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Le migrant africain du grand- Lyon. L'" agir " social et économique à  construire. Enjeux, discours d'acteurs, pratiques, stratégies et cadres d'intégration, de mobilisation et valorisation des compétences des migrants sub- sahariens de l'agglomération lyonnaise

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par Issopha NSANGOU
Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne  - Master 2 Pro en ingénierie du développement social  2012
  

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Section 2 : Causes de la non-implication des associations des migrants dans le champ formel de l'insertion/intégration dans le Grand Lyon

«Cela fait à peu près un an que nous formons les femmes de la diaspora. Avant on ne s'en occupait pas. Parce que d'abord on attendait d'avoir des aides qui ne sont pas venues du tout. Mais il se trouve qu'il y a beaucoup d'associations qui sont payées par l'État qui font ça. Disons que ce n'est pas notre coeur de business. Le nôtre, c'est le Sénégal. Ici, c'est du secondaire ». ALPADEF.

Ces propos résument à eux seuls l'essentiel des raisonnements exprimés par les responsables associatifs d'origine immigrée dans la région lyonnaise.

o « Ce n'est pas l'objet de l'association&»

130 La communauté burkinabé de Lyon bénéficie d'un crédit et d'un traitement différent. Appréciée pour son dynamisme socio-économique et l'efficacité de son organisation. Le parallèle peut être fait de même avec l'association SOPE des Sénégalais. Pour autant, selon certains acteurs associatifs eux-mêmes, le phénomène de la non-ouverture et donc la non-interaction entre les associations subsahariennes concerne autant les Sénégalais que les autres. Les Burkinabés se défendant de ce cloisonnement en faisant valoir que l'association est ouverte tant aux burkinabé d'origine que les amis du Burkina Faso. Est-ce là que réside la recette du succès de l'Association des Burkinabé de Lyon qui jouit du même crédit auprès des migrants d'autres communautés ?

131 Notons que l'un des leaders de cette association, au moment de notre enquête est actuellement élu communal adjoint au Maire de Villeurbanne, en charge de l'Éducation.

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C'est le principal argument avancé par les associations tournées vers le développement solidaire avec les pays d'origine, mais qui pourtant se positionnent statutairement sur l'accueil et l'entraide.

o Les migrants envisagent toujours un retour dans le pays d'origine pour y passer leur retraite et vivre leurs derniers jours

Le Président d'un important collectif d'associations nous expliquait ainsi que :

« Les immigrés n'ont pas définitivement déposé leurs valises et entretiennent toujours l'espoir d'un retour dans le pays d'origine pour y vivre paisiblement leur retraite ».

Cela justifie-t-il le peu d'engagement des personnes retraitées d'origine subsaharienne dans les associations rencontrées durant notre enquête?

C'est aussi l'avis de cet autre responsable associatif (globalement partagé par les répondants) pour qui la projection du retour au pays natal explique le non-investissement des immigrés dans les champs officiels de l'insertion et de l'intégration dans leurs bassins de vie :

« Le problème ici c'est que les gens qui sont venus c'est pour être des Africains de passage. Et dans la tête de ceux qui sont là, ils se disent toujours tournés vers l'Afrique pour passer là-bas leur retraite. Les gens ne se voient pas mourir ici. Ils se projettent dans un retour de là où ils viennent. Et par rapport à ça, ils préfèrent économiser leurs sous pour aller mourir là-bas. Dans ce cas-là, même si tu dis à quelqu'un qu'il faut créer une structure de soutien ou d'accompagnement à l'intégration des migrants, il préfère faire ses économies dans l'optique du retour au pays ».

o Méconnaissance des problématiques sociales globales relatives aux migrants dans le département et la région ainsi que les catégories spécifiques des migrants concernés.

Cela nous a amené à plusieurs reprises, au cours de notre enquête, à fournir (à la demande de certains enquêtés) quelques renseignements statistiques collectés auprès des institutionnels et d'autres acteurs associatifs, autour des problématiques sociales, spécifiques aux migrants, de l'accès à l'emploi, au logement, à la culture, aux dispositifs de droit commun&Avec évidemment toute la précaution de rigueur tant les chiffres communiqués peuvent varier d'une structure à l'autre et selon les champs concernés.

o Méconnaissance des politiques publiques d'intégration nationale et d'insertion et de même que l'ensemble des outils existants permettant de réduire et rattraper les écarts entre les immigrés dans une certaine proportion et ce qu'est une intégration accomplie (cadre de vie décent, scolarité normale, parentalité normale, emploi stable, participation à la vie sociale et citoyenne).

Les 3/4 des responsables associatifs interviewés132 nous ont confié n'avoir pas connaissance des axes d'actions, des publics prioritaires et aboutissants de la politique d'intégration locale énoncée dans le PRIPI et le PDI, et encore moins les quartiers prioritaires de la politique de la ville et leurs réalités sociodémographiques ; arguant qu' il y a dans la communauté associative africaine un problème réel de circulation et de partage de l'information, du fait du cloisonnement des associations communautaires des migrants et de l'absence d'une structure représentative forte et rassembleuse en serait une des causes.

Parmi les outils les plus souvent promus permettant l'insertion des publics en difficulté, la formation continue d'adultes et jeunes adultes dans toutes ses variantes occupe une place centrale. Pourtant peu de migrants y

132 À la rare exception de ceux pratiquant l'insertion de manière formelle et de quelques autres intervenants sur l'éducation à l'interculturalité, à la transculturalité et au développement tels les associations Passerelle NGAM, ALPADEF, A2P, MIFERVAL, etc.

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recourent, y compris lorsqu'il s'agit de se former aux techniques de gestion administrative ou de management d'une organisation associative. La faute au manque de moyens133 et de temps.

En témoignent les propos de cet acteur associatif:

«C'est vrai, quand on voit la vie que nous menons ici, le travail, la famille...les moyens, il faut aller les chercher. Il y a un déficit de notre côté pour identifier tous les dispositifs qui nous permettraient de capter les moyens. Par exemple les fonds pour le développement de la vie associative et autres pour proposer ces formations-là de façon interne, et que ça soit institutionnalisé. En nous mettant ensemble, nous pouvons aussi peser pour négocier auprès des municipalités (Conseil général, région) pour avoir des crédits afin d'organiser ces formations, parce que ce sont des formations qui nous permettent d'être citoyens à part entière dans toute la complexité de notre parcours(...) C'est l'un des grands chantiers de mon point de vue. Il y a déjà quelques pas au niveau du Grand Lyon, notamment avec Africa 50, parce que ça fait 2 ans que nous essayons de négocier un budget global...».

Ainsi, malgré les facteurs socio-économiques et politiques qui poussent à prolonger son séjour dans le pays d'accueil ou à s'y installer définitivement tels que : les problèmes liés au monde du travail, la gestion des relations avec les responsables des foyers de travailleurs migrants, l'accroissement du taux de chômage des migrants et la dégradation de leur qualité de vie, pour ceux habitant les espaces dits de précarité134 où ils constituent la moitié de l'effectif des habitants, les difficultés liées aux cartes de séjour, la forte limitation des entrées de nouveaux migrants sur le territoire...Malgré tous ces facteurs, les migrants apparaissent ici en peine de se saisir de manière collective des outils existants dans le cadre des orientations des politiques d'intégration ( soutien à la parentalité et à la scolarité des enfants d'immigrés, soutien à la recherche d'emploi pour les femmes et les primo-arrivants , l'aide aux personnes âgées dans les foyers de travailleurs migrants...) et d'insertion pour faire valoir leurs droits sociaux135 et économiques. Alors même que le contexte devrait au contraire:

«...Ouvrir une nouvelle étape qui impose des rapprochements avec la société d'accueil, rapprochements rendus nécessaires car l'on ne peut plus se suffire à la seule structuration communautaire pour faire face aux conflits impliquant de nouveaux acteurs: sociétés gestionnaires de foyers, justice, avocats, comité de gestion et de soutien aux associations diverses »136 et aux difficultés sociales manifestes.

À propos par exemple des immigrés âgés sans qualification, au chômage dans les années 90, rentrés dans leurs pays d'origine ou installés définitivement en France, Christophe DAUM note que :

«Très rares sont ceux de cette génération qui ont réussi à acquérir une qualification professionnelle reconnue dans le monde industriel. La société française ne propose pas à ces catégories de travailleurs d'accéder aux filières de formation professionnelle, elle les exclut ainsi des possibilités de promotion sociale. En retour, il ne semble pas que ce fait ait constitué, à l'époque, une revendication des communautés. On ne constate en effet que rarement des stratégies personnelles affirmées. Plusieurs immigrés qui prenaient sur leur temps de loisir pour se former (alphabétisation en cours du soir, formations diverses...) témoignent en ce sens :''les autres me disaient que j'étais fou de perdre mon temps ainsi'' ».

Parmi toutes les raisons évoquées par nos enquêtés expliquant ce peu d'ancrage des associations subsahariennes dans les politiques d'intégration et d'insertion, il y a aussi :

133 Le droit d'entrée à une formation dans les centres de la vie associative, comme à Villeurbanne, est souvent payant. Les fonds des associations de migrants étant souvent modestes, le recours dans ces conditions à une formation visant le développement des compétences individuelles ou collectives devient par conséquent problématique.

134 Dont certains quartiers prioritaires de la Ville de Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron, Vénissieux, Saint-Priest, Caluire-et-cuire ou encore les arrondissements du Sud-est de la ville de Lyon. Voir le rapport 2010 de l' Insee sur les zones de précarités du Grand Lyon, déjà cité.

135 Institut Panos Paris, « Quand les immigrés du sahel construisent leur pays », synthèse de l'étude « Migrations et développement» réalisée par Christophe DAUM, L' Harmattan, 1993. : A propos des immigrés étant retournés dans leurs pays pour y faire valoir leurs expériences acquises durant la parcours migratoire, l'auteur de l'étude note : « le très faible nombre qui ont fait valoir les droits acquis pour la retraite, bien qu'ayant naturellement cotisé pendant leur temps salarié en France. On ne dénombre que de très rares retraités qui touchent effectivement une pension dans leur village ».

136 Institut Panos Paris, op.cit.

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o Une réticence de la part des administrations publiques locales et régionales à travailler avec les structures associatives morcelées et n'ayant pas une assise géographique importante au niveau régional ou national. Pour illustrer ce fait, voici ce que nous a rapporté un acteur associatif, membre d'un réseau d'OSIM :

« La DAIC137 lance tous les ans un appel à projets pour l'intégration des migrants en France. Mais ils ne s'intéressent qu'à des associations nationales, c'est-à-dire comme la Croix-Rouge. Or, le déficit de nos associations des migrants, c'est qu'elles ne sont pas nationales. Notre collectif a répondu il y a 3 ans à un appel à projets de la DAIC et c'est ce qui nous a été répondu. Nous voulions prendre en charge la formation des primo-arrivants. Nous pensions que ce sont les migrants qui peuvent mieux comprendre les migrants mais la réponse qui nous a été opposée c'était : « Vous êtes à Lyon , mais pas à Bordeaux, ni à Strasbourg. Et on a besoin d'une association qui recouvre l'étendue du territoire pour faire le même travail partout où il y a des primo-arrivants ».

Aussi nous sommes-nous demandé si le Forum des Organisations de solidarité issues des Migrations (FORIM) qui revendique 700 associations et collectifs d'associations de migrants de France sur son portail internet (dont certains collectifs associatifs subsahariens du Rhône) n'était pas en capacité de porter des projets d'accompagnement à l'intégration des migrants à l'échelle nationale. Mais pour notre interlocuteur, la réponse était sans ambiguïté:

« C'est là même la faiblesse de ce genre de choses(...) Si vous voulez que le FORIM existe , il faut qu'il ait les pieds enracinés dans les régions(...)Or, même si au FORIM ils ont redéfini leur stratégie en 2010, en acceptant de travailler avec nous parce qu'ils ont vu là-bas à Paris que notre collectif ça marchait et qu'on ne leur faisait pas de l'ombre, eh bien vous voyez qu'ils peinent toujours à créer les COSIM [ Collectif des organisations de solidarité issues des migrations] dans d'autres régions. Et aujourd'hui, c'est à peine s'ils ne demandent pas au COSIM Rhône-Alpes d'aller créer d'autres COSIM ailleurs(...) Tout ça c'est pour dire que nous les migrants nous sommes quand même porteurs de bonnes idées. Si aujourd'hui le FORIM marche, il le doit en partie à notre collectif(...) Pour autant, la faiblesse est là-dedans. Si on avait été des gens capables de comprendre que nous avons là un outil formidable et puissant, nous irions frapper à la porte de l'Union Européenne pour présenter un projet fort et lever des subventions(...) On a les personnes [les compétences nécessaires] mais on n'arrive pas à avoir le pouvoir. On ne peut pas que se contenter de la petite subvention que donne le Ministère de l'Intérieur...c'est vraiment lamentable !!! »

Or, dans le statut de ce collectif « national », au-delà de la coordination des actions de solidarité et de développement des pays d'origine, l'accompagnement à l'intégration est un des domaines dits prioritaires et ce d'autant qu'aux yeux de certains responsables associatifs qui se sont exprimés dans le cadre de cette enquête, les axes d'intervention développés par le PDI du Rhône sont « prenables » par les associations des migrants subsahariens. Toutefois, pour un de nos répondants:

« (...) on ne le pourra que si nous sommes organisés. Nous ne sommes pas organisés. Moi, j'ai l'art d'aller chercher la bonne information. Quand la Mairie de Lyon et les autres nous disent 'Si vous voulez parler, organisez-vous'', eh bien on comprend que c'est l'organisation notre point faible »

137 LA DAIC c'est La direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté , chargée de « l'ensemble des questions concernant l'accueil et l'intégration des populations immigrées s'installant de manière régulière et permanente en France. Dans ce cadre elle assure l'élaboration, l'impulsion, la mise en oeuvre ainsi que le suivi de mesures liées à l'intégration de ces personnes. Ainsi, elle veille à la prévention des discriminations liées à l'origine et à l'égalité des chances, et ce par des actions telles que l'apprentissage de la langue française comme facteur premier de l'intégration, l'accès à l'activité professionnelle et la lutte contre les discriminations, l'égal accès des populations d'origine immigrée aux services publics et aux droits sociaux ou le suivi de l'ensemble des conditions de logement des populations immigrées et notamment celles concernant les foyers de travailleurs migrants ». Portail internet du Ministère français de l'intérieur.

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o Selon certaines administrations locales, le secteur de l'insertion apparait déjà trop saturé par un nombre important de structures d'insertion138. Par conséquent, certaines organisations associatives se sont recentrées uniquement sur le développement solidaire avec les pays d'Afrique. Un acteur associatif d'origine immigrée à Lyon en témoigne:

« Moi, je me suis tourné vers l'Afrique. Une copine à moi, une immigrée africaine elle aussi, voulait créer une structure d'insertion comme ça. Et nous avons été voir la DDASS139 à Lyon et elle nous a répondu qu'elle était déjà submergée par des structures comme ça. Parce que nous on travaillait sur les nouvelles formes d'esclavage en ce qui concerne les femmes et en particulier des femmes africaines. Donc nous avions cette idée là et c'est la DDASS qui nous répondu que même si nous procédions à la création de quelque chose maintenant, ce serait saturé et que nous n'aurions pas les moyens pour durer parce qu'il y en a trop. À force de créer encore et encore, à la fin, les gens ne veulent plus donner de l'argent pour tout ça . Tant qu'il n y a pas d'offre ou de demande, tu ne peux pas faire vivre une structure».

Or, il nous est apparu qu'il existait une demande forte en ce qui concerne notamment la prise en charge des migrants âgés dans les foyers de travailleurs migrants, mais est-elle connue des associations africaines du Grand Lyon dont une part importante du public âgé est originaire du continent? En supposant que les retraités veuillent tous retourner dans le pays d'origine pour y passer leur retraite et y vivre leurs derniers jours, il se pose parfois la question de la transférabilité de leurs droits sociaux ( retraite y compris). L'Assemblée des sénégalais de l'Extérieur s'est par exemple penché sur la question en avril dernier en région parisienne et des propositions ont été soumises au gouvernement sénégalais nouvellement élu. Les retraités ou les migrants âgés qui font le choix du retour au pays de départ peuvent être confrontés à ce type de difficultés. Est-ce une préoccupation pour les associations de migrants dans le Grand Lyon?

« Mais chacun endure sa galère pour le moment. Tant que quelque chose ne t'habite pas dans la tête, ça ne pourra pas venir dans les gestes. Dans la tête des gens, je suis né là-bas et j'irai mourir là-bas& », déplorait un des acteurs associatifs rencontrés.

Serait-il par conséquent exagéré de conclure que l'intégration des migrants subsahariens du Grand Lyon se fait sans les migrants eux-mêmes?

Pour certains de nos répondants, cela ne fait pas de doute. Une des raisons évoquées étant qu'au sein des associations elles-mêmes: « Il y a une lutte acharnée entre les migrants pour la captation des ressources publiques et le pouvoir» et qui les éloigne des sujets essentiels. Ajoutés à cela un important problème structurel, opérationnel et une difficulté à identifier et mobiliser les compétences, d'où qu'elles procèdent: migrants, non-migrants, étrangers ou nationaux, au niveau local ou transnational. Aspects sur lesquels nous reviendrons dans le chapitre consacré aux réseaux diasporiques.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams