment ouais. Ça fait, je connais beaucoup de Brésiliens, bin j'ai rencontré beaucoup de Brésiliens en Italie en fait, quand j'y ai vécu l'année dernière, et puis ça fait un certain temps que je connaissais déjà des Brésiliens ici en France aussi donc ouais.

Tibo

Et finalement qu'est-ce qui t'as décidé à partir, quand tu t'es dit « ça y est j'y vais »? Rapidement? T'as pris un peu de temps pour réfléchir?

P

Mmh non en fait j'ai pas trop réfléchi. Enfin, donc quand Mme X nous a présenté [les stages au
Brésil] du coup je suis allée la voir tout de suite à la fin du cours et je lui ai dit enfin « voilà je suis

intéressée » donc ça c'était en septembre, et en gros, déjà je pense en novembre, ça s'est fait assez vite, y a peut-être eu un mois de battement, je me souviens plus exactement des dates, y a eu un mois de battement où on savait pas trop qu'est-ce qui se passait tu vois. Parce que ce qu'y s'est passé c'est qu'elle elle nous a proposé tout de suite d'office tu vois le jour même donc C elle-même a dit « voilà moi aussi ça m'intéresse et tout » donc on pouvait aller si tu veux ensemble au même endroit, faire un projet. Enfin moi honnêtement j'avais vraiment envie de faire un truc toute seule, parce que euh, en fait ce qu'il y a de marrant c'est que sur place après j'ai beaucoup aimé être en contact avec des Français tu vois, je connaissais des Erasmus comme j'étais pas loin de la fac j'étais en contact avec la fac tu sais, donc je les voyais assez souvent en fait, je suis allée à une fête Erasmus avec eux enfin tu vois j'ai aussi eu ce côté un peu même en même pas deux mois - c'était deux mois quand même, le côté Erasmus de connaître des Français sur place et ça m'a beaucoup aidé aussi tu vois de - mais ça je pourrai en parler après peut-être aussi, mais à la base c'était plus ça en fait tu vois, c'est pas que je l'aimais pas [C] c'est juste que j'avais envie de faire mon truc toute seule tu vois. Donc je pense que j'y ai fait un peu comprendre et elle Mme X, d'office comme elle est de Recife elle proposait Recife tu vois parce qu'elle connait des gens là-bas et tout sauf que moi ça me disait pas trop en fait d'aller dans la structure qu'elle proposait tu vois parce que - dont C te parlera demain, euh notamment pour tout l'aspect spirituel en fait du stage tout ça, c'est pas une hostilité ou quoi par exemple moi je vais à l'église, je vais dans une église évangélique, une église baptiste, et c'est quelque chose de très important dans ma vie tu vois, ma foi, et là j'allais me retrouver dans un endroit avec des personnes, t'en a qui faisaient des transes, tu vois qui, enfin une autre spiritualité en fait, et je me suis dit « ouais non c'est pas on truc » tu vois, en gros. Mais j'allais pas le dire à Mme X ça tu vois enfin honnêtement tu peux pas dire ça, donc j'étais prête à lui dire si tu veux « bin écoutez... » je m'étais un peu résignée si tu veux parce que bon si je refuse son stage c'est mort quoi et donc j'étais un peu résignée et j'arrive le mardi d'après et d'office j'ai rien eu le temps de dire elle me sort « ah bin écoute, j'ai pensé à toi cette semaine et j'ai trouvé un stage parfait pour toi ». J'ai rien eu le temps de dire, et elle m'a parlé du sud où je suis allée donc et là elle m'a dit - qu'est-ce qu'elle m'a dit déjà, oui bon voilà « en gros comme tu es intéressée par tout ce qui est problématique de transmission, d'immigrés, les Italiens en plus, voilà tu connais bien l'Italie tout ça, y a cette région donc dans le sud du Brésil qui, où tu peux, la plupart des personnes dans une des villes, dans une région en fait mais dans une ville où tu vas, sont des descendants d'Italiens notamment donc tu peux faire une étude avec eux enfin donc bref en gros un truc comme ça donc j'étais là super j'étais enthousiaste, enfin j'ai rien demandé enfin tu vois elle me l'a présenté sur un plateau quoi et de là, donc ça ça devait être quoi, fin octobre un truc comme ça, donc bin après de là jusqu'à février on a, petit à petit on a organisé quoi mais ça s'est décidé dès ce moment là en fait, dès

qu'elle m'a dit « c'est bon j'ai trouvé un truc pour toi » et que bon enfin voilà.

Tibo

D'accord. Et ça a été facile de discuter avec les gens là-bas, enfin le processus administratif, etc.?

P

Au Brésil ou ici?

Tibo

Entre les deux si tu veux, la convention et tout ça.

P

Bin en fait si tu veux (rire), le stage ça s'est fait un peu à l'arrache en fait parce que du coup elle connaissait quelqu'un dans l'université, le vice-président de l'université là-bas, mais pour mon stage le stage officiellement si tu veux il est avec la fac sauf que bon, comme je suis en psycho, j'ai pas fait un stage à la fac tu vois donc après, en fait eux sont venus en France à un moment donné donc j'ai pu discuter avec la femme du gars et en fait elle elle est maîtresse donc j'ai pu faire un stage dans son école mais ça ça s'est un peu organisé en biais tu vois c'était pas genre, voilà trouver le stage tu vois, alors que pour les autres filles, les deux autres filles qui sont parties à Recife, elles avaient déjà des structures avant de partir tu vois et bin en fait j'avais voulu aller à Recife au début dans une structure YMCA et en fait au début Mme X m'avait dit « non c'est pas bien d'y aller en Master 1 parce que t'y vas pas longtemps, t'y vas que un mois et demi/ deux mois, ça vaut la peine d'y aller au moins trois mois tu vois, au moins, voilà, du coup elle m'avait dit non pour ça mais j'y serais bien allée sinon tu vois, je serais bien allée à Recife, c'était pas une question d'endroit ou quoi, voilà, c'était juste...

Tibo

Je comprends bien effectivement. Et du coup est-ce que tu peux me parler de ta structure, ce que tu faisais, tes collègues, tes élèves, le cadre un petit peu, qu'est-ce que c'était en fait?

P

En gros j'étais dans une école publique là-bas et j'avais pas forcément un rôle de psychologue tu
vois dans la structure, y avait une psychologue qui venait une fois toutes les deux semaines mais on
s'est jamais croisé, on s'est croisé vers la fin, et puis même de toute façon ça aurait été compliqué de

travailler avec elle tu vois parce qu'elle faisait des entretiens avec les parents, avec les enfants, et apparemment c'était un truc, enfin, comme elle était pas là souvent de toute façon ça aurait été dur de faire que ça de toute façon quoi, fallait que je fasse un stage plein temps quoi, donc moi j'étais en stage en observation dans les classes, j'ai fait aussi en gros j'étais quoi, y avait un groupe de soutien en fait pour les élèves en difficulté, un cours d'alphabétisation, un cours de progression y appellent ça, c'est une prof en fait qui est dédiée à ça et qui sous forme de jeu aussi, des jeux pédagogiques ou n'importe, donc apporte un enseignement mais qui est différent de celui que tu trouves dans la classe en fait. Euh, il y a une psychopédagogue dans l'école une fois par semaine qui vient donc je passais tous les jeudis avec elle et là c'est plus un travail tu vois qu'elle fait par rapport à l'autoestime des enfants enfin voilà.

Tibo

Je vois. Et ça se passait bien les relations avec ces gens là, tes collègues, les élèves, le courant passait bien?

P

Ouais, non non ça passait bien, y a juste des fois tu sais avec les enfants c'était un peu compliqué au début parce que par exemple si je parlais pas forcément bien le portugais quand même, je le parlais un petit peu avant quand même, j'avais des bases, mais enfin j'ai appris un peu sur le tas là-bas tu vois, donc ouais au début t'es un peu dans une position ambiguë parce que c'est dur de te faire respecter peut-être comme adulte parce que y voient que, surtout que c'est des enfants en général, comme ils viennent d'un milieu assez défavorisé qui n'avaient jamais vu d'étrangers si tu veux des fois donc t'es un peu l'extraterrestre, et en plus tu parles pas forcément bien leur langue, donc au début j'avais un peu cette position bancale mais en même temps c'était un atout aussi ça permettait tu vois de, surtout dans des cas de difficulté d'apprentissage, enfin des enfants qui avaient des problèmes d'apprentissage ou quoi, bin d'être t'es le professeur, enfin l'éducateur plutôt, mais en même temps toi aussi t'es en train d'apprendre tu vois, t'as un peu une position comme ça qui te permet de pivoter enfin donc c'est, non c'était bien.

Tibo

Du coup c'était une chance d'avoir ces enfants, ne serait-ce que pour la langue, pour la culture, ça a du t'aider non?

P

Ouais bin m'aider...bin après ouais c'était enrichissant quoi c'est sûr de voir le système, et puis j'ai pu aller dans d'autres écoles aussi après parce qu'en connaissant les profs là-bas parce qu'elles travaillent jamais dans une seule école en fait, ça marche par demi-journée, euh enfin en gros ouais j'ai pu visiter d'autres écoles, j'ai même pu visiter une école privée aussi, j'ai pas été en stage là-bas mais je l'ai visitée quoi et c'est un contexte totalement différent déjà, ouais tu vois beaucoup de la culture d'un pays par l'École aussi quoi tu vois, l'éducation, non honnêtement deux mois j'ai vraiment, j'ai découvert plein de choses par rapport au Brésil quoi tu vois, de l'intérieur du Brésil quoi, et par rapport à une seule région bien sûr parce que c'est très très divers.

Tibo

Justement, est-ce que tu peux me parler un peu de ta région, parce que moi je connais pas très bien le Brésil tu vois parce qu'il y a plein de régions très différentes, au niveau enfin climat, n'importe quoi, tout, t'étais où toi exactement?

P

Ouais, alors moi j'étais dans le Rio Grande do Sul, Caxias, c'est la région tout au sud, la dernière région du Brésil avant, t'as l'Argentine en bas, sur le côté je crois c'est le Paraguay enfin je sais plus, y a l'Uruguay d'un côté le Paraguay de l'autre, et en gros c'est une région assez unique au Brésil, parce que ils ont une culture en commun justement avec ces pays là, c'est une culture donc les gauchos, donc c'est un peu les cowboys latins tu vois, ils ont le lasso, le cheval et tout ça quoi.

Tibo

Oui, le lasso avec les boules accrochées c'est ça?

P

Je sais pas ça. En fait j'en ai jamais vu en vrai, j'ai eu l'occasion d'aller dans un centre de tradition mais j'ai pas vu les trucs de lasso. Je sais pas, mais c'est possible ouais. Après y ont une boisson tu sais y bois le chimarin [retranscription phonétique], le maté qu'ils boivent en Argentine tout ça quoi. Ils ont des traditions communes avec ces pays là, ils ont, je pense que certaines personnes s'identifient même plus à ces gens là tu vois que aux Brésiliens, et notamment les descendants d'Européens, parce qu'il y a une immigration allemande, italienne et polonaise dans la région très forte et du coup la plupart sont descendants d'Européens, bon après maintenant t'as un brassage comme partout dans le Brésil, y a aussi des origines de partout comme ailleurs dans le Brésil mais

t'as quand même un certain attachement encore, un petit peu encore, dans les jeunes générations beaucoup moins, mais les personnes âgées encore d'aujourd'hui tu vois y revendiquent quand même bien, tu vois y sont pas, enfin y ont un attachement au Brésil mais bon, généralement parlant hein, je généralise là, mais le Brésil du nord c'est différent pour eux tu vois, et puis ouais d'un côté c'est très différent tu vois parce que j'ai pas pu aller du coup à Bahia, Recife tout ça parce que c'est vraiment très loin mais ouais le Nordeste du Brésil c'est autre chose quoi, y a beaucoup plus l'africanité tu vois, il y a une influence africaine, j'ai pu aller, je suis allée à São Paulo et à Rio aussi, et bin là aussi c'est différent tu vois, bon je dirais qu'il y a plus de points communs avec São Paulo parce que c'est une ville assez moderne puis je suis pas restée longtemps mais euh enfin tu as beaucoup de spécificités locales en fait enfin c'est vraiment un pays énorme en fait donc c'est difficile de dire « c'est comme ça » enfin tu vas à un endroit et tu as ta petite réalité locale mais bien sûr t'as des choses qui se retrouvent et t'as une grosse influence de la culture américaine aussi, nord-américaine, et euh les personnes ont quand même dans leur majorité le sentiment d'être brésiliens mais voilà, un espèce de patriotisme commun, donc ouais.

Tibo

Et toi justement ta réalité locale, c'était comment là où tu vivais?

P

Euh ouais alors c'était une grande ville, c'était une ville assez récente, qui a cent trente ans, c'était une ville assez grande quand même, c'est une ville en pleine expansion en plus, très industrielle, la capitale de la région c'est Porto Alegre, qui est déjà beaucoup plus grande donc c'est pas aussi grand que la capitale de l'état mais c'était quand même une ville - comment je peux comparer avec la France, par exemple c'est plus petit que Lyon mais c'est plus grand qu'Avignon par exemple, c'est plus grand que Montpellier aussi, enfin c'était quand même une grande ville quoi mais ce qui est intéressant c'est que c'est une ville enfin c'est un peu comme Montpellier tu vois, quand tu sors t'es tout de suite dans la campagne en fait. Et c'est ça qui est assez impressionnant aussi, c'est que tu as donc l'interio ils appellent ça, donc l'intérieur, l'arrière pays quoi, avec une végétation différente hein parce que c'est tropical, et euh, c'est pas que tropical, mais euh c'est différent d'ici de toute façon, et, comment dire, t'as ces petits villages tout de suite quand tu sors en fait, quand tu sors tu commences à être dans des villes beaucoup plus petites et plus tu t'enfonces, je suis allée une fois dormir dans un village, enfin c'est plutôt une petite ville, et c'est une ville rurale si tu veux, ça fait un peu Far West tu vois, Far West version brésilienne quoi et c'était hyper désorientant.

Tibo

Tu sens vraiment donc une différence entre ces deux mondes?

P

Ah ouais t'es perdu, en fait je suis montée dans, enfin il y a le point le plus haut de la ville, bon elle m'a fait monter le point le plus haut de la ville pour que je puisse tout voir et tout, et tu vois des forêts de pins, c'est un pin typique de la région, et tu as des forêts forêts à perte de vue de pins, et tu vois pas la prochaine ville quoi, t'as juste la ville là et les pins à vue d'oeil, et c'est dingue quoi t'es vraiment isolée, et cette fille elle va à la fac tous les jours tu vois donc elle se tape quatre heures de bus par jour tu vois, deux heures pour y aller deux heures pour le retour, et c'est des routes de terre à certains moments, donc y a même pas des vraies routes tu vois c'est vraiment la campagne, en même temps c'est une ville, ils sont auto-suffisants, ils sont fiers d'être là, les jeunes ils veulent être là, c'est pas comme ici quoi, voilà ils sont très attachés à leur ville, ils ont des modes de fonctionnement encore très ruraux quoi, enfin pour moi en tout cas tu vois, par exemple ils avaient de la viande et ils étaient en train de préparer la viande dans une petite cabane à côté de la maison, ils étaient en train de la faire sécher sur un fil de fer enfin tu vois, il y a des chiens errants partout tu vois y a des petits trucs comme ça que j'avais jamais vraiment vu en fait enfin comment dire t'as un ressenti de la ville complètement différent quoi, j'avais jamais vu ça, alors que je connais la campagne en France, ouais non c'était à faire franchement.

Tibo

D'accord. Et quand tu t'es retrouvée au Brésil donc qu'est-ce qui s'est passé, où est-ce que t'as logé, qui t'as accueilli, comment se sont passés les premiers instants disons?

P

Ouais, en fait du coup c'est mon référent de stage, en fait j'avais plusieurs référents de stage, j'avais donc le référent c'était le président et après c'est ma coordinatrice qui était pédagogue en fait à la fac, une prof, parce que j'avais un cours à la fac avec elle pour genre analyse de stage un peu tu vois donc j'étais logée chez lui au début, les huit premiers jours et après j'ai trouvé mon logement toute seule en fait parce que eux ils avaient pas vraiment de place donc il y avait pas moyen de me loger tout le long et j'avais logé chez une étudiante que j'avais connu par le biais d'une copine à moi qui est brésilienne justement, qui vivait en France, elle est en Angleterre maintenant, elle c'était une ancienne coloc à elle et voilà, je lui ai demandé si elle connaissait des gens, elle a dit « oui je connais cette fille », elle l'a contactée et en fait elle avait pas de place chez elle vraiment mais j'ai

dormi dans son salon donc bon c'était un peu improvisé mais en même temps y me restait quoi, y me restait un mois tu vois donc, et puis certains weekends, en général le weekend j'étais quand même là, parce que je faisais mes entretiens le weekend, mais y a quand même un weekend où j'ai pu voyager, et le dernier weekend j'étais pas là ; j'étais partie quoi donc en fait bon ça faisait un mois et je me suis dit bon bin c'est bon, je tiens le coup tu vois, c'est un mois dans un salon à survivre, bon y avait quand même des désavantages que, c'est pas le fait de pas avoir d'intimité c'est le fait que voilà je faisais mon mémoire, que du coup j'avais pas forcément le silence, je pouvais pas me poser dans un endroit pour travailler tu vois donc ça c'est vrai que ça m'a peut-être un peu pénalisé pour travailler, mais après en fait c'était mieux quelque part parce que, d'être là je veux dire, là où j'étais, parce que j'avais plus ma vie. Parce que ce qui se passait dans la famille d'avant c'est que y vivaient un peu excentrés, y faisaient toujours en voiture, y avait pas de transport pour aller là-bas, du coup j'étais vachement dépendante d'eux tu vois, donc tu compares ça à ta vie d'ici tu te sens un peu étouffée en fait parce que t'es protégée, y a une protection que ici on a pas tu vois, des réflexes de sécurité, et c'est juste leur mode de vie en fait, c'est normal pour eux, mais pour moi du coup c'était un peu bizarre tu vois.

Tibo

Qu'est-ce que tu veux dire par « protégée »?

P

Bin, comment dire, tu vas pas rentrer à pied quoi, ouais, y prennent toujours la voiture. Après c'est peut-être culturel, mais bon j'ai senti que c'était plus un truc de sécurité tu vois, de toujours, surtout le soir, surtout le soir. Le soir pour te dire, y a un soir en fait avec une Française on était allé se balader comme ça parce qu'on cherchait un bar assez connu apparemment, un truc sympa, et on s'est perdu. On avait une carte et tout, on s'est retrouvé dans des, à côté du centre ville vraiment la place centrale et tout, on s'est retrouvé dans des quartiers écoute, c'était huit heures du soir mais glauque quoi, y avait personne dans les rues, alors que c'est habité hein c'est des maisons voilà, personne dans les rues, une petite voiture qui passe de temps en temps mais vraiment le truc vraiment glauque, du coup on est arrivé à une espèce de station d'essence avec un Pizza Hut et c'était trop bizarre j'ai jamais senti ça, on a vraiment ressenti une insécurité tu vois, de se dire « ok on peut pas aller marcher plus loin et revenir sur nos pas, on peut pas revenir sur nos pas, on va pas continuer plus loin ça a l'air dangereux », tu vois des personnes un peu louches qui trainent enfin, en France honnêtement ça me pose aucun souci, mais là-bas, y savent que t'es étranger quand même, tu le vois, en plus on parlait français entre nous, t'as aussi un truc à te dire : la personne elle peut être

armée, y ont un gros problème là-bas avec la drogue en fait, avec les drogués qui agressent les gens dans la rue pour avoir de l'argent, qui ont besoin de drogue en fait, donc il y a pas mal de cas de gens qui se font tuer dans la rue par des personnes en manque quoi. Donc si tu veux c'est pas des choses à quoi je pense ici, tu vois je me promène dans la rue à trois heures du mat c'est pas un souci - bon je le fais pas souvent mais ça m'arrive, et là-bas, même, dès que la nuit est tombée en fait, tu vas penser tout de suite différemment, tu vas te dire, ça m'est arrivé de rentrer à pied quand j'avais besoin vraiment mais la plupart du temps les gens chez qui j'étais me ramenaient tu vois, ils te ramènent, ils te laissent pas tout seul et donc je finis juste avec cette fille là, en fait on s'est dit « bin c'est bon on prend la pizza là et après on appelle un taxi » et n'importe quel restaurant ou n'importe où où tu es tu demandes d'appeler un taxi ils le font quoi tu vois, parce que s'ils te voient tout seul ou y voient que t'as pas de voiture enfin c'est pas un souci quoi t'appelles. C'est normal en fait c'est normal là-bas. Et ouais, ça déjà c'est un truc y faut s'y habituer quoi parce que pff ici j'appelle jamais de taxi quoi, ça me viendrait jamais à l'idée d'appeler un taxi tu vois, je sais même pas comment on fait même.

Tibo

Oui c'est vrai, c'est souvent à l'étranger qu'on appelle les taxis alors qu'en France on le fait pas, c'est assez amusant d'ailleurs. Et dis moi, comment tu t'y est pris pour créer des liens, pour rencontrer des gens, nouer des relations?

P

Bin en fait je connaissais déjà des gens avant parce que bon j'avais le contact de cette fille, après bon j'avais mon coordinateur déjà que je connaissais, que j'avais rencontré ici aussi donc enfin je suis arrivée, aux relations internationales si tu veux, y avait un peu des étudiants qui attendaient aussi si tu veux donc j'ai déjà rencontré quelques étudiants là, j'avais un gars en Erasmus que j'avais contacté avant d'y aller donc quand je suis arrivée aussi après je l'ai vu puis après c'était mon stage, j'ai rencontré beaucoup de gens en stage, j'ai rencontré quoi, ouais, c'était, je sais pas où j'ai rencontré le plus de gens, mais en fait j'avais déjà des personnes clés un peu dès le début euh ouais, ça s'est fait tout seul après quoi. Ça m'a quand même bien mis une semaine à commencer mes entretiens par exemple parce que j'ai bien mis une ou deux semaines à faire bien mes contacts aussi, tu vois les gens que je rencontre, je travaille avec eux, souvent c'était des collègues en fait, par le biais des collègues qui connaissaient des gens ou quoi je me retrouvais dans une famille et ça a mis un peu de temps à faire les contacts surtout que les gens ne sont pas libres en semaine donc c'est que les weekends donc les weekends c'était que ça quoi.

Tibo

Et donc c'était facile de t'intégrer finalement quoi?

P

Ouais, j'ai pas trouvé ça compliqué, après pour moi ce qui était plus difficile c'était le mode de vie tu vois, parce qu'y ont un mode de vie, par exemple la fille chez qui je vivais bon elle avait deux colocs, elle travaillait à des horaires pas possibles alors elle bin souvent tu sais la plupart des gens travaillent si ils vont dans une école, attends, les facs publiques sont gratuites quasiment mais si tu n'as pas été pris dans la fac publique tu paies, c'est très cher la fac, la plupart des gens travaillent en fait pendant la journée et vont à la fac le soir très tard et du coup ils vont avoir une journée de travail normale et ils vont aller à la fac de sept à dix-onze heures du soir tu vois et après s'il suffit qu'y est un soir où tu veux faire une activité, je sais pas moi, de la danse ou quoi, en gros tu te retrouves avec la semaine vraiment blindée quoi donc cette fille avec qui je vivais je la voyais quasiment jamais en fait, je la voyais que le soir ou les weekends des fois parce que elle avait un emploi du temps de malade quoi, je veux dire même moi qui travaillais beaucoup je trouve, je travaillais moins qu'elle quoi je veux dire elle avait des horaires de fou et ses colocs c'était pareil, donc on se voyait qu'en coup de vent tu vois et ça j'ai trouvé ça très bizarre au début parce que c'est pas du tout la même vie étudiante qu'ici. Moi ça me posait pas trop problème parce que je travaillais la journée en stage, mais je sais que y a une étudiante Erasmus par exemple pour elle c'était dur tu vois, parce qu'elle est arrivée et la journée elle avait rien à faire, parce que les cours étaient le soir, et elle comme elle avait pas de travail elle se retrouvait les premiers jours à se dire « bon bin qu'estce que je fais quoi? ». Donc c'est un rythme de vie différent, la valeur de la famille est très importante, donc les gens, bin par exemple, la fille chez qui je vivais, c'est pas habituel ce qu'y font eux tu vois, parce que normalement les gens vivent chez la famille normalement, donc c'est très rare.

Tibo

Famille élargie tu veux dire?

P

Non juste les parents mais ils vont rester chez les parents, c'est très rare d'aller en coloc comme ça, d'ailleurs quand je le disais aux personnes que je rencontrais c'était « ah bon elle vie en coloc mais c'est bizarre », c'est vraiment pas habituel, après tu peux le comprendre aussi parce qu'avec ce rythme de vie là t'as pas trop le temps de prendre soin de toi enfin tu vois, si y faut que tu fasses le

ménage dans l'appart t'as vraiment pas le temps de le faire, elle avait, après la famille ouais, c'est vrai y ont tendance à habiter, pas tout le monde hein, pas tout le monde, pas toutes les personnes que j'ai vu, mais moins avec la famille proche donc parents frères et soeurs mais tu as aussi des liens avec les tantes, cousins tu vois. C'est, c'est important tu vois, moi ce que j'ai pu remarquer tu vois c'est que les personnes elles passent tellement de temps au travail, tellement de temps avec leur famille, en fait quelque part tes amis ça devient tes collègues tu vois, en fait c'est très normal que tes amis soient tes collègues, sauf si par exemple tu es chrétien et tu vas à l'église, là tu connais d'autres gens, enfin si tu fais une activité sportive ou tu vois, mais en général ce que j'ai pu observer les personnes ont leur famille et leurs collègues et c'est ça quoi et si y font une fête y vont inviter les collègues tu vois et moi j'ai trouvé ça très bizarre personnellement parce que pour moi dans l'éducation que j'ai eu tes collègues c'est tes collègues enfin c'est genre ton travail, tu laisses ça de côté et ton temps libre c'est avec tes amis tu vois, d'autres personnes. Et ça au début j'ai trouvé ça très bizarre et aussi très ambigu en fait parce que tu coup tu peux pas, enfin pour moi d'après mes valeurs, tu peux pas être ami avec quelqu'un avec qui tu as des enjeux financiers, enfin des enjeux comme ça tu vois de travail, mais pour eux c'est normal voilà.

Tibo

Ok. Et donc en parlant, en lisant tes réponses aux questionnaires, on voit que tout de suite au Brésil tu t'es sentie bien dès le début, est-ce qu'il y a quelque chose de particulier? Un état d'esprit peutêtre je sais pas?

P

Ouais bin en fait déjà comme c'est un continent différent, bon alors moi déjà je suis allée au Brésil en me disant « ça va être pas trop différent » tu vois, parce que comme je connaissais déjà plein de Brésiliens ouais je m'étais dit « c'est très moderne » j'avais en tête que il y avait de la pauvreté mais je m'étais dit que j'allais pas être trop choquée tu vois et aussi bon je pense tu vois que j'avais la pression de me dire, c'est moi-même qui me la suis mise mais de me dire « ok, est-ce que je me vois habiter là-bas? » tu vois et du coup en arrivant c'est vrai que peut-être les deux premiers jours, parce que ouais les premiers jours j'étais chez mon copain, c'était ouais c'était un peu intense parce que je suis débarquée là et j'avais l'impression d'être dans un documentaire sur l'Amérique Latine tu vois honnêtement hein, j'avais jamais été là-bas et d'y être c'est une autre chose tu vois, c'est même pas le fait de la langue ou quoi tu vois parce que j'ai déjà connu tu vois, j'ai déjà été au Portugal aussi avant, c'est pas que la langue, c'est l'environnement quoi, les mesures de sécurité comme je te parlais, les maisons elles ont toutes le grillage devant enfin, juste la façon de vivre quoi et au début

ça m'a quand même fait un petit choc ouais le premier jour ouais ouais. Bon après je m'y suis fait vite hein j'ai pas eu trop de mal à m'adapter, après c'est juste que sur une perspective à long terme je me suis posée la question honnêtement « est-ce que je me vois vraiment vivre là toute ma vie quoi? » et ouais j'ai pas forcément encore de réponse à cette question enfin je pense qu'y faudrait y retourner plus longtemps tu vois pour mieux connaître, après moi enfin comme t'as pu voir dans mon parcours identitaire dans le fond moi je me sens quand même bien française tu vois, parce qu'il faut te sentir appartenir quelque part, t'as besoin de sentir que t'appartiens quelque part, même si tu veux habiter n'importe où, même si t'aimes pas où t'habites, tu n'aimes pas d'où tu es, j'en sais rien, enfin t'as besoin de savoir d'où tu viens quoi et pour moi je peux dire tout ce que je veux sur la France mais n'empêche que j'ai vécu là, toute ma vie quasiment, et c'est vrai que mes origines ne sont pas là, enfin bref, tout n'est pas là, mais en même temps c'est un peu ma base quoi, et je me suis rendue compte aussi en allant là-bas que quoi qu'il arrive je voudrais pouvoir revenir en France tu vois, je me vois pas forcément rester ici toute ma vie, mais en même temps je veux pouvoir revenir, donc c'est toute la question aussi de bin voilà, si tu vas là-bas et que tu te marries avec quelqu'un làbas et que tu fais ta vie là-bas, est-ce que tu peux revenir en France tu vois? Donc il y a toute, tu vois c'est un questionnement aussi, un cheminement de bon qu'est-ce que tu veux pour ta vie plus tard, et ça ça a beaucoup influencé sur mon adaptation là-bas en fait. Bon après j'ai fait abstraction tu vois de projets futurs ou quoi parce que cette expérience là je la vis tu vois mais c'était toujours dans le fond quoi, en arrière plan et je pense que du coup bin ça a peut-être mis un peu de pression tu vois, une certaine pression, mais en même temps elle a été bien gérée parce que bin ça s'est bien passé quoi.

Tibo

Je vois. Pendant que tu étais là-bas, est-ce que ton image de la France elle a un petit peu changé, est-ce que tu as remarqué des choses que tu remarquais peut-être pas avant, est-ce que tu as pu te distancier et regarder en arrière et te dire « ah oui tiens c'est différent » par rapport à ce que « nous », Français disons, on fait et eux comment ils s'organisent peut-être je sais pas?

P

Euh oui bin oui c'est très différent en fait, mais le truc que moi j'ai trouvé le plus dur en fait c'est le regard qu'y ont en fait sur les Européens et sur les Français notamment parce que bon y a pas à dire, c'est un pays ex-colonisé et nous on était colonisateur en fait, enfin la France, les Français étaient colonisateurs, même si je l'étais pas personnellement (rire), mais y a quand même ça qui reste honnêtement ça pèse encore et tu le vois dans leur représentation des gens, dès que tu dis que t'es

française « ouah trop chic » tu vois enfin bon ils ont des représentations du genre, ils ont des clichés du genre, ouais on se lave pas tous les jours et honnêtement ils le pensent sérieusement quand ils te posent la question c'est pas qu'ils rigolent ils te posent vraiment la question donc ça c'est assez intense, après ils ont des trucs du genre on mange à table avec cinq couverts tous les jours ou genre des trucs tu vois l'entrée, le nana, le dessert enfin tu vois ils ont ce truc tu vois de vraiment on est chics on est élégant tu vois ils ont vraiment les stéréotypes comme ça sur la France qui sont tellement pas vrais pour la plupart des Français aujourd'hui, c'était peut-être vrai dans le passé et ça l'est peut-être encore pour une petite minorité de gens. Y ont les stéréotypes tu vois que tout ce qui est français c'est de la bonne qualité tu vois, y vont se ruiner à acheter des produits de marque genre Loréal ou Lancôme ou j'en sais rien des trucs que nous-même on achète même pas, parce ce qu'on veut chercher moins cher tu vois, mais pour eux c'est français donc c'est bien et y vont dépenser l'argent pour l'acheter, parce que c'est de la qualité tu vois. Et y pensent que nous on fait pareil, y pensent que y vont acheter quatorze parfums, y vont alors le parfum c'est un truc, le parfum français a une telle réputation y vont acheter je sais pas combien de parfums alors que nous on va en acheter un tu vois et ce sera genre notre parfum tu vois quoi on va pas en acheter quarante. Pour eux, c'est une marque de richesse tu vois, une marque de je sais pas, d'élégance ou quoi d'avoir un parfum surtout français et d'en avoir plusieurs quoi, et pour moi c'est des trucs mais pff quand j'ai vu ça j'ai halluciné quoi parce que pour moi c'est tellement des trucs futiles en fait honnêtement bon ça c'est mon éducation enfin voilà mais en même temps j'arrive pas à comprendre, enfin je peux le comprendre si tu veux mais si tu veux si je me base d'un point de vue comment dire rapports de pays tu vois, enfin genre toute une logique qui leur a été un peu transmise tu vois où « on », enfin, la France et les pays européens étaient synonymes de modernité tu vois de civilisation tu vois c'est un peu ça qui leur a été transmis, et c'est encore un peu ça qu'eux-même cultivent aujourd'hui parce que ça leur a été transmis comme ça je pense et c'est encore présent et ça pour moi c'était le plus dur à vivre en fait.

Tibo

Ça revenait donc souvent au fur et à mesure des gens que tu rencontrais?

P

Bin ça revient ouais dès que tu rencontres quelqu'un c'est clair. Même dans le sud alors que le sud y sont tous descendants d'Européens quasiment et justement ils s'en vantent, c'est quelque chose dont ils sont contents et même eux parce qu'ils sont brésiliens mine de rien et dès que tu dis que t'es française y sont trop contents tu vois, ils veulent parler avec toi si y parlent français, enfin y vont

limite y vont s'identifier plus à toi et te dire « ouais ici c'est pas comme le reste du Brésil, on est plus évolué » enfin des trucs comme ça et enfin moi je trouve ça insupportable en fait parce que quelque part c'est tout le truc de se dire « bin ouais j'ai pas choisi où je suis née et en même temps j'ai pas choisi moi ce rapport de force avec les gens, j'ai pas choisi d'être dans le pays qui était colonisateur » tu vois ce que je veux dire, donc si je vais quelque part j'ai pas envie d'avoir cette position d'ex-colonisateur tu vois mais en même temps tu l'as malgré toi en fait parce que c'est d'où tu viens quoi.

Tibo

Et tu penses que ça a altéré ton rapport avec les gens d'un certain côté?

P

Pas « altérer », ça a pas altéré les choses, enfin je pense pas que ça t'empêches d'être authentique avec les gens mais n'empêche que tu as ton arrière plan qui reste tu vois ce que je veux dire. Les gens t'accueillent, y a pas de soucis, et les gens ouais y sont super accueillants et y vont pas te discriminer, c'est presque de la discrimination positive en fait tu vois, c'est presque de ouais, enfin, en fait c'est pas que je voulais pas être française tu vois ce que je veux dire, c'est pas que j'avais honte d'être française ou quoi, mais j'en avais marre qu'y me voient comme ça en fait, j'avais envie de leur dire « mais allez en France » tu vois, y en a qui sont allés en France et y sont pas comme ça tu vois, c'est pas tout le monde qui est comme ça, mais j'avais envie de leur dire « allez y quoi » enfin en même temps c'est un peu ingrat de dire ça car ils ont pas forcément tous les moyens d'y aller, mais tu vois rien que le fait avec l'euro aussi, que moi j'arrive avec l'euro j'ai tout moitié prix quoi, si je travaille là au Brésil je gagnerais la moitié de ce que je peux gagner ici, enfin des trucs comme ça de me dire, bin ouais c'est vrai que avec la géopolitique je suis en position de force et je véhicule ça, en venant ici je véhicule le passé, je véhicule le statut international de mon pays d'origine, et c'est présent aussi quand même dans tes rapports avec les gens tu vois, les gens vont toujours te dire « oh oui, l'éducation là-bas c'est tellement bien » en gros quelque part que tu viens d'un pays qui est plus civilisé donc qu'il y a plus d'éducation, qu'il y a plus de, c'est pas vrai tu vois ce que je veux dire mais c'est quand même ce qui t'es renvoyé tu vois et en même temps c'est vrai qu'y a tellement de, comment dire, y a tellement de disparité là-bas, y a tellement d'extrêmes, que pour être je sais pas moi classe moyenne en France y faut vraiment être riche quoi, faut être aisé tu vois pour avoir accès à une bonne éducation y faut avoir de l'argent aussi et les livres là-bas coûtent chers parce que c'est pas une normalité là-bas d'acheter des livres tu vois, enfin ici en France c'est quand même assez courant d'avoir une bibliothèque chez toi, c'est pas tout le monde mais c'est

courant, là-bas enfin c'est la télé quoi, la télé la télé, les livres c'est un luxe quoi tu vois et ouais voilà moi je viens d'une famille où les livres c'est hyper important c'est pas qu'on est intellectuel ou quoi mais les livres pour nous c'est important quoi et ça voilà je me suis dit « si j'habite au Brésil, est-ce que je pourrais me payer des livres quoi? » voilà, est-ce que je pourrais aussi importer des livres dans les langues que je veux lire, français, italien, anglais, etc., parce que ça coûte cher aussi ça d'importer les livres, tu vois y a tout ce truc de l'accès à la culture, l'accès à l'éducation qui est quand même pas le même. Tu vois c'est pas que les gens y sont bêtes, c'est que y ont pas le même accès en fait, ici on est quand même privilégié par rapport à ça, je veux dire on a des réductions, déjà les monuments sont entretenus, c'est organisé on a des offices du tourisme, on a enfin tu vois l'accès à la culture est privilégié tu vois, nous en tant qu'étudiants on a des réductions en plus c'est favorisé pour la jeunesse.

Tibo

Et ça tu t'en est aperçue, tu l'as conscientisé quand tu étais là-bas ou tu t'étais déjà fait la réflexion avant?

P

Je l'ai un peu vu là-bas, avant non je disais pas ça parce que j'avais pas vu comment c'était donc avant j'avais pas conscience de comment ça allait être vraiment tu vois et c'est une fois là-bas que j'ai vu les choses et que j'ai dit « waow » mais c'est vrai que, c'est vrai que tu peux avoir accès aux choses tu peux si tu veux et si tu as les moyens tu vois, surtout si t'as les moyens, c'est surtout une question d'argent, et tu comprends aussi notamment la mentalité des gens, tu vois les gens parlent beaucoup d'argent, de s'enrichir, cette notion un peu américaine, de l'ascension sociale, de se créer soi-même nanana, et ici enfin en France ça fait, ça fait pas bourgeois mais tu parles pas d'argent comme ça, au contraire, les gens essaient de montrer qu'ils sont le plus humble possible tu vois par exemple, c'est peut-être limite « bobo » ça aussi mais bon y a pas tellement cette mentalité de parler d'argent tu vois ici, en même temps c'est parce qu'on a accès à tout tu sais, on a pas besoin de parler d'argent vraiment tu vois, et eux la plupart des gens ont, là les gens dont je te parle ce sont des gens de classe émergente surtout, classe moyenne émergente, donc c'est pas des gens hyper riches mais c'est pas des gens pauvres non plus, pas des milieux populaires ou des favelas non plus, donc c'est quand même des gens qui vivent bien mais qui luttent quoi enfin tu sens qu'y a quand même que c'est pas aussi facile tu vois, je me suis sentie très privilégiée en fait. En France, et dans plein de pays d'Europe, tu as accès à tout facilement tu vois, on peut se plaindre de tout ce qu'on veut, de l'administration enfin tout ce que tu veux n'empêche que la vie elle est quand même facile quoi.

Tu as réussi à t'y faire quand même là-bas? Il y a quelque chose qui t'as manqué peut-être ou je sais pas?

P

Bin à part ce côté ouais culture tu vois parce que bon notamment dans les villes assez récentes parce que du coup c'est vrai qu'y a pas de patrimoine tu vois, bon tu vas à Rio c'est différent hein, Rio c'est une ville beaucoup plus ancienne, donc il y a ce côté culture, tu sens qu'il y a une richesse culturelle là-bas qui est différente. Dans une ville récente c'est vrai que c'est un petit peu normal peut-être que tu sentes moins, faut dire qu'en France partout où tu vas y a de l'histoire tu vois ce que je veux dire. Ce qui est intéressant là-bas en fait c'est que tu sens qu'y sont en plein développement et eux-même y ont en conscience en fait, parce qu'y vont te dire « ouais en Europe y a la crise, nous on est la cinquième puissance économique on grandit » y ont conscience qu'y se passe des choses tu sais et en même temps c'est assez frustrant d'un autre côté parce que tu te dis « c'est vrai voilà en Europe c'est un peu la misère en même temps toi personnellement t'y es pour rien » donc là encore t'as l'impression de porter un fait, un passé, et tout une situation où toi t'as rien à voir dedans, c'est juste la situation des choses, donc tu es dans un pays qui certes n'est pas très organisé encore, qui est immense et dur à coordonner et qui est pas forcément partout développé pareil enfin y a encore beaucoup de manque, en même temps y sont en effervescence et tu sens cette effervescence là-bas sur place, y a des endroits déjà où tu vois pas limite la différence avec ici, c'est pas la pauvreté partout au contraire, c'est plus que ça va être réparti différemment, tu peux voir une maison riche à côté d'une favela, mais ouais les écarts de confort de vie sont énormes mais ce qui est très frustrant c'est que tu sens qu'y a cette effervescence et que tu as envie d'en faire partie en fait, y a un côté très enthousiasmant là-bas, c'est que tu as l'impression que tu vas construire quelque chose, qu'il y a quelque chose qui est en train de se construire et que tu vas construire avec eux et que quelque part ici en Europe c'est pas qu'y a plus rien qui va se faire tu vois mais c'est comme si c'est essoufflé, c'est comme si tu vas là l'Histoire a été faite, tu es héritier d'une Histoire qui a déjà été faite et que voilà maintenant on a les conséquences de ce qui a déjà été fait et on est obligé de se dépêtrer avec toutes les conséquences alors que là-bas tu as l'impression que ça commence en fait tu vois et c'est très bizarre comme sentiment et c'est un peu caricaturé hein je pense pas que c'est exactement comme ça, mais ouais c'est un peu ça que tu ressens. Et en même temps c'est assez comment dire tu as peur pour eux. Moi je sais que je voyais certains trucs là-bas et je me disais « mais mince mais pourquoi y font ça quoi » enfin y font exactement bin par exemple l'influence de la culture américaine ou occidentale en général même pas que américaine, tu vois ils vivent d'une façon dont

nous on vit, parce que pour eux c'est un modèle de modernité tu vois c'est un modèle de civilisation en fait et moi j'ai envie de leur dire parfois « mais pourquoi vous faites ça quoi, faites pas les mêmes erreurs que nous » du style de pas développer les transports en commun au lieu de la voiture personnelle, le modèle américain par excellence, le pétrole quoi tu vois les erreurs que les pays qui se sont industrialisés dans le passé par exemple en Europe ont fait bin y font les mêmes tu vois parce qu'y suivent le même chemin, et eux y ont quand même l'avantage d'avoir la canne à sucre, d'avoir du terrain enfin bref, mais y a un moment donné où y vont avoir les même problèmes qu'on a ici de gestion de l'espace dans les villes, de voilà qu'est-ce qu'on fait avec les voitures, les énergies renouvelables, ça va aussi se poser ces question là.

Tibo

D'accord. Et tu t'es assez identifiée à cette culture, à cette façon de voir le monde peut-être, tu t'es sentie vraiment incorporée là-dedans, envie de participer peut-être?

P

Ouais moi j'ai pas de mal à m'adapter aux endroits où je vais en fait, je pense que c'est un avantage que j'ai, un atout, c'est que je m'y fais tu vois quoi et j'ai pas de mal à me dépouiller de ma culture, mes valeurs c'est peut-être autre chose ouais mes modes de vie tu vois du moins mes coutumes c'est pas quelque chose à quoi je suis vraiment attachée tu vois donc je peux m'y adapter, du moins pour un court terme. Après, voilà, le long terme c'est une autre question mais à court terme ouais je peux. Donc voilà ça permet de réfléchir, de prendre de la distance déjà, parce que tu vis des trucs de l'intérieur tu vois.

Tibo

On parlait de préjugés, non de stéréotypes pardon, positifs, est-ce qu'il y a eu des stéréotypes négatifs à ton encontre par exemple? Est-ce que c'est arrivé?

P

Non pas de ça. Non du coup bon je pense un truc négatif ça peut être que justement y a peut-être un complexe d'infériorité de fait que t'es européen t'es français notamment, voilà tu viens de ce pays du savoir, des Lumières nanana, et du coup je pense que certaines personnes elles se sentent d'office peut-être intimidées par toi ou des trucs comme ça, ouais.

Ça t'as pas perturbé plus que ça disons, y a pas eu de réactions frontales où on t'a fait comprendre que...

P

Ah non, ça non, mais je pense que c'est lié aussi à la l'usage de la langue, vu que je parlais assez bien portugais enfin, ça aussi je pense que ça aide, que si par exemple tu galères à comprendre, si tu parles très fort avec l'accent français tu vois ce que je veux dire, je pense que bon si tu critiques tout, ça dépend de l'attitude aussi je pense. Non comme j'ai essayé de m'intégrer là-bas j'ai pas trop eu de réactions comme ça, enfin je m'en souviens pas du tout.

Tibo

Très bien très bien. Et du coup qu'est-ce que tu faisais comme activité sociale? Parle-moi de tes loisirs, ce que tu faisais en dehors du boulot, comment ça marchait?

P

Euh en dehors du travail, bin du coup je rencontrais des personnes, du coup ça m'arrivait des fois de rencontrer quelques connaissances que j'avais, euh je connaissais pas trop les cafés ou les bars et de toute façon il y avait pas trop cette culture du café sur la terrasse tu vois où on va se poser, mais ouais ça m'est arrivé d'aller boire un coup avec quelques personnes et c'est vrai que c'est pas très courant là-bas en fait, c'est pas un truc qu'y font entre jeunes par exemple, tu vas plus aller chez les gens en fait. Bin ouais je suis allée une fois à une soirée chez des argentins pour danser c'était sympa, je crois que c'est la seule fois où je suis sortie en fait parce qu'après à part ça vraiment je bossais quoi, j'avais vraiment pas le temps. Y a juste bin un weekend quoi je suis allée à, un weekend je suis rentrée chez mon copain....

Tibo

(Bruit), hop, le temps de retourner la cassette...

P

Ouais un weekend je suis retournée là-bas et le dernier weekend où j'ai pu aller à Rio mais à part ça sur place j'avais pas trop de loisir. J'ai failli aller avec ma coloc à, elle faisait des cours de danse et de l'escalade alors j'ai failli y aller mais j'étais tellement crevée en fait que je crois que c'est le fait de la langue aussi tu sais comme je parlais portugais vingt-quatre sur vingt-quatre je me sentais

tellement fatiguée au début, le rythme de que j'avais, je dormais pas forcément bien du coup avec le canapé, oui parce qu'il y avait une des colocs qui rentrait à minuit du travail bon elle me réveillait pas, mais j'étais toujours réveillée par celle qui se levait à six heures du mat, donc je dormais pas trop (rire), voilà donc ouais j'avais un rythme de vie assez intense.

Tibo

D'accord. Et tu parlais d'église tout à l'heure, et est-ce que t'as fréquenté les églises là-bas?

P

Alors ouais en fait j'ai rencontré une dame qui allait à une église baptiste là-bas donc j'ai pu y aller une fois j'ai pas pu y aller beaucoup parce que bin je travaillais tu vois. Euh ouais alors les églises, parlons-en (rire). C'était assez surprenant ça aussi parce que j'ai jamais vu ça et je pense que c'est très proche de ce qu'il y a aux États-Unis en fait. Parce que par exemple en France c'est pas du tout comme ça. La situation des églises évangéliques en France, y a plein de dénominations mais tu n'as pas de mentalité de propagande ou marché tu vois, de commerce un peu tu vois. Et ce que j'ai trouvé là-bas en fait c'est que c'est tellement courant d'être croyant, enfin en quelque chose hein, quoi que ce soit, ils font beaucoup de mélange hein, c'est très courant que les gens soient catholiques et qu'en même temps y pratiquent le Candomblé et qu'y pratiquent un autre truc tu vois. Et dans les églises évangéliques, je sais pas d'où ça vient, alors mon hypothèse c'est que c'est l'influence des États-Unis, mais dans de nombreuses églises, pas toutes, mais c'est vrai que je comprends la mauvaise réputation des églises évangéliques là-bas parce que (rire) tu vas dans la rue tu vois des églises évangéliques tu vois c'est des grands boulevards un peu à l'américaine tu en vois partout et alors c'est des trucs l'affiche la plus grande possible, y te vendent des miracles quoi tu vois t'as tout une doctrine de la guérison, une doctrine de la prospérité aussi qui est très présente làbas et qui est pas présente en France, j'ai jamais vu ça en France, et si c'est présent c'est vraiment une minorité d'églises et c'est pas visible quoi mais là-bas j'ai été choquée, j'ai été choquée ouais, j'ai été choquée parce que comment dire bin c'est d'autant plus dur d'être authentique je pense parce que du coup t'es assimilé à quelque chose que t'es pas forcément tu vois et je pense que ça doit être très compliqué en fait d'être chrétien là-bas, je pense même plus compliqué qu'ici, parce que ici y a pas ce côté, enfin moi je l'ai jamais vu, donc je pense que tu n'as pas à remettre en question l'authenticité et la sincérité des gens, enfin moi j'ai jamais vu ici le phénomène d'église-secte tu vois, y a des sectes, mais dans les églises évangéliques que je connais j'ai jamais vu ça. Là-bas tu as des églises écoute tu as même pas envie de rentrer dedans tu vois enfin honnêtement, rien qu'à voir l'affiche, rien qu'à voir, c'est un magasin quoi presque tu sais c'est limite un magasin de foi quoi,

enfin je sais pas comment l'exprimer mais j'ai été choquée par ça quoi. Et en parlant avec des gens ce qui est très intéressant, quand je parlais avec des gens et qu'y te demandent « alors toi tu crois quoi » parce que là-bas y sont tous croyants, y croient tous en Dieu, là-bas comment dire l'existence de Dieu est quasiment pas remise en cause par personne en fait ce qui par exemple en France n'est pas le cas. Là-bas les athées les gens y se moquent d'eux tu vois parce que c'est tellement évident que Dieu existe tu vois ce que je veux dire et ça peut être n'importe quoi hein, c'est pas forcément le Dieu de la Bible par exemple, le Candomblé est très présent, bin C t'en parleras demain, les gens y peuvent croire tout et n'importe quoi mais y ont quand même une notion de spiritualité donc tu leur dis « je crois en Dieu » c'est pas une grosse nouvelle tu vois c'est pas choquant alors que si tu dis ça à quelqu'un en France déjà y peut penser que t'es un peu bizarre tu vois ou que t'es pas intelligent enfin bref tu peux avoir des réactions comme ça en France là-bas non, c'est limite tu crois pas en Dieu t'es pas normal tu vois. Donc y a ça mais du coup ça laisse place aussi à beaucoup de confusion parce que tu crois tout et n'importe quoi, tu mélanges tout.

Tibo

C'est intéressant parce que toi du coup étant croyante ou pratiquante je sais pas, est-ce que c'était la même foi? T'es-tu ou ne t'es-tu pas assimilée à ça? Comment tu voyais la chose avec tes yeux à toi?

P

Bin du coup c'était marrant comme je te disais parce que quand je rencontrais des gens dans une église et qu'y me demandaient « et toi qu'est-ce que tu fais » et je leur disais « je suis évangélique », mais quand tu dis que t'es évangélique à un Brésilien, qui ne l'est pas d'office, alors deux réactions : soit y va penser que t'es dans une secte, complètement illuminé, soit tu lui précises quelle église tu vas et là y va te dire « ah ouais d'accord ok je vois eux c'est des églises sérieuses ». Mais moi je l'ai vécu comment, euh bin, ça m'a un peu rendu triste parce que je me suis dit « c'est très dommage en fait » que ce soit utilisé comme ça, après moi j'ai cette conception que Dieu gère les choses tu vois, Dieu est au-dessus de tout donc y voit même dans ces endroits là, enfin, voilà mais ouais et ça m'a rendu triste pour ça parce que je me suis dit qu'il y a beaucoup de personnes ici et c'est vrai que j'entends beaucoup d'histoires de personnes qui sont escroquées quoi. Concrètement y vont leur promettre des trucs genre donne tout ton argent, Dieu te le rendra, enfin ces théories là quoi et des personnes du coup qui sont très sincères on leur parle de Jésus et on leur vend un Jésus un peu refaçonné quoi à la façon qu'on veut quoi et eux du coup y croient, y vont vendre tout ce qu'y ont, donner tout leur argent et t'as des personnes qui se retrouvent à la rue comme ça quoi, t'as beaucoup de personnes aussi, enfin t'as des doctrines un peu bizarres qui circulent tu vois enfin des trucs qui

sont pas du tout bibliques, genre qu'y vont acheter leur terrain au ciel enfin des trucs complètement aberrants et en temps que chrétien, que protestant évangélique, c'est choquant parce tu te dis toimême comment t'es crédible après tu vois, mais n'empêche que comme je t'ai dis c'est pas quelque chose qui me soucie moi personnellement parce que c'est pas dans mon contrôle tu vois, et j'ai pu discuter avec des gens notamment, enfin c'était assez random mais c'était un gars à l'arrêt de bus qui a commencé à me parler de Dieu et comme ça et puis il commence à me dire qu'il a été dans des églises justement qui recherchaient à prendre son argent machin et j'ai discuté avec lui et il était content juste de parler avec quelqu'un, je pense qu'il devait avoir un passé alcoolique mais euh il était sobre à ce moment là mais c'était intéressant de parler avec quelqu'un tu vois je sais pas s'il adhère à une église ou quoi en tout cas y devait croire, il avait du avoir de mauvaises expériences, mais tu vois qu'il est quand même ouvert à la discussion et puis les gens en fait là bas - pas tout le monde mais, y a une espèce d'hyper tolérance en fait une espèce de, par contre je sais pas, ça c'est un truc intéressant, je sais pas comment y géreraient, je sais pas l'état de l'islam là-bas tu vois, je sais pas si y a des mosquées, je sais pas s'il y a beaucoup de populations arabes, maghrébines, y a pas beaucoup de musulmans tu vois, je sais même pas si y a des mosquées, mais c'est vrai que ça par exemple, j'ai déjà parlé de ça avec certaines personnes, et tu vois y imaginent pas du tout qu'en France maintenant enfin c'est normal tu vois d'entendre parler arabe, tu vois on a grandi dans une France qui est très différente de celle qu'ont connu les gens il y a quelques années, enfin, y a un mélange culturel tu vois, pour moi c'est normal tu vois que la France elle est comme ça, je l'ai toujours connu comme ça, mais pour eux, de penser que y a des arabes en France, de penser qu'y a des musulmans en France c'est un truc complètement aberrant, et y vont te demander « ah ouais c'est quoi la religion majoritaire en France? » tu vois des trucs comme ça et y vont penser que tu leur dit « catholique » tu vois et moi c'est vrai je leur dit « bin traditionnellement c'est vrai que y a beaucoup de catholiques encore, mais n'empêche que désolée, la majorité des gens y sont pas catholiques aujourd'hui » et y hallucinent quand tu leur dis ça parce que ils sont tolérants mais y sont tolérants de ce qu'y connaissent tu vois donc c'est normal c'est humain mais c'est vraiment un autre monde quoi.

Tibo

Ok. De quoi voulais-je te parler déjà? Ah oui, tout à l'heure tu parlais de tes relations, alors était-ce plutôt avec des étudiants internationaux, des compatriotes, des Brésiliens, ton réseau social comment était-il constitué finalement?

P

Bin j'avais cinq six Français quand même dans mon réseau, donc je les voyais assez souvent, sinon c'était que des Brésiliens, j'avais pas d'autres étudiants internationaux, c'était que des Français et des Brésiliens, donc soit étudiants soit pas quoi, la majorité était pas étudiant d'ailleurs.

Tibo

Et tu les as rencontrés comment ces gens là du coup, les Français comment tu les as connus?

P

Alors surtout par le travail, ou par la fac mais en fait le truc c'est que la plupart, tu vois nous on fait cette distinction étudiant / travailleur ici, mais là-bas elle y est pas forcément, les étudiants y sont aussi travailleurs en fait, et ouais j'ai rencontré des gens un peu comme ça par mes entretiens aussi du coup. Et juste pour revenir sur l'église là, donc je suis allée à une église baptiste je t'ai dit, et là par contre pas de soucis tu vois, enfin là c'était très similaire à ce que je connais en France y a pas de soucis mais le contexte en soi m'a choqué quand même.

Tibo

Ok. Est-ce que sur un versant émotionnel, etc., tu t'es sentie soutenue ou tu as manqué de quelqu'un à qui te confier je sais pas, est-ce que t'étais un petit peu perdue parfois?

P

Bin y a des moments quand même où je me suis dit, bon Mme X elle nous a préparé quand même pour le voyage, elle nous a un petit peu parlé avant, le truc c'est que moi elle m'avait dit « ah toi où tu vas ça craint pas du tout c'est une région riche blablabla » enfin elle connait plutôt le nord et elle a bien briefé les filles et moi j'étais là donc j'ai écouté ce qu'elle a dit. Tout ce qu'elle a dit pour les filles qui en plus allaient dans la favela bin écoute moi ça m'a servi pour là où j'étais quoi, enfin honnêtement les même règles de sécurité elles valaient aussi dans le sud quoi dans une ville riche, parce que c'est ville riche mais en même temps y ont eu beaucoup de problèmes compliqués avec la drogue avec les favelas tout ça mais j'aurais voulu, et d'après ce que j'ai constaté avec certains étudiants internationaux, ça pourrait être pas mal, quand tu changes de continent comme ça, d'avoir peut-être une préparation plus intensive en fait aux différences culturelles tu vois genre communication, contact avec la culture machin, parce que c'est une chose d'y être tu vois. C'est une chose qu'on te raconte quelque chose mais c'est une chose de le vivre et d'être toute seule et j'ai vu certains étudiants la façon dont y vivaient bin honnêtement y en a certains y prenaient pas

forcément les précautions qu'y fallait tu vois et je me suis dit « si jamais y leur arrive un truc... » tu vois le truc c'est que y faut pas être parano mais en même temps t'es pas dans ton pays enfin c'est pas l'Europe tu vois quoi et c'est pas la même criminalité, les personnes peuvent facilement être armées comme je t'ai dit enfin c'est pas les même règles. Donc ça change les choses et je pense qu'y faut se comporter en sachant écouter les conseils des personnes sur place tu vois et moi heureusement j'ai la personne avec qui je vivais qui m'a donné beaucoup de conseils au début je t'ai dit j'étais pas mal protégée parce que je vivais avec la famille, quand je me suis retrouvée toute seule elle m'a quand même briefé tu vois, elle m'a donné certains conseils, parfois quand je faisais des trucs elle me disait « ah mais là j'étais inquiète et tout tu devrais pas faire ça » enfin tu vois donc j'ai quand même suivi ses conseils parce que voilà c'est une jeune, elle vit là depuis toujours, c'est quelqu'un qui a voyagé donc elle connait le monde aussi tu vois donc elle sait de quoi elle parle je pense donc j'ai écouté ce qu'elle m'a dit tu vois mais non ça va, y a peut-être des moments où je me sentais un peu seule c'est normal t'es loin de chez toi mais après j'ai pas trop eu de moments vraiment ça allait pas du tout je voulais rentrer quoi non. Le truc aussi c'est que c'était tellement court comme temps que j'étais enfin limite c'était le contraire tu vois, j'avais envie que ça dure plus longtemps parce que je voyais que les autres Erasmus allaient rester plus longtemps et c'est limite hyper frustrant de devoir rentrer tu vois parce que enfin après deux mois tu t'intègres tu vois, après deux mois t'as trouvé tes marques t'as ta routine un peu pour autant que t'en ai une et ouais j'ai trouvé ça assez frustrant de devoir entrer finalement parce que deux mois ça passe mais à une vitesse vraiment ouais c'est court. Non j'ai pas eu de moment vraiment...

Tibo

Est-ce que t'as connu des galères, ce qu'on appelle des galères?

P

(Pause) genre des gros problèmes non, après ouais y a des moments où j'ai un peu galéré quand même au début genre comprendre du coup me repérer dans la ville (rire) tout ça comment tu prends le bus enfin ouais retirer de l'argent dans les banques juste avoir des points de repère tu vois, genre où est le super marché le plus près parce que du coup j'ai eu tout de suite conscience de ce fait voilà je peux pas sortir la nuit quand je sors la nuit je fais attention de toujours prendre des rues éclairées voilà je sors jamais dans des rues un peu obscures même si c'est plus rapide mais en même temps t'as toujours cette pensée quand c'est la nuit « ok tu rentres le plus vite possible chez toi » quand t'es tout seul t'as pas de voiture tu rentres chez toi sinon tu prends un taxi mais bon le taxi ça fait un peu cher à la longue (rire) donc ouais y a juste peut-être ce côté où tu te sentais un peu étouffé quoi mais

c'était pas une galère non j'ai pas eu trop de galères je crois pas je me souviens pas.

Tibo

Très bien. Et dans le questionnaire, quand je t'ai demandé de placer ton séjour par rapport à ta vie en général, t'avais répondu « suite ». Est-ce que tu peux m'expliquer cela, pourquoi tu as écrit « suite » pour parler du sens de ton séjour par rapport à ta vie en général?

P

Euh bin parce que pour moi les choses ça vient les unes après les autres en fait (rire), super la phrase, ouais je sais pas quand je regarde ma vie je vois une progression tu vois je vois comment j'ai évolué sur certaines choses je vois le sens enfin tu vois les choses comment elles font sens aussi et là en fait voilà ça faisait sens quoi, notamment par rapport à ma relation et par rapport à ma formation aussi, par rapport à mon rapport au monde tu vois aussi je pense parce que j'avais jamais quitté l'Europe en fait avant donc c'était mon premier voyage hors de l'Europe donc c'était quand même un gros pas et puis je sais pas c'est juste venu là, c'est venu là vraiment sur un plateau j'avais rien demandé, je comptais y aller cet été en fait du coup j'y vais pas et en fait c'était genre « waow » c'est juste venu là quoi même si maintenant j'ai beaucoup de boulot avec les entretiens à traduire et tout ça quoi mais ouais c'était vraiment une super expérience, pour moi c'était genre dans la continuité tu vois enfin genre t'as ta vie comme ça, t'as des projets qui viennent, des opportunités et tout et pour moi c'était là quoi.

Tibo

C'est une très bonne réponse. C'est ce que t'as ressenti donc c'est le principal finalement. Et justement donc, le Brésil avant et après, est-ce que ton image elle a changé, est-ce que la vision des gens du pays de la culture en général s'est transformée?

P

Mmh je pense qu'avant sans connaître du coup sans connaître concrètement je pensais que ça serait plus facile d'y vivre tu vois peut-être et en fait en y allant je me suis rendue compte quand même que bon bin bien sûr tu peux y vivre c'est pas infaisable mais c'est quand même un gros choix tu vois c'est un choix qu'y faut pas prendre à la légère parce que bin c'est loin déjà géographiquement, ça coûte cher pour y aller, et aussi bin tu te déracines quand même tu vois parce que tu vois comme je t'ai dit j'étais là-bas je m'y suis sentie bien mais en même temps - bon en même temps je suis restée deux mois, mais j'ai pas senti appartenir en fait tu vois enfin je peux, je peux tu vois dire

« ouha je me suis trop identifiée là-bas je me vois trop habiter là-bas » ça peut être vrai mais en même temps le fait est que j'ai passé que deux mois là-bas tu vois et tout ce truc là de ce que les gens te renvoient tout ce que je te disais avant je pense qu'y y aurait un certain temps d'adaptation et que en plus je pense que tu dois faire le sacrifice de plein de choses en plus. Comment dire, c'est dur à expliquer en fait chais pas j'ai ressenti en fait pas exemple je me suis dit « si je vais vivre là-bas à long terme » genre imagine tu as des enfants là-bas tu vois, je me suis posée cette question je me suis dit « est-ce que t'accepterais que tes enfants vivent comme des Brésiliens en fait? » tu vois concrètement et en fait moi c'est encore aujourd'hui une question qui est difficile parce que je me dis quelque part que j'aurais envie que mes enfants y aient ce que moi j'ai eu et là-bas dans certains endroits - pas partout, mais pour pouvoir avoir une ascension sociale, pour avoir une très bonne condition de vie y faut être aisé comme je t'ai dit donc c'est pas la majorité des gens. Y a quand même beaucoup de gens puis y a beaucoup de gens qui s'enrichissent aussi donc y a quand même une classe émergente donc tu peux quand même bien vivre là-bas mais voilà je sais pas comment dire mais je pense qu'il y a quand même, c'est peut-être un héritage de la colonisation hein c'est peut-être un truc de groupe de se dire « on est supérieur » quelque part tu sais, y a peut-être de ça hein, mais j'avais le sentiment par exemple de enfin comme une sorte de peur ouais j'ai pas envie que mes enfants y grandissent là-bas tu vois j'ai pas envie que si j'ai des enfants un jour qu'y aillent dans une école brésilienne tu vois enfin, c'est peut-être parce que je connais pas assez bien aussi j'y ai pas vécu assez longtemps mais j'avais un peu cette espèce de, tu vois, j'ai pas du tout cette peur dans un autre pays européen, si je vais dans un autre pays d'Europe tu vois c'est pas loin et voilà je connais assez bien les cultures, j'ai quand même bien voyagé en Europe, voilà je sais que y a quand même un niveau de vie et un niveau d'éducation qui se vaut dans la plupart des pays en tout cas. Tu vas là-bas y faut se battre en fait tu vois, pour avoir le meilleur y faut que tu te battes si t'es classe émergente si t'es classe moyenne et j'ai pas eu cette habitude de me battre bin par exemple mon copain c'est différent, voilà il a grandi dans un contexte où ouais enfin y ont connu un moment donné un moment difficile financièrement enfin tu vois y ont pas toujours eu tout ce dont y avaient besoin et du coup tu comprends ce besoin de comment dire cette aspiration à plus tu vois à donner plus à tes enfants. Moi c'est pas que je veux donner plus à mes enfants tu vois je veux juste qu'y aient que ce que j'ai eu tu vois pas moins quoi et de coup de me dire « bin ouais si je vais vivre làbas... » tu vois c'est pas pareil si t'y vas en tant qu'expat deux-trois ans, t'y vas en tant qu'expat deuxtrois ans tu te dis « ouais c'est bien » au moins les enfants y ont une expérience de l'étranger mais en général y vont dans un lycée français ou une école française enfin tu vois ce que je veux dire, t'as un cadre de vie assez protégé. Tu vas vivre là-bas en tant que personne qui s'intègre là-bas c'est différent déjà, et comme moi j'avais déjà cette perspective là, j'avais déjà cette idée là dans ma tête,

j'y suis pas juste allée en disant « voilà chouette un petit voyage allons au Brésil » en fait tu vois donc d'ailleurs j'ai jamais fait ça avec mes voyages mais ça m'a quand même fait voir que c'est un choix énorme quoi, c'est pas un choix que tu fais juste voilà parce que t'es amoureux de quelqu'un et que tu vas le suivre tu vois, pour moi enfin tu peux le faire ça à la limite mais pour moi c'est inconscient.

Tibo

Ouais. T'as le droit de pas répondre à cette question mais comme t'y as fait référence plusieurs fois est-ce que le fait d'avoir ton copain au Brésil dans ton expérience c'est quelque chose qui a compté ou qui a influencé, qui a eu un sens? T'es pas obligée de répondre parce que c'est un autre domaine.

P

Euh si ça a influencé mon expérience au Brésil?

Tibo

Voilà est-ce que la façon dont t'as appréhendé les choses, ton état d'esprit peut-être, dont t'as ressenti, je sais pas?

P

Bin alors du coup oui je pense c'est obligé que ça a joué un rôle hein après tu vois pour moi j'étais pas du tout dans la même région de lui et c'était ce que je voulais en fait, parce que ce qui comptait pour moi comme je t'ai dit c'était avoir mon expérience du Brésil donc je me disais aussi bin voilà je veux pas me retrouver comment dire, je veux pas voir le Brésil à travers ses yeux je veux me faire ma propre idée donc c'était un truc bien pour moi mais en même temps je m'étais peut-être pas rendue compte que c'était vraiment loin en fait. Au brésil t'as pas forcément des moyens de transport faciles et ça coûte cher l'avion donc du coup c'est vrai que je me reposais peut-être beaucoup sur lui par moments, en même temps y pouvait pas m'aider concrètement parce que il était loin donc y a peut-être eu une frustration à ce niveau là mais en même temps c'était réel enfin c'est ça la réalité du pays donc en même temps ça m'a fait découvrir le Brésil tel qu'il est vraiment tu vois et j'ai pu aussi découvrir un Brésil différent de ce dont lui il parle, de ce que lui il vit aussi parce que c'est pas la même région j'ai pu vraiment avoir mon expérience du Brésil quoi et c'est vraiment ce que je voulais. Ouais euh après oui bin forcément ça a influencé sur ma vision du Brésil de toute façon, bon c'est vrai que lui y m'en parlait déjà beaucoup avant, si je rencontrais quelque chose qui me faisait penser à lui ou tu vois enfin je faisais toujours des rapprochements mais ouais non. Après du

coup - tu vas connaître toute ma vie (rire) mais on est plus ensemble en fait là donc en ce moment je me pose plus forcément ces questions là que j'avais posé avant. Après pour autant c'est vraiment un pays qui m'a énormément plu et je voudrais vraiment y retourner quoi même y habiter voire tu vois.

Tibo

Du coup justement en parlant de ça, quand je t'ai demandé ce que tu placerais en tête entre ta vie au Brésil et ta vie à Lyon 2 t'as répondu Lyon 2. Est-ce que tu peux développer un petit peu dans tout ce contexte là?

P

Attends répète la question?

Tibo

Dans le questionnaire que je t'ai donné, que placeriez-vous en tête : votre vie au Brésil ou à Lyon 2, en France donc...

P

Ah oui!

Tibo

On sent que t'as ces deux trucs qui te tiraillent un petit peu et t'as du mal à, enfin c'est normal hein, à vraiment choisir parce qu'il y a une lucidité d'un côté, un attrait de l'autre...

P

Ouais bin le truc c'est que ma vie ici comme je t'ai dit elle est plus facile quoi clairement tu vois je sais qu'ici les choses sont plus faciles donc d'un côté je préfère ma vie ici pour ça bin aussi parce que j'ai ma famille et mes amis en France, pas forcément à Lyon mais en France, après euh comment dire ouais c'est vrai que j'ai un attrait pour là-bas ouais et je pense même indépendamment de mon copain du coup et c'est toute la question de l'engagement à laquelle tu touches là, parce que comme je t'ai dit tout à l'heure enfin c'est une chose d'aller y vivre quelques années en électron libre et d'y aller et t'insérer dans la société quoi vraiment genre en intégrant une famille là-bas en fait concrètement donc je pense c'est ça quelque part bin ça fait peur quoi concrètement de se dire voilà tu vas à je sais pas combien de kilomètres de ton pays, de ta famille, voilà mes parents y peuvent

pas forcément voyager non plus tu vois donc, donc de se dire « tu vas te couper quoi » tu vois, y a cette notion de se dire « si la personne ne compte pas venir vivre ici un peu » donc c'est toi ok super mais enfin je dis pas non tu vois parce que bin c'est un pays que j'ai beaucoup apprécié, en même temps ouais je trouve ça inconscient quoi de te dire « voilà je pars pour la vie » tu vois et c'est tellement, c'est tellement, tu te déracines encore plus tu vois, déjà moi je me sens un peu déracinée à la base enfin j'ai du trouver mes racines moi-même tu vois, maintenant que je les ai tu vois j'ai pas envie de me dire « ok je lâche tout » tu vois c'est ouais c'est un saut dans le vide quoi c'est un saut dans le vide et c'est faisable et concrètement c'est faisable mais complètement irréalisable concrètement c'est pas difficile tu prends un avion et tu vas là-bas tu vois ce que je veux dire après voilà est-ce que émotionnelement, affectivement, justement tu auras assez de soutien enfin tu vois c'est toutes ces questions là aussi de penser un peu à ta sauvegarde à toi je pense c'est des pensées de préservation en fait et tu vois moi je me dis j'ai beaucoup aimé sa famille [à mon copain] tu vois je me suis très bien sentie là-bas c'est pas le souci c'est juste de me dire « ok ça c'est son monde à lui » tu vois c'est pas mon monde donc ça peut devenir mon monde à moi mais j'ai besoin de retrouver quelque chose d'avant aussi tu vois et c'est pour ça moi par exemple si je vais vivre là-bas à long terme j'aurais besoin d'avoir des amis tu vois en-dehors de mon travail d'avoir des personnes comme ici qui ne sont pas liées à mon travail des personnes notamment avec qui je peux avoir des discussions tu vois je sais pas moi sur des sujets qui m'intéressent, des personnes avec qui j'ai des affinités quoi pas juste des personnes qui sont là parce qu'elles sont là parce que la famille y a un peu cette notion tu vois de pas chercher les personnes tu vois enfin y ont la famille donc y s'autosuffisent entre eux et dans ta famille c'est pas des gens que t'as choisi donc c'est pas forcément des gens comme nous qu'on a rencontré bon voilà on va se voir des amis en fonction de nos affinités, un peu trop des fois c'est vrai que des fois on est intolérant et on déprécie la famille à ce point là mais euh au travail c'est pareil, au travail c'est pas des gens que tu choisis et moi voilà je pense que si j'étais là-bas j'aurais besoin de ça, j'aurais besoin de me dire « ok j'ai des personnes avec qui je suis parce que j'ai envie d'être avec elles » tu vois pas parce que c'est ma famille ou que c'est mes collègues et aussi j'aurais besoin de connaître des expats et donc ça je pense que c'est ce qui m'a fait ressentir ça quand j'étais dans le sud je me suis rendue compte à quel point, quoi que tu puisses dire, au bout d'un moment t'as besoin de t'identifier à quelque chose du passé quoi, à quelque chose qui fait que t'es toi en fait et pour moi ça a été hyper important et c'était pareil en Italie d'ailleurs j'avais besoin des fois de parler français avec des gens qui parlaient français j'en connaissais pas beaucoup en Italie et au Brésil j'en connaissais plus du coup et c'est ce qui est très marrant là non plus c'est pas des personnes que j'ai choisi tu vois c'est des personnes qui se sont trouvées là comme moi et avec lesquelles j'avais pas forcément d'affinités en fait mais on était dans la même circonstance et là tu

t'aides donc c'est un peu ce cercle aussi comme la famille, comme le travail, mais ouais je sais pas si c'est parce qu'on est beaucoup plus individualiste qu'eux mais pour moi y a toujours cette notion de pouvoir choisir quoi, tes fréquentations, ce que tu fais, pas subir les choses, et dans la façon dont est construite cette société y a encore beaucoup ce, tu sens encore un peu beaucoup de subir tu vois, de là, de là enfin y ont une mentalité de fou quoi y ont une joie de vivre, y sont toujours contents, toujours optimistes, enfin tu apprends énormément aussi de ça de leur façon de vivre tu vois, c'est vrai que nous ici à côté on est hyper blasé on est toujours en train de se plaindre enfin c'est clair hein alors qu'on a, qu'on a tout, mais y ont quand même une façon de subir les choses tu vois avec joie, avec joie c'est pas un souci mais y a quand même des choses qui me rebellaient en fait là-bas j'avais envie de dire aux gens des fois « mais comment vous supportez ça, comment c'est possible que vous viviez comme ça » tu vois et ouais...

Tibo

D'accord. Et je ne t'ai pas encore demandé mais est-ce que toutes tes expériences comme l'Italie par exemple, tout ton passé de voyages, d'expériences à l'étranger donc, ça t'as servi pour te préparer au niveau mental je sais pas, tes analyses, as-tu pu réinvestir des choses ou est-ce que tu t'es sentie peut-être à l'aise grâce à ça je sais pas?

P

Ouais ah ouais ça m'a forcément aidé parce que c'était mon premier gros, enfin j'ai vécu un an làbas [en Italie] c'était mon premier séjour à l'étranger de longue durée quoi en tant qu'étudiante et ouais j'ai vécu là-bas des trucs que j'avais jamais vécu avant tu vois notamment dans la coloc, la coloc avec des personnes de différentes cultures enfin ouais j'ai vécu des choses là-bas que j'avais pas connu ici donc déjà là-bas ça m'a augmenté ma flexibilité (rire) et je pense que ouais c'était nécessaire d'avoir ça même avant d'y aller quoi je pense que d'aller d'office au Brésil ça aurait peutêtre été intense ouais parce que comme je t'ai dit maintenant je fais vraiment une séparation entre l'Europe et le reste enfin avant je voyais pas vraiment l'Europe comme un tout tu vois j'avais du mal à voir ça comme une entité et maintenant en fait je le vois vraiment comme ça parce que je pense que y a quand même quoi qu'on dise - ça dépend de quel pays peut-être mais, y a quand même une certaine similarité tu vois une certaine bon en plus on est proche géographiquement avec ces pays là et je pense que quand tu quittes cette zone, c'est un peu ta zone du monde tu vois, quand tu quittes cette zone t'es dans un autre schéma, dans un autre ouais t'es dans totalement autre chose tu vois ta zone de référence elle est plus là donc y faut le prendre en considération et je pense que souvent les personnes voyagent un peu trop à la légère en fait tu vois genre recherche d'exotisme en fait tu vois.

Je vois bien. Et qu'est-ce que tu dirais que ça t'as apporté cette expérience au Brésil, est-ce que tu te sens différente aujourd'hui? C'est dur de mettre des mots dessus surtout à chaud parce que c'est assez récent mais disons dans quel domaine tu penserais que t'as évolué voilà je sais pas, si t'arrives, c'est pas facile.

P

Euh ouais bin je sais que j'ai changé, ça au moins c'est sûr, après en quoi pour moi je le lie pas forcément à l'expérience du Brésil en tout, je le délimite pas à mon séjour, je le délimite plus à ma relation en fait avec mon copain, plus à l'expérience de l'interculturel comme ça de mes relations multiculturelles multiples. Mais euh ouais c'est plus ça et puis bon les rencontres en fait ouais si c'est quelque chose qui m'a changé ce serait les rencontres sur place, les personnes que j'ai rencontré, ma coloc, les filles avec qui je vivais tu vois enfin j'ai pas mal discuté avec elles des fois c'était un peu le clash enfin ouais on a été au clash des fois et bon....

Tibo

Sur des choses, des façons de voir les choses ou sur le quotidien?

P

Non sur des trucs de la maison parce que bon c'était pas très clair des fois ce qu'elle attendait de moi mais ouais et puis enfin ouais c'était juste ouais des fois des façons de voir la vie aussi hein des fois elle m'a bien cassé certaines visions que j'avais certaines choses tu vois enfin ouais bin ça revient un peu à ce que je disais avant tu vois cette vision de nous ici c'est vrai qu'on a jamais manqué de rien donc on voit les choses différemment on voit pas notre confort matériel comme quelque chose d'hyper important d'office on va être assez tu vois genre « ouais je vais aller faire de l'humanitaire, je vais aller aider les gens pauvres » tu vois des trucs du genre et elle me disait « bin oui mais méprise pas les gens qui veulent leur confort parce que quelque part si tu aides ces gens là c'est aussi pour qu'ils aient un confort quelque part, si tu les aides c'est pour ça, pas pour qu'ils aillent moins bien donc ne va pas mépriser des gens qui se contentent d'être dans leur confort » tu vois parce que quelque part c'est ce à quoi on aspire tous enfin c'est pas notre but dans la vie tu vois mais c'est normal de vouloir ça quoi en fait et puis c'est hypocrite en fait de nier ça tu vois et c'est juste qu'elle avait une façon de parler assez cash tu vois je pense qu'elle m'a un peu ouvert les yeux sur certains trucs tu vois, que je pensais en fait avant en tant qu'Européenne et confrontée là-bas bin ouais voilà tu réfléchis quoi.

Et tu penses que ça va influencer ta vie à venir ou disons comment tu vas vivre à présent?

P

Ouais bin ouais je pense ouais.

Tibo

D'accord. Alors finalement ouais bin voilà on a quasiment fini et puis ça va être l'heure hein...

P

Il est quelle heure en fait?

Tibo

Il est moins vingt.

P D'accord.

Tibo

Oui ça a duré un peu plus longtemps que prévu (rire)

P

Non mais c'est bon (rire) en fait j'ai juste un rendez-vous avec C à cinq heures et demi mais c'est bon y a le temps là c'est juste à côté.

Tibo

Ok. Et pour finir si c'était à refaire est-ce que tu changerais quelque chose, est-ce que t'es contente de la façon dont les choses se sont passées?

P

Alors si je devais refaire quelque chose je clarifierais mon séjour chez cette fille genre je mettrais les choses plus au clair tu vois genre voilà parce que du coup elle m'a pas fait payer de loyer alors que je dormais là quoi je dormais dans le salon mais en même temps elle m'a donné un statut d'invité mais c'était très ambigu du coup pour moi parce que je savais pas trop ce qu'elle attendait de

moi tu vois bon j'ai acheté ma bouffe j'ai acheté et bon moi j'avais cette notion tu vois de bon bin j'ai toujours envie de dire « bon on mange ensemble? » tu vois c'était pas pour qu'elle fasse les choses à ma place c'était que j'avais envie de partager avec elle parce qu'aussi mon vécu de la coloc en Italie c'était comme ça tu vois (sonnerie de téléphone) - pardon (C au téléphone, il est l'heure).

Tibo

On va abréger t'en fais pas, désolé.

P

Mais y a pas de soucis c'est pas grave. Attends juste c'est quoi que tu me demandais déjà? Ah ouais je clarifierais mon statut ouais pour que ce soit moins ambigu et euh bin ouais un autre truc je pense que par rapport au stage non après c'est juste par rapport à mon copain tu vois je mettrais peut-être moins la pression tu vois puisque du coup c'est vrai j'ai peut-être mis un peu de pression quoi par rapport au contexte tout ça je pense que j'étais moi-même en situation d'acculturation (rire) mais ouais non c'est tout sinon non j'ai pas de regrets.

Tibo

C'est super. T'as gardé des contacts un peu avec des gens de là-bas?

P

Ouais avec quelques personnes ouais.

Tibo

Des Brésiliens ou des expatriés?

P

Brésiliens surtout brésiliens.

Tibo

Et tu penses que ça va être à peu près durable?

P

Ouais ouais.

C'est une bonne chose alors. Et dernier élément, est-ce qu'il y a des éléments de la culture brésilienne que toi t'aimerais incorporer pas dans ta culture mais oui ta façon d'être, des éléments que t'aimerais transposer?

P

Ouais je pense bin justement la façon de vivre les choses de voir les choses tu vois cet optimisme qu'on a pas mais après c'est lié au contexte aussi donc je pense que ça va être dur de l'avoir à tout prix, enfin tu vois je pense la vision des choses elle est liée aussi tu vois à là où tu vis mais en même temps voilà l'ayant vécu je pense que je peux essayer de garder ça aussi.

Tibo

D'accord. Bin écoute merci beaucoup j'ai trouvé ça très intéressant d'avoir pu discuter avec toi ///

Entretien avec C (50 minutes)

Tibo

Pour commencer, je voudrais savoir comment tu en es arrivée à partir au Brésil, pourquoi le Brésil, comment tout ça est arrivé quoi, comment ça s'est goupillé en fait?

C

Bon en fait c'était une drôle de coïncidence parce que justement j'avais fini mon Master l'année dernière donc j'ai validé un Master bac +5 et je savais pas trop quoi faire, j'avais deux ans d'avance, alors je me suis dit « soit je pars au Brésil mais je parle pas portugais, ce qui me stresse, soit je reprends un Master de psycho » parce qu'en plus mon autre diplôme n'était pas très valorisé en France donc je me suis dit en faisant psycho ce serait plus simple, enfin je suis partie sur cette branche et puis je suis arrivée j'ai rencontré ma directrice de recherche de cette année qui était brésilienne et qui a dit comme ça en classe « ah bin ceux qui sont intéressés pour faire un stage au Brésil, s'ils ont un projet cohérent, moi je peux les envoyer et tout machin » donc je suis allée la voir en fin de cours, elle m'a proposé, euh on a beaucoup parlé, en plus je viens de la Réunion donc c'est vrai que le Brésil, la Réunion c'est des sociétés un peu, un peu soeurs qui au niveau du métissage, au niveau de l'histoire aussi, et puis et voilà donc je lui ai dit que c'était marrant parce justement cette année là je voulais aller au Brésil et puis donc elle m'a proposé, de fil en aiguille ça s'est fait très vite en fait, et puis donc justement c'est une bonne coïncidence parce que bon c'était soit psycho soit Brésil et finalement c'est psycho et Brésil donc c'était exactement ce que je voulais.

Tibo

Et quand est-ce que tu as pris la décision pour de bon de dire « c'est bon j'y vais »?

C

En fait pour moi ça m'a paru tellement simple et tellement une évidence c'est que quand je lui ai parlé je me suis dit, j'avais pas l'impression que c'était concret, et puis quand la semaine d'après elle m'a dit « bon c'est bon j'ai vu, est-ce que ça te dit? » je me suis dit c'est vraiment concret quoi j'y vais vraiment et puis j'ai réalisé à ce moment là mais sur le coup je me suis dit « c'est pas possible, c'est une drôle de coïncidence » je m'étais pas vraiment projetée et puis finalement quand elle a commencé à me donner des projets concrets là je me suis dit « mais ça y est quoi, on y va » et puis ouais, enfin ouais je me suis pas trop freinée en fait j'avais un peu d'économies de côté et puis c'est exactement ce que je voulais faire je suis mon chemin en fait c'était, je savais pas trop quoi choisir

et puis finalement c'est comme si ma route me mettait sur le Brésil quoi alors je me suis dit « allez on y va c'est parti quoi ».

Tibo

Super. Justement, à propos de tes expériences à l'étranger, tu as déjà voyagé au Canada, à la Réunion pendant deux ans et demi, au Burkina Faso, etc., est-ce que t'as le sentiment que ces expériences à l'étranger antérieures, est-ce que ça t'as servi?

C

Ah ouais vraiment, vraiment parce que je pense que, de plus parce que je suis partie avec une fille qui n'avait aucune expérience de voyage, et justement c'est ce voyage là où je me suis dit « ouais finalement ça y est, j'ai des bagages quoi, j'ai voyagé », c'est mon truc de toute manière, moi tout mon cursus, toute ma vie c'est ça, voyager c'est ma passion, c'est ce qui me fait vivre aussi parce que quand je voyage je me sens bien et je pense que ouais c'est clair que mes expériences antérieures m'ont beaucoup aidé, surtout au Canada parce que c'est vrai que le Burkina Faso, la Réunion, c'est des endroits où on parle plus ou moins français donc euh, puis j'ai une facilité pour les langues donc c'est venu tout seul ça le créole, tout ça quoi, donc c'est vrai que le Canada c'était immersion anglophone et là le Brésil c'était immersion lusophone donc c'est vrai que je mets un peu en parallèle ces deux expériences là et c'est vrai que ouais concrètement mes expériences d'avant m'ont beaucoup servi.

Tibo

D'accord. D'ailleurs t'as fait des progrès assez fantastiques en portugais non?

C

Ouais, ouais ouais, c'était impressionnant, je sais pas qu'est-ce qui s'est passé dans ma tête mais en plus j'étais hyper stressée avant de partir parce que j'avais pris des cours et je m'en sortais pas du tout et puis c'est venu naturellement, je sais pas comment ça se fait, j'avais l'impression que j'avais le portugais en moi quoi (rire), c'est venu tout simplement ouais.

Tibo

Super. Est-ce que tu peux me parler un petit peu donc de ton cadre, dans quelle ville t'étais, quelle région du Brésil?

C

En fait du coup nous on est parti dans le nord du Brésil, à Recife, dans le Nordeste, et puis, ouais, et puis en fait du coup Mme X, notre tutrice, nous avait proposé deux régions, donc c'était Rio Grande do Sul, ou Nordeste, avec Recife, et c'est vrai que moi j'étais particulièrement attirée par le nord parce que mon étude, d'une part je faisais un stage et d'autre part ma recherche sur place était sur l'africanité donc c'est vrai que dans le nord c'est beaucoup plus présent, beaucoup plus affirmé qu'à Rio Grande do Sul où c'est beaucoup plus européen, donc c'est vrai que moi ça me faisait particulièrement écho, et puis donc voilà, on est parti pour faire un stage et une étude enfin finalement ça s'est révélé être deux stages parce qu'on était deux du coup à partir et la deuxième a pas compris qu'on devait se partager les stages donc elle m'a fait passer le message comme quoi il fallait qu'on fasse les deux et puis finalement les gens sur place se sont ajustés à nous, enfin c'était tout une dynamique qui a fait que finalement on a fait deux stages au lieu d'un, et aussi que du coup on avait notre recherche à faire en plus donc le séjour a été complètement surréel, on s'est dépêché et euh moi je suis hyper heureuse de ce que j'ai vécu, ça faisait longtemps que j'avais pas eu ce sentiment d'être au bon endroit au bon moment et ouais et puis j'ai eu une espèce de fusion avec le peuple brésilien je sais pas, j'avais une attirance très forte pour le Brésil depuis très longtemps, depuis vraiment petite, mon père écoutait beaucoup de musique brésilienne et puis enfin cette langue elle était vraiment dans ma tête et enfin voilà on est parti, je me suis un peu perdue du coup.

Tibo

Et du coup c'est intéressant parce que cet attrait pour le Brésil c'est pas de cette année, ça remonte à avant le fait que tu voulais y aller...

C

Ah oui complètement, parce que moi ma passion c'est tout ce qu'est africain, je sais pas pourquoi, depuis vraiment longtemps, et un retour à je sais pas quoi, et complètement contradictoire avec mes origines parce que je suis d'origine russe, anglaise, enfin je sais pas, mais en tout cas j'ai une attirance très forte pour l'Afrique et puis toutes ces sociétés métissées c'est vraiment ma passion, enfin de toute manière mon cursus professionnel, universitaire, c'est l'interculturel donc c'est vrai que c'est des choses qui me renvoient à des choses très profondes et le Brésil, c'est vrai que mon père m'a beaucoup ouvert à la musique brésilienne j'adore les percus, j'en fais beaucoup donc c'est vrai que, que le Brésil c'est un peu un endroit privilégié pour ça et donc oui ouais le Brésil ça a été présent depuis très très longtemps et je peux pas trop expliquer pourquoi, je sais que quand j'étais ado pendant deux-trois ans j'ai du faire une fixette sur le Brésil mais énorme (rire), puis ça m'est

passé, il y a eu la Martinique, la Réunion, et beaucoup de choses qui sont passées, et bizarrement, quand j'ai fini mon cursus à la Réunion, ça m'a renforcé ce désir d'aller voir cette terre où il y a du métissage aussi où l'Afrique elle est là mais d'une autre manière et puis voilà, je suis arrivée à la fin de mon diplôme, je sais que la Réunion c'est ma terre hein, c'est là ou je veux finir et là où je veux revenir, mais j'ai encore envie de profiter de cette soif de découvrir, de toutes ces opportunités d'être libre pour voyager encore et du coup c'était ça c'était bon ok je finis mes études je vais au Brésil ou je continue mes études puis finalement les études ont pris le dessus, la raison a pris le dessus mais le Brésil était dans le fond quoi, il était en arrière plan c'est sûr.

Tibo

Et donc c'est pour ça que quand je t'avais demandé quel sens avait ce voyage au Brésil t'as marqué que pour toi ce voyage c'était des « retrouvailles »?

C

Ouais retrouvailles parce que j'ai vécu des choses très difficiles cette année à Lyon déjà parce que c'était le retour en métropole et que j'appréhendais beaucoup, ça faisait déjà près de trois ans que j'étais à la Réunion et que déjà j'avais ce sentiment de retrouvailles à la Réunion, d'avoir trouvé la terre où je devais être, d'être retournée à quelque chose de très profond et ouais c'est vrai que quand je suis revenue ici ça a été tout une démarche de me réapproprier la métropole qui pourtant est mon lieu d'origine et puis j'ai eu des histoires très difficiles cette année et c'est vrai que le Brésil arrivait à point nommé dans ma vie parce que j'étais pas bien du tout et quand je suis revenue je me suis retrouvée quoi, j'ai rencontré les bonnes personnes au bon moment j'avais l'impression d'avoir retrouvé des gens que je connaissais depuis toujours je me suis retrouvée aussi spirituellement, ça fait des années que je lâchais cette partie là de ma vie que je savais pas trop où j'en étais, j'ai fait des rencontres magnifiques là-bas, ma recherche aussi c'était sur le Candomblé donc j'ai été très amenée à rencontrer des gens qui étaient...tu connais le Candomblé?

Tibo

Non, j'allais te demander après par rapport à tes stages et recherches, j'aurais bien aimé savoir ce que tu faisais précisément.

C

Ouais bin le Candomblé c'était ma recherche en fait, c'est la religion afro-brésilienne, donc c'est
tous les rites des afros descendants et tout ça et c'est très intéressant c'est une philosophie de la vie

qui m'a vraiment touché et j'ai développé ma spiritualité vraiment à fond là-bas et, et retrouvailles aussi parce que j'ai l'impression que j'ai vu tellement de choses à faire au Brésil, j'ai l'impression que c'était une petite part de chez moi quoi, et aussi justement c'est ce que je te disais plein de choses qui sont pareilles avec la Réunion, y a la végétation, la nourriture, une certaine manière de vivre, une manière de voir la vie aussi, et c'est vrai que ça m'a, ouais un petit retour chez moi après la nostalgie ça faisait depuis six mois que j'étais partie de la Réunion ça faisait un bien fou quoi pour plein de trucs quoi.

Tibo

On le sent parce que quand je parle avec toi, quand je lis le questionnaire, on dirait que tout de suite t'étais très à l'aise au Brésil, que tu te sentais vraiment bien à tous les niveaux, voilà c'est peut-être ce qui explique, le cadre, etc.?

C

Bin je pense aussi peut-être que aussi mon choc culturel en fait c'était pas du tout à l'étranger, mon choc culturel il est là parce que je reviens et c'est vraiment une problématique très forte de vie c'est que c'est très personnel c'est que euh toute ma vie, quand je reviens, c'est là que j'ai mon choc culturel c'est là que je me dis « ma culture elle m'appartient pas » et je me sens mieux chez les autres que chez moi et c'est hyper fort en fait parce que à chaque fois que j'arrive dans un pays j'ai pas ce moment où je me dis « ouh qu'est-ce que je fais là et tout » à chaque fois je suis là « qu'est-ce que c'est trop bien ce truc là, qu'est-ce que je suis chez moi » et j'arrive tout de suite à tisser des liens avec les gens, après mes destinations je les prends pas au hasard hein, c'est vrai bin c'est vrai que j'ai toujours l'impression d'être à l'endroit où je dois être quand je voyage et de pas l'être quand je reviens et c'est vrai que, sauf pour le Canada qui a été une grosse surprise parce qu'en fait j'avais postulé pour des échanges en Espagne enfin tout dans le sud moi c'est toujours dans le sud, et en fait j'ai pas du tout été prise et c'est une de mes amies qui m'a laissé son voyage pour en faire un autre, et du coup le Canada j'avais pas pensé en fait, j'avais pas élaboré et finalement je me suis retrouvée pareil, là vraiment pour le coup ça a été l'endroit où je devais être au bon moment j'ai rencontré des personnes avec qui je suis encore en contact après cinq ans et puis ça a été la révélation de mon voyage aussi parce que quand je suis partie là-bas en fait je suis partie avec une amie, et elle m'a lâché sur place en fait donc j'ai commencé à voyager toute seule j'avais pas le choix et à partir de ce moment là j'ai, parce que quand je voyage je voyage toute seule et je pense que c'est important de le préciser parce que c'est pas du tout la même démarche parce que quand tu voyages toute seule t'es face à toi même tu te poses beaucoup de questions sur ton identité, tu remets beaucoup les choses en

question, ton cadre culturel aussi, et c'est vrai que suite à cette étape là du Canada où je me suis retrouvée toute seule j'ai eu, maintenant c'est comme une drogue quoi, il faut que je voyage toute seule, j'ai besoin de me retrouver toute seule dans un cadre autre que mon cadre de naissance quoi et puis c'est comme ça que je me construis honnêtement hein, moi mon identité elle est construite comme ça.

Tibo

Est-ce que justement là c'était un peu différent parce que t'étais avec quelqu'un? Tu l'as senti? Ça t'as, peut-être pas gênée, enfin je sais pas si c'est le bon mot, mais....

C

Si, ça m'a gêné parce qu'en plus cette fille honnêtement enfin, allez je le dis elle l'écoutera jamais, mais ça s'est vraiment pas bien passé elle avait vraiment un complexe d'identité puis justement c'est ce que je te disais elle avait de grosses choses à régler en voyageant et moi ça m'a bousillé mon énergie quoi parce que j'y allais déjà j'étais pas bien avec moi-même et quand j'y suis allée j'avais pas la force de m'occuper de quelqu'un d'autre qui avait son propre choc culturel et elle m'a gaspillé mon énergie puis elle son voyage s'est très mal passé et j'avais tellement peur d'être assimilée à elle parce que elle renvoyait des choses très négatives aux gens et c'est vrai que ça m'a bousillé mon énergie mais je regrette pas parce que ça faisait partie de la dynamique du voyage aussi certaines choses que je devais traiter avec moi-même aussi pourquoi pas partager des choses et pas faire tout le temps des voyages toute seule et ouais j'ai des choses à partager, mais le problème c'est que cette fille elle était complètement dans une dynamique de d'arraché, elle était arrachée à sa terre hein, elle le vivait super mal et elle voulait pas en parler et elle partageait rien et moi le truc c'est que j'avais le sentiment d'être responsable d'elle et d'autant plus parce que je savais qu'elle avait jamais voyagé et qu'elle voulait pas en parler, elle faisait plein de bourdes qui me faisaient sentir qu'elle était pas du tout débrouillarde et que c'était la première fois qu'elle partait, et elle voulait pas partager ça au lieu de dire « tu peux m'aider? » enfin non elle était pas du tout dans une demande et du coup moi ça me rendait responsable d'elle.

Tibo

Je comprends tout à fait. On va parler d'images. Est-ce que au Brésil t'as été, pas la victime mais oui, de préjugés, de stéréotypes, positifs ou négatifs hein. Est-ce que t'avais une image en tant qu'Européenne ou que Française peut-être, et est-ce que tu l'as senti par rapport aux gens, aux Brésiliens quand vous discutiez, en bien ou en mal?

C

Ouais bin justement, ça a un lien avec elle parce que moi j'assume pas du tout mon côté français j'ai vraiment un rejet de mon identité je sais pas pourquoi, c'est pas que j'ai honte d'être française c'est que je me sens profondément pas française et en fait du coup quand je voyage je suis assimilée à la France et qu'en fait je le porte pas et c'est hyper lourd pour moi, et le truc c'est que d'autant plus que Véronique, cette fille avec qui je voyageais, elle avait euh, elle renvoyait ce que je déteste en France en fait elle s'ouvrait pas du tout, elle trouvait que tout ce que les gens faisaient était bizarre et pour moi c'est ça, enfin la France c'est une vieille dame qui a peur de l'Autre en fait et c'est vraiment ce qu'elle me renvoyait et du coup dans cet environnement qui en plus est hyper chaleureux où les gens ouvrent leur porte complètement, ouvrent leurs bras, moi je me sentais mal, je me sentais mal d'être assimilée à elle en fait elle représentait pour moi tout ce que j'aime pas en France et c'est vrai que ça c'est assez difficile pour moi quand je voyage c'est que je supporte pas d'être assimilée à une Française alors que c'est ce que je renvoie en fait et je sais pas je pense que j'ai vraiment un travail à faire sur ça pour ma propre identité culturelle puis et puis aussi ça c'est un truc que je porte énormément et surtout parce que je voyage dans les pays du sud où le peuple est plus métissé c'est que quand je suis blonde c'est H24 quoi c'est tout le temps « ah la blonde nanana » et puis je représente ça quoi la fille blonde un peu exotique c'est vrai que particulièrement à la Réunion et en Afrique moi ça me pesait et au Brésil j'ai fini par le ressentir et ça c'est quelque chose que je supporte pas. Tu vois, comment les hommes t'abordent et puis ouais tu représentes quelque chose quand même en temps que la blonde quoi surtout dans les pays du sud où y en a pas tant que ça, bon après c'est vrai que le Brésil c'est différent parce que y a beaucoup de blondes, enfin y a pas beaucoup de blondes mais c'est vrai qu'on représente quelque chose en tant que femme blonde, et surtout quand je voyage c'est vrai que ça c'est un truc tout bête que j'aime bien raconter mais j'avais rencontré une fille au Canada qui voyageait tout seule et qui me disait « mais moi j'ai jamais d'histoires avec des hommes et tout et qui essayent d'aller plus loin et tout » mais moi je disais « mais moi tout le temps » mais cette fille elle était hyper grande, très brune avec des cheveux super longs et je pense que y a un type de fille que les hommes aiment plus attaquer quoi et c'est vrai que ouais, et puis je suis petite et puis enfin bon bref y a plein de trucs qui font que c'est vrai que physiquement j'attire pas forcément les hommes bien intentionnés et au Brésil je l'ai ressenti aussi mais c'était pas comme à la Réunion parce qu'à la Réunion c'est une attaque constante quoi, c'est « hé la blonde nanana » là au Brésil c'était plus subtil mais c'était présent et ça ça me fatigue, vraiment, j'ai même pensé une fois à me teindre les cheveux mais j'ai pas eu envie d'enlever ma couleur naturelle parce que pour une question de stéréotypes ça m'énerve mais c'est vrai que c'était présent au Brésil, je peux pas dire que ça y était pas.

D'accord. Est-ce que maintenant tu pourrais me parler un petit peu de tes lieux de stages, de tes relations avec tes collègues, avec tes « patients » ou « élèves » je ne sais pas comment les qualifier et puis voilà, qu'est-ce que tu faisais là-bas?

C

Bin y avait deux choses très différentes en fait, on était dans deux structures donc y en avait une qui était psychanalytique et qui s'occupait des enfants autistes, donc là on était vraiment dans une démarche clinique très psychanalytique et c'est vrai que pour moi c'était un petit peu difficile parce que je suis pas du tout psychanalyste, mais alors vraiment pas et euh ça s'empire au fil des ans et euh je comprenais absolument pas leur démarche alors après je me suis sentie hyper bien intégrée parce que c'était une équipe très soudée ils étaient dix-huit psys et hyper avenants, c'était des gens avec qui je me suis sentie tout de suite en confiance, avec l'équipe y avait pas de problème mais le problème c'était vraiment personnel c'est que j'accrochais pas avec leur manière de travailler, avec leur manière de voir le patient, et c'est vrai que ça a été un problème parce que euh je comprenais pas leur méthode et je me suis pas inscrite du coup dans le lieu de stage comme j'aurais pu le faire et puis surtout parce qu'on avait pas assez de temps parce que par exemple on participait on partageait les groupes thérapeutiques avec les psys et y nous demandaient d'aller consulter avant, de voir les enfants leur dossier et tout on avait juste pas le temps quoi donc c'est vrai que je me suis pas investie comme j'aurais pu et puis bon c'est vrai que ça m'a encore renvoyé à ma problématique de je suis pas psychanalyste en France ou ailleurs c'est vrai que c'est pas évident d'être psychologue et de rejeter la psychanalyse, et l'autre [stage] par contre je me suis complètement retrouvée heu un centre de psychologie transpersonnelle mais surtout sociale dans les favelas dans une favela de Recife le Coque et puis en fait là c'était une association donc c'était que des bénévoles et puis donc nous on participait à des groupes enfin c'est pas des groupes thérapeutiques du coup c'est des groupes holistiques qui visaient au développement personnel et identitaire des enfants donc par petites tranches d'âge donc là c'est vrai qu'on avait pas trop une place de psy hein moi je dirais plus comme une place d'éducateur puis vraiment une place de bénévole et puis là c'est pareil on a été accueilli à bras ouverts dans les équipes et je me suis sentie faire partie de cette assoc aussi. L'autre [stage] dans une moindre mesure puisque j'étais pas, je me sentais pas investie du fait juste du cadre méthodologique en fait mais de l'autre complètement, c'était vraiment c'était une révélation hein c'était comme ça que je voulais travailler et ça a fonctionné alors que dans l'autre stage j'avais l'impression que je servais à rien autant dans l'autre j'avais l'impression qu'il y avait des choses très fortes qui se créaient avec les enfants et quand je suis arrivée dans cette structure d'ailleurs j'ai eu un

sentiment de déjà vu comme si j'avais déjà été là dans ma vie c'était obligé où je devais être là dans ma vie je sais pas et en tout cas je me suis vraiment trouvée et autant ce que j'ai fait je pense a servi autant tout ce que les gens m'ont renvoyé m'a énormément servi.

Tibo

Effectivement parce ça te donnait un rapport privilégié avec la culture brésilienne d'un côté avec les enfants, de l'autre côté avec la représentation du handicap, enfin culturellement tu as du vraiment apprendre beaucoup je suppose avec ces contacts?

C

Ouais ouais surtout dans la favela. Autant avec les enfants autistes c'était une structure privée très très chère donc donc le public était plus ou moins enfin bien occidental et bien enfin je sais pas si tu connais le Brésil mais avec les écarts de vie énormes donc ceux qui ont beaucoup d'argent évidemment ils ne vivent pas comme les occidentaux puisque la culture est pas la même mais c'est vrai que la société de consommation est très présente mais autant dans la favela là c'était la rencontre avec la société brésilienne pour moi parce que c'est vrai c'est dans ces sociétés là où dans ces peuples là qui ont beaucoup souffert que je pense s'inscrivent plus toutes les racines brésiliennes, tout ce qu'ils ont gardé de l'esclavage aussi je pense c'est clair que et puis aussi c'était là où il y avait mon sujet de recherche parce que le Candomblé c'est pas dans les milieux riches à part à Bahia le Candomblé ça se fait dans des milieux un peu plus afros donc plus pauvres évidemment donc là c'était aussi la rencontre avec tout ce côté spirituel qu'on ne connait pas du tout ici et qui porte vraiment quelque chose de très fort dans la culture brésilienne y a une présence très très forte de ce Candomblé et qui en plus est intéressante parce que à Recife en tout cas cette religion est complètement discriminée, complètement stéréotypée, les gens la rejettent complètement alors qu'en fait elle est présente dans tout les aspects de leur vie et ça c'est très intéressant aussi mais bon c'est vrai qu'après moi mon approche de la culture elle est très différente parce que c'est vraiment ce qui me nourrit en fait de découvrir la culture de l'Autre que ce soit ici où ailleurs c'est mon cursus, c'est mon identité, c'est qui je suis et c'est vrai qu'à chaque fois que j'arrive dans un endroit différent c'est comme si j'absorbais la culture en fait je suis un peu une éponge, et euh donc c'est vrai que j'avais déjà beaucoup lu sur le Candomblé avant de partir parce que c'était mon sujet de recherche donc j'avais déjà une appréhension de ce que j'allais trouver et c'était flagrant quoi quand je suis arrivée dans la favela que les gens m'ont ouvert leur porte enfin ouais.

Je vois. Et justement entre avant et après ton séjour, est-ce que ton image du pays, de la culture elle a un petit peu changé ou pas? Est-ce que ça a confirmé ou au contraire infirmé ce que tu pensais de la réalité brésilienne?

C

Ouais. Je pense que j'avais beaucoup assimilé le Brésil à Rio et São Paulo et finalement je m'attendais pas à voir ce que j'ai vu à Recife puis je m'attendais pas aussi à voir autant de buildings de trucs comme ça je pensais que ça allait être un peu plus, peut-être un peu plus j'arrive pas à trouver le mot euh, préservé, préservé de tout ça ouais et euh mais bon je m'attendais tout de même à ça, je m'attendais parce que j'avais aussi une appréhension de la société réunionaise je savais un petit peu ce que les sociétés esclavagistes et le passé a pu donner au niveau culturel, au niveau métissage, et c'est vrai qu'en plus vraiment pour le coup j'en étais déjà persuadée avant de partir et je encore plus en rentrant c'est que c'est des sociétés complètement soeurs quoi et euh c'est vrai que ma vie à la Réunion a fait que ouais c'est vrai que le Brésil était une sorte de retrouvailles et je m'attendais à ça, je m'attendais à ça mais je m'attendais pas par contre à tant de différences sociales alors que je le savais, je savais que économiquement le Brésil s'est développé très vite, qu'il y avait des écarts sociaux énormes mais j'ai été choquée quand même, j'ai été choquée de voir comment, en fait c'était pas la misère qui m'a choqué parce que une fois qu'on a fait l'Afrique ou linde enfin ce genre de pays on est pas vraiment plus choqué mais notre choc il est plus aussi douloureux je pense, enfin c'est pas ça que je voulais, c'est pas que la misère me choque plus c'est juste que j'ai passé le cap de me dire « houlala c'est pas possible » mais euh dans le sens où je m'attendais pas à ce que les gens cohabitent comme ça, j'ai vraiment été choquée de à quel point les gens vivent vraiment, par exemple la personne qui m'a accueilli elle était dans un immeuble avec piscine, salle de sport et tout et au milieu d'une favela quoi je me dis « mais comment c'est possible quoi que les gens arrivent à survivre, cohabiter comme ça » avec autant de en France on pourra jamais faire ça quoi et ça ça a été mon choc quoi du Brésil de voir des gens dans la misère qui cohabitaient qui ont aucune rancoeur y a pas de lutte des classes quoi, y a pas de vraie rancoeur envers les personnes qui ont réussi et y a pas de pitié envers les personnes qu'ont pas réussi, y a pas de rapports en fait entre les très riches et les très pauvres et ça c'est un truc qui m'a choqué.

Tibo

Et tu as pu t'y faire quand même au cours du séjour?

Ouais mais je pense que comme d'habitude je sais pas pourquoi je me suis identifiée plus à ceux qui se contentent du peu et c'est vrai que je me suis un peu détachée de ce côté occidental et ça a joué sur ma deuxième structure de stage qui était privée, qui accueillait les gens et qui se permettait de faire des choses pas de la manière que j'aurais aimé en fait ouais et je pense que ouais c'est toujours ma problématique de toute façon c'est que je pense que je viens d'un milieu très riche et très fermé et que je rejette tout le temps ça et que en voyageant je me rapproche toujours des gens qui ont rien parce que je trouve ça fabuleux d'avoir rien et de donner tout et parce que je ressens ça je sens que et pourtant c'est pas comme si j'avais été élevée sans rien c'est que au contraire je me retrouve dans ce don comme ça et c'est vraiment ce que je suis profondément et c'est vrai que c'est un paradoxe complet dans mon identité quoi.

Tibo

Et justement ce fait d'avoir été confrontée à plusieurs cultures, civilisations différentes, est-ce que aujourd'hui ça te permet de porter un regard différent sur la France, la culture française, voire l'Europe entière, est-ce que du coup ton image, ta perception de ta propre culture, est-ce que ça a changé, est-ce que ton séjour au Brésil a altéré cela, ta façon de voir, de te voir toi-même en Europe ou en France?

C

Ouais toujours quand je rentre je refais toujours un rejet total de la France et c'est un problème, c'est vraiment un problème...

Tibo

À quel niveau? C'est vrai c'est dur de préciser je pense mais à quel niveau tu fais ce rejet là, qu'estce qui te...

C

Bin c'est pas la culture française parce que j'aime beaucoup mon pays, j'aime beaucoup sa diversité, j'aime beaucoup tout ce qu'il peut offrir de différent que ce soit dans le peuple ou juste les paysages ou la bouffe ou chaque région a une culture énorme mais c'est vrai que je supporte pas le peuple français ça me fatigue son rejet de la différence, ça me fatigue son manque de communication, sa peur de l'Autre et c'est vrai qu'à chaque fois que je voyage et que je vois à quel point je suis accueillie, à quel point j'arrive à me sentir bien dans d'autres pays parce que on m'accueille comme

ça je me dis « mon Dieu quelle honte on fait en France » et je me sens toujours en marge de mon propre pays et ça c'est très difficile quand je rentre parce que bin par exemple ça c'est un exemple très fort, quand je suis rentrée j'avais pas le coeur d'aller aux élections quoi, parce que j'avais raté la campagne d'une et que je me sentais pas de voter pour quelqu'un que j'avais pas suivi tout ça et puis de deux parce que vraiment c'était la première semaine où je suis rentrée les élections et bin je me sentais plus française quoi et bin là je vais revoter pour le deuxième tour mais je trouve que c'est un exemple hyper hyper fort parce que euh ouais parce que je me sens pas inscrite dans ce pays pour son peuple en fait. Et c'est exacerbé surtout depuis que je suis revenue de la Réunion c'est vraiment les gens m'énervent quoi, la mentalité m'énerve et je pense qu'en plus c'est pas du tout objectif hein, c'est vraiment parce que je sais qu'il y a des gens super et que j'en rencontre aussi mais je me sens pas bien ici.

Tibo

Ok. Bon très bien, c'est quelque chose qu'on va survoler parce que le retour dans la culture d'origine c'est très intéressant et tout car ça fait partie de ce que t'as vécu mais c'est moins dans mon sujet.

C

Ouais puis en plus la chose c'est que je me suis toujours sentie différente ici avant de voyager bon c'est que mes parents quand même nous ont fait beaucoup voyager quand on était petit, on a fait la Grèce en bateau, on est allé au Portugal enfin plein de voyages comme ça différents donc cette découverte de l'Ailleurs je l'avais déjà depuis très très petite enfin mes parents à dix-huit mois ils sont partis aux Baléares quoi enfin c'est vrai que j'ai commencé à voyager très très vite mais c'est vraiment je me suis toujours sentie différente dans mon propre pays mais je savais pas de quelle manière et quand je suis allée au Canada ça m'a paru comme une évidence je me sentais pas d'ici mais c'est très étrange comme sentiment parce que en même temps c'est ce que je suis évidemment c'est la culture c'est inscrit en moi c'est mon éducation et puis mes parents sont très français ma mère est d'origine anglaise mais elle renie complètement ses origines elle parle pas anglais elle s'en fout enfin pour elle elle est française et c'est vrai que ouais moi je me sens pas d'ici et ça a été évident à partir du moment où j'ai voyagé.

Tibo

D'accord, d'où presque une certaine quête de « spiritualité » comme tu as pu dire tout à l'heure?

Bin spiritualité non parce que c'est la première fois que je rencontre ma spiritualité enfin c'est pas la première fois que je la rencontre mais c'est vrai que ça m'a permis de retrouver une spiritualité que j'avais perdu complètement mais ça c'était au Brésil, parce que mais j'y suis pas allée dans cet objectif c'était ça qui était très intéressant c'est que j'y suis allée toujours dans cette envie de découvrir l'Afrique autre part c'est toujours pareil moi c'est toujours l'Afrique qui me motive, mais c'est vrai que bizarrement alors que je m'attendais pas du tout à ça c'est là que je me suis retrouvée en plein dans ma spiritualité dans ce que je croyais j'ai remis en question beaucoup de choses et c'est vrai que ça m'a beaucoup fait avancer et puis je crois que j'ai rencontré aussi les bonnes personnes au bon moment mais après non, quand je voyage c'est plus une quête identitaire honnêtement plus que spirituelle, c'est une quête identitaire justement parce que comme je m'inscris pas ici je veux savoir où je m'inscris ailleurs et pourquoi en fait.

Tibo

Et justement donc quand t'es arrivée au Brésil, comment t'as fait pour rencontrer des gens, est-ce qu'il y avait des stratégies, comment ça s'est passé pour se faire des amis, nouer des liens?

C

Bin en fait c'est ça qui a été super bizarre au Brésil et autant je crois vraiment, c'est un peu bizarre, mais je crois vraiment aux vies antérieures et tout ça, mais j'ai pas le sentiment de venir du Brésil vraiment pas mais j'ai vraiment le sentiment d'avoir retrouvé des gens que je connaissais depuis très longtemps et ces personnes là m'ont renvoyé le même retour, de me dire « j'ai l'impression que je te connais depuis très très longtemps » et en fait c'est ça c'est que, je me suis éloignée de la question de départ, c'était quoi déjà (rire)?

Tibo

Comment tu t'y es prise, comment ça s'est passé pour rencontrer des gens, comment c'est arrivé?

C

Ouais ouais c'est ça. C'est que du coup quand on est arrivé on a été super bien accueilli y avait tout qui était prévu, y avait des gens qui venaient nous chercher à l'aéroport et tout donc c'est vrai qu'au niveau des liens on a tout de suite été cocooné c'est vrai que les gens nous ont emmené à droite à gauche, nous ont dit « il faut faire ça, ça il faut faire, il faut pas faire » c'est vrai qu'à ce niveau là ça s'est fait ouais naturellement mais moi j'ai vraiment l'impression que j'ai rencontré les personnes que

je devais rencontrer sur place alors par exemple un exemple tout bête c'est qu'au début j'avais vraiment du mal par rapport à ma recherche parce que pour s'introduire dans le milieu des religions afros et tout ça c'est pas évident quand on est pas afro et qu'on est pas de cette culture là parce qu'en plus les gens se cachent plus ou moins parce que c'est dévalorisé donc c'est vrai que j'avais beaucoup de mal puis en fait j'en ai parlé à une dame dans l'assoc comme ça vite fait un dimanche et puis un semaine plus tard j'ai un musicologue qui faisait le même sujet que moi qui m'a appelé pour me dire « oui je suis au courant que t'as pas trop de contacts moi j'en ai plein si tu veux on se rencontre » et en fait mon contact avait fait le tour de cinq personnes, elle en fait avait filé mon contact à quelqu'un qui connaissait qui connaissait qui connaissait et qui est finalement arrivé dans les mains de ce type et en fait vraiment on est devenu tout de suite ami ça a été hyper fort on s'est vachement aidé et ça a été comme ça tout le long, j'ai rencontré que des gens que je devais rencontrer tout le temps et des gens qui m'ont donné tellement d'énergie qui m'ont tellement aidé qui m'ont tellement soutenu dans une période de ma vie où ça allait pas que j'avais vraiment le sentiment que rien n'était au hasard au Brésil quoi et c'est vrai que j'avais eu ce sentiment là très très fort au Canada aussi, que je rencontrais tout le temps les bonnes personnes aux bons moments mais autant là franchement au Brésil ça a été, j'avais tout le temps je me sentais super liée avec les gens et les gens me ramenaient dans leur famille et tout enfin j'ai pas le sentiment de retour sur une terre mais de retour avec un peuple en fait et c'était hyper fort enfin, j'ai rencontré un gars que je considère comme mon père quoi enfin pas comme mon père, comme mon père mais mon père d'adoption, pareil j'ai rencontré un homme avec qui c'était très très fort enfin j'ai pas eu de relations avec lui mais euh c'était très très fort c'est la première fois que je ressens ça autant de retrouvailles quoi comme si je le connaissais depuis des années et c'est lui en plus, moi j'ai ce sentiment là et c'est lui qui m'a parlé de ça y m'a dit « tu sais j'ai l'impression qu'on s'est retrouvé » y m'a dit « j'ai l'impression que ça fait des années qu'on que pour moi c'est évident que je te connais par coeur » et j'avais le même sentiment et c'est vrai que cette notion de rencontre au Brésil a été super forte parce que tous les gens que je rencontrais c'était ça une impression de déjà vu quoi.

Tibo

C'est assez fantastique.

C

Ouais ouais et c'est pour ça aussi que j'avais vraiment le sentiment de me trouver au bon endroit au bon moment parce que j'avais l'impression que tout ce qui m'arrivait c'était écrit en fait.

Tibo

Et dans le même domaine qu'est-ce que tu faisais dans ton temps libre, quels étaient tes loisirs, tes activités avec les gens, comment ça se passait un petit peu?

C

Bin j'avais pas de temps libre (rire). C'était vraiment ça, j'avais vraiment pas de temps libre on passait d'une structure de stage à l'autre et, et le seul peu de temps pour moi que j'avais mais vraiment peu c'est-à-dire le soir de huit heures à minuit c'était pour mon étude donc c'était d'aller trouver des gens, de faire des entretiens, parce que mon étude c'était la place des pratiques afrobrésiliennes dans la construction de l'identité des jeunes des favelas et donc il fallait que je rencontre des gens qui faisaient de la percu, des gens qui faisaient de la capoeira, des gens qui faisaient chefs de culte du Candomblé, des jeunes aussi beaucoup c'est vrai que tout mon temps libre ça passait là-dedans mais en même temps j'ai pas eu le sentiment d'être privée de vie privée parce que je me suis retrouvée complètement dans ce milieu, complètement, je me suis sentie accueillie et initiée en fait, c'était super bizarre parce que les gens me parlaient et finalement quand je suis rentrée je me suis dit « en fait je comprenais plein de trucs que quand je l'explique aux gens y comprennent rien », des termes vraiment afros mais aussi je pense parce que je connaissais bien l'Afrique et c'est vrai que quand avec cette appréhension toute cette culture africaine, des racines, des rites, parce que je le connais très bien, c'est vrai que les gens m'ont peut-être senti initiée tout de suite parce que je l'étais peut-être déjà un petit peu dans le fond. J'élabore en parlant mais ouais c'était ça c'est que ouais je me suis sentie intégrée tout de suite ça c'est sûr.

Tibo

Mais du coup toutes tes relations venaient de tes deux stages, de ton travail, des gens que tu as rencontré de fil en aiguille comme ça?

C

Ouais j'ai pas eu de, mes potes étaient en lien avec mon sujet d'étude, je me suis pas fait d'amis en dehors, j'avais pas le temps vraiment, et y a juste deux-trois petits moments où pff j'en avais juste marre alors je boycottais un peu mon stage (rire), je disais que je faisais mon étude et puis en fait je voulais juste prendre une heure pour dormir parce que vraiment j'étais crevée et donc j'allais à la plage pour dormir et c'est tout le temps sur la plage que je rencontrais des gens, c'était incroyable, je rencontrais, une fois j'ai passé, bon là j'avais pas boycotté, j'étais vraiment au repos et j'avais pris du repos et j'étais partie sur la plage et j'ai passé tout l'aprem avec un petit de huit ans qui m'a raconté

toute sa vie c'était un petit de huit ans des favelas donc déjà adulte quoi car ils ont pas d'enfance et il a raconté toute sa vie et, et enfin voilà toutes les rencontres que je faisais étaient soit très ponctuelles mais très fortes soit, soit en rapport avec mon sujet d'étude mais c'était aussi mes amis quoi enfin c'est vrai que les gens avec qui je parlais du Maracatou, le Maracatou je sais pas si tu connais c'est un style de percussion, ou de la capoeira ou du Candomblé c'était des gens que je côtoyais aussi par les cérémonies, ou pour plein d'autres choses donc c'est vrai que ouais, puis on se retrouve, c'est un petit milieu hein donc c'est vrai que finalement les contacts se font très vite parce que c'est un petit milieu quoi et parce que aussi je restais toujours dans le même favela donc les gens se connaissent quoi.

Tibo

Et à propos de ta colocation, comment ça s'est passé un petit peu?

C

Ah c'était mitigé hein. Ma colocation de la personne qui me, après la personne qui m'accueillait c'était un peu ambivalent parce que c'est vrai qu'en fait je m'entendais bien avec elle mais j'avais le sentiment que elle elle était mariée...

Tibo

Il s'agit d'un Brésilien, d'une personne brésilienne?

C

Ouais ouais et déjà je m'entendais pas du tout avec cet homme là, enfin c'est pas que je m'entendais pas du tout parce que je l'aime bien il est sympa mais je me retrouvais pas du tout en lui quoi, enfin c'est quelqu'un qui est très très très riche, qui aime pas du tout les favelas, qui n'avait rien à voir avec mon sujet d'étude, qui voulait pas que je parle des trucs afros dans la maison parce que ça porte malheur, enfin bref voilà, j'étais un peu la macumbella du truc, la macumbella c'est le terme négatif associé aux personnes qui font du Candomblé et c'est vrai que je me suis pas sentie un rapport très fort avec cet homme là et j'avais le sentiment qu'elle elle était un peu jalouse de moi en fait parce que plusieurs fois elle m'a fait des remarques en disant que j'allumais les hommes enfin des trucs comme ça quoi donc j'avais vraiment pas le sentiment, et puis j'étais vraiment pas du tout partie dans cette optique là je, enfin bref du coup ma relation avec elle était assez ambiguë en fait parce que en même temps on s'entendait bien, en même temps on, on avait l'impression qu'elle elle instaurait un peu de rivalité enfin donc bref ça s'est bien passé mais je peux pas dire que je me

sentais chez moi quand je rentrais à l'appart enfin bizarrement je dormais aussi dans la favela et c'est vrai que je me sentais plus à l'aise quand je dormais dans la favela alors que quand j'entrais dans cet immeuble tout aseptisé.

Tibo

T'as fait tout ton séjour dans cet immeuble?

C

J'ai été accueillie chez eux mais finalement vers la fin je dormais tout le temps dans la favela parce que comme je faisais tout le temps des cérémonies ça finissait tard et ça craignait plus de sortir de la favela que de rester dedans en fait donc je restais dans la favela la nuit.

Tibo

D'accord, je croyais que tu vivais avec Véronique.

C

Ah non non et heureusement parce que déjà je la supportais plus dans les stages mais alors si on avait partagé notre vie c'était pas possible, elle me puisait mon énergie vraiment, et heureusement qu'on a pas cohabité mais après oui non j'étais quand même très indépendante, j'ai été très très bien reçue, ça je le retire pas, mais c'est juste que un mois et demi c'est long avec des gens qu'on choisit pas et c'est vrai que non ça s'est bien passé, je peux pas dire ça, mais je me suis pas retrouvée dans ce groupe quoi, c'était pas le côté du Brésil qui me faisait écho. Mais c'était intéressant aussi de voir l'autre [côté].

Tibo

Oui parce qu'il y a plusieurs Brésils.

C

C'est ça, et puis en plus vu qu'ils étaient très riches ça me permettait aussi euh, leur environnement, y connaissaient rien du Candomblé, y connaissaient rien de mon sujet d'étude, toute les pratiques afros c'est vade retro satanas et justement ça m'a apporté énormément pour travailler sur ces stéréotypes hein, sur qu'est-ce qui fait qu'on rejette l'afro, enfin la culture afro et tout ça donc c'est vrai que c'était aussi très riche mais moi je me suis pas retrouvée parce que justement ce que j'étais au Brésil c'était vraiment inscrit dans ce milieu très tradi et ils n'étaient pas comme ça et puis eux ils

sont très très riches quoi donc c'est des bagnoles et enfin c'était pas le Brésil que je côtoyais après en fait.

Tibo

Tout à fait. Et est-ce que t'as connu des galères, enfin ce qu'on appelle des galères quand on roule sa bosse, est-ce que t'as connu ça au Brésil?

C

Bin justement alors c'est c'est toujours parce que moi je suis Miss galère, tout le temps la poisse, quand je voyage il m'arrive tout le temps des trucs de fou mais de fou vraiment, genre des gars qui me poursuivent ou des trucs comme ça, enfin vraiment à chaque fois que je voyage j'ai des histoires de malade où je rencontre des gens trop bizarres enfin bref et, et en fait c'est le seul voyage que j'ai fait dans ma vie où y m'est rien arrivé. Et en plus quand je voyage je m'attends toujours à avoir la poisse comme ça, tout le temps des crasses et c'est vrai que les gens quand je rentre de voyage y attendent toujours mes petites histoires, mes petites aventures qui m'arrivent de trucs de merde, enfin pardon (rire), mais euh mais c'est ça non c'est vraiment euh enfin y m'arrive la poisse et là au Brésil bizarrement y m'est rien arrivé du tout et que des choses positives. Rien de négatif, à part mes relations avec Véronique qui n'étaient vraiment pas positives pour l'une comme pour l'autre, mais euh après vraiment y m'est pas arrivé de poisse quoi. Ah si des trucs enfin un peu futiles quoi genre je me trompe de bus et je fais quarante kilomètres dans un sens et je me rends compte que je suis super loin de la ville et qu'il est vingt-heures trente, enfin ce genre de truc en fait mais c'est pas enfin je panique plus du tout en fait enfin mais ça c'est pareil hein, c'est mon expérience de voyage qui fait que quoi qu'il arrive le danger c'est les autres hein c'est pas soi-même quoi donc après si on panique c'est vrai qu'on fait ressentir ça aux autres enfin mais c'est vrai qu'en Afrique il m'arrivait tout le temps plein de trucs enfin des trucs à la con quoi enfin du genre taximan qui veut plus s'arrêter qui veut plus me laisser sortir du taxi enfin ce genre de trucs qui peuvent être dangereux mais au Brésil jamais...jamais...si, si, je mens. Il m'est arrivé un truc mais j'ai tout de suite réagi et j'ai pas eu peur en fait c'est pour ça que c'est à ce voyage là que je dis que je me suis rendue compte que ça y est j'avais de l'expérience, parce que j'étais partie en fait y avait c'était le dernier jour du carnaval parce que j'y suis allée pendant le carnaval, et en fait le couple chez qui j'étais était trop crevé mais moi je voulais pas rater une minute du carnaval quoi c'est vrai que eux ils y sont tous les ans mais moi j'avais vraiment envie de profiter et je suis partie au carnaval toute seule et je savais que ça craignait parce qu'en plus c'était dans un coin de la ville où ça craignait et donc j'ai fait attention à pas m'habiller trop euh voilà, en plus c'est vrai que je suis blonde donc à chaque fois je

passe pas inaperçue, et puis en fait y a un gars qu'est venu hyper efféminé qui dit, qui arrive en m'abordant en me disant « je suis homosexuel » et puis y me dit « oui je t'ai remarqué, je te trouve très très belle j'aimerais bien que tu fasses du mannequina et tout en fait je cherche des mannequins et nanana » donc y commence à me parler j'y dit « ouais bin ça m'intéresse pas moi je suis psy donc le mannequina c'est pas moi et puis je pense pas être une bombe donc euh » et puis y me dit « mais non ce serait bien qu'on fasse des essais photos nanana » et j'y dit « bin non c'est pas trop mon truc merci et tout » et y m'a collé collé collé et y m'a forcé à aller chez lui et j'ai vraiment eu les bonnes réactions en fait, je l'ai pas brusqué, je l'ai pas, j'ai essayé vraiment d'aller dans son sens sans trop aller dans le sien justement (rire) et je m'en suis bien sortie quoi mais c'était dangereux, je savais que c'était dangereux, puis en plus y m'avait sorti des trucs genre « oui, je travaille que avec des filles de Russie, d'Europe de l'est » enfin moi j'avais compris, j'avais senti le truc en plein carnaval je vois pas pourquoi on va faire des photos dans un appart enfin mais je pense que ce genre de truc à une fille très naïve qui voyage pas qui prend pour un compliment qui dit qu'il est vraiment homosexuel, elle pourrait aller dans le truc quoi, mais ça ouais c'est parce que j'ai de la bouteille et que je sais ressentir les gens maintenant aussi et que je sais aussi ne plus paniquer parce que si j'avais paniqué il aurait pu prendre le dessus quoi. Là j'y ai montré que ça m'intéressait pas point quoi.

Tibo

Et justement donc l'insécurité est-ce que tu l'as ressentie un petit peu, est-ce que t'as ressenti, y a peut-être des différences par rapport à la métropole ou peut-être même à la Réunion je sais pas?

C

Oui ouais c'est clair qu'on peut pas dire que le Brésil est pas dangereux, honnêtement c'est un pays dangereux et surtout parce qu'on était dans les favelas donc c'est clair que voilà, mais en même temps je me suis jamais sentie vraiment menacée contrairement à en Afrique. En Afrique j'ai vécu vraiment des choses très dures, parce que bin on est blanc et que du coup ça a pas du tout la même valeur que au Brésil, et au Brésil j'ai rien vécu de tout ça. Par contre c'est clair que je pense aussi que peut-être que mon comportement fait que je suis peut-être moins naïve donc les gens m'attaquent peut-être moins, je sais pas si les agressions sont une affaire de ce qu'on renvoie à l'autre ou une affaire de malchance, je sais pas.

Tibo

Je parlais du climat en général, est-ce qu'il y avait pas une pression peut-être mais enfin je sais pas

quelque chose ou pas du tout?

C

Ouais quand même...

Tibo

Je connais pas du tout donc je pose des questions naïves tu vois.

C

Oui mais pas du tout je comprends, mais ouais quand même on peut pas dire comparé à ici, on se promène pas dans la rue à vingt-trois heures trente toute seule, mais après je pense que quoi qu'il arrive quand on voyage vaut mieux pas prendre de risques quoi. Enfin on est pas dans son pays, en plus quand on parle pas la langue c'est pas évident et je pense que ce climat d'insécurité il est là quand on voyage quoi qu'il arrive. C'est sûr que quand on voyage en Angleterre on voyage pas comme quand on voyage au Brésil par exemple, mais quoi qu'il arrive, on est une cible parce qu'on a des têtes d'étrangers et qu'on voit ça donc y faut faire attention. Après moi je sais que ça c'est un truc qui est intéressant par contre au Brésil c'est qu'y a une paranoïa énorme des gens riches mais vraiment, des gens qui comprennent même pas mon travail dans la favela, « qu'est-ce que tu vas faire là? », « comment, tu dors dans la favela?! » et oui en effet, c'est clair que c'était dangereux à l'intérieur de la favela mais pour être franche moi je me baladais vers vingt-trois heures à l'intérieur de la favela et j'ai jamais eu de problèmes, j'ai jamais été agressée. Après je peux pas dire que j'étais super à l'aise et que je me promenais en shorts et que tout va bien mais euh voilà c'était pas non plus la grande peur comme j'ai pu l'avoir en Afrique. Parce qu'en Afrique tu te promènes pas la nuit.

Tibo

Et est-ce que t'as le sentiment, bon c'est dur de mettre des mots dessus mais, d'avoir changé, suite à ton séjour au Brésil, est-ce qu'il y a des choses en toi qui ont changé, et tu le ressens peut-être?

C

Oui, dans chaque voyage on change, d'une déjà parce qu'on se comprend, parce que l'appréhension de l'Autre nous permet de relativiser certaines choses aussi, parce que beaucoup aussi quand je voyage je rencontre énormément de gens qui m'apportent énormément de choses donc c'est clair qu'à chaque voyage je reviens changée mais là ce voyage là je me suis retrouvée, c'était différent, parce que je pense que je m'étais perdue, je m'étais perdue en rentrant ici, c'est ça le pire, c'est que je

me suis perdue en rentrant chez moi, parce que c'est pas chez moi, et là je me suis retrouvée. Et ça m'a fait du bien. Je me sens pas changée, je me sens sur la bonne route, et c'est ça qui est différent en fait, c'est que j'ai l'impression de m'être retrouvée et d'être repartie dans une dynamique que j'avais perdu en fait. Mais oui dans une certaine mesure c'est un changement aussi je pense.

Tibo

Et justement donc pour l'avenir, est-ce que tu as l'impression que ce séjour au Brésil influence déjà ou va influencer un petit peu ta vie à venir?

C

Ouais complètement.

Tibo

Dans quel sens? Tu peux m'expliquer un peu?

C

Bin parce que j'ai une proposition de doctorat là-bas, et que j'y pense vraiment. Au départ je m'étais dit « le Brésil ça va être une partie de ma vie » mais en partant vraiment j'avais le sentiment que j'avais pas achevé quelque chose et qu'y faut que je reparte là-bas et euh il y a des gens qu'y m'ont fait promettre que je reviendrai, c'était hyper fort parce que bon je suis pas du style à promettre des choses mais j'étais obligée, enfin c'est pas que j'étais obligée, c'est que j'ai senti que c'était une évidence de toute manière que j'allais revenir au Brésil, et en fait c'est que, comme je me suis inscrite complètement dans le Candomblé, le système du Candomblé fait qu'il y a des entités religieuses et que chaque personne descend d'une divinité donc moi je sais quelle est ma divinité, j'ai déjà consulté des gens pour savoir et tout, et avant de partir mon chef de culte de qui je suis très très proche m'a demandé de faire une prière et de remercier pour ce que j'avais vécu, donc je suis allée dans un temple alors que c'est pas du tout ma religion hein mais pour te dire comme je me suis inscrite profondément dans ça et je lui ai demandé de me mettre sur la route, de m'envoyer un signe, et le lendemain j'ai eu une proposition de doctorat au Brésil.

Tibo

C'est fantastique.

C

Ouais, après alors on y croit du côté spirituel ou pas mais en tout cas c'est comme si même si y a pas de divinités, même si ça n'existe pas - ce dont je ne suis plus du tout convaincue mais, j'ai l'impression que c'est comme si le Brésil m'avait mis sur la voie alors que c'était pas du tout mon plan, moi je viens d'une famille qu'est pas très intellectuelle, qui est pas enfin le doctorat c'est plafond de verre pour moi quoi déjà finir le Master c'est magnifique je me suis jamais projetée dans une thèse, je me suis toujours dit « c'est trop loin, être prof c'est pas possible ».

Tibo

Donc tu l'envisageais vraiment après le Brésil?

C

Ouais, et en fait pour tout te dire c'était ma quatrième proposition de doctorat dans toute ma vie y a quatre profs qui m'ont proposé de me prendre en thèse et je sais que c'est faire la fine bouche mais déjà une proposition de doctorat c'est énorme, quelqu'un qui te propose de te prendre en thèse je suis consciente mais c'est tellement mon plafond de verre, c'est tellement ce qui m'angoisse que j'ai toujours refusé mais après le Brésil je me suis dit « faut peut-être arrêter de faire la fine bouche quoi, faut peut-être y aller » et c'est comme si là ce que j'avais vécu c'était qu'une mise en bouche et qu'il fallait que je revienne pour compléter quelque chose vraiment et aussi parce que bin là j'ai abandonné mon Master du coup parce que j'ai pas réussi en rentrant à faire tout ce que je devais faire donc j'ai pas concrétisé mon étude que j'avais fait là-bas et ça me reste en travers de la gorge parce ce que j'ai l'impression qu'on m'a donné tellement d'énergie, j'ai rencontré tellement de choses que ça m'embête, ça m'embête de pas avoir, et du coup là c'est comme s'il fallait que je retourne au Brésil vraiment mais en même temps chaque pays que je fais j'ai l'impression qu'il faut que j'y retourne en fait pour des raisons différentes : la Canada pour les gens ; l'Afrique pour l'amour, parce que j'ai laissé quelqu'un là-bas ; la Réunion parce que c'est ma terre et que je sais que je vais finir làbas ; et le Brésil professionnellement et spirituellement. Donc c'est plein d'aspects de ma vie en fait.

Tibo

Est-ce que tu t'es sentie soutenue pendant ton séjour, enfin émotionnelement, soutien tu vois affectif?

C

Ouais vraiment parce que, parce que j'ai vécu des choses dures et que j'en avais pas parlé, que j'ai

commencé à m'ouvrir là-bas, à recevoir des choses que j'ai aussi rencontré quelqu'un qui après on y croit on y croit pas, a consulté les Cauris tu sais, c'est un genre de coquillage, et ça ça fait partie d'une tradition afro-brésilienne qui m'a révélé plein de choses sur ma vie, je sais pas comment c'est possible mais il a connu toute ma vie, il a connu enfin après mon futur on y croit on y croit pas mais y m'a dit beaucoup de choses, on a parlé pendant quatre heures, de ma vie, de ce que je suis, de ce que j'étais, de mes épreuves et de ce que j'ai vécu, et j'ai fait comme une psychothérapie en accélérée quoi vraiment ça m'a ouais, je pense que j'ai traité beaucoup de choses là-bas. Donc ouais j'ai été très soutenue et par des gens dont j'avais l'impression que je les connaissais déjà en fait donc c'était hyper impressionnant comme sensation parce que ouais je me suis sentie soutenue par des gens qui profondément me respectaient et me connaissaient en fait alors que c'est vrai que quand on voyage on rencontre pas forcément des gens bienveillants et que là pour le coup vraiment j'ai rencontré que des gens bienveillants mais après c'est vrai que euh soutenue par rapport à...

Tibo

Bin parler de tes soucis, de tes petites galères, est-ce que tu te sentais isolée quoi simplement?

C

Non je me sentais pas isolée et je me sentais non pas isolée du coup sur mon quotidien là-bas parce que les gens étaient très prévenants, ils nous disaient beaucoup « attention sortez pas là nanana » même peut-être trop des fois et autant sur ça sur l'aspect concret de la vie quotidienne autant sur mon étude aussi, les gens m'ont aidée mais m'ont ouvert les portes y a un homme que j'ai rencontré que vraiment j'adore qui m'a, qui a passé deux jours à m'emmener voir tous les gens qu'y connaissait pour m'aider pour ma recherche, deux jours de sa vie, ce que je trouve énorme, enfin j'imagine même pas que ça puisse être possible en France, en plus que c'est un homme très très occupé et ouais non vraiment soutenue pour tout quoi, pareil pendant mon stage, dès qu'on avait une question y avait quelqu'un qui était là pour répondre, après soutenue par mon côté français, c'est-à-dire par Véronique, zéro, par par le...il y a quelqu'un je sais pas? [la prochaine volontaire pour l'entretien est arrivée].

Tibo

T'inquiète pas on a cinq minutes.

C

Mais après par le côté français plus ou moins parce que ici les gens comprennent pas pourquoi je

voyage.

Tibo

D'accord, je vois. Et bien merci beaucoup, c'était très intéressant de discuter avec toi ///

Entretien avec M (46 minutes)

Tibo

Pour commencer, est-ce que tu peux m'expliquer un petit peu comment tu en est arrivée à partir au Brésil cette année, pourquoi le Brésil, comment ça s'est en quelque sorte goupillé tout ça.

M

D'accord, depuis euh peut-être que j'ai dix ans, j'ai le rêve d'aller en Argentine. J'ai dû voir un reportage, je ne pourrais plus dire d'où vient ce rêve, mais voilà j'avais ce rêve là et avec ma Licence c'était pas possible, y avait pas de partenariat en Argentine donc j'avais même pas rendu le dossier donc j'étais un peu déçue tu vois et, on était plus tard que le six janvier, et y a O. qui est venu dans ma salle qui a dit « voilà, je sais que les dates pour les échanges, que la date de fin où tu dois rendre les dossiers pour les échanges est terminée mais si y en a qui veulent aller au Brésil voilà, y a encore une possibilité », alors je me suis dit bin vas-y fonce en plus comme ça si je suis à côté de l'Argentine comme ça je pourrais aussi y aller, en Argentine. Et voilà, c'est pour ça que je suis allée au Brésil.

Tibo

Très bien, et donc tu as pris ta décision, tardivement finalement?

M

Oui, bin oui oui je l'ai pris avant le six janvier bin et puis et je suis partie en juillet donc en fait ouais ouais j'étais assez speed dans tout c'était assez, plutôt la course, mais bien du coup.

Tibo

Oui, donc c'est une volonté qui remontait, ça fait un moment que tu voulais partir dans ce coin là du monde en fait.

M

Ouais vraiment l'Amérique Latine m'a toujours toujours inspirée j'avais vraiment envie d'y aller et de, mais plus l'Argentine car je parle espagnol et pas portugais donc c'est vrai que j'avais même pas pensé à aller au Brésil en fait et mais je suis très contente au final d'être allée au Brésil.

Bien sûr, je vois. Est-ce que tu peux me parler un petit peu donc bin de la région, de la région où t'étais, de ta ville, etc., un peu le cadre de ton séjour?

M

Ouais, alors j'étais dans le sud, au sud au sud, donc Caxias do Sul, euh, c'est euh, quand je suis arrivée, c'était l'hiver donc y pleuvait, tous les jours tous les jours, les gens y sont c'est sûr qu'y sont, t'as un changement radical c'est sûr avec la culture française et la culture brésilienne tu le vois, mais d'un autre côté c'est vachement européen, enfin je veux dire, physiquement, les personnes ressemblent vachement à des personnes européennes, euh vu que y a beaucoup de descendants italiens et allemands on entendait quand même des gens parler italien ou allemand tu vois, alors que bin tu t'y attends pas au Brésil et puis euh, c'était une ville assez riche, c'était la seule ville du Brésil qui avait des conteneurs, tu sais pour faire les poubelles et tout ça, donc c'est vrai que c'était une ville qui qui, qui faisait Brésil mais qui aussi qui, où y avait aussi quand même quelque chose d'européen par exemple, que quand tu vas a Rio ou à Salvador bin tu retrouves plus quoi, ce truc européen je trouve, donc c'est vrai que j'aurais eu plus le choix j'aurais peut-être choisi une autre ville parce que cette ville elle était petite et euh, dans le sud, donc pas facile non plus pour voyager dans tout le Brésil parce que c'est un pays super grand tu vois, y vaut mieux être au milieu comme ça tu fais tout quoi (rire) ; et euh, et voilà ouais, c'est vrai que si je devais refaire cet échange déjà je referais plus long, je ferais un échange d'un an minimum...

Tibo

Oui, t'as le sentiment que six mois ça te...

M

Ouais, ouais ça m'a frustrée, franchement je suis frustrée d'avoir fait que six mois maintenant...

Tibo D'accord.

M

Et euh, ouais, je le ferais plus long et dans une ville où je, je suis sûre qu'y a plus de d'activité tu vois, plus grande quoi.

Et à la base six mois c'était donc, c'était imposé ou c'était un choix personnel?

M

Non, du tout, c'était j'avais donc le choix entre six mois et un an et je t'avoue que j'étais morte de trouille donc donc j'ai demandé à O. ce qu'il avait fait et y m'a dit « moi j'ai fait six mois et ça m'a suffi amplement, je suis rentré y a des gens qui me manquaient, j'étais content de rentrer », donc bin moi je me suis dit je vais faire six mois déjà, et c'est vrai que j'étais contente de rentrer mais j'aurais pu rentrer six mois plus tard quoi.

Tibo

Je comprends. Oui, parce que c'est ton premier grand voyage c'est ça non?

M

Ouais, je savais pas du tout comment ça allait se passer, est-ce que j'allais arriver à m'intégrer, etc., je partais toute seule alors que le seul voyage que j'avais fait avant c'était scolaire ou deux semaines en Angleterre enfin tu vois, et donc là, ouais ouais ça me faisait peur quand même et donc je me suis dit je vais faire six mois, y [O.] m'a dit que lui six mois ça avait vraiment été vraiment suffisant, qu'il aurait pas aimé rester plus, je me suis dit je vais partir sur ça et j'aurais su je serais partie plus, plus longtemps mais bon (rire).

Tibo

Bien sûr bien sûr. Et t'avais quelle image du Brésil avant de partir justement, est-ce que ça a changé entre temps, comment tu voyais les choses?

M

Comme je t'ai dit c'était tellement précipité que ouais j'ai pas eu le temps de, ni, je l'ai pas pris non plus, de me renseigner réellement et je me suis dit « tant mieux ça va me faire la surprise » je vais pas arriver avec plein de d'aprioris tu sais donc c'est vrai que je me suis pas spécialement renseignée donc après j'avais un peu, les clichés si tu veux, j'imaginais les plages, je pensais peut-être voir plus de pauvreté surtout à Caxias en fait, après quand je suis allée dans les autres villes c'est vrai que là j'ai eu ma dose mais euh ouais je pensais peut-être voir plus de pauvreté et je pensais aussi à des trucs cons mais euh différentes heures de repas, des trucs comme ça qui en fait non pas du tout. Donc voilà y a des petits trucs qui m'ont étonnée mais

D'accord. C'est vrai que t'as voyagé après dans le Brésil, enfin que t'as profité de ton séjour pour voyager au Brésil ainsi qu'à l'extérieur...

M

Ouais, j'étais bin du coup comme mon rêve c'était d'aller en Argentine j'ai été faire vingt jours en Argentine.

Tibo

D'accord, ça c'est intéressant. Et comment ça s'est passé, t'es partie toute seule, comment tu t'y es pris?

M

Pour aller en Argentine?

Tibo

En général, dans tous tes voyages.

M

Donc dans tous mes voyages au début on s'était organisé avec tous mes colocs en fait pour faire un voyage, donc on avait fait Foz do Iguaçu, Rio, Salvador, puis on était revenu à Caxias et en fait euh si tu veux la colocation a commencé on était une grande famille, tous un grand échange, premier et grand échange dans un autre pays tatati tatata on se retrouve tous étudiants on se dit en fait c'est bon on va devenir friends tu sais des meilleurs amis toute la vie mais non (rire). On est différent, on vient de cultures différentes donc euh le premier voyage qu'on a fait c'est vrai qu'il a été un peu foireux au final parce qu'on avait pas les mêmes attentes du voyage mais on s'est séparé mais tu vois ça nous a juste montré ce qu'y fallait pas qu'on fasse pour le prochain [voyage] et moi donc pendant ce voyage je me suis vraiment rapprochée de mon coloc français et c'est avec lui après que j'ai décidé d'aller en Argentine et pour y aller on faisait tout au dernier moment, on disait bin aujourd'hui tu vas faire quoi on se levait et on allait marcher dans la ville on se disait « bin tiens je viens de voir sur la carte que y a un musée par là », on y passe et voilà. Et c'est comme ça que j'ai visité l'Argentine.

Très intéressant, est-ce que c'est un truc que t'aurais fait en France, par exemple pour dire « tiens je pars » comme ça, aussi vite, enfin voilà....

M

Non, non et je le regrette. Maintenant j'y pense quand je pars à la gare maintenant je me dis bon allez je vais où maintenant et je serais prête à prendre un billet c'est vrai que ça m'a donné un peu cette spontanéité là.

Tibo

Mmh mmh, tu as l'impression d'avoir pris plus de, d'assurance c'est ça?

M

Oui voilà c'est ça, je n'ai plus peur d'aller toute seule du coup même une journée quelque part ça me fait plus du tout peur donc ouais c'est vrai j'ai envie de, ouais bah, quand tu dis à la gare j'ai envie d'aller prendre un billet c'est vrai que je vais pas le faire toute seule parce que je me dis « c'est con même d'aller à Genève une journée c'est chaud, autant que j'emmène quelqu'un avec moi » mais euh mais ouais je c'est ça j'aurais envie de bouger plus que, qu'avant quoi.

Tibo

Bien sûr. Et justement, ta coloc, est-ce que tu peux me parler un petit peu de ta vie sur place, de ton lieu d'habitation, des gens avec qui t'étais? Était-ce plutôt des Brésiliens, des compatriotes, des étudiants internationaux? Comment ça se passait un petit peu?

M

Et bin y avait deux Espagnols, non un Espagnol, une Italienne, deux Mexicains dont un qui parlait portugais parfaitement, un autre Français et moi. On était donc six peut-être dans un 70m2, entre 50 et 70m2, euh y avait deux chambres donc trois filles d'un côté, trois garçons de l'autre, une petite cuisine, deux salles de bain et un petit salon, donc tu vois que euh, que t'as pas d'intimité, jamais, et euh, et je pense que ça a été du coup le problème de notre coloc parce que on se retrouvait jamais tout seul tu vois. Je crois que l'appartement a du être fermé à clef quinze minutes dans les six mois parce que y avait personne à ce moment là mais sinon y avait toujours quelqu'un et c'est vrai que ça a été super enrichissant parce que j'ai bouffé des trucs de tous les pays du coup mais d'un autre côté ça nous enfermait aussi dans cette euh, dans le fait qu'on est étranger qu'on reste entre étrangers et y

en a beaucoup qui ont fait ça, j'ai vu les deux Colombiennes et les deux autres Mexicains qui étaient amis avec nous on les voyait de temps en temps mais dès qu'on leur proposait de faire quelque chose dans un autre endroit avec d'autres Brésiliens bin c'était carrément plus dur tu vois et c'est vrai que après je l'ai dit à tout le monde, à ceux qui arrivaient tout ça, « fais attention quand tu fais un échange de pas rester qu'entre étrangers c'est con quoi ».

Tibo

Ouais, et du coup est-ce que t'as mis des stratégies en place pour t'intégrer, nouer des liens...

M

Ouais, en fait ça a commencé parce que mon coloc a eu des amis de par sa fac parce que lui il était tout le temps dans les mêmes groupes de personnes alors que moi je changeais à chaque heure de cours, donc plus dur aussi pour se créer de vraies relations durables tu vois, et donc y s'est fait ces amis là, on a commencé à bien sympathiser avec eux, et euh, et ensuite, comment, comment ça s'est passé, je sais plus exactement bref, je me j'ai rencontré je pense que c'était ah! la journée de l'enfant j'ai rencontré euh un gars qui avait fait un échange en Europe et du coup qui voulait me rencontrer pour qu'on puisse discuter et échanger, parler de notre expérience, et ce gars là il était danseur de hip-hop et il avait tout un groupe avec lui donc on s'est rencontré à l'occasion d'une de ses représentations, et c'est devenu mes, mes amis, vraiment, super bon feeling, donc du coup après voilà je restais tout le temps avec eux, j'étais plus chez moi j'étais tout le temps dans la rue avec eux et je disais donc à mon coloc de venir, ou d'autres personnes tu vois d'essayer que tout le monde en profite que j'avais cette relation là et euh voilà, je sais plus si c'était ça ta question de départ (rire).

Tibo

Si, c'était tout à fait ça, tu as très bien répondu, non mais c'est bien c'est intéressant, parce que du coup tu pars sur autre chose, tu y reviens, donc c'est intéressant parce que tu dis plein de choses et c'est vraiment, c'est tout à fait ça tu as bien répondu. Et du coup, comment ça s'est passé à l'université, puisqu'on parlait de la fac est-ce que tu t'attendais à ça, est-ce que ça t'as un petit peu déçu, ou...

M

Ouais, totalement déçue de la fac, vraiment vraiment, tout ce que j'ai appris euh, enfin, je vais pas
dire que je savais tout mais je l'avais toujours vu dans, peut-être pas dans tous les aspects mais en
tout cas tout ce que j'ai vu je l'avais déjà entendu ou vu quelque part euh, j'ai eu des dix sur dix, je

suis française, je parle pas très bien le portugais, euh je euh, je révisais pas, je vois pas comment je peux avoir dix sur dix, c'était pour moi surnoté honnêtement. Et je m'ennuyais en cours, en fait les deux-trois premières semaines ça a été cool au contraire j'adorais aller en cours parce que ça me faisait travailler mon portugais tu vois je m'amusais à prendre des notes après je rentrais chez moi parce qu'il pleuvait en plus je me disais « bin tiens je vais recopier mes cours comme ça je vais corriger mes fautes » tu vois je vais bosser mon portugais plus que les cours en eux-même mais euh je pense que c'est juste pour ça que j'allais en cours au final. J'avais une prof qui n'était pas du tout intéressante qui demandait, qui avait séparé la classe en groupes et on devait faire des exposés et en fait chaque heure de cours c'était des exposés donc tu vois la prof elle sert strictement à rien, elle était là mais c'est les élèves qui font le cours au final. Et on avait après des évaluations sur ces exposés là. Y avait juste un prof qui était vraiment vraiment super intéressant et avec qui je m'entendais bien, que j'ai recroisé dans un bar d'ailleurs, c'était marrant (rire), et mais sinon j'ai trouvé que les cours étaient faciles et que j'avais pas appris grand chose.

Tibo

Donc du coup c'était pas vraiment central dans ton séjour finalement...

M

Non. Mais de toute façon j'y avais pas été pour ça non plus donc c'est vrai que peut-être que si je m'étais investie plus dans les cours j'aurais pu y trouver plus d'intérêt mais c'est vrai que j'y avais pas non plus été pour les cours donc y m'ont pas intéressée, j'ai pas vraiment accroché donc je me suis dit et « bin tant mieux » au final je vais me concentrer sur autre chose.

Tibo

Et sinon à propos de tes loisirs, qu'est-ce que vous faisiez pendant votre temps libre, est-ce que, comment vous vous organisiez finalement?

M

Alors en fait je bossais aussi dans une école, je donnais des cours de français donc euh ma directrice était génialissime enfin elle avait vingt-huit ans on aurait dit qu'elle en avait quinze et elle était adorable et donc du coup elle nous emmenait des fois elle nous prenait moi et je bossais avec l'Italienne et la Mexicaine et on allait se balader en, on avait fait un circuit de tous les vignobles du coin tu vois. On les avait fait, on avait goûté les vins tu vois, des endroits elle nous emmenait visiter des villes une fois de temps en temps. Et puis sinon je m'occupais pas mal avec les gars qui faisaient

du hip-hop du coup j'allais pas mal à des représentations avec eux ce qui me faisait voir aussi d'autres trucs de danse parce qu'ils n'étaient jamais tous seuls tu vois donc c'était sympa ce à quoi j'occupais mon temps.

Tibo

Est-ce que il y avait une vie universitaire, une vie étudiante par exemple avec des clubs, des associations, des choses qu'on fait à l'extérieur, des visites tout simplement de la ville ou des monuments, je sais pas...

M

Ouais bin les monuments en fait comme je suis arrivée j'étais le première étrangère à arriver et euh et ensuite y a eu une autre Française, la deuxième c'était une autre Française, donc on s'est tout de suite retrouvé, on nous a présenté d'ailleurs et comme les cours n'avaient pas commencé, on connaissait personne on savait pas quoi faire et y faisait super beau et bin on avait visité déjà tous les monuments de Caxias en fait en une semaine j'ai du visiter les trois-quatre musées qu'y avait, euh deux églises et puis bon on avait fait un tour de la ville question de visiter les monuments, etc., parce qu'on s'ennuyait aussi (rire), donc euh sinon y avait un cinéma à la fac. Ah oui là-bas aussi la fac c'est exceptionnel.

Tibo

Ah bon, vas-y raconte-moi parce que je connais pas du tout du tout.

M

Et bin la fac elle est euh t'as un zoo dans ta fac, t'as des magasins de vêtements, de sous-vêtements, de nourriture, de jus d'orange, de hamburgers, t'as des magasins de tout t'as tout ce que tu veux dans cette fac, de locations DVD, etc., t'as un cinéma aussi et donc le cinéma c'était pas mal parce que je crois tous les mardis t'achetais une place t'en avais une gratuite donc avec la Mexicaine vu qu'on aimait bien le ciné on allait se faire souvent des cinés là-bas. Ouais c'était ça à peu près mes activités. Un peu comme ici au final, c'est vrai que quand j'en parle comme ça je me dis bin oui je vais au ciné avec mes copines, je vais à des représentations de danse moins c'est un truc ouais voilà.

Tibo

Tu t'es retrouvée à bosser dans une école comme prof de français alors?

Et bin justement en fait je cherchais un travail, et j'ai demandé aux Relations Internationales s'ils pouvaient me trouver quelque chose et y m'ont dit bin vu que tu es en Pédagogie, ça s'appelait comme ça là-bas, euh, tu je vais essayer de te trouver un stage et y avait une école de français, euh une école de langue, à côté de chez moi, et donc j'y avais été et j'avais dit « bin voilà je suis française est-ce que ça vous intéresse? », elle a dit « bin très bien, moi j'ai monté cette école y a pas longtemps avec ma soeur et si on dit en plus on a des étudiants, enfin des personnes qui parlent la langue », des natifs c'est ça, « si on a des natifs ça nous fera peut-être un bon coup de pub » aussi vu que moi après je les ai orientées vers tous les autres étudiants étrangers donc ma coloc italienne pour l'italien, ma coloc espagnole pour l'espagnol enfin tu vois une autre Française pour l'anglais je les ai orientées bin y m'ont repris et j'ai géré un classe de cinq à sept adultes, en général ils étaient sept.

Tibo

D'accord. Ça a du t'apprendre plein de choses ça.

M

Oh c'était génialissime, parce que t'es avec des gens qui ont envie d'apprendre c'est des adultes mais d'un autre côté y en avait une qui avait par exemple, elle avait vingt-trois ans je crois, j'étais la plus jeune c'était marrant (rire) j'étais la prof mais la plus jeune, elle devait avoir vingt-trois ans, elle était là parce que oui elle voulait apprendre le français mais elle avait pas envie de travailler vraiment, tu vois le genre de personne que je veux dire (rire), et c'était marrant parce que je devais justement essayer de lui donner envie donc je m'amusais le soir tu m'aurais vu, à une heure du matin en train de dessiner des nuages et des soleils pour préparer la météo pour le lendemain, c'était grave enrichissant et les gens y étaient, j'apprenais le portugais aussi, et j'apprenais plein plein de choses car j'essayais de m'intéresser à ce que eux ils faisaient, comme ça ils pouvaient me parler de leur travail, de leur métier, comme ça j'ai appris plein de trucs que je pensais pas que, qu'y y avait des différences.

Tibo

D'ailleurs, la langue, tu as eu des progrès assez fantastiques non? As-tu eu le sentiment que tu as bien...parce que tu parlais un petit peu avant non?

Comme je parlais espagnol franchement ça aide. Après je pense que quand je suis partie du Brésil, j'ai mon meilleur copain de là-bas qui m'a dit qu'y comprenait quatre-vingt-dix-huit-pour-cent de tout ce que je disais, je me suis dit c'est pas mal quand même (rire). Mais je pense que les trois premiers mois, non, le premier mois, c'est tellement spectaculaire - bin t'as fait un échange aussi, t'as, t'as l'impression que tu t'apprends à parler comme tu manges tu sais, t'es en train de manger et puis tu parles, c'est exactement pareil, ça va trop vite, enfin moi j'ai été choquée, j'étais fière de moi, j'étais fière de me dire tu peux apprendre une langue aussi rapidement, mais bon je la parle plus parfaitement et là je vois qu'elle est en train de partir et ça ça me fait peur, donc je commence à regarder des films en portugais, à parler à mes potes sur Skype et tout ça pour pas le perdre, ça serait bête.

Tibo

D'accord. Est-ce que tu t'es sentie bien intégrée tout de suite au Brésil, parce que apparemment tu avais l'air bien dès le début non? Comment ça se fait à ton avis que tu aies été bien intégrée, à quoi ça tient tout ça finalement?

M

Ouais, comment ça se fait, parce que déjà j'en avais envie je pense. Je pense que si t'as peur tout de suite et que si tu te renfermes dans ta peur tu vas pas aller vers les gens et c'est vrai que tu vas être tout seul et que tu es malheureux du coup. Mais moi j'en avais envie et puis j'ai eu la chance d'être dans cette famille brésilienne pendant deux semaines. Quand je suis arrivée, j'avais pas de logement, donc la première nuit j'ai dormi à l'hôtel comme les trois-quarts des étudiants étrangers hein, et après je devais rejoindre une coloc d'étudiants étrangers. Il s'est avéré qu'ils n'avaient plus de place, et en fait c'est la fille du secrétariat que je connaissais pas du tout qui m'a dit « viens j'ai une chambre d'amis chez moi » et je savais pas du tout mais elle habitait chez ses parents et je suis restée deux semaines et demi, trois semaines. J'étais vraiment dans une famille brésilienne, sa mère préparait des tonnes de trucs à manger, elle était prof de portugais, et en plus elle essayait de m'apprendre le portugais et elle me présentait comme sa fille adoptive, après deux semaines tu vois donc ça aussi ça m'a aidé à me sentir bien parce que je me suis sentie quand même chez moi assez facilement dans cette famille, avec cette mère surtout qui, elle me connaissait pas, c'était la première fois qu'elle accueillait une étudiante étrangère donc pour elle aussi c'était nouveau mais tout de suite elle m'a vraiment vraiment super bien accueillie.

Tibo

D'accord. Six mois c'est quand même long, est-ce que t'as eu des hauts et des bas, est-ce que c'était toujours...

M

Ouais, bin le jour de mon anniversaire, je crois que c'est la seule fois où j'ai pleuré dans toute la... J'ai fêté mes vingt ans là-bas, si tu veux je suis arrivée au Brésil le sept juillet et mon anniversaire c'était le huit août, donc tu vois un mois t'as pas le temps de te faire des amis, les cours ont attaqué début août, t'as pas le temps de te faire de copains, rien, j'avais mes colocs je les connaissais ça devait faire une ou deux semaines et moi je suis quelqu'un qui bouge, enfin pour mon anniversaire c'est sûr que je vais boire minimum un verre dans un bar avec mes copains enfin tu vois, mes vingt ans en plus je voulais marquer le truc, sauf que je connaissais personne et que j'avais personne de motivé pour bouger avec moi donc ouais j'ai eu un bon coup de déprime où je me suis dit « c'est de la merde ce pays, je veux rentrer chez moi, je veux retrouver mes copains, faire mon anniversaire avec mes copains » (rire) mais ouais non non sinon ça va. Non, y a bien eu des petits coups de déprime mais parce qu'on s'embrouillait un peu, enfin moi particulièrement, j'ai eu une aventure on va dire avec mon coloc espagnol, donc le truc à pas faire enfin tu vois, et donc après y avait des embrouilles entre nous et vu qu'on vivait ensemble c'était pas forcément le plus pratique donc c'est vrai qu'y avait des moments où t'en avais marre mais c'était plus du à la situation qu'au pays luimême tu vois. Mais sinon non je me suis jamais sentie vraiment mal, enfin déprimée tu vois, triste.

Tibo

Est-ce que t'as été soutenue là-bas, affectivement, émotionnelement, que ce soit par des gens, par les ressources internationales, la DRI, je sais pas, ou es-ce que t'as eu l'impression d'avoir manqué de soutien peut-être?

M

D'un point de vue administratif?

Tibo

Non non, d'un point de vue émotionnel, affectif.

M

D'un point de vue émotionnel ouais, j'ai été soutenue par ma mère, bien sûr, bin elle était, on

s'envoyait des mails, toutes les deux-trois semaines on se parlait sur Skype, quand je suis partie d'ici j'étais amoureuse d'un gars, d'un Français, et en fait il continuait à m'écrire tous les jours donc ça m'a fait quand même tu vois ça m'a permis de pas, je pensais que ça allait faire une rupture tu vois avec lui, qu'on allait plus se parler et que j'allais en souffrir mais le fait qu'on continue à se parler, en tant qu'amis hein, tous les jours je pense que ça m'a pas mal aidé aussi, et puis après sur place, dès que j'ai rencontré, dès qu'on a fait ce voyage en fait, dès que j'ai rencontré mon coloc français, que j'ai vraiment appris à découvrir, et bin ça a été mon meilleur ami et on est devenu inséparable en fait, on s'est toujours soutenu l'un l'autre et comme on habitait ensemble, voilà.

Tibo

Ok, je vois. Est-ce que les mentalités sont différentes, est-ce que tu t'es aperçue de différences entre la mentalité française que tu connaissais et la façon dont les gens voyaient les choses au Brésil?

M

(Pause). Ouais, oui, oui oui, c'est sûr qu'il y a des mentalités différentes mais j'ai jamais réussi à vraiment mettre des mots dessus.

Tibo

C'est très dur, je suis d'accord avec toi, c'est pas facile du tout.

M

Parce que c'est vrai que quand t'es là-bas tu te dis « ouais c'est différent » mais en même temps c'est pareil que toi mais d'un autre point de vue, non mais je pense que y a plein de trucs à prendre en compte mais je pourrais pas te dire qu'est-ce qui est différent ouais. Je sais que c'est différent, je sais mais je peux pas dire pourquoi.

Tibo

Bien entendu oui. Est-ce que tu as connu des « galères », ce qu'on appelle des « galères », pendant ton séjour?

M

Non quasiment pas non, j'ai grave de la chance. À part où j'ai fait une crise dans un avion tu sais, en
fait j'avais fait une nuit blanche et on partait de Rio pour Salvador et je me suis endormie direct
dans l'avion et je me suis réveillée mais j'avais pas adapté mon corps à la pression tu vois et donc du

coup je me suis réveillée j'avais l'impression que mes yeux allaient sortir de ma tête, je pleurais je pleurais, grosse crise, pas cool, mais ça a été une des seules galères que j'ai eu.

Tibo

D'accord, donc ça n'avait rien à voir avec ton séjour finalement, ça aurait pu arriver en France.

M

Voilà, c'est ça, après mon coloc a eu des problèmes de carte bancaire et tout ça mais moi tout s'est bien passé.

Tibo

D'accord. Quand t'as répondu au questionnaire, quand je t'ai demandé donc quel sens avait ton voyage dans ta vie, tu as répondu le mot « découverte ». Est-ce que tu peux m'expliquer un petit peu?

M

Oui ça a été très dur de choisir un mot, et pourquoi découverte, parce que j'étais partie pour ça à la base, c'était pour découvrir une autre culture, un autre pays, d'autres personnes, découvrir autre chose, de tout nouveau. Et je suis pas sûre au final que c'est ce qui s'est passé, si, bien sûr, j'ai découvert autre chose, mais c'était peut-être pas le plus important du coup mais en tout cas c'est pour ça que j'étais partie. Donc c'est pour ça que j'ai choisi ce mot.

Tibo

Et qu'est-ce qui est important alors pour toi, qu'est-ce qui a fait que c'était spécial?

M

Pour moi maintenant après le voyage c'est que ça m'a donné une envie, bin en fait ouais, j'ai toujours eu envie de voyager, c'est pour ça que j'ai fait ce premier voyage mais là ça m'a donné plus que l'envie, je sais pas trop comment dire, c'est pas comme si je vais dire « maintenant ça y est je suis passionnée par l'idée de voyager » comme ça juste parce que j'ai fait six mois au Brésil, c'est pas ce que je veux dire, c'est simplement que, là je suis en train de me renseigner pour un Master, un Master qui propose deux fois six mois d'échange à l'étranger et qui t'ouvre des portes pour devenir experte en relations, en associations internationales donc tu vois je suis en train moi-même de changer mes idées de projet de vie pour voyager plus et pour découvrir donc peut-être que je pense

que le Brésil j'y ai été pour découvrir, pour le découvrir, mais qu'au final ça m'a fait découvrir moimême aussi, cette partie de moi qui me donne envie de voir autre chose.

Tibo

Parce que du coup tu envisages l'avenir différemment?

M

Ouais, bin je voulais être éducatrice, enfin je veux toujours, être éducatrice PJJ et c'est vraiment un job qui me fascine et qui me passionne et ça fait des années que je veux faire ça et j'ai pas envie de me dévier de cette voie là. Mais j'ai envie de me dire « tiens, si je peux en profiter pour faire un Master et voyager un peu dans l'Europe » puis après si ce Master m'ouvre des voies sur un job qui peut être intéressant, qui me permet de voyager, pourquoi pas et après je reviendrais à l'éduc tu vois, je suis en train de, ouais, mon plan de vie, alors qu'il était assez rectiligne tu vois (rire), il est en train de tout changer, et tant mieux! Je suis contente tu vois, ça me fait de nouveaux projets tout ça, c'est sympa.

Tibo

Excellent, on te sent vachement dynamique, c'est vachement bien.

M

(Rire). Ouais, j'essaie d'avancer.

Tibo

Et du coup, dans le questionnaire par exemple, quand je t'avais demandé ce que tu préfères entre ta vie au Brésil et ta vie à Lyon, t'as mis en tête ta vie à Lyon. Est-ce que tu peux expliquer pourquoi. Enfin, c'est pas, juste pour avoir plus d'informations.

M

Et bin je pense ma vie à Lyon aussi pour le côté confort du terme, parce que vivre à six, en coloc à six, franchement c'était vraiment vraiment, y avait des moments c'était dégoutant dégoutant dégoutant, les Mexicains ils font tout frire donc ça sentait tout le temps la friture et tout ça, donc je pense que ça ouais, vraiment c'était chiant quand même, t'as beau dire ce que tu veux, « je vais dans un pays je m'en fous », c'est vrai que si tu peux avoir les conditions, tant mieux. Pourquoi ma vie à Lyon aussi, parce que socialement je pense que j'étais plus épanouie à Lyon qu'au Brésil quand

même parce que j'ai plus d'amis ici au final, forcément.

Tibo

Ils t'ont manqué là-bas [tes amis]?

M

Mes amis ne m'ont pas manquée mais le fait d'avoir moins d'amis qu'avant, d'avoir juste ce petit groupe que j'avais rencontré, avec qui j'ai réussi à créer des affinités, mais différentes au final et je sais pas, j'ai jamais eu beaucoup de copines moi, et par contre j'en ai toujours eu une quand même tu vois, il me fallait toujours une fille pour raconter mes trucs de fille et j'en avais pas au Brésil et je pense que ça m'a manqué un peu aussi.

Tibo

D'accord. Et est-ce qu'au Brésil, en tant que Française, qu'Européenne, est-ce que tu sentais que tu véhiculais une image, des stéréotypes - négatifs ou positifs hein, peu importe, mais est-ce que il y a avait une image de l'Européenne, de la Française donc?

M

Oui, je pense, parce que vu les questions qu'on me posait, je me doute qu'il y a des stéréotypes bien ancrés mais, mais ils sont tellement ouverts aussi que j'ai trouvé qu'en Amérique Latine en général, pas tous les pays mais là où j'étais, les personnes sont quand même assez ouvertes et quand ils te rencontrent et qu'ils voient que tu es étranger ils sont quand même curieux de venir te parler. C'est un truc qu'on a pas ici je trouve, enfin pas assez en tout cas. Et euh, c'était quoi ta question?

Tibo

Est-ce que tu sentais que tu véhiculais une image malgré toi finalement?

M

Ouais, quand on venait vers moi, qu'on entendait que j'étais française et qu'on me disait « voulez vous coucher avec moi ce soir? » ou alors quand on me disait « excuse-moi mais tu t'épiles? » ou « tu te laves combien de fois par semaine? » tu vois qu'il y a des clichés qui sont vraiment vraiment ancrés et que j'étais, ouais je pense que si, j'étais plus ou moins une image parce que « ah regarde-la avec ses traits, ça se voit bien que c'est une Française » je suis sûre que je leur aurais dit que j'étais italienne ils m'auraient pris pour une Italienne sur le coup mais bon.

Tibo

Mais ça n'empêchait pas, enfin disons ça ne modifiait pas tes relations avec les gens du coup?

M

Non du tout, c'était une curiosité, ils étaient oui, comme moi j'étais curieuse au final en allant dans ce pays là, et là eux ils avaient la même curiosité en retour.

Tibo

Et est-ce que du coup d'avoir séjourné là-bas ça a modifié ta vision de la France, la culture française, ou de tes habitudes, est-ce que tu t'es posée des questions par rapport à ce que tu connaissais déjà?

M

Ça m'a modifié oui et non parce que je le savais mais je m'en rendais pas compte, je savais que les Français en général ont peut-être justement un peu plus de mal à avoir cette curiosité envers une autre personne ou peut-être qu'ils l'ont mais en tout cas ils ne l'expriment pas pas aussi facilement que les Brésiliens par exemple, et donc je savais qu'on avait ça, enfin ce problème entre guillemets hein, c'est un fait culturel, mais je ne m'en rendais pas compte à ce point. Quand tu croisais des gens dans la rue, ça faisait trois semaines que tu les avais pas vu, tu te rappelais plus d'eux et eux ils arrivent « ah salut tu vas bien? » c'est vrai que tu te dis qu'en France on est un peu fermé quoi.

Tibo

Et quand je t'avais demandé si tu conseillerais à un autre étudiant d'aller étudier dans ta fac au Brésil, t'as dit que tu ne le conseillerais pas. Est-ce que tu peux revenir un petit peu dessus?

M

Justement, parce que cette fac certes était une fac grandissime avec comme je te disais un zoo, plein de magasins, t'as plus l'impression d'être dans une fac, euh, mais c'était surtout la ville en elle-même en fait, la ville n'était pas très active, c'était une petite ville, de quatre-cent-mille habitants, et peutêtre le fait que quand j'y étais c'était aussi l'hiver donc il pleuvait aussi beaucoup, euh, c'est la ville, elle est pas agréable pour un échange, mais même pour une vie étudiante en elle-même tu vois je pense qu'il vaut mieux aller faire un échange à Rio ou à Salvador parce que déjà si tu penses au Brésil c'est sûr tu veux du soleil, c'est vrai, donc t'en auras plus là-bas qu'à Caxias et t'auras plus de choses à faire, t'auras la plage aussi que j'avais pas ouais, y avait quoi, trois-quatre bars sympas, une

boîte d'électro, pour te dire à peu près tout ce qu'il y avait hein, un bar rock, après les autres bars c'était voilà samba, etc., et voilà, ça s'arrêtait presque là tu vois juste de vie étudiante, après comme je t'ai dit t'avais trois ou quatre musées, t'avais l'église sur la place, t'avais la cathédrale et une église et ouais c'est une petite ville.

Tibo

Donc c'était moins vivant que prévu du coup peut-être?

M

Ouais c'est ça j'ai l'impression que y avait pas assez de monde en fait, j'aurais eu besoin de plus de monde et plus d'activité tu vois, y avait un marché le samedi matin, mais voilà, alors que moi j'aurais aimé faire tous les marchés tous les jours mais bon.

Tibo

D'accord. Et on dirait que t'as pas vécu un choc quand t'es arrivée là-bas. On se dit que c'est totalement différent mais quand t'en parles c'est vrai que t'as pas été dépaysée, enfin pas déracinée, enfin je sais pas...

M

Ouais voilà c'est ça, mais moi aussi ça me fait bizarre. J'ai cette sensation là aussi, c'est que ouais, j'avais l'impression que j'avais la même vie en fait, que j'avais exactement pareil, que y avait pas vraiment de changement, donc certes c'était un contexte et devant les yeux c'était différent mais au final moi j'ai quand même quasiment vécu pareil.

Tibo

Et tu l'expliques ça?

M

Alors je me suis remise en question, je me suis dit que c'est peut-être moi aussi qui du coup j'ai voulu adopter mon mode de vie français euh au Brésil et du coup pas m'intégrer réellement à la culture je me suis dit ça, mais en fait je crois pas.

Tibo

Oui, non, pas du tout, je pense que tu as raison de ne pas croire que c'est ça.

Je ne crois pas que c'est ça parce que j'ai quand même fait des efforts pour m'intégrer, j'avais des amis brésiliens et que j'aurais vu si j'étais complètement en décalage et non non je crois pas donc je sais pas pourquoi.

Tibo

C'est pas un élément obligatoire du séjour à l'étranger du tout de toute façon.

M

Oui oui bien sûr c'est ça, mais je pense être quelqu'un de sociable aussi donc c'est peut-être pour ça que j'ai réussi à m'adapter assez vite, je sais pas.

Tibo

Du coup t'aurais aimé ressentir cette différence?

M

Ouais, ouais j'aurais aimé. J'aurais aimé arriver au Brésil, rester une semaine et dire « mais je suis où, waow », ouais j'aurais aimé que ça me retourne, ouais ça aurait peut-être pas été cool mais j'aurais aimé, au moins je me serais dit que je suis partie pour quelque chose, non pas que je pense que je suis partie pour rien.

Tibo

Et si on prenait les autres régions, comme l'Argentine, et les autres régions du Brésil où t'as voyagé, est-ce que t'as justement ressenti plus cette différence?

M

Ouais, c'est pour ça que j'ai dit aussi que je conseille pas d'aller étudier dans ma fac c'est que déjà juste à Rio j'ai eu plus un choc visuel déjà de la ville, et culturel aussi, enfin en voyant les gens, en parlant aux gens, c'était quand même complètement différent de Caxias do Sul, et Salvador encore plus, et c'est pour ça que j'aurais préféré étudier dans une de ces villes là qui me semblaient, moi, différentes, parce que Caxias c'est quand même vachement européen.

Tibo

Donc c'est un pays très différent selon les endroits...

Ouais de partout, t'as plusieurs pays en un pays en fait.

Tibo

Je vois. Est-ce que par exemple il y a des éléments de cette culture brésilienne que toi t'aimerais incorporer dans ta façon de faire, dans ta façon de vivre?

M

Ah bin j'aimerais dire bonjour comme eux!

Tibo C'est-à-dire?

M

Bin tu sais ils se font une bise et ils se prennent, ils se font l'embrassade carrément et bin j'aimerais qu'on se dise, que tous les Français se disent bonjour comme eux, mais bon c'est pas possible (rire). Non, j'aimerais gagner cette, cette curiosité qu'ils ont envers les gens, mais moi j'ai toujours peur, je pense que c'est le problème de tout Français, qu'elle soit malsaine du coup, qu'elle soit considérée comme malsaine, et en fait non eux pas du tout elle est naturelle, c'est vraiment de la curiosité enfin je sais pas, tu sais quand ils te posent une question ils ont envie d'avoir la réponse car ils s'intéressent à la personne qui est en face d'eux, pas parce qu'ils s'intéressent à elle pour qu'ils puissent en obtenir quelque chose tu vois. Et j'aimerais bien être plus comme ça. Et je suis pas sûre que j'y arrive mais j'essaie en tout cas.

Tibo

D'accord. Est-ce que tu dirais que tu étais la même en France qu'au Brésil? Est-ce qu'au niveau de ta personnalité tu t'es trouvée autre, différente? Ta façon d'aborder les choses quand tu es arrivée làbas voilà, est-ce qu'il y a des choses que t'as fait que t'aurais pas fait peut-être ici, etc.?

M

Ouais je pense, parce que là-bas j'étais carrément plus ouverte que ici bin là du coup oui, je voulais tout connaître, j'étais super curieuse, moi je posais des milliers de questions.

Ça se ressent bien quand tu parles, que t'étais proactive.

M

(Rire). Ouais ouais moi je posais des questions, j'essayais toujours de m'intégrer, toujours de discuter, ouais, non, je pense que j'étais assez curieuse là-bas, j'aimerais redevenir comme ça mais en France.

Tibo

D'accord. Et si tu devais refaire cette expérience, qu'est-ce que tu changerais, si tu voulais refaire quelque chose?

M

Bin la longueur, la ville, euh, (pause). Sinon je sais pas (pause).

Tibo

C'est une bonne réponse, t'inquiète pas.

M

Oui oui, qu'est-ce que j'aurais changé, non j'ai (pause). Je veux pas le changer, c'était une belle expérience (rire).

Tibo

Donc t'es contente de la tournure que ça a pris, t'as le sentiment d'avoir profité comme tu voulais, hormis la longueur peut-être?

M

Je pense que j'aurais peut-être plus pu profiter, je sais pas exactement comment, mais je pense que oui ça aurait pu être encore plus, mieux, ou des souvenirs encore plus incroyables, mais ça s'est pas fait et puis c'est pas grave, enfin c'est la vie aussi, y a des aléas que tu peux pas contrôler et que...

Tibo

C'est tout à fait vrai. Qu'est-ce qui t'as le plus plu dans ton séjour, c'est le fait de voyager, de...?

Ça a été ouais le voyage, les rencontres, en fait en gros les gens et les paysages parce que quand t'es à Foz do Iguaçu t'as les chutes, tu te sens quand même minuscule, tu te sens vraiment ridicule, ça te permet de penser aussi, donc c'est vrai que t'as des paysages ouais qui sont tellement différents de ceux dont t'es habitué que ça fait du bien à voir mais euh, et les gens, ouais bin les gens du nord plus parce que les gens de Caxias ils sont quand même les gens les plus fermés du Brésil donc même s'ils sont plus ouverts que les Français ils restent spéciaux.

Tibo

D'accord. Est-ce que le rythme de vie est différent?

M

Bin non justement moi j'espérais ça aussi tu vois et non ils mangent à midi, vingt heures, c'est un peu le même rythme que nous finalement et c'est vrai que j'avais une espérance là-dessus.

Tibo

Parce que c'est plus occidentalisé que ce que tu pensais c'est ça?

M

Ouais, j'aurais aimé manger à quatorze heures, même comme en Espagne tu vois et puis avoir un autre rythme de vie mais bon, j'ai gardé mon rythme c'est pas grave (rire).

Tibo

Est-ce que tu as le sentiment d'avoir bien changé quand même grâce à cette expérience quand tu regardes comme tu étais avant de partir et toi aujourd'hui, est-ce que tu te dis « tiens j'ai changé sur tel point » et vraiment tu le vois ou c'est pas encore assez clair peut-être?

M

Non c'est pas encore assez clair. Je pense qu'en plus là vu que je suis rentrée j'ai eu plus de responsabilités aussi qu'avant le Brésil donc je me demande à quoi est dû mon changement professionnel, enfin mon orientation future, c'est dû certes au Brésil mais c'est dû aussi à d'autres choses qui me sont arrivées tu vois. Donc je sais pas si je change vraiment vraiment, si j'ai vraiment changé.

C'est pour ça que c'est peut-être un peu tôt pour le dire, c'est très dur de mettre des mots sur les choses qu'on ressent, je suis entièrement d'accord. Et, t'as gardé des contacts avec les gens là-bas?

M Oui.

Tibo

Tu penses que ça va durer? C'est important pour toi je veux dire, ça a un sens?

M

Oui, ça a un sens. J'ai mon, dans cette bande, j'ai mon ami, J. il s'appelait, qui le dernier jour où je suis partie m'a offert un collier avec le symbole de l'infini en me disant notre amitié est infinie, garde-le avec toi, moi je l'ai avec moi, et y s'était acheté le même. C'est vrai qu'on se parle, on s'envoie quelques mails de temps en temps - j'ai pas encore internet chez moi donc c'est un peu galère, mais je sais que je, je suis lucide, je me doute que ce sera pas mon ami de toute la vie mais j'espère avoir de l'argent d'ici trois ou quatre ans pour voyager et je me dis que j'irais au Brésil et j'irais le voir.

Tibo

Tu vas y retourner?

M

Oui oui je vais y retourner je pense, je vais essayer de me faire toute l'Amérique Latine mais bon il faut que je gagne des sous (rire). Et j'ai des amis brésiliens qui viennent justement pour la danse, qui viennent en Allemagne cet été donc je vais aller en Allemagne et je vais leur proposer de venir à Lyon, etc., donc j'essaie de garder des contacts et de me dire que ça fait aussi des contacts pour y retourner.

Tibo

Et quand t'es rentrée, est-ce que ça a été dur de rentrer, est-ce qu'il y a eu un choc au retour peutêtre, pour te réadapter disons?

M Non.

Tibo

Non, ça s'est fait naturellement?

M

Oui, en fait je devais courir parce que j'avais une semaine pour trouver un appartement et m'inscrire à la fac donc trouver un appart sur Lyon tu dois connaître la galère aussi, donc en fait mon installation, et après et du coup j'ai trouvé mon appart, je me suis inscrit, les cours commençaient, je devais trouver un job, donc j'avais tellement de trucs à faire, j'étais tellement stressée par tout entre les aller-retours Clermont - Lyon vu que mes parents habitent à Clermont et que je devais voir ma famille aussi, etc., que j'ai pas eu trop le temps de me réhabituer. Et c'est après quand la routine a commencé que là je me suis sentie un peu « ouais bin tiens là ça y est t'es revenue, c'est fini, tchao » et, mais comme il y avait tous mes amis à côté de moi que ça s'est bien passé car même mes amis brésiliens ils étaient virtuellement plus ou moins à côté de moi quand même. Donc non je pense que ça s'est bien passé.

Tibo

Est-ce qu'il y a des choses au Brésil qui t'ont surprise ou énervée au premier abord, qui t'ont marquée disons et dont tu pourrais te souvenir là comme ça?

M

Les choses qui m'ont marquée c'est cette image de clochards qui dorment les uns à côté des autres le long d'une rue, ça c'est une image qui est restée gravée. Les chutes c'est resté gravé aussi, c'est des photos ouais, pour moi c'est des images comme ça, la police quand je vois les trente jeunes qui sont contre le mur avec la police derrière eux ça ça m'avait marqué aussi parce que plus violent quand même.

Tibo

Oui, souvent on voit le Brésil avec la violence et les écarts sociaux, l'insécurité, tu l'as ressenti aussi ça par exemple pendant ton séjour?

En fait ce qui est étrange, mais vraiment très étrange, c'est qu'à Caxias c'était une ville riche justement comme je t'ai dit, assez européenne, où t'avais pas du tout à avoir peur quoi enfin moi vraiment je m'y sentais plus en sécurité qu'à Lyon quoi et pourtant eux ils étaient tous paranoïaques. Enfin « paranoïaques » c'est exagéré mais ils voyaient quelqu'un dans la rue, il était vingt-trois heures, et bin hop ils fermaient toutes les portes de la voiture pour être sûrs que personne vienne faire du car jacking. Ils grillent tout le temps les feux la nuit, etc. Donc c'est vrai que tu te dis « il doit y avoir du danger pour qu'eux ils aient peur comme ça » mais comme moi je l'ai pas vu je l'ai pas ressenti vraiment. Pourtant j'ai des amis qui habitaient dans une favela qui m'a dit qu'il revenait du super marché et qu'il avait retrouvé un mec mort dans sa rue, donc oui il y a des trucs mais comme je l'ai pas vraiment vu, que j'ai juste entendu des histoires qui me semblent plus enjolivées que bin ouais j'ai pas eu cette peur du danger quoi. Et comme je me suis même pas fait agressée rien, genre mon coloc français qui s'est fait voler son portefeuille c'est une agression même si elle est minime c'est une agression bin moi non rien du tout donc c'est vrai que j'ai pas peur (rire).

Tibo

Est-ce qu'il y a des facettes de la vie qui t'échappent un petit peu, qu'aujourd'hui tu ne comprends pas encore?

M

Comment ça?

Tibo

Bin dans les façons de faire par exemple où aujourd'hui tu te dis quand t'y repenses « tiens pourquoi il fait ça comme ça? ».

M

Non je pense pas parce que chaque fois que j'avais une question je la posais, je me gênais pas donc c'est vrai que si je leur demandais « pourquoi tu grilles le feu? » par exemple ils me donnaient une réponse tu vois donc je ne pense pas qu'il y ait des choses qui aujourd'hui me surprennent encore.

Tibo

Cool super. Donc du coup ton verdict tu penses que c'est un séjour très réussi, t'es contente de ce que t'as fait?

De ce que j'ai fait au Brésil?

Tibo

Voilà, de ton séjour comment tu vois les choses? T'es contente? Aujourd'hui tu te dis que c'était...

M

C'était une excellente expérience mais je peux en vivre des mieux, pour moi je reste sur un sentiment d'inachevé, il m'en faudrait encore.

Tibo

Donc c'est que le début de quelque chose d'autre?

M

Ouais voilà c'est ça pour moi c'est un début maintenant quoi, c'est autre chose qui commence mais qui va être plus grand (rire).

Tibo

Ok. Bon et bin écoute très bien hein.

M

Bon bin j'espère que je t'ai aidé.

Tibo

Bien sûr, c'était très très utile. Merci beaucoup de ta participation ///

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand